L’économie maritime, liée au tourisme, et avec une spécialisation normande dans le transport maritime et la production d’énergie

La mer et le littoral font l’objet de nombreux usages et constituent, pour les territoires côtiers mais aussi dans l’arrière-pays, une importante source de création de richesse. Avec quatre départements parmi cinq disposant d’un accès à la mer, la Normandie bénéficie d’une bordure littorale de 640 km qui se déploie le long de la Manche, l’une des zones maritimes les plus fréquentées au monde. Le département de la Manche représente à lui seul plus de la moitié de la façade littorale normande. La Seine-Maritime et le Calvados se partagent assez équitablement l’autre moitié, l’Eure disposant d’un accès beaucoup plus limité. Les bassins de vie littoraux (sources et méthodes) constituent un quart de la surface du territoire normand contre un sixième en moyenne dans les autres régions « littorales ». Ainsi, tout point du territoire se trouve à moins de 150 km du littoral à vol d’oiseau. Particularité régionale, la Seine, permettant une navigation maritime jusqu’à Rouen, étend l’influence de la mer loin à l’intérieur des terres.

Une grande variété d’activités économiques est liée au littoral et aux ressources issues de la mer. Ces activités formant le socle de l’économie maritime (sources et méthodes) engendrent 44 100 emplois en Normandie, ce qui la place en 4^e position des régions les plus pourvues en métropole, loin derrière la Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Bretagne mais juste derrière la Nouvelle-Aquitaine (figure 1). Après avoir connu une baisse liée à la crise financière de 2008 (pour en savoir plus), l’emploi maritime est resté stable sur la période 2012-2015. La Normandie contribue à un dixième des emplois de l’économie maritime de France métropolitaine, une part équivalente à ce que représente le littoral normand en termes de linéaire côtier. Le poids des emplois de l’économie maritime apparaît légèrement supérieur à la moyenne des régions métropolitaines disposant d’une façade littorale (3,6 % contre 3,0 %). La forte prégnance de la mer et du littoral se traduit par un poids conséquent de l’économie maritime en termes de richesse dégagée : 3,0 % de l’ensemble des activités économiques marchandes hors agriculture en Normandie contre 1,6 % dans l’ensemble des régions littorales.

Comme dans les autres régions disposant d’un accès à la mer, le tourisme littoral – c’est-à-dire l’hébergement touristique mais aussi un ensemble de services aux particuliers comme les restaurants, cafés et agences de voyage situés sur le littoral − est en Normandie le domaine d’activité qui pourvoit le plus d’emplois maritimes : près de quatre emplois relevant de l’économie maritime sur dix en dépendent (figure 2). Cependant, le tourisme littoral contribue nettement moins à l’économie maritime que dans l’ensemble des régions côtières où il représente plus de la moitié des emplois maritimes. Bien que disposant d’atouts certains avec des sites et des plages renommés, des lieux chargés d’histoire et la proximité de grands axes de communication reliés à la région parisienne, l’emploi touristique (sources et méthodes) reste moins développé en Normandie. Rapporté à la population résidente des bassins de vie littoraux, le nombre d’emplois touristiques est inférieur à ce que l’on observe dans l’ensemble des régions disposant d’une façade maritime (1,3 emploi par habitant contre 2,2). Il s’agit d’une particularité partagée avec les Hauts-de-France qui ne bénéficient pas non plus de l’ensoleillement des régions bordées par l’océan Atlantique ou la Méditerranée (1 750 h pour l’ensemble du littoral « Manche Est-mer du Nord » concernant les régions Normandie et Hauts-de-France contre 2 030 h en moyenne sur le littoral métropolitain). Relativement aux autres domaines de l’économie maritime normande, le tourisme littoral affiche un niveau de rémunération de ses emplois salariés relativement bas, du fait de la forte proportion d’emplois faiblement qualifiés au sein de ses effectifs (70 % des emplois sont des employés, soit deux fois plus que dans l’ensemble de l’économie maritime).

Contrairement au tourisme littoral, les activités maritimes orientées vers les domaines industriels ou logistiques apparaissent bien plus développées en Normandie. Du fait de la présence de ces activités à forte valeur ajoutée, les rémunérations des emplois de l’économie maritime sont en Normandie plus élevées qu’en moyenne métropolitaine (34 700 euros annuels par équivalent temps plein contre 31 500). Le transport maritime et fluvial, second grand domaine de l’économie maritime en Normandie, représente 23 % des emplois (figure 2), de loin la part la plus importante des régions littorales. Les salaires proposés dans ces activités sont relativement élevés. Forte de l’implantation de trois centrales nucléaires utilisant la mer comme source de refroidissement, la production d’énergie représente 10 % des emplois maritimes normands contre 2 % pour les régions littorales, ce qui place la Normandie à la tête d’entre elles pour ce domaine. En outre, le domaine de la production d’énergie emploie une main d’œuvre très souvent qualifiée (90 % de cadres ou de professions intermédiaires) et affiche de ce fait des niveaux de rémunération particulièrement élevés.

Par la nature des activités exercées, les emplois de l’économie maritime se trouvent le plus souvent à proximité de la mer (figure 3). Les communes littorales concentrent ainsi 80 % des emplois maritimes normands et les bassins de vie littoraux 92 % (sources et méthodes). Cette proximité s’exprime également à l’échelle infra-communale, beaucoup d’établissements étant situés à quelques centaines de mètres du rivage (encadré). La répartition géographique de ces emplois est cependant marquée d’une exception notable : le bassin de vie de Rouen (2 600 emplois maritimes) est le seul bassin de vie non littoral où les activités maritimes sont développées, autour du Grand Port Maritime de Rouen et de l’accès direct à la mer qu’il procure via la Seine et son estuaire. Le volume d’emplois le plus important apparaît dans le bassin de vie du Havre (9 800), en lien notamment avec les activités portuaires (Grand Port Maritime du Havre). D’autres concentrations d’emplois maritimes apparaissent dans les bassins de vie de Dives-sur-Mer (5 200), de Cherbourg (4 400) et de Dieppe (3 200), avec des orientations qui diffèrent assez nettement : respectivement tourisme littoral, construction navale et production d’énergie. Dans certains territoires, l’économie maritime apparaît prépondérante : dans les bassins de vie de Cany-Barville et d’Agon-Coutainville, au moins un emploi sur trois peut être considéré comme lié à la mer.

Le littoral normand et son espace maritime attenant présentent des aménités dont la diversité se retranscrit dans les spécificités économiques des territoires qui le composent (figure 5). Bien que le tourisme littoral apparaisse globalement moins présent en Normandie que dans l’ensemble des régions littorales, il reste la principale composante de l’économie maritime dans une majorité des bassins de vie côtiers normands. Cette orientation est notamment très présente dans le Calvados et l’ouest de la Manche. Dans certains bassins très touristiques (Pontorson et Avranches autour du site du Mont-Saint-Michel, Dives-sur-Mer et ses plages réputées de la « Côte Fleurie », etc.), les emplois maritimes relèvent presque exclusivement du tourisme. Le bassin de vie de Dives-sur-Mer concentre à lui seul un tiers des emplois touristiques littoraux de Normandie.

De nombreux territoires normands sont spécialisés dans les activités liées aux produits de la mer. Dans le département de la Manche, dans les bassins de vie de la côte est, dont les eaux littorales sont riches en plancton, ainsi que dans celui d’Agon-Coutainville sur la côte ouest, les activités de pêche et d’ostréiculture sont historiquement très implantées. Sur les côtes de Seine-Maritime, dans les bassins de vie de Fécamp et d’Offranville, l’activité concerne surtout la pêche, la transformation et la conservation du poisson.

La présence des grands ports maritimes explique l’orientation des bassins de vie du Havre et de Rouen dans le domaine du transport maritime et fluvial. Trois bassins de vie (Les Pieux, Cany-Barville et Dieppe) présentent une orientation dans la production d’énergie du fait de l’implantation de centrales nucléaires (respectivement Flamanville, Paluel et Penly). Enfin, dans le bassin de vie de Cherbourg-en-Cotentin, la forte présence d’emplois liés à la construction et la réparation de navires découle directement de la présence d’un établissement de Naval Group employant 1 400 personnes dans les chantiers navals.

Du fait de la présence de grands établissements, notamment pour la construction navale, l’énergie et les ports, les emplois de l’économie maritime sont relativement plus concentrés : un tiers des effectifs maritimes sont dans des établissements de 500 salariés ou plus, une proportion deux fois supérieure à l’ensemble des activités économiques présentes en Normandie. Dans les bassins de vie des Pieux, de Cany-Barville et dans celui d’Offranville, l’emploi maritime est très concentré dans de grands établissements de plus de 200 salariés (centrales nucléaires pour les deux premiers, établissement de conservation du poisson Davigel pour le dernier). Dans ces « petits » bassins de vie en termes de population, ces grands établissements représentent une part importante de l’emploi local : 36 % à Cany-Barville et 24 % aux Pieux. À l’inverse, dans le bassin de vie du Havre où se concentrent beaucoup de grands établissements de l’économie maritime (figure 5), le poids de ces derniers dans l’emploi local apparaît relativement faible, bien qu’ils contribuent aussi indirectement à l’économie locale du fait de l’activité qu’ils engendrent chez leurs fournisseurs et sous-traitants.