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Mai 2022 · n° 116Risque de submersion marine en Normandie : des enjeux forts très concentrés spatialement
Une partie importante du territoire normand, s’étendant sur 1 000 km² le long du littoral et dans la vallée de la Seine, est exposée à l’aléa de submersion marine. Les enjeux liés à la présence d’emplois et de population sont très concentrés spatialement. Dans un peu moins de 2 % des zones à enjeux, sur une surface équivalente à 10 km², les risques sont particulièrement importants. En cumulant avec les situations à enjeux modérés et à forte exposition aux faibles élévations du niveau de la mer, il apparaît que 12 % des zones concernées par l’aléa de submersion marine concentrent plus de la moitié des logements et de la population exposés de la région.
Cet article s’inscrit dans la suite d’une précédente étude portant sur les zones exposées au risque de submersion marine en Normandie.
Une partie du territoire normand s’étendant sur 1 000 km² est exposée à l’aléa de submersion marine (zone sous le niveau marin (ZNM)). Afin d’analyser finement la localisation des enjeux, cet espace a été découpé en carreaux de 400 m de côté. Les enjeux liés à la présence de logements (et de population) ou d’entreprises (et d’emplois) ont été affectés à ces unités territoriales (pour comprendre) et étudiées. Ces territoires à enjeux (près de 3 000 carreaux soit 480 km²) couvrent environ la moitié de la surface de la ZNM. D’autres enjeux, concernant notamment les surfaces agricoles ou la présence d’infrastructures, ne sont pas étudiés ici (pour en savoir plus).
Une graduation du risque en cinq niveaux
Les unités territoriales définies par le découpage en carreaux sont concernées de façons diverses par l’aléa de submersion et sont porteuses d’enjeux plus ou moins importants. Les 2 938 carreaux comportant des enjeux peuvent être distingués selon cinq catégories homogènes, reflétant chacune le niveau d’aléa et le type d’enjeux (figure 1 ; pour comprendre).
tableauFigure 1 – Caractérisation du risque dans les carreaux, selon la classe
Classe | Description sommaire | Enjeux en nombre | Exposition à l’aléa | |
---|---|---|---|---|
Population / logements | Emplois / établissements | |||
1 (bleu) | Faibles enjeux, concernant quasi exclusivement la population et les logements | + | + | |
2 (vert) | Faibles enjeux, concernant quasi exclusivement la population et les logements. Forte exposition aux faibles élévations du niveau de la mer | + | +++ | |
3 (jaune) | Enjeux modérés, concernant principalement les emplois et les établissements | + | ++ | ++ |
4 (orange) | Enjeux modérés et forte exposition aux faibles élévations du niveau de la mer | ++ | ++ | +++ |
5 (rouge) | Forts enjeux | +++ | +++ | ++ |
- Sources : Insee, Fideli 2017, Flores 2017, Sirene géolocalisé 2017 ; Dreal, ZNM
graphiqueFigure 1 – Caractérisation du risque dans les carreaux, selon la classe
La classe 1 (bleu) regroupe la moitié des carreaux à enjeux. Ils comportent des enjeux relativement faibles en nombre avec une dizaine de logements et d’habitants en ZNM en moyenne par carreau et pratiquement pas d’entreprises et d’emplois. Ce sont essentiellement des carreaux en bordure de la ZNM qui ne sont donc que partiellement concernés par l’aléa de submersion marine : environ la moitié des logements et des habitants présents sont exposés en moyenne.
La classe 2 (vert) rassemble plus d’un cinquième des carreaux à enjeux et une caractérisation assez proche de la classe 1 en termes de population, de logements, d’emplois et entreprises exposées. Elle diffère par le fait que ces carreaux sont intégralement situés en ZNM et notamment dans les zones exposées dès les plus faibles élévations du niveau de la mer envisagées (dites ZNM « 0 »).
La classe 3 (jaune) réunit près d’un sixième des carreaux à enjeux, avec des enjeux concernant principalement des établissements, souvent de grande taille en nombre d’emplois. Ces carreaux comportent en moyenne une quarantaine de logements et d’habitants en ZNM et un peu plus d’une centaine d’emplois exposés au risque de submersion. Les habitants et logements de cette classe sont moins exposés au risque de submersion marine que les établissements et emplois : en moyenne la moitié des logements et habitants de ces carreaux sont situés en ZNM contre la quasi-totalité des établissements et emplois.
La classe 4 (orange) regroupe un dixième des carreaux à enjeux et comporte des enjeux d’ampleur similaire mais avec une plus grande mixité. Emploi et population sont en effet concernés de façon équivalente en nombre : en moyenne, un peu moins d’une centaine d’emplois, de logements et d’habitants. En outre, le degré d’exposition à l’aléa est plus important au sein de cet ensemble dans la mesure où une grande majorité des enjeux est située dans les zones exposées dès les plus faibles élévations du niveau de la mer envisagées (ZNM « 0 »).
La classe 5 (rouge) ne rassemble qu’une cinquantaine de carreaux, soit moins de 2 % des carreaux à enjeux. Les risques y sont particulièrement importants : on y trouve en moyenne 750 logements et emplois et 900 habitants exposés à l’aléa de submersion marine. Ces carreaux sont en majorité entièrement recouverts par la ZNM mais seulement la moitié des enjeux en moyenne se trouve exposée dès les plus faibles élévations du niveau de la mer envisagées (ZNM « 0 »).
Une très forte concentration spatiale des enjeux
Les enjeux liés à la présence d’emplois et de population sont très concentrés spatialement. La cinquantaine de carreaux porteurs des enjeux les plus importants (classe 5) regroupe à elle seule un tiers des logements et des habitants et près d’un tiers des emplois en ZNM sur 2 % des carreaux à enjeux (figure 2). En cumulant ces unités et celles à « enjeux modérés et forte exposition aux faibles élévations du niveau de la mer » (classe 4), il apparaît que 12 % des carreaux concernés par l’aléa de submersion marine concentrent plus de la moitié des logements et de la population exposés de la région. La concentration apparaît encore plus nette concernant l’emploi et les sites de production : les carreaux à enjeux modérés et forts (classes 3, 4 et 5) représentant un peu plus du quart des carreaux concernés par l’aléa de submersion marine, rassemblent la quasi-totalité des emplois (113 000) et des établissements (14 000) situés en ZNM. Les carreaux porteurs d’enjeux plus disséminés (classes 1 et 2) représentent malgré tout des enjeux non négligeables puisqu’ils abritent un quart des résidents et plus d’un cinquième des logements en ZNM de la région.
tableauFigure 2 – Répartition des enjeux situés en zones sous le niveau marin, selon la classe du carreau
Faibles enjeux, concernant quasi exclusivement la population et les logements | Faibles enjeux, concernant quasi exclusivement la population et les logements. Forte exposition aux faibles élévations du niveau de la mer | Enjeux modérés, concernant principalement les emplois et les établissements | Enjeux modérés et forte exposition aux faibles élévations du niveau de la mer | Forts enjeux | |
---|---|---|---|---|---|
Carreaux | 50,24 | 22,02 | 15,93 | 10,25 | 1,57 |
Logements | 17,57 | 4,26 | 19,49 | 26,38 | 32,31 |
Habitants | 19,37 | 5,74 | 16,38 | 23,79 | 34,73 |
Établissements | 11,18 | 1,69 | 28,95 | 18,57 | 39,62 |
Emplois | 5,09 | 0,41 | 45,28 | 16,68 | 32,55 |
- Sources : Insee, Fideli 2017, Flores 2017, Sirene géolocalisé 2017 ; Dreal, ZNM
graphiqueFigure 2 – Répartition des enjeux situés en zones sous le niveau marin, selon la classe du carreau
Géographiquement, cette concentration est particulièrement visible dans l’Estuaire de la Seine aval (pour en savoir plus) qui concentre à lui seul deux tiers des carreaux à « forts enjeux » (classe 5 ; figure 3 et figure 4). La quasi-totalité de ces carreaux est d’ailleurs située sur le territoire de la commune du Havre (30 sur 31). Même s’ils sont un peu plus répartis sur la côte normande, les carreaux à « enjeux modérés et forte exposition aux faibles élévations du niveau de la mer » (classe 4) sont particulièrement concentrés sur quelques communes des Côtes de Nacre / Fleurie (Cabourg, Dives-sur-mer, Varaville, Deauville), du Cotentin (Beauvoir, Carentan-les-Marais, Saint-Vaast-la-Hougue) et de Seine aval (Le Havre). À elles seules, ces communes rassemblent près d’un tiers de ces carreaux (96 sur 301). Sur d’autres territoires, comme dans l’Estuaire de la Seine amont ou dans la Baie des Veys, les carreaux porteurs d’enjeux importants sont beaucoup plus dispersés, un peu comme le sont les carreaux à « faibles enjeux ».
tableauFigure 3 – Répartition des 2 938 carreaux à enjeux, selon la classe du carreau et le territoire
Faibles enjeux, concernant quasi exclusivement la population et les logements | Faibles enjeux, concernant quasi exclusivement la population et les logements. Forte exposition aux faibles élévations du niveau de la mer | Enjeux modérés, concernant principalement les emplois et les établissements | Enjeux modérés et forte exposition aux faibles élévations du niveau de la mer | Forts enjeux | ||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Baie du Mont-Saint-Michel | 85 | 49 | 20 | 28 | ||||
Côte des Havres | 212 | 48 | 55 | 29 | ||||
Nord Cotentin | 68 | 5 | 9 | 3 | 6 | |||
Baie des Veys | 340 | 245 | 55 | 47 | ||||
Côtes de Nacre / Fleurie | 228 | 72 | 91 | 83 | 6 | |||
Estuaire de la Seine amont | 355 | 183 | 103 | 53 | 1 | |||
Estuaire de la Seine aval | 96 | 33 | 94 | 31 | 31 | |||
Côte d’Albâtre | 92 | 12 | 41 | 27 | 2 |
- Sources : Insee, Fideli 2017, Flores 2017, Sirene géolocalisé 2017 ; Dreal, ZNM
graphiqueFigure 3 – Répartition des 2 938 carreaux à enjeux, selon la classe du carreau et le territoire
graphiqueFigure 4 – Répartition des carreaux à enjeux sur les territoires normands
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Pour comprendre
Le carroyage est une technique consistant à découper le territoire en carreaux pour y diffuser de l’information statistique. Les carreaux permettent de s’affranchir des limites administratives habituelles et de disposer d’une information à niveau territorial fin. L’espace régional est, dans cette étude, représenté sous forme d’un quadrillage de carreaux de 400 mètres de côté.
Le carroyage nécessite de disposer de données pour lesquelles on connaît précisément la position géographique de chaque observation. Les données de Fideli 2017 sont ainsi utilisées pour dénombrer la population et les logements. Le dénombrement des emplois et des établissements mobilise la source Flores 2017 ainsi que le répertoire Sirene géolocalisé 2017. Pour chaque observation, la situation en ZNM est déterminée à l’aide d’un fichier fourni par la Dreal Normandie, établi à partir d’un modèle numérique de terrain. Dans chaque carreau, on calcule le nombre de logements, d’habitants, d’établissements et d’emplois présents en ZNM et hors ZNM. Les contraintes de diffusion liées au secret statistique sont fortes à ce niveau géographique. C’est pourquoi l’information est finalement diffusée sous une forme qualitative au niveau des carreaux.
Cette information qualitative repose sur une méthode de classification statistique par analyse en composantes principales puis classification hiérarchique ascendante. Cette méthode permet de caractériser puis de constituer des groupes homogènes et cohérents de carreaux décrits par de multiples variables. L’analyse, qui a conduit à retenir 5 classes, a été réalisée sur la base des 2 938 carreaux comprenant au moins un logement ou un établissement en ZNM. Les 12 indicateurs retenus sont les suivants :
- nombre de logements / d’habitants / d’établissements / d’emplois en ZNM ;
- part de logements / d’habitants / d’établissements / d’emplois en ZNM ;
- part de logements / d’habitants / d’établissements / d’emplois en ZNM « 0 ».
Définitions
Les données du modèle numérique de terrain LIDAR 2017 de l’IGN, exploitées par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), permettent de définir les zones sous le niveau marin (ZNM) à partir de l’altitude relative au niveau marin mesurée sur des carreaux de 5 mètres de côté quadrillant l’ensemble du territoire régional. Les ZNM sont divisées en trois niveaux de submersion correspondant à trois niveaux d’aléas centennaux, c’est-à-dire susceptibles, théoriquement, d’intervenir tous les 100 ans : les zones d’altitude inférieure ou égale à 0 m (ZNM « 0 »), les zones d’altitude supérieure à 0 m et inférieure ou égale à 0,5 m (ZNM « 0,5 »), les zones d’altitude supérieure à 0,5 m et inférieure ou égale à 1,1 m (ZNM « 1,1 »).
Pour en savoir plus
Brendler J., Louza T., Mounchit N., « L’économie maritime, liée au tourisme, et avec une spécialisation normande dans le transport maritime et la production d’énergie », Insee Analyses Normandie n° 79, juillet 2020
Brendler J., Comte S., Louza T., Mounchit N., Dardaillon B., Rose V., Paillette É., « Plus de 100 000 résidents, logements et emplois concernés par le risque de submersion marine en Normandie », Insee Analyses Normandie n° 87, décembre 2020
« Ouvrir dans un nouvel ongletLittoraux normands 2027 – stratégie régionale de gestion intégrée de la bande côtière », Dreal Normandie, novembre 2020