Insee
Insee Analyses · Avril 2023 · n° 82
Insee AnalysesPeu de mobilité dans l’échelle des revenus entre 2003 et 2019

Tristan Loisel, Michaël Sicsic (Insee)

La comparaison des revenus des mêmes personnes sur la période 2003-2019 à partir de données fiscales révèle que la position des individus dans l’échelle des revenus en 2019 est proche de leur position en 2003 : la corrélation entre ces deux positions est de 71 %. L’inertie est particulièrement forte en bas et en haut de la distribution : parmi les 20 % les plus aisés et les 20 % les plus modestes, près des deux tiers des individus restent dans la même catégorie. L’inertie serait ainsi plus élevée qu’aux États-Unis.

La mobilité dans l’échelle des revenus est plus fréquente chez les indépendants, les jeunes et les individus habitant en région parisienne, alors que les salariés et les habitants des DOM sont moins mobiles. Mobilité géographique et mobilité dans l’échelle des revenus vont également de pair.

La prise en compte de cette mobilité relativement faible des revenus tout au long de la vie change peu l’ampleur des inégalités de revenu. Un indice de Gini calculé à partir des revenus individuels moyens sur la période conduit à une valeur qui est inférieure de seulement 7 % à la moyenne des indices de Gini mesurés sur les revenus annuels.

Mesurer la mobilité des revenus au cours du temps pour affiner le diagnostic sur les inégalités

L’utilisation d’un panel de données fiscales sur longue période permet pour la première fois de mesurer la mobilité des individus dans l’échelle des revenus entre 2003 et 2019 (sources). Un individu peut en effet occuper au cours du temps différentes positions dans la distribution des revenus et connaître des trajectoires de revenu variables : stables, ascendantes ou descendantes. Une absence de mobilité dans l’échelle des revenus peut être le signe d’une faible répartition des opportunités de progression au cours de la vie active, au risque de ne pas développer des talents potentiels. La mesure de la mobilité des revenus au long de la vie permet aussi de mettre en perspective les constats fournis par les indicateurs d’inégalités usuels déterminés à une date donnée.

La position des individus sur l’échelle des revenus varie peu au cours de la vie

Les d’un individu une année donnée déterminent fortement ceux qu’il aura près de deux décennies plus tard. Plus les individus sont situés haut dans l’échelle des revenus en 2003, plus ils ont de chances d’occuper un rang élevé de la distribution en 2019 (figure 1). La mesure de la corrélation entre les rangs d’un individu sur l’échelle des revenus à deux dates permet de quantifier ce constat. Cette corrélation atteint 89 % 3 ans après 2003, 78 % 10 ans après, et encore 71 % 16 ans après, en 2019, témoignant d’une faible mobilité dans l’échelle des revenus (méthodes).

Figure 1 – Position des individus en 2019 dans l'échelle des revenus en fonction de celle de 2003

Centième de revenu en 2019
Figure 1 – Position des individus en 2019 dans l'échelle des revenus en fonction de celle de 2003 (Centième de revenu en 2019) - Lecture : parmi les individus classés au 20e centième de revenu en 2003, la moyenne des rangs en 2019 correspond au 30e centième de la distribution, la médiane au 24e centième. Parmi ces mêmes individus classés au 20e centième de revenu, 25 % (le 1er quart) sont classés au-dessous du 15e centième en 2019 et 25 % (le 4e quart) sont classés au-dessus du 41e centième de revenu en 2019.
Centième
de revenu
en 2003
Moyenne 1er quartile Médiane 3e quartile
1 14,1 1 8 19
2 14,4 2 8 19
3 14,8 3 8 19
4 15,2 3 8 19
5 15,5 4 8 19
6 15,8 5 8 19
7 16,3 6 8 19
8 19,9 7 13 27
9 21,8 8 15 30
10 22,9 8 16 32
11 23,5 9 17 33
12 23,4 9 16 32
13 24,9 10 18 34
14 25,6 11 19 35
15 24,7 11 18 33
16 26,9 12 20 37
17 27,7 13 21 38
18 28,1 14 22 38
19 28,9 14 22 40
20 30,0 15 24 41
21 31,1 16 25 43
22 31,8 16 26 43
23 32,6 17 28 45
24 33,4 18 29 45
25 34,2 19 30 47
26 34,9 19 31 47
27 35,5 20 32 48
28 36,3 21 33 49
29 36,8 21 33 49
30 37,4 22 34 50
31 38,0 23 35 50
32 38,7 23 36 51
33 39,1 24 37 51
34 39,8 25 37 52
35 40,4 26 38 53
36 41,1 26 39 53
37 41,6 27 40 54
38 42,3 28 41 55
39 42,9 28 42 56
40 43,7 29 43 56
41 44,3 30 44 57
42 45,0 30 44 58
43 45,6 31 45 59
44 46,3 31 46 60
45 46,9 32 47 60
46 47,5 33 47 61
47 48,1 33 48 62
48 48,8 34 49 63
49 49,4 34 50 63
50 50,0 35 51 64
51 50,6 36 51 65
52 51,1 36 52 65
53 51,9 37 53 66
54 52,4 37 54 67
55 53,0 38 54 68
56 53,6 39 55 68
57 54,3 39 56 69
58 54,9 40 57 70
59 55,5 41 58 71
60 56,2 41 59 71
61 56,9 42 60 72
62 57,6 43 61 73
63 58,3 44 62 74
64 59,1 44 63 74
65 59,7 45 63 75
66 60,5 46 65 76
67 61,2 47 65 77
68 62,0 48 66 77
69 62,7 49 67 78
70 63,4 50 68 79
71 64,1 51 69 79
72 64,6 51 70 80
73 65,5 52 71 81
74 66,2 53 72 81
75 66,9 54 72 82
76 67,6 55 73 83
77 68,3 56 74 83
78 68,9 57 75 84
79 69,7 58 76 84
80 70,5 59 76 85
81 71,0 60 77 86
82 71,5 60 78 86
83 72,3 61 78 87
84 73,1 62 80 88
85 73,8 64 81 88
86 74,6 65 81 89
87 75,3 66 82 90
88 76,1 67 83 91
89 77,1 69 84 91
90 78,1 70 86 92
91 79,2 72 87 93
92 80,2 74 88 94
93 81,3 76 89 94
94 82,4 78 91 95
95 83,5 80 92 96
96 84,6 83 93 97
97 85,7 85 95 98
98 86,9 88 96 98
99 88,4 91 97 99
100 90,2 95 99 100
  • Note : en 2003, les individus des 7 premiers centièmes ont des revenus nuls.
  • Lecture : parmi les individus classés au 20e centième de revenu en 2003, la moyenne des rangs en 2019 correspond au 30e centième de la distribution, la médiane au 24e centième. Parmi ces mêmes individus classés au 20e centième de revenu, 25 % (le 1er quart) sont classés au-dessous du 15e centième en 2019 et 25 % (le 4e quart) sont classés au-dessus du 41e centième de revenu en 2019.
  • Champ : France hors Mayotte, individus ayant des revenus positifs ou nuls dans les données POTE chaque année de 2003 à 2020, ayant entre 25 et 49 ans en 2003.
  • Sources : Insee-DGFiP, POTE panélisé 2003-2020, calculs Insee.

Figure 1 – Position des individus en 2019 dans l'échelle des revenus en fonction de celle de 2003

  • Note : en 2003, les individus des 7 premiers centièmes ont des revenus nuls.
  • Lecture : parmi les individus classés au 20e centième de revenu en 2003, la moyenne des rangs en 2019 correspond au 30e centième de la distribution, la médiane au 24e centième. Parmi ces mêmes individus classés au 20e centième de revenu, 25 % (le 1er quart) sont classés au-dessous du 15e centième en 2019 et 25 % (le 4e quart) sont classés au-dessus du 41e centième de revenu en 2019.
  • Champ : France hors Mayotte, individus ayant des revenus positifs ou nuls dans les données POTE chaque année de 2003 à 2020, ayant entre 25 et 49 ans en 2003.
  • Sources : Insee-DGFiP, POTE panélisé 2003-2020, calculs Insee.

Cette mobilité semble constante au cours de la période étudiée. Par exemple, la corrélation entre les rangs des individus après huit années demeure à 80 % entre 2003 et 2011 comme entre 2011 et 2019. Ce résultat s’inscrit dans la continuité de ceux de Ouvrir dans un nouvel ongletKramarz et al. (2022) qui montraient déjà une stabilité de la mobilité des salaires en France entre 1995 et 2002, ou de Ouvrir dans un nouvel ongletKopczuk et al. (2010) aux États-Unis.

Quel que soit le rang de revenu d’un individu en 2003, les mobilités dans l’échelle des revenus en 2019 sont assez faibles. Parmi les individus au milieu de la distribution des revenus en début de période (appartenant au 50e centième en 2003), la moitié se répartissent entre le 35e centième et le 64e centième en fin de période, soit une dispersion inférieure à 3 . En haut de la distribution, la dispersion est encore plus faible.

Des situations de mobilité de forte amplitude existent cependant : par exemple, parmi les personnes du 10e centième de la distribution des revenus en 2003, une sur dix a grimpé dans la moitié supérieure de la distribution des revenus en 2019. À l’inverse, pour les personnes du 90e centième en 2003, une sur dix est descendue dans la moitié inférieure de la distribution des revenus en 2019.

Une inertie particulièrement visible pour les hauts et les bas revenus

En classant les revenus en cinq catégories, les individus des 2e, 3e ou 4e cinquièmes sont plus d’un tiers à conserver le même rang en fin de période (figure 2). L’inertie est encore plus visible tout en haut et tout en bas de la distribution, où le rang des individus ne peut évoluer que dans un sens.

Figure 2a – Mobilité entre cinquièmes de revenus entre 2003 et 2019

en %
Figure 2a – Mobilité entre cinquièmes de revenus entre 2003 et 2019 (en %) - Lecture : parmi les individus classés dans le 1er cinquième de revenu (c'est-à-dire parmi les 20 % les plus modestes) en 2003, 62,2 % sont également dans le 1er cinquième de revenu en 2019.
Cinquième en 2003
1 2 3 4 5
Cinquième en 2019 1er cinquième de revenu en 2019 62,2 22,7 7,7 4,0 3,5
2e 21,9 37,5 25,0 11,8 3,9
3e 9,4 25,0 35,0 21,8 8,8
4e 4,3 11,0 25,0 39,2 20,5
5e 2,3 3,8 7,4 23,2 63,4
  • Lecture : parmi les individus classés dans le 1er cinquième de revenu (c'est-à-dire parmi les 20 % les plus modestes) en 2003, 62,2 % sont également dans le 1er cinquième de revenu en 2019.
  • Champ : France hors Mayotte, individus ayant des revenus positifs ou nuls dans les données POTE chaque année de 2003 à 2020, ayant entre 25 et 49 ans en 2003.
  • Sources : Insee-DGFiP, POTE panélisé 2003-2020, calculs Insee.

Figure 2a – Mobilité entre cinquièmes de revenus entre 2003 et 2019

  • Erratum : le 17 avril 2023, les données représentées dans le graphique ont été corrigées (inversion colonnes / lignes).
  • Lecture : parmi les individus classés dans le 1er cinquième de revenu (c'est-à-dire parmi les 20 % les plus modestes) en 2003, 62,2 % sont également dans le 1er cinquième de revenu en 2019.
  • Champ : France hors Mayotte, individus ayant des revenus positifs ou nuls dans les données POTE chaque année de 2003 à 2020, ayant entre 25 et 49 ans en 2003.
  • Sources : Insee-DGFiP, POTE panélisé 2003-2020, calculs Insee.

Parmi les 20 % les plus modestes en 2003, 62 % des individus sont aussi parmi les 20 % les plus modestes en 2019, et 2 % seulement effectuent une vers les 20 % les plus aisés. Cette probabilité est beaucoup plus faible que pour la mobilité intergénérationnelle (de 12 % selon Abbas et Sicsic (2022)), qui compare les revenus d’un jeune adulte à ceux de ses parents. Les revenus d’un individu sont ainsi beaucoup moins corrélés aux revenus de ses parents qu’à ses propres revenus 16 ans plus tôt. Tout en bas de l’échelle des revenus, parmi les 10 % les moins aisés en 2003, 53 % comptent aussi parmi les 10 % les plus modestes 16 ans plus tard. 93 % d’entre eux demeurent dans la moitié inférieure de la distribution des revenus.

L’immobilité est également forte en haut de la distribution : 63 % des individus appartenant aux 20 % les plus aisés en début de période le sont encore en fin de période. Les 20 % les plus aisés en 2003 ont ainsi 28 fois plus de chances d’être également parmi les 20 % les plus aisés 16 ans plus tard que les 20 % aux revenus les plus modestes en début de période. Comme les mobilités très ascendantes, les situations de sont rares (3 %). La forte persistance s’observe aussi tout en haut de l’échelle des revenus : parmi les 10 % les plus aisés, 58 % des individus comptent aussi parmi les 10 % les plus aisés 16 ans plus tard, et 41 % des individus des 1 % les plus aisés le sont aussi 16 ans plus tard.

L’inertie est plus élevée que celle observée aux États-Unis, pays avec lequel une comparaison de la mobilité sur deux décennies est possible (encadré). La littérature économique avance plusieurs explications à cette faible mobilité des revenus en France [Loisel, Sicsic, 2023], comme la forte dépendance de la carrière professionnelle au diplôme initial, l’inégalité d’accès à la formation professionnelle ou encore les coûts de la mobilité géographique.

Les jeunes sont plus mobiles dans l’échelle des revenus

La probabilité de mobilité très ascendante au sein des 20 % les plus modestes est plus élevée pour les jeunes et diminue avec l’âge : elle est de 7 % pour les individus âgés de 25 ans en 2003, contre 2 % pour ceux âgés de 35 ans et 1 % pour ceux âgés de 45 ans.

Ce résultat s’explique en partie seulement par le fait que les jeunes ont en début de période des revenus plus faibles que le reste de la population étudiée. En effet, se restreindre aux seules personnes âgées de 25 à 29 ans en 2003, en leur attribuant une position au sein de leur génération uniquement, permet de confirmer la plus forte des jeunes. Ainsi, si l’on s’intéresse à la mobilité le long de l’échelle des revenus de chaque tranche d’âge, la probabilité de mobilité très ascendante sur 16 ans est de 5 % pour les 20 % les moins aisés des 25-29 ans en 2003, contre 2 % pour les moins aisés des 35-39 ans et des 45-49 ans. La probabilité de rester parmi les 20 % les plus modestes est a contrario plus faible pour les jeunes âgés de 25 à 29 ans en 2003 (53 %, contre 61 % pour les 35-39 ans et 72 % pour les 45-49 ans). La corrélation entre les rangs d’un individu en début et en fin de période est également moins élevée, de 64 % pour les 25-29 ans, contre 75 % pour les 35-39 ans et 81 % pour les 45-49 ans.

Plus de mobilité dans l’échelle des revenus pour les indépendants

La en début de période est un autre déterminant fort de la mobilité. Les indépendants sont en moyenne plus mobiles : la corrélation entre leurs rangs de 2003 et 2019 est de 59 %, contre 71 % pour les salariés. Les mobilités extrêmes sont également plus fréquentes que chez les salariés : au sein des 20 % les plus modestes, 6 % des indépendants effectuent des mobilités très ascendantes et au sein des 20 % les plus aisés, 6 % des mobilités très descendantes, contre 2 % et 3 % pour les salariés. L’immobilité en haut de la distribution est par ailleurs plus forte pour les salariés, plus faible pour les chômeurs et, dans une moindre mesure, pour les indépendants. En haut de la distribution des revenus, 64 % des salariés restent ainsi parmi les 20 % les plus aisés, 59 % parmi les 10 % les plus aisés et 42 % parmi les 1 % les plus aisés 16 ans plus tard. Les personnes au chômage parmi les 20 % les plus aisés en 2003 ont plus de risques de connaître une mobilité très descendante (13 %).

La mobilité est également plus fréquente lorsque la situation d’activité des personnes a changé entre le début et la fin de la période considérée. Ainsi, 65 % des individus ayant effectué une mobilité très ascendante ont changé de situation d’activité sur la période, respectivement 74 % pour ceux ayant effectué une mobilité très descendante, alors que les personnes ayant changé d’activité sur la période représentent 37 % des individus étudiés. 36 % des individus dont l’activité a changé sont descendus d’au moins deux dixièmes, contre 10 % pour ceux dont la situation d’activité est inchangée et 7 % ont connu des situations de mobilité très descendante (contre 1 %).

Plus de mobilité en Île-de-France et plus d’inertie dans les DOM

La mobilité individuelle dans l’échelle des revenus varie selon le lieu de vie en 2003. L’Île-de-France se caractérise par des mobilités très ascendantes et très descendantes relativement plus fréquentes que dans les autres régions, ainsi que par une plus forte persistance parmi les 20 % les plus aisés combinée à une persistance faible parmi les 20 % les moins aisés (figure 3). Les départements d’outre-mer (DOM, hors Mayotte) se distinguent également avec une inertie particulièrement élevée, que ce soit parmi les plus aisés ou parmi les moins aisés.

Figure 3a – Probabilité de rester parmi les 20 % les plus aisés selon les départements de résidence en 2003

Figure 3a – Probabilité de rester parmi les 20 % les plus aisés selon les départements de résidence en 2003 - Lecture : la probabilité d'être toujours parmi les 20 % les plus aisés en 2019 pour les individus qui y étaient déjà en 2003 est de 72 % dans les Yvelines.
Numéro
de département
Libellé du département Probabilité de rester
parmi les 20 % les plus aisés (en %)
01 Ain 61
02 Aisne 56
03 Allier 53
04 Alpes-de-Haute-Provence 55
05 Hautes-Alpes 50
06 Alpes-Maritimes 63
07 Ardèche 55
08 Ardennes 54
09 Ariège 51
10 Aube 59
11 Aude 53
12 Aveyron 53
13 Bouches-du-Rhône 64
14 Calvados 59
15 Cantal 51
16 Charente 56
17 Charente-Maritime 53
18 Cher 57
19 Corrèze 54
21 Côte-d'Or 61
22 Côtes-d'Armor 54
23 Creuse 48
24 Dordogne 49
25 Doubs 64
26 Drôme 59
27 Eure 59
28 Eure-et-Loir 58
29 Finistère 55
2A Corse-du-Sud 63
2B Haute-Corse 62
30 Gard 57
31 Haute-Garonne 70
32 Gers 54
33 Gironde 63
34 Hérault 62
35 Ille-et-Vilaine 62
36 Indre 52
37 Indre-et-Loire 61
38 Isère 65
39 Jura 57
40 Landes 52
41 Loir-et-Cher 58
42 Loire 58
43 Haute-Loire 53
44 Loire-Atlantique 63
45 Loiret 62
46 Lot 52
47 Lot-et-Garonne 54
48 Lozère 51
49 Maine-et-Loire 59
50 Manche 57
51 Marne 62
52 Haute-Marne 53
53 Mayenne 55
54 Meurthe-et-Moselle 60
55 Meuse 54
56 Morbihan 53
57 Moselle 56
58 Nièvre 54
59 Nord 62
60 Oise 60
61 Orne 53
62 Pas-de-Calais 56
63 Puy-de-Dôme 60
64 Pyrénées-Atlantiques 59
65 Hautes-Pyrénées 52
66 Pyrénées-Orientales 52
67 Bas-Rhin 63
68 Haut-Rhin 67
69 Rhône 68
70 Haute-Saône 53
71 Saône-et-Loire 55
72 Sarthe 57
73 Savoie 57
74 Haute-Savoie 67
75 Paris 74
76 Seine-Maritime 62
77 Seine-et-Marne 62
78 Yvelines 72
79 Deux-Sèvres 58
80 Somme 59
81 Tarn 55
82 Tarn-et-Garonne 56
83 Var 58
84 Vaucluse 57
85 Vendée 52
86 Vienne 59
87 Haute-Vienne 57
88 Vosges 55
89 Yonne 55
90 Territoire de Belfort 64
91 Essonne 67
92 Hauts-de-Seine 75
93 Seine-Saint-Denis 59
94 Val-de-Marne 68
95 Val-d'Oise 63
971 Guadeloupe 71
972 Martinique 70
973 Guyane 67
974 La Réunion 70
  • Lecture : la probabilité d'être toujours parmi les 20 % les plus aisés en 2019 pour les individus qui y étaient déjà en 2003 est de 72 % dans les Yvelines.
  • Champ : France hors Mayotte, individus ayant des revenus positifs ou nuls dans les données POTE chaque année de 2003 à 2020, ayant entre 25 et 49 ans en 2003.
  • Sources : Insee-DGFiP, POTE panélisé 2003-2020, calculs Insee.

Figure 3a – Probabilité de rester parmi les 20 % les plus aisés selon les départements de résidence en 2003

  • Lecture : la probabilité d'être toujours parmi les 20 % les plus aisés en 2019 pour les individus qui y étaient déjà en 2003 est de 72 % dans les Yvelines.
  • Champ : France hors Mayotte, individus ayant des revenus positifs ou nuls dans les données POTE chaque année de 2003 à 2020, ayant entre 25 et 49 ans en 2003.
  • Sources : Insee-DGFiP, POTE panélisé 2003-2020, calculs Insee.

Dans le reste de la France, la probabilité de rester parmi les 20 % les plus aisés est élevée près de la frontière avec la Suisse ou l’Allemagne et dans les grandes aires d’attraction des villes, alors que la mobilité très descendante est plus prononcée dans le Sud. La probabilité d’immobilité en haut de la distribution est la plus faible, au niveau régional, en Bretagne, et au niveau départemental, dans la Creuse, en Dordogne ainsi qu’en Lozère. À l’inverse, la probabilité d’être encore dans les 20 % les plus modestes 16 ans plus tard est plus élevée dans le nord et le nord-est de la France.

La mobilité géographique va souvent de pair avec la mobilité dans l’échelle des revenus. Les personnes ayant changé de département sont plus souvent montées dans l’échelle des revenus (5 % ont une mobilité très ascendante, contre 2 % de celles restées dans le même département), ou descendues (6 % contre 3 %, pour les mobilités très descendantes). L’immobilité parmi les 20 % les plus modestes de ceux qui ont changé de département de résidence est moins prononcée (53 %, contre 64 % pour ceux restés dans le même département).

La faible mobilité ne bouleverse pas la mesure des inégalités

Tenir compte de la mobilité des personnes tout au long de la vie est susceptible de diminuer la mesure des inégalités de la répartition des revenus, usuellement estimées une année donnée. Lorsque l’ est calculé à partir de la moyenne des revenus sur 2003-2020, il est ainsi inférieur de 0,021 à l’indice de Gini mesuré à partir des seuls revenus de 2003. L’écart ne s’explique pas par une diminution des inégalités sur la période (l’indice de Gini augmente de 0,013 entre 2003 et 2020 sur le même panel d’individus), mais par la mobilité des individus dans l’échelle des revenus. L’indice de Gini mesuré sur les revenus moyens entre 2003 et 2020 est ainsi 7 % plus faible que la moyenne des indices de Gini mesurés chaque année entre 2003 et 2020 (figure 4). Autrement dit, lisser les revenus individuels sur près de deux décennies réduit de 7 % le coefficient de Gini, selon le calcul de l’indice de mobilité de Shorrocks (méthodes). La mobilité des revenus tout au long de la vie étant relativement faible, mesurer les inégalités en matière de revenu permanent modifie donc peu l’ampleur des inégalités, comme le montrait Accardo (2016) sur une période plus courte de cinq ans.

Figure 4 - Indice de mobilité de Shorrocks et ses composantes selon la profondeur de la période considérée

Figure 4 - Indice de mobilité de Shorrocks et ses composantes selon la profondeur de la période considérée - Lecture : l'indice de mobilité de Shorrocks est de 6,6 % sur la période 2003-2020 pour les individus âgés de 25 à 49 ans en 2003, ce qui signifie que la mesure de l'indice de Gini en tenant compte de l'ensemble des revenus perçus par ces individus entre 2003 et 2020 réduit les inégalités mesurées par l'indice de Gini moyen chaque année entre 2003 et 2020 de 6,6 %.
Période Indice de Gini sur
les revenus moyens
de la période considérée
Moyenne des indices de Gini
annuels sur
la période considérée
Indice de Shorrocks
(en %)
2003-2008 0,384 0,399 3,7
2003-2014 0,381 0,402 5,3
2003-2020 0,380 0,406 6,6
  • Note : indice de Gini, voir définitions.
  • Lecture : l'indice de mobilité de Shorrocks est de 6,6 % sur la période 2003-2020 pour les individus âgés de 25 à 49 ans en 2003, ce qui signifie que la mesure de l'indice de Gini en tenant compte de l'ensemble des revenus perçus par ces individus entre 2003 et 2020 réduit les inégalités mesurées par l'indice de Gini moyen chaque année entre 2003 et 2020 de 6,6 %.
  • Champ : France hors Mayotte, individus ayant des revenus positifs ou nuls dans les données POTE chaque année de 2003 à 2020, ayant entre 25 et 49 ans en 2003.
  • Sources : Insee-DGFiP, POTE panélisé 2003-2020, calculs Insee.

Encadré – Une mobilité plus faible qu’aux États-Unis

La mobilité est très étudiée aux États-Unis, ce qui rend des comparaisons possibles. Dans ce pays, l’étude la plus proche [Ouvrir dans un nouvel ongletAuten et al., 2013] mesure la mobilité des individus selon le revenu sur 20 ans à partir d’un revenu avant redistribution du foyer rapporté aux unités de consommation. Les auteurs de cette étude estiment que la persistance des individus dans les hauts revenus est de 48 % dans le plus haut cinquième, 40 % dans le plus haut dixième et 24 % dans le plus haut centième. En prenant une population restreinte à la même classe d’âge (35-40 ans) et en considérant les mêmes revenus (au niveau du foyer fiscal et par unité de consommation), les probabilités sur les données françaises sont ici respectivement de 62 %, 55 % et 38 %. La mobilité très ascendante est également plus élevée aux États-Unis qu’en France (5 % dans Ouvrir dans un nouvel ongletAuten et al. (2013), contre 2 % ici). Cette comparaison suggère que la mobilité tout au long de la vie est plus élevée aux États-Unis qu’en France, ce qui est cohérent avec les résultats de Ouvrir dans un nouvel ongletKramarz et al. (2022) et d’autres comparaisons réalisées entre la France et les États-Unis [Loisel, Sicsic, 2023].

Publication rédigée par :Tristan Loisel, Michaël Sicsic (Insee)

Champ

Les personnes d’intérêt sont les personnes vivant en France hors Mayotte, qui ont entre 25 et 49 ans en 2003 (et donc entre 41 et 65 ans en fin de période, en 2019) et qui ont des revenus positifs ou nuls chaque année sur toute la période 2003-2020.

La part d’individus sortis du panel est relativement faible sur la période (de 20 %) et déforme peu la population [Loisel, Sicsic, 2023]. Le panel ainsi obtenu suit 16,9 millions de personnes.

Méthodes

Les données en panel permettent de comparer les revenus des individus en début de période (2003) et en fin de période (2019). Les revenus considérés dans cette étude sont les revenus moyens sur 2 ans (pour atténuer l’effet des situations exceptionnelles), ainsi, les revenus en 2003 correspondent à la moyenne des revenus entre 2003 et 2004, et ceux de 2019 à la moyenne des revenus entre 2019 et 2020 (sauf dans le calcul de la mesure de Shorrocks dans lequel les revenus sont annuels).

Par défaut, les rangs des individus correspondent à leur classement dans la distribution des revenus de l’ensemble de la population de l’étude, soit les personnes âgées de 25 à 49 ans en 2003. Dans les analyses détaillées par générations (les 25-29 ans, 35-39 ans et 45-49 ans en 2003), les rangs des individus correspondent à leur position parmi leur génération uniquement.

Dans cette étude, la mobilité est d’abord approchée par la corrélation entre les rangs des individus (en centième de revenus) en 2003 et en 2019. Plus cette corrélation est élevée, plus la mobilité est faible. Une autre approche de la mobilité est de mesurer les probabilités de transition dans les quantièmes de revenu : par exemple la probabilité, pour un individu parmi les 20 % les plus modestes à la période 1, d’être parmi les 20 % les plus aisés à la période 2. Enfin, l’indice de Shorrocks rapporte l’indice de Gini mesuré à partir du revenu permanent (G_ j^p) mesuré en moyenne sur j années, à la moyenne sur j années des indices de Gini calculés chaque année, et en considérant le complémentaire à 1 :


Cet indicateur varie de 0 (immobilité) à 1 (mobilité la plus forte). Pour le calcul de cet indicateur, les revenus sont normalisés de telle sorte que la moyenne des revenus soit la même chaque année.

Les indicateurs présentés dans cette étude ont été mesurés à partir des revenus individuels. Les résultats sont très proches en partant des revenus du foyer par adulte [Loisel, Sicsic, 2023].

Sources

Les données sont issues des déclarations de revenus (formulaire 2042 et 2042 complémentaires) pour les revenus perçus au titre des années allant de 2003 à 2020, traitées par la DGFiP (données POTE). Avec l’aide du service statistique de la DGFiP, plusieurs enrichissements ont été réalisés sur le panel initial de foyers fiscaux mis à disposition (2006-2020) : (i) l’extension du panel depuis 2003 ; (ii) la construction d’agrégats de revenus cohérents dans le temps et avec les publications de l’Insee sur les revenus ; (iii) la création d’un panel d’individus et non de foyers fiscaux. Les revenus catégoriels ont été définis et construits sur la période (2003-2020) à l’aide des définitions appliquées pour constituer l’enquête des Revenus Fiscaux et Sociaux (ERFS) de l’Insee [Loisel, Sicsic, 2023].

Publication rédigée par :Tristan Loisel, Michaël Sicsic (Insee)

Définitions

Les revenus individuels définis dans cette étude comprennent les revenus d’activité (salaires perçus et revenus d’indépendants), les allocations chômage et les pensions de retraite. Il s’agit des revenus reportés dans les déclarations d’impôts sur le revenu, nets de cotisations et de CSG déductible.

Si on ordonne une distribution des revenus, les déciles sont les valeurs qui partagent cette distribution en dix parties d’effectifs égaux, les quartiles en quatre, les quintiles en cinq, et les centiles en cent. Les individus ainsi classés appartiennent à, respectivement, des dixièmes, quarts, cinquièmes et centièmes de revenu. La médiane correspond au 5e décile et partage la distribution en deux parties d’effectifs égaux.

Un individu effectue une mobilité très ascendante quand il est classé parmi les 20 % les plus aisés en fin de période, alors qu’il faisait partie des 20 % les plus modestes en début de période.

Un individu effectue une mobilité très descendante quand il est classé parmi les 20 % les moins aisés en fin de période, alors qu’il faisait partie des 20 % les plus aisés en début de période.

La mobilité intragénérationnelle est définie au sein d’une sous-population d’âge afin de s’affranchir des effets d’âge.

La situation d’activité est définie dans cette étude par le type de revenu dominant de l’individu dans ses revenus annuels : traitements et salaires, revenus des indépendants, pensions et rentes ou allocations chômage. Les salariés sont les individus dont le revenu dominant est « traitements et salaires ». Un individu a changé de situation d’activité quand son revenu dominant a changé de type.

L’indice de Gini mesure le degré d’inégalité d’une distribution (par exemple, le revenu) pour une population donnée. Il varie entre 0 et 1, la valeur 0 correspondant à l’égalité parfaite (tous les ménages ont le même revenu), la valeur 1 à l’inégalité extrême (un ménage a tout le revenu, les autres n’ayant rien).

Pour en savoir plus

Retrouvez plus de données en téléchargement.

Loisel T., Sicsic M., « La mobilité des individus le long de l’échelle des revenus en France sur la période 2003-2020 », Documents de travail, Insee, à paraître.

Abbas H., Sicsic M., « Une nouvelle mesure de la mobilité intergénérationnelle des revenus en France », Insee Analyses n° 73, mai 2022.

Kramarz F., Nimier-David E., Delemotte T., “Ouvrir dans un nouvel ongletInequality and earnings dynamics in France: National policies and local consequence”, Quantitative Economics, 2022.

Accardo J., « La mobilité des niveaux de vie », Les revenus et patrimoine des ménages, coll. « Insee Références », édition 2016.

Auten G., Gee G., Turner N., “Ouvrir dans un nouvel ongletNew Perspectives On Income Mobility And Inequality”, National Tax Journal Vol. 66 Number 4, Pages 301–328, 2013.

Kopczuk W., Saez E., Song J., “Ouvrir dans un nouvel ongletEarnings Inequality and Mobility in the United States: Evidence from Social Security Data Since 1937”, The Quarterly Journal of Economics, Vol. 125, Issue 1, Pages 91–128, 2010.