Insee Analyses Occitanie ·
Juillet 2021 · n° 106Essor du vélo sur les trajets domicile-travail : tous en piste ?
Depuis une quinzaine d’années, et plus encore depuis le début de la crise sanitaire liée au coronavirus, l’usage du vélo pour les trajets domicile-travail connaît un nouvel essor. Les facteurs favorisant les déplacements à bicyclette sont multiples. Les courtes distances, jusqu’à cinq kilomètres, sont évidemment plus propices à son usage. Elles ne suffisent pourtant pas à expliquer à elles seules les différences de pratiques entre habitants des pôles et des couronnes, cadres et ouvriers, hommes et femmes. De ce point de vue, l’aménagement cyclable de la voirie constitue un enjeu central. En effet, les actifs résidant dans des territoires bien dotés en voies cyclables sont plus nombreux à pédaler pour aller travailler. D’autres facteurs, liés aux lieux et aux conditions de travail, à la culture et à la symbolique associées au vélo peuvent aussi freiner l’adoption de la petite reine sur les trajets domicile-travail.
Cette publication fait partie d'un ensemble de travaux sur le développement durable publiés par l'Insee Occitanie.
- Avec la crise sanitaire, moins de déplacements mais plus souvent en selle
- En dehors des grands pôles, les aménagements cyclables sont rares
- Les ouvriers résident moins souvent à proximité d’aménagements cyclables
- Lieux et conditions de travail : des freins à l’usage du vélo pour les ouvriers
- Se déplacer à vélo, une culture plus masculine
- En montée, le vélo n’a pas la cote
- Encadré 1 - Locations et subventions pour doper l’usage du vélo
- Encadré 2 - Économie du cycle : seuls les services ont pignon sur rue
Depuis une quinzaine d’années, avec l’émergence des systèmes de location de vélos en libre-service, l’usage du vélo pour se rendre au travail connaît un nouvel essor, principalement en milieu urbain (encadré 1). Depuis 2015, de plus en plus d’actifs se rendent au travail à vélo sur l’ensemble des pôles de la région et notamment à Toulouse et Montpellier. À Montpellier, parmi les actifs qui ne travaillent pas à leur domicile, 6 % utilisaient un vélo en 2015. En 2019, ils sont plus de 8 %. À Toulouse, l’augmentation est encore plus marquée, de 7 % en 2015 à 10 % en 2019.
Avec la crise sanitaire, moins de déplacements mais plus souvent en selle
En 2020 et 2021, la crise sanitaire a accéléré ce changement de pratiques. Avec la crainte de la promiscuité dans les transports collectifs, l’usage du vélo a continué d’augmenter malgré la disparition de certains déplacements (télétravail, fermeture de certains établissements scolaires, couvre-feu, etc.). Les compteurs automatiques de vélos installés par certaines collectivités mesurent déjà une augmentation tous types de trajets confondus (Pour en savoir plus).
Ainsi, dès la fin du confinement du printemps 2020, à Toulouse, sur l’avenue de Lyon, les passages de cyclistes augmentent de 8 % (jours ouvrés de juin 2020 par rapport à juin 2019) ; un peu plus loin, le long du canal du Midi, à Port Saint-Étienne, ils sont en hausse de 12 % pour les jours ouvrés de septembre 2020 par rapport à 2019. De janvier à mai 2021, ils augmentent à cet endroit en moyenne de 20 % par rapport à la même période en 2019 et établissent de nouveaux records avec plus de 3 000 cyclistes certains jours. À Montpellier, pendant la première quinzaine de mars, le compteur de l’allée Beracasa enregistre également une hausse de fréquentation de 8 % entre 2020 et 2021 (jours ouvrés du 1er au 16 mars).
Au-delà de l’impact conjoncturel de la crise sanitaire, d’autres éléments plus structurels influent sur les déplacements à vélo. La distance à parcourir est évidemment centrale (figure 4) (Pour en savoir plus), mais elle ne suffit pas à expliquer le faible usage du vélo sur les trajets domicile-travail. En 2017, sur cent personnes qui se déplacent pour aller au travail, moins de trois utilisent un vélo, alors même que 35 résident à moins de cinq kilomètres de leur lieu de travail. La compréhension des facteurs pouvant favoriser l’usage du vélo, notamment l’impact des aménagements cyclables, constitue donc un enjeu important.
En dehors des grands pôles, les aménagements cyclables sont rares
Pour 100 kilomètres de voirie automobile, l’Occitanie ne compte que trois kilomètres de voies aménagées pour les vélos. Si l’on considère également comme cyclables les rues dont la vitesse est limitée à 20 km/h ou 30 km/h, sur 100 kilomètres, cinq sont cyclables. La cyclabilité de la voirie est en réalité très variable entre les pôles, les couronnes et les communes hors attraction des villes. Quelle que soit leur population, les pôles d’Occitanie sont systématiquement dotés d’une plus grande part de voirie cyclable que les communes des couronnes qui les entourent (figure 1). C’est d’ailleurs au sein de ces pôles que les déplacements domicile-travail sont plus courts et se font plus souvent à vélo (4,8 % contre 1 % en dehors des pôles).
tableauFigure 1 – Part de voirie cyclable dans les pôles et couronnes selon la population de l’aire
Population de l’aire d’attraction | Catégorie de commune | Part de voies cyclables par rapport à la voirie automobile |
---|---|---|
Aire de 700 000 habitants ou plus | Communes du pôle | 28 |
Communes de la couronne | 4 | |
Aire de 200 000 à moins de 700 000 habitants | Communes du pôle | 8 |
Communes de la couronne | 4 | |
Aire de 50 000 à moins de 200 000 habitants | Communes du pôle | 8 |
Communes de la couronne | 1 | |
Aire de moins de 50 000 habitants | Communes du pôle | 3 |
Communes de la couronne | 1 |
- Lecture : au sein des aires de plus de 700 000 habitants, les voies cyclables représentent 28 % des voies automobiles dans les pôles et 4 % dans les couronnes.
- Champ : cf. Sources et méthodes
- Source : contributions OpenStreetMap, février 2021
graphiqueFigure 1 – Part de voirie cyclable dans les pôles et couronnes selon la population de l’aire
Les communes de Toulouse et Montpellier figurent en tête des communes de plus de 50 000 habitants les plus cyclables de la région, avec respectivement 42 % et 21 % de voirie cyclable (28 % et 14 % à l’échelle de Toulouse Métropole et Montpellier Méditerranée Métropole) (Données complémentaires). En revanche, Perpignan compte 12 % de voies cyclables, et Nîmes, Béziers, Montauban et Narbonne, moins de 10 %. Parmi les communes de 20 000 à 50 000 habitants, Blagnac et Tournefeuille disposent de plus d’un tiers de voirie cyclable (36 % et 39 %), Colomiers et Agde autour d’un quart (29 % et 24 %), tandis que Castelnau-le-Lez, Albi, Sète, Tarbes, Rodez, Frontignan et Lunel en ont de 10 % à 20 %.
À titre de comparaison, la commune de Grenoble compte 53 % de voies cyclables, Strasbourg 45 % et, à l’autre extrémité du spectre, Marseille 7 %. La comparaison entre les communes de Toulouse et Strasbourg, dont les proportions de linéaires cyclables sont proches, montre que cet indicateur n’explique pas, à lui seul, l’usage plus ou moins développé du vélo : à Toulouse, 8,5 % des personnes qui se déplacent pour aller travailler utilisent un vélo contre 17,1 % à Strasbourg.
Le type d’aménagements, l’existence de continuités cyclables ou la sécurisation des intersections peuvent aussi favoriser l’usage du vélo. Ainsi, parmi les différents aménagements possibles, les voies cyclables séparées de la chaussée générale sont plus fréquentes à Strasbourg, Montpellier ou Grenoble qu’à Toulouse.
Le lien entre usage du vélo et aménagement de la voirie est clairement établi par de nombreux travaux (Pour en savoir plus). En Occitanie, ce résultat est confirmé par la modélisation de l’usage du vélo sur les trajets domicile-travail après prise en compte notamment des distances à parcourir et des caractéristiques socio-démographiques des actifs (Données complémentaires). Dans les communes et quartiers où les aménagements cyclables sont rares, l’usage du vélo par les résidents est également plus rare. De la même façon, l’absence de voies à vitesse réduite rend légèrement moins fréquente l’utilisation du vélo.
Les ouvriers résident moins souvent à proximité d’aménagements cyclables
L’usage socialement différencié du vélo pour se rendre au travail est bien documenté : les cadres et les professions intermédiaires vont plus souvent au travail à vélo que les employés et les ouvriers (Pour en savoir plus). En 2017, un tiers des ouvriers d’Occitanie vivent à moins de cinq kilomètres de leur lieu de travail et seulement 5 % d’entre eux se déplacent à vélo. En comparaison, les cadres résident moins souvent à proximité de leur travail (28 % à moins de cinq kilomètres) mais 11 % d’entre eux pédalent pour s’y rendre.
Ce constat doit néanmoins être nuancé, compte tenu du fait que les ouvriers vivent plus souvent dans des territoires peu adaptés aux déplacements à vélo. Ainsi, dans les quartiers et communes où les ouvriers comptent pour 30 % à 40 % des actifs, les voies cyclables ne représentent que 1 % de la voirie générale (figure 2). À l’inverse, les cadres bénéficient plus souvent de voiries cyclables à proximité de leur domicile. Au sein des communes et quartiers où résident 30 % à 40 % de cadres, les aménagements cyclables représentent 9 % de la voirie. Néanmoins, dès lors que les aménagements cyclables sont plus présents à proximité de leur domicile, les ouvriers se déplacent un peu plus souvent à vélo (figure 3).
tableauFigure 2 – Part de voirie cyclable selon la part de cadres et d’ouvriers parmi les résidents
Part de la catégorie sociale parmi les habitants | Cadres | Ouvriers |
---|---|---|
Moins de 10 % | 2,0 | 4,4 |
De 10 % à moins de 20 % | 2,4 | 3,1 |
De 20 % à moins de 30 % | 4,6 | 1,8 |
De 30 % à moins de 40 % | 8,6 | 1,2 |
De 40 % à moins de 50 % | 12,5 | 0,8 |
50% ou plus | 6,8 | 0,4 |
- Lecture : les quartiers ou communes où les cadres représentent plus de 50 % des actifs résidents bénéficient de 7 % de voirie cyclable ; ceux où les ouvriers constituent plus de 50 % des actifs résidents en ont moins de 1 %.
- Champ : actifs se déplaçant pour aller travailler, Occitanie
- Source : contributions OpenStreetMap, février 2021 ; recensement de la population 2017, Insee
graphiqueFigure 2 – Part de voirie cyclable selon la part de cadres et d’ouvriers parmi les résidents
tableauFigure 3 – Usage du vélo par les cadres et les ouvriers selon la cyclabilité de la voirie du lieu de résidence
Part de voirie cyclable | Cadres | Ouvriers |
---|---|---|
Moins de 5 % | 2 | 2 |
De 5 % à moins de 15 % | 6 | 3 |
De 15 % à moins de 25 % | 8 | 3 |
De 25 % à moins de 35 % | 10 | 3 |
35 % ou plus | 12 | 4 |
- Lecture : lorsque les voies cyclables représentent au moins 35 % de la voirie, 11,7 % des cadres se rendent au travail à vélo contre 3,7 % des ouvriers.
- Champ : actifs se déplaçant pour aller travailler, Occitanie
- Source : contributions OpenStreetMap, février 2021 ; recensement de la population 2017, Insee
graphiqueFigure 3 – Usage du vélo par les cadres et les ouvriers selon la cyclabilité de la voirie du lieu de résidence
Lieux et conditions de travail : des freins à l’usage du vélo pour les ouvriers
D’autres facteurs peuvent aussi limiter l’usage du vélo par les ouvriers pour les trajets domicile-travail et creuser l’écart vis-à-vis des cadres. D’une part, les quartiers ou communes où ils travaillent sont moins aménagés que ceux des cadres. Il s’agit plus souvent d’espaces périphériques regroupés au sein de zones d’activités ou industrielles. Les emplois de cadres sont au contraire plutôt implantés en centre-ville, à proximité d’aménagements cyclables. D’autre part, les ouvriers qui résident dans les territoires les plus cyclables (villes-centres le plus souvent) travaillent moins souvent que les cadres à moins de cinq kilomètres de chez eux (39 % contre 41 %).
Les conditions de travail des ouvriers (pénibilité, horaires décalés ou de nuit) et leur état de santé plus souvent dégradé rendent probablement difficile un usage du vélo similaire à celui d’autres catégories sociales plus favorisées.
Enfin, la symbolique culturelle associée au vélo, notamment chez les ouvriers, peut limiter son usage. Depuis le milieu du XXe siècle, avec l’avènement du cyclomoteur et de la voiture, le vélo utilitaire conserve en partie l’image d’un mode de transport de dernier recours. Cette symbolique d’un mode de transport par défaut transparaît à la lecture de l’usage du vélo selon l’âge : en 2017, les actifs qui se déplacent le plus fréquemment en vélo sont ceux de moins de 20 ans, qui, du fait de leur âge, disposent moins souvent d’une automobile.
Se déplacer à vélo, une culture plus masculine
Quelle que soit la distance domicile-travail, les hommes se déplacent plus souvent à vélo que les femmes. Par exemple, pour des trajets de trois kilomètres, 7 % des hommes utilisent un vélo contre 5 % des femmes (figure 4). Globalement, les hommes pédalent ainsi plus souvent que les femmes pour aller au travail, alors même qu’ils sont moins nombreux à travailler à moins de cinq kilomètres de chez eux (33 % contre 37 % pour les femmes).
tableauFigure 4 – Usage du vélo par les femmes et les hommes selon la distance domicile-travail
Distance domicile-travail (km) | Hommes | Femmes |
---|---|---|
0,5 | 4,3 | 3,4 |
0,6 | 4,7 | 3,7 |
0,7 | 5,3 | 4,1 |
0,8 | 5,8 | 4,4 |
0,9 | 6,2 | 4,7 |
1,0 | 6,5 | 4,9 |
1,1 | 6,8 | 5,1 |
1,2 | 6,9 | 5,2 |
1,3 | 7,0 | 5,3 |
1,4 | 7,3 | 5,4 |
1,5 | 7,5 | 5,4 |
1,6 | 7,7 | 5,4 |
1,7 | 7,7 | 5,5 |
1,8 | 7,7 | 5,5 |
1,9 | 7,6 | 5,4 |
2,0 | 7,7 | 5,3 |
2,1 | 7,7 | 5,4 |
2,2 | 7,7 | 5,3 |
2,3 | 7,8 | 5,3 |
2,4 | 7,8 | 5,3 |
2,5 | 7,6 | 5,2 |
2,6 | 7,5 | 5,0 |
2,7 | 7,3 | 5,0 |
2,8 | 7,4 | 4,8 |
2,9 | 7,4 | 4,8 |
3,0 | 7,4 | 4,6 |
3,1 | 7,4 | 4,6 |
3,2 | 7,3 | 4,4 |
3,3 | 7,3 | 4,3 |
3,4 | 7,1 | 4,2 |
3,5 | 7,0 | 4,1 |
3,6 | 7,0 | 3,9 |
3,7 | 7,0 | 4,0 |
3,8 | 7,0 | 4,1 |
3,9 | 6,9 | 4,0 |
4,0 | 6,8 | 3,9 |
4,1 | 6,7 | 3,8 |
4,2 | 6,5 | 3,8 |
4,3 | 6,5 | 3,7 |
4,4 | 6,2 | 3,6 |
4,5 | 6,1 | 3,5 |
4,6 | 6,0 | 3,3 |
4,7 | 5,8 | 3,3 |
4,8 | 5,7 | 3,2 |
4,9 | 5,5 | 2,9 |
5,0 | 5,3 | 2,8 |
5,1 | 5,1 | 2,6 |
5,2 | 4,9 | 2,6 |
5,3 | 4,9 | 2,5 |
5,4 | 4,7 | 2,4 |
5,5 | 4,7 | 2,4 |
5,6 | 4,7 | 2,3 |
5,7 | 4,6 | 2,3 |
5,8 | 4,5 | 2,3 |
5,9 | 4,4 | 2,1 |
6,0 | 4,3 | 2,1 |
6,1 | 4,4 | 2,0 |
6,2 | 4,3 | 2,0 |
6,3 | 4,2 | 1,9 |
6,4 | 4,2 | 1,9 |
6,5 | 4,2 | 1,8 |
6,6 | 4,2 | 1,8 |
6,7 | 4,0 | 1,7 |
6,8 | 3,9 | 1,7 |
6,9 | 3,9 | 1,7 |
7,0 | 3,8 | 1,7 |
7,1 | 3,8 | 1,7 |
7,2 | 3,6 | 1,7 |
7,3 | 3,5 | 1,7 |
7,4 | 3,4 | 1,6 |
7,5 | 3,2 | 1,5 |
7,6 | 3,1 | 1,5 |
7,7 | 3,1 | 1,5 |
7,8 | 3,0 | 1,4 |
7,9 | 3,0 | 1,3 |
8,0 | 3,0 | 1,1 |
8,1 | 2,9 | 1,1 |
- Lecture : pour une distance domicile-travail de cinq kilomètres, 2,8 % des femmes utilisent le vélo contre 5,3 % des hommes.
- Champ : actifs se déplaçant pour aller travailler, Occitanie
- Source : recensement de la population 2017, Insee ; distancier Metric-OSRM, distances par la route
graphiqueFigure 4 – Usage du vélo par les femmes et les hommes selon la distance domicile-travail
Avant même son usage utilitaire, le vélo est associé à une pratique sportive largement masculine. Ainsi, en 2019, seulement 10 % des cyclistes d’Occitanie licenciés auprès de la Fédération française de cyclisme sont des femmes, et 15 % pour le cyclotourisme. Cette culture sportive genrée se retrouve dans l’usage du vélo comme mode de transport : les néophytes sont en effet moins enclins à pédaler sur une voirie peu ou pas sécurisée.
La socialisation des femmes, notamment au cours de l’adolescence, a également comme conséquence de limiter la pratique du vélo. Cette socialisation consiste en effet en partie à limiter leurs activités dans l’espace public et notamment celles considérées comme « à risque ».
La moindre utilisation du vélo par les femmes peut aussi s’expliquer par une inégale répartition du travail domestique et de la charge éducative entre les parents. Notamment, les mères consacrent en moyenne deux fois plus de temps que les pères à l’accompagnement des enfants au cours d’une journée (école, activités). De 25 ans à 39 ans, la part de pères qui pédalent pour aller travailler est 1,6 fois plus élevée que celle des mères. Pour les couples ou adultes sans enfants, l’écart est légèrement inférieur (1,5). S’il est possible techniquement de se déplacer avec un ou des enfants à vélo, un tel choix peut néanmoins ajouter des contraintes (vélo adapté, charge, itinéraire sécurisé…) parfois difficiles à intégrer dans une organisation quotidienne.
En présence d’aménagements cyclables, l’écart d’usage du vélo entre femmes et hommes est réduit. Ainsi, au sein des quartiers et communes où la voirie cyclable représente moins de 15 % de la voirie automobile, l’usage du vélo est 1,6 fois plus répandu chez les hommes que chez les femmes (figure 5). Lorsqu’au moins 35 % des voies sont cyclables, il n’est que 1,3 fois plus fréquent. Ce rapprochement des usages ne tient cependant pas uniquement à l’aménagement de la voirie : par exemple, les femmes résidant dans les quartiers les plus cyclables sont aussi plus souvent cadres.
tableauFigure 5 – Usage du vélo par les femmes et les hommes selon la cyclabilité de la voirie du lieu de résidence
Part de voirie cyclable | Hommes | Femmes |
---|---|---|
Moins de 5 % | 1,7 | 1,1 |
De 5 % à moins de 15 % | 3,9 | 2,5 |
De 15 % à moins de 25 % | 6,0 | 4,2 |
De 25 % à moins de 35 % | 7,0 | 4,5 |
35 % ou plus | 8,2 | 6,1 |
- Lecture : lorsque les infrastructures cyclables représentent au moins 35 % de la voirie, 8,2 % des hommes se rendent au travail à vélo contre 6,1 % des femmes.
- Champ : actifs se déplaçant pour aller travailler, Occitanie
- Source : contributions OpenStreetMap, février 2021 ; recensement de la population 2017, Insee
graphiqueFigure 5 – Usage du vélo par les femmes et les hommes selon la cyclabilité de la voirie du lieu de résidence
En montée, le vélo n’a pas la cote
Sans surprise, le relief du territoire de résidence peut également freiner l’usage du vélo. Ainsi, dans les quartiers les plus plats des pôles de Toulouse, Montpellier, Nîmes et Perpignan, le vélo est deux fois plus utilisé pour se rendre au travail que dans les quartiers les plus pentus. Ce constat reste vrai sur l’ensemble de la région, à distance et caractéristiques socio-démographiques équivalentes. À l’avenir, la diffusion des vélos à assistance électrique pourrait modifier ce constat.
Si les épisodes pluvieux peuvent décourager certains cyclistes, l’usage du vélo reste important les jours de pluie. Tous types de trajets confondus, les compteurs automatiques de Montpellier enregistrent une baisse de 26 % des passages les jours d’automne ou d’hiver où il pleut le plus (plus de 5 mm de pluie, hors confinement, week-ends et vacances scolaires). Lorsque la pluie est faible (jusqu’à 5 mm), les passages diminuent seulement de 8 % (6 % à Toulouse). Sur cette même période, les matins de semaine où le vent souffle à plus de 20 km/h, les passages quotidiens de cyclistes diminuent de près de 4 %.
Encadré 1 - Locations et subventions pour doper l’usage du vélo
Les locations de vélos en libre-service constituent un facteur important dans le renouveau des déplacements du quotidien à vélo. À Montpellier et Toulouse, Vélomagg’ et VélôToulouse existent depuis 2007. Sur le territoire de Nîmes Métropole, Vélo Tango propose également des locations pour de plus longues durées. Plus récemment, d’autres collectivités ont mis en place des initiatives similaires : à Montauban et Marseillan depuis 2019, à Alès, Tarbes-Lourdes et Carcassonne depuis 2020 ou encore pour les étudiants d’Albi depuis 2015. Certains services locaux n’ont pas aussi bien réussi leur implantation, comme BIP ! à Perpignan ou Libr’vélo à Narbonne.
Parallèlement, les collectivités soutiennent l’usage du vélo en accordant des aides financières. Ainsi, la Région Occitanie, Montpellier Méditerranée Métropole, Toulouse Métropole ou encore le Grand Montauban financent pour partie l’achat de certains vélos, notamment à assistance électrique. Les employeurs peuvent également prendre en charge une partie des frais de leurs salariés venant travailler à vélo via le forfait mobilités durables créé par la loi d’orientation des mobilités de 2019. Enfin, dans le contexte de la crise sanitaire, de mai 2020 à mars 2021, l’État proposait un « Coup de pouce » de 50 euros aux particuliers souhaitant faire réparer leur vélo.
Encadré 2 - Économie du cycle : seuls les services ont pignon sur rue
L’engouement pour les déplacements à vélo profite directement à certaines activités économiques, principalement au sein des services marchands. Les chaînes de magasins de sport et loisirs généralistes sont les premières bénéficiaires de cet essor. Il n’est cependant pas possible d’isoler, au sein de ces magasins, l’activité spécifique dédiée aux vélos. De 2009 à 2017, le nombre de commerces de détail d'articles de sport en magasin spécialisé (tous sports confondus) augmente de 4 %, et les effectifs salariés de 18 % en Occitanie.
Certains établissements dont l’activité est exclusivement consacrée aux vélos peuvent être isolés (pour comprendre) et donnent ainsi des ordres de grandeur quant aux évolutions récentes. Entre 2009 et 2017, le nombre des établissements spécialisés dans la réparation de vélos fait ainsi plus que doubler. Le nombre de commerces d’articles de sports spécialisés dans l’univers du vélo connaît une croissance de près de 40 % sur la même période. Les activités de locations de vélos se développent au cours des dix dernières années. En revanche, les activités artisanales et industrielles liées à la fabrication de vélos restent peu présentes en Occitanie.
Sur la même période, les quelque centaines d’emplois salariés liés à ces activités de vente, de réparation, de fabrication et de location de bicyclettes, hors magasins de sport généralistes, augmentent de 20 % dans la région.
Pour comprendre
L’économie du cycle n’est pas un secteur clairement identifié dans la nomenclature d’activités française. Dans cette étude, la définition de ce champ se fait en deux étapes. Dans un premier temps, cinq codes APE sont retenus : ils incluent à la fois des établissements liés à l’économie du cycle et d’autres sans lien (fabrication de motocycles, fabrication de bicyclettes et de véhicules pour invalides, commerce de détail d’articles de sport en magasin spécialisé, réparation d’autres biens personnels et domestiques et location et location-bail d’articles de loisirs et de sport). Ensuite, parmi ces activités principales, un établissement est considéré comme relevant spécifiquement de l’économie du cycle si son nom comporte une référence à l’univers du vélo : « vélo », « bike », « cycl » etc. Les évolutions présentées ne constituent donc que des ordres de grandeur ne prenant pas en compte les grands commerces d’articles de sports et loisirs.
Sources
Les données OpenStreetMap (OSM) permettent de calculer une part de voirie cyclable pour l’ensemble du territoire régional. Cet indicateur s’inspire des travaux de Frédéric Héran et du Club des villes et territoires cyclables (Pour en savoir plus). Il rapporte la longueur des aménagements cyclables à celle de la voirie potentiellement cyclable, pour chaque sens de circulation. Les voies vertes, les pistes cyclables, les bandes cyclables et les zones piétonnes autorisées aux cycles sont considérées comme des voies cyclables. Les autoroutes, les voies rapides, les trottoirs (hors trottoirs cyclables) et les chemins non revêtus (hors voies vertes) sont exclus du périmètre de la voirie de référence. L’indicateur varie ainsi entre 0 (aucune voirie cyclable) et plus de 100, du fait des voies vertes qui peuvent être dissociées d’une voie générale.
Les données OSM résultent d’une démarche participative et peuvent donc être moins bien renseignées pour certains territoires, notamment pour les communes les moins peuplées. Les linéaires cyclables issus d’OSM sont néanmoins cohérents avec ceux diffusés par certaines collectivités et constituent, à ce jour, la source à privilégier sur ce sujet. Ces informations ont été extraites en février 2021, soit deux ans après la dernière enquête du recensement de la population utilisé ici : le lien établi entre la présence d’infrastructures et les déplacements réalisés à vélo est sans doute sous-estimé.
Définitions
L’aire d’attraction d’une ville définit l’étendue de son influence sur les communes environnantes, mesurée par les déplacements domicile-travail. Une aire est composée d’un pôle, défini à partir de critères de densité de population et d’emploi, et d’une couronne constituée des communes dont au moins 15 % des actifs travaillent dans le pôle. Les communes n’appartenant ni à un pôle ni à une couronne sont appelées des communes hors attraction des villes.
Les Iris (Îlots regroupés pour l’information statistique) constituent un découpage infra-communal pour l’ensemble des communes d’au moins 10 000 habitants et pour la plupart des communes de 5 000 à 10 000 habitants. La plupart des Iris comptent entre 1 800 et 5 000 habitants et sont homogènes quant au type d'habitat. Leurs limites s'appuient sur les grandes coupures du tissu urbain (voies principales, voies ferrées, cours d'eau…).
Seul compteur de Montpellier actif avant l’entrée en vigueur du confinement en mars 2020.
Sources : comptages automatisés de Toulouse Métropole et Montpellier Méditerranée Métropole.
« Le retour du vélo comme mode de déplacement », Francis Papon, Sociologie, Université Paris-Est, 2012
Source : INJEP-MEDES, Recensement des licences et clubs sportifs 2019
« Les adolescentes font-elles moins de vélo en raison de moindres possibilités réelles d’investir l’espace public ? », David Sayagh, Enfances Familles Générations, 2018
« Travail professionnel, tâches domestiques, temps « libre » : quelques déterminants sociaux de la vie quotidienne » Cécile Brousse, Économie et Statistique n° 478-479-480, 2015
Pour en savoir plus
« La voiture, omniprésente pour les trajets domicile-travail, même les plus courts », Insee Analyses Occitanie n° 102, janvier 2021
« Aller au travail à vélo », Insee Flash Occitanie n° 35, janvier 2017
« Se déplacer en voiture : des distances parcourues une fois et demie plus importantes pour les habitants des couronnes que pour ceux des pôles », La France et ses territoires, Insee, 2021
« Ouvrir dans un nouvel ongletFréquentation vélo et confinements », Bulletin Vélo et territoires n° 13, janvier 2021
« Ouvrir dans un nouvel ongletLes politiques en faveur des cyclistes dans les collectivités », Club des villes et territoires cyclables, 2019
« Ouvrir dans un nouvel ongletBikeway Networks: A Review of Effects on Cycling », Ralph Buehler, Jennifer Dill, Transport Reviews, 2015
Tableau de bord du développement durable en Occitanie, Insee Chiffres détaillés Occitanie, mai 2021