Insee Analyses · Avril 2023 · n° 83

Le nouveau zonage en bassins de vie 2022 : 1 700 bassins de vie façonnent le territoire national

En 2022, 1 707 bassins de vie structurent le territoire français, dont 26 dans les départements d’Outre‑mer (méthodes). Chaque bassin de vie est construit autour d’une ou plusieurs communes qualifiées de pôles de services et délimite le plus petit territoire au sein duquel les habitants peuvent accéder aux équipements et services les plus courants. En effet, chaque pôle de services doit disposer d’au moins la moitié des équipements de la gamme intermédiaire présents dans la base permanente des équipements (sources). Cette gamme comprend notamment les collèges, les supermarchés et la plupart des commerces spécialisés, les stations-service et les agences bancaires, les piscines, les laboratoires d’analyses médicales ou encore les services publics de police/gendarmerie et de finances publiques. Moins fréquents sur le territoire que ceux de proximité, ces équipements sont susceptibles de témoigner, dans leurs communes d’implantation, de la présence de services effectivement structurants. En moyenne, un bassin de vie agrège une vingtaine de communes (figure 1), mais ce nombre est très variable. Il va d’une seule commune, notamment dans le cas de pôles proches d’autres pôles très denses et attractifs, comme Palavas-les-Flots (près de Montpellier) ou Arès (près de Bordeaux), à plus de 100 communes pour les treize plus grands bassins de vie (comme Paris, Toulouse ou Reims).

Selon la grille de densité, les bassins de vie se répartissent en trois types : 65 bassins de vie urbains denses, 386 bassins de vie urbains de densité intermédiaire et 1 256 bassins de vie ruraux. Les bassins de vie urbains denses concentrent à eux seuls 44 % de la population française et regroupent en moyenne un grand nombre de communes (48) et d’habitants (461 000). Cette catégorie hétérogène rassemble des bassins composés essentiellement de communes pôles de services (comme Paris ou Marseille), mais aussi d’autres bassins au sein desquels de nombreuses communes peu peuplées et peu équipées sont agrégées autour de quelques pôles de services très denses (comme Reims) (figure 2). Les bassins de vie urbains de densité intermédiaire ont, en comparaison, dix fois moins d’habitants (44 000 en moyenne). Sensiblement moins peuplés encore (16 300 habitants en moyenne) mais en nombre important, les bassins de vie ruraux concentrent 31 % de la population (méthodes).

Les 1 256 bassins de vie ruraux rassemblent ainsi 20,5 millions d’habitants. En croisant avec le zonage en aires d’attraction des villes, deux types de bassins de vie peuvent être identifiés dans le rural, selon qu’ils sont sous l’influence de grands pôles d’emplois ou non : les bassins périurbains et les bassins non périurbains. Malgré un nombre d’habitants comparable, les bassins de vie ruraux périurbains s’étendent sur un territoire en moyenne moins grand que les bassins non périurbains, que ce soit en nombre de communes ou en superficie.

Au-delà des différences de morphologie, le degré de densité des bassins de vie va de pair avec la diversité des équipements qu’ils offrent. Si les bassins de vie, quel que soit leur degré de densité, disposent de la quasi-totalité des types d’équipement de la gamme de proximité (commerces de bouche, école, bibliothèque, artisans, médecin généraliste, pharmacie, poste, coiffeur, etc.), des écarts un peu plus prononcés les distinguent pour la gamme intermédiaire. En effet, les bassins de vie urbains, denses ou de densité intermédiaire, comportent en moyenne respectivement 35 et 32 types d’équipement de cette gamme sur les 35 qu’elle comporte, contre 28 dans les bassins de vie ruraux (figure 3). Mais c’est surtout sur les équipements de la gamme supérieure (lycée, hypermarché, gare, médecins spécialistes, établissements de santé, cinéma, etc.) que les écarts entre bassins de vie se creusent : en moyenne, les bassins de vie urbains denses disposent de 45 types d’équipement sur les 47 de cette gamme quand les bassins urbains de densité intermédiaire en proposent 27 et les bassins ruraux seulement 15.

En matière de diversité des équipements supérieurs, le déficit des bassins de vie ruraux par rapport aux bassins urbains est élevé, même en comparaison des bassins urbains de densité intermédiaire. Il tient notamment à la présence moindre de médecins spécialistes (figure 4) : en proportion, trois fois moins de bassins de vie ruraux qu’urbains de densité intermédiaire disposent de gynécologues, de dermatologues ou de psychiatres dans leur périmètre, quatre fois moins pour les pneumologues ou les pédiatres. Il y a également trois fois moins de bassins de vie ruraux équipés de centres de formation d’apprentis (hors agriculture) et deux fois moins de bassins de vie équipés de lycées (généraux ou technologiques, comme professionnels). De même, moins de 20 % des bassins de vie ruraux comportent des agences ou relais Pôle emploi, contre plus de 50 % des bassins urbains intermédiaires.

Parmi les bassins de vie ruraux, les bassins périurbains, proches de bassins urbains déjà équipés, disposent d’équipements supérieurs un peu moins variés, en moyenne, que les non-périurbains. L’écart est net pour certains équipements : les périurbains sont deux fois moins souvent équipés d’un service d’urgences, d’un hôpital (établissement de court séjour), d’un cinéma ou encore d’un lycée. En revanche, les bassins de vie ruraux périurbains comportent plus fréquemment des gares ou des services de location d’automobiles et d’utilitaires.

Pour les équipements de la gamme supérieure, où le déficit d’équipements proposés dans les bassins ruraux est important, les écarts de temps d’accès selon la densité sont majeurs (encadré). Ainsi, 30 % des résidents des bassins de vie ruraux sont situés à plus de 21 minutes en voiture de ces équipements, contre 10 % pour l’ensemble de la population et seulement 3 % dans les bassins urbains de densité intermédiaire (figure 3). Ces habitants sont qualifiés d’éloignés de cette gamme d’équipements. Le seuil définissant la population éloignée s’établit à 6 minutes pour la gamme de proximité et à 12 minutes pour la gamme intermédiaire. La part des habitants éloignés, variable selon les types de bassin de vie, traduit des inégalités de temps d’accès plus ou moins fortes entre territoires, même si le temps d’accès n’est qu’une des composantes de l’accessibilité aux équipements.

Dans le rural, la proportion d’habitants éloignés de chacune des différentes gammes d’équipement est beaucoup plus élevée dans les bassins de vie non périurbains que dans les bassins de vie périurbains. Ainsi, pour la gamme intermédiaire, 29 % de la population des bassins de vie ruraux non périurbains est éloignée de ces équipements, contre 17 % pour les bassins de vie ruraux périurbains. Les écarts sont plus nets pour les équipements de la gamme supérieure : 41 % de la population des bassins de vie ruraux non périurbains en est éloignée, soit deux fois plus que dans les bassins ruraux périurbains, et quatre fois plus que sur l’ensemble du territoire.

Les temps d’accès se révèlent très hétérogènes, essentiellement au sein des 700 bassins de vie ruraux non périurbains : dans 88 d’entre eux, plus de 60 % de la population est éloignée des équipements de la gamme intermédiaire. Ces bassins de vie, particulièrement peu denses, se situent souvent dans des zones montagneuses, notamment dans le Massif central, certains départements alpins ou encore en Corse du Sud (figure 5). Autant que leurs éventuels déficits d’équipements, la question des déplacements et de l’accessibilité est alors au cœur des enjeux pour ces territoires.

La présence des équipements sur le territoire peut aussi s’appréhender par le nombre total d’équipements par habitant. Cet indicateur est globalement plus élevé dans les bassins de vie de la moitié sud de la France métropolitaine, de Guadeloupe et de Martinique, ainsi que dans certains bassins de la façade atlantique ou de la Manche (figure 6). Dans l’ensemble, le nombre d’équipements par habitant est plus élevé dans les bassins de vie ruraux non périurbains : 34,8 équipements pour 1 000 habitants, contre 33,5 en moyenne (figure 7). L’écart est plus élevé pour les équipements de la gamme de proximité : 26,9 équipements pour 1 000 habitants, contre 25,1 en moyenne. À l’inverse, le nombre d’équipements pour 1 000 habitants est le plus bas dans les bassins de vie ruraux périurbains, quelle que soit la gamme. Deux éléments peuvent expliquer cet écart avec les autres bassins de vie ruraux. D’une part, les bassins de vie ruraux périurbains sont situés à proximité de pôles d’emplois qui offrent un accès à une variété d’équipements souvent importante, surtout pour les gammes d’équipements plus structurants, réduisant ainsi leur propre besoin de ces équipements. D’autre part, la forte croissance de la population dans les territoires ruraux périurbains observée depuis une quinzaine d’années peut engendrer un décalage entre l’implantation des équipements et l’évolution de la population.

Certains écarts s’expliquent aussi par la présence d’un plus grand nombre d’équipements dans les territoires touristiques. En France, 256 bassins de vie peuvent en effet être considérés comme touristiques en raison d’un nombre de places dans les hébergements touristiques (hôtels, campings, résidences secondaires) plus élevé que le nombre d’habitants. Ils sont répartis sur les littoraux atlantique et méditerranéen, dans les massifs montagneux, mais aussi dans certains parcs nationaux. C’est par exemple le cas des bassins de vie de Corse comme Porto-Vecchio, du massif des Alpes comme Val‑d’Isère ou du littoral comme Lacanau, Carnac et Honfleur. La grande majorité des bassins touristiques se situent dans le rural et seulement deux dans l’urbain dense (Cannes et Fréjus). Les bassins de vie touristiques se caractérisent par des taux d’équipements très élevés dans les gammes de proximité et, dans une moindre mesure, intermédiaire. Par exemple, les bassins de vie à forte orientation touristique comptent 1,0 supérette pour 1 000 habitants, alors que la moyenne dans les bassins de vie non touristiques est de 0,6. Cette forte présence d’équipements vise à répondre aux besoins des touristes, mais elle profite également à la population résidente, même si certains équipements ne sont pas disponibles toute l’année.

Avec les évolutions démographiques et les changements des modes de vie, l’implantation des équipements évolue à des rythmes différents selon les territoires (figure 8). Entre 2013 et 2021, le nombre d’équipements courants diminue dans de nombreux bassins de vie en recul démographique, mais augmente nettement dans les bassins de vie en forte croissance démographique (méthodes).

Ainsi, sur la période 2013-2021, les bassins de vie ruraux périurbains en forte croissance démographique depuis deux décennies enregistrent la plus forte hausse du nombre d’équipements courants : 16,4 % en 7 ans en moyenne, contre 13,3 % pour les bassins urbains denses et 9,7 % pour les bassins ruraux non périurbains (figure 9). Le nombre d’équipements par habitant, plus faible dans les bassins de vie ruraux périurbains, tend à rattraper la moyenne nationale.

Dans l’urbain dense, l’évolution du nombre d’équipements parait moins liée à celle de la population. D’autres facteurs, comme la capacité des équipements ou la saturation foncière, peuvent expliquer la limite des créations d’équipements courants.

Sur les 1 707 bassins de vie, le nombre d’équipements courants baisse dans 225 d’entre eux, 20 étant urbains, les autres ruraux (figure 10). Au sein du rural, les baisses sont les plus prononcées dans les bassins de vie les plus éloignés des pôles d’emplois, leur population diminuant aussi davantage. C’est par exemple le cas des bassins de Clamecy au sud d’Auxerre ou de Neufchâteau au sud de Nancy. La situation est différente dans les bassins ruraux périurbains : la baisse des équipements est un peu moins forte alors que la population augmente très légèrement. Cette apparente contradiction peut s’expliquer là encore par la proximité de pôles d’emplois qui offrent également un large éventail d’équipements comme pour les bassins de Saint-Aubin-d’Aubigné au nord de Rennes ou de Chorges au sud de Gap.

Certains de ces bassins de vie sont touristiques et, malgré la baisse du nombre d’équipements, ils conservent un taux d’équipements par habitant très supérieur à la moyenne de l’ensemble des bassins. C’est par exemple le cas du bassin de Modane à l’est de Chambéry qui affiche 67 équipements pour 1 000 habitants, près du double de la moyenne nationale. Une partie de la baisse peut s’expliquer par la réduction des activités touristiques en 2020 et 2021, certains commerces ayant fermé du fait de la crise sanitaire liée à la Covid-19.