Insee Analyses Grand EstLe confinement dans le Grand Est : conditions de logement et isolement influent sur la qualité de vie

Lionel Cacheux, Clément Gass, Laura Horodenciuc, Sophie Villaume (Insee)

En période de confinement, certaines populations peuvent être davantage fragilisées, selon le type de logement qu'elles occupent ou la composition de leur ménage.

Dans le Grand Est, plus d'un habitant sur trois vit en appartement, et 252 000 personnes vivent dans un logement suroccupé. Les familles monoparentales s'avèrent particulièrement concernées par la suroccupation.

Les difficultés sont aussi accrues pour les personnes qui vivent seules, notamment les plus âgées. Dans la région, elles sont 198 500 dans ce cas, âgées de plus 75 ans. Le confinement touche aussi durement les résidents des établissements pour personnes âgées et des autres établissements médicosociaux, au nombre de 90 400 dans le Grand Est.

Insee Analyses Grand Est
No 112
Paru le :Paru le18/05/2020
Lionel Cacheux, Clément Gass, Laura Horodenciuc, Sophie Villaume (Insee)
Insee Analyses Grand Est No 112- Mai 2020

Entre le 17 mars et le 11 mai 2020, les Français sont tenus de rester chez eux au maximum et d'éviter les déplacements non indispensables pour minimiser les contacts et limiter la propagation de l'épidémie de coronavirus en France. Si l’annonce du confinement a pu s’accompagner de mouvements de population, ces mesures ne soumettent pas toute la population aux mêmes difficultés. Dans ce contexte exceptionnel, les conditions de vie des ménages, en particulier celles liées au logement, influent fortement sur la qualité de vie. Logements suroccupés, vie en appartement sans accès à l'extérieur, familles nombreuses ou monoparentales, enfants en bas âge, personnes vivant seules... toutes ces situations accentuent les difficultés au quotidien.

Plus d'un habitant du Grand Est sur trois vit dans un appartement

Si les habitants d’une maison disposent le plus souvent d’un jardin, l’accès à un extérieur privatif est plus rare pour les occupants d’appartements. Dans le Grand Est, près de 1 939 600 personnes vivent dans un appartement, soit 35,7 % de la population des ménages. Cette part, inférieure de 1,5 points à la moyenne métropolitaine, varie fortement d’un département à l’autre, en lien avec la densité de population. Elle dépasse les 40 % dans les deux départements rhénans (46 % pour le Bas-Rhin), tandis que la vie en appartement concerne moins de 20 % des Meusiens et Haut-Marnais.

252 000 personnes vivent dans un logement suroccupé

Près de 252 000 personnes, soit 4,7 % de la population régionale, habitent dans un logement , c’est-à-dire qu’elles vivent à deux ou plus dans un logement où le nombre de pièces est insuffisant au regard de la taille de leur ménage. Ainsi, exception faite des studios abritant une seule personne, plus de 64 000 logements de la région sont sous-dimensionnés au regard du nombre de leurs occupants.

La part des personnes vivant dans un logement suroccupé est là aussi la plus forte dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, avec respectivement 6,8 % et 5,9 %. Elle dépasse également 5 % dans l’Aube, pour 2,6 % et 2,7 % dans la Meuse et la Haute-Marne.

Plus de la moitié des logements suroccupés se situent dans une unité urbaine dépassant les 100 000 habitants (figure 1). Ils représentent 4,6 % des logements dans ces grandes agglomérations, pour 1 % dans les communes rurales. Cette suroccupation est par ailleurs très variable selon les quartiers. Si en moyenne 9,4 % des logements des quartiers prioritaires de la politique de la ville sont sous-dimensionnés, cette proportion dépasse 15 % dans certains quartiers de Nancy (Plateau de Haye - Maxéville : 17,7 %) ou Strasbourg (Hautepierre : 16,3%, Cronenbourg : 15 %).

Figure 1Plus de la moitié des logements suroccupés se situent dans une grande agglomération Part des résidences principales suroccupées en 2016 (en %)

  • Champ : Grand Est, résidences principales (hors studios occupés par une personne).
  • Source : Insee, recensement de la population 2016, exploitation complémentaire.

Près de 11 % des familles monoparentales vivent dans un logement trop petit

Les difficultés rencontrées en confinement sont étroitement liées à la composition du ménage. Notamment, 322 700 familles monoparentales vivent en appartement, et 44 % d’entre elles ont la charge d’au moins un enfant de moins de 10 ans, dont il faut assurer la garde, mais aussi le suivi scolaire. Les familles monoparentales sont particulièrement concernées par la suroccupation : près de 11 % de ces familles vivent dans un logement sous-dimensionné et cette proportion grimpe à plus de 15 % en considérant les parents isolés ayant la charge d’au moins un enfant de moins de 10 ans (figure 2).

Par ailleurs, dans la région, près de 7 900 personnes vivent à quatre ou plus dans un appartement de une ou deux pièces.

Figure 2Les familles monoparentales souvent à l'étroit dans leur logementPart des ménages vivant dans un logement suroccupé en 2016 (en %)

Les familles monoparentales souvent à l'étroit dans leur logement - Lecture : dans le Grand Est, 4,6 % des couples avec enfant(s) vivent dans un logement suroccupé en 2016.
Part des ménages vivant dans un logement suroccupé (en %)
Familles monoparentales avec au moins un enfant de 10 ans ou moins 15,0
Familles monoparentales 10,8
Couples avec au moins un enfant de 10 ans ou moins 5,6
Couples avec enfant(s) 4,6
Couples sans enfant 0,6
Ensemble 2,7
  • Lecture : dans le Grand Est, 4,6 % des couples avec enfant(s) vivent dans un logement suroccupé en 2016.
  • Champ : Grand Est, résidences principales (hors studios occupés par une personne).
  • Source : Insee, recensement de la population 2016, exploitation complémentaire.

Figure 2Les familles monoparentales souvent à l'étroit dans leur logementPart des ménages vivant dans un logement suroccupé en 2016 (en %)

  • Lecture : dans le Grand Est, 4,6 % des couples avec enfant(s) vivent dans un logement suroccupé en 2016.
  • Champ : Grand Est, résidences principales (hors studios occupés par une personne).
  • Source : Insee, recensement de la population 2016, exploitation complémentaire.

Près de 858 000 personnes vivent seules, soit 16 % de la population

Dans les Grand Est, 857 800 personnes vivent seules, soit 16 % de la population régionale. Une partie d'entre elles, comme les étudiants ou certaines personnes âgées, ont sans doute pu rejoindre leur famille à l'annonce du confinement. Mais pour les autres, la situation actuelle peut être particulièrement difficile à vivre : les contacts sociaux limités, voire absents, peuvent avoir des conséquences sur le moral et sur la santé. Les plus vulnérables d'entre elles, notamment les personnes âgées ou porteuses de handicap, doivent faire face à des difficultés spécifiques. Elles doivent en effet gérer seules les actes indispensables de la vie quotidienne, comme faire leurs courses ou se soigner.

Le confinement complique le quotidien des personnes âgées seules...

Dans la région, 23 % des personnes qui vivent seules ont au moins 75 ans, soit 198 500 personnes : huit sur dix sont des femmes. Elles représentent 3,7 % de la population des ménages du Grand Est (comme dans l'ensemble de la métropole), mais cette proportion est plus élevée dans les territoires ruraux (figure 3a). Elle dépasse 4,5 % dans la Haute-Marne et les Vosges.

La majorité des personnes âgées seules ne possède pas de voiture (57 %), ce qui peut compliquer l'accès aux soins ou les achats de première nécessité, surtout si ces derniers nécessitent de se rendre dans une autre commune. Dans la région, 24 % des personnes de 75 ans ou plus qui vivent seules résident dans une commune dépourvue de commerce alimentaire généraliste. Cette proportion est bien plus élevée qu'à l'échelle nationale (13,5 %) et s'avère particulièrement importante dans certains territoires (figure 3b). Elle atteint ainsi 45 % dans la Meuse et 36 % dans la Haute-Marne, tandis que cette situation ne concerne que 17 % des personnes âgées seules dans le Bas-Rhin.

Part de la population des 75 ans ou plus

Figure 3aDans le Grand Est, les personnes seules de plus 75 ans représentent 3,7 % de la populationPart de la population des 75 ans ou plus vivant seuls (en %)

  • Lecture : Dans certaines communes du Grand Est, par exemple au sud de la Haute-Marne, la population âgée de 75 ans ou plus vivant seule à domicile représente plus de 6 % de la population.
  • Champ : Grand Est, population des logements ordinaires.
  • Source : Insee, recensement de la population 2016, exploitation complémentaire.

... et des personnes seules porteuses de handicap ou touchées par la pauvreté

Le confinement dégrade aussi les conditions de vie des personnes seules porteuses de handicap, qui doivent gérer seules les difficultés du quotidien. Dans le Grand Est, 66 700 personnes qui vivent seules bénéficient de l'allocation adulte handicapé (AAH), destinée à des personnes handicapées aux revenus modestes. Parmi elles, 58 % sont des hommes et 45 % ont plus de 50 ans.

La pauvreté et la précarité rendent également le confinement plus difficile à vivre. Dans la région, 136 000 personnes seules vivent sous le seuil de pauvreté, dont 20 800 âgées de 75 ans ou plus. Le taux de pauvreté des personnes seules est le plus élevé dans les Ardennes et dans les Vosges (21,7 % et 19,5 %).

Le Grand Est compte 90 400 résidents en institution, dont 47 800 en EHPAD

Le virus est particulièrement dangereux pour les personnes vivant en institution, du fait de leur âge et/ou de leurs pathologies. Des mesures de confinement très strictes ont donc été prises dans ces établissements, interdisant les visites et les activités communes, mais renforçant fortement le sentiment d'isolement.

Selon nos estimations, début 2020, dans le Grand Est, 64 600 personnes âgées de 60 ans et plus vivent en institution, ainsi que plus de 25 700 personnes âgées de moins de 60 ans. Au total, 1,6 % de la population régionale vit en institution (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou non, résidences-autonomie, résidences seniors et autres établissements médicosociaux). Sans compter les résidents des autres établissements médicosociaux tels que les institutions accueillant des personnes en situation de handicap, la région compte 58 600 résidents de 60 ans et plus en établissements d'hébergement pour personnes âgées, dont 47 800 en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Le nombre total de résidents en hébergements pour personnes âgées rapporté à la population des 75 ans et plus s'élève à 11,3 % (figure 4). De ce point de vue, les Vosges arrivent en tête (13,5 %), du fait d’une part importante de personnes de plus de 85 ans, plus souvent dépendantes. La résidence en hébergements pour personnes âgées est également courante dans la Marne. Elle est moins fréquente dans le Bas-Rhin, où le maintien à domicile est favorisé par la densité de population, avec plus de soignants et d'associations d'aide à domicile.

Hors résidences-autonomie et résidences seniors non adossées à un EHPAD, la moitié des résidents en établissement pour personnes âgées sont lourdement dépendants () et 38 % modérément dépendants (GIR 3 et 4). Ce phénomène est plus marqué qu’au niveau régional dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, départements parmi les plus touchés par l’épidémie, où seulement 8 % des résidents sont autonomes ou presque (GIR 5 et 6). Par ailleurs, quel que soit le département, près de trois quarts des personnes hébergées dans ces établissements sont des femmes.

Figure 4Proportionnellement plus de résidents en établissements pour personnes âgées dans les Vosges et la Marne Nombre de résidents dans les établissements pour personnes âgées

Proportionnellement plus de résidents en établissements pour personnes âgées dans les Vosges et la Marne
Nombre de résidents estimé au 1ᵉʳ janvier 2020 Nombre de résidents rapporté à la population de 75 ans ou plus (en %)
Ardennes 2 600 10,7
Aube 3 600 11,3
Marne 6 700 12,9
Haute-Marne 2 000 9,4
Meurthe-et-Moselle 8 000 12,4
Meuse 2 300 12,0
Moselle 10 100 10,4
Bas-Rhin 9 900 10,2
Haut-Rhin 7 900 11,3
Vosges 5 500 13,5
Grand Est 58 600 11,3
  • Note : les 75 ans et plus représentent l'essentiel des résidents des EHPAD, EHPA et résidences autonomie (plus de quatre résidents sur cinq).
  • Champ : Grand Est, résidents des EHPAD, EHPA, résidences autonomie adossées et non adossées à un EHPAD.
  • Sources : Insee, Omphale, recensement de la population 2016 ; DREES, répertoire Finess, enquête EHPA 2015, estimations Insee.

Figure 4Proportionnellement plus de résidents en établissements pour personnes âgées dans les Vosges et la Marne Nombre de résidents dans les établissements pour personnes âgées

  • Note : les 75 ans et plus représentent l'essentiel des résidents des EHPAD, EHPA et résidences autonomie (plus de quatre résidents sur cinq).
  • Champ : Grand Est, résidents des EHPAD, EHPA, résidences autonomie adossées et non adossées à un EHPAD.
  • Sources : Insee, Omphale, recensement de la population 2016 ; DREES, répertoire Finess, enquête EHPA 2015, estimations Insee.

Sources

Les données mobilisées dans cette publication sont principalement issues du recensement de la population 2016. Le recensement fournit des statistiques sur le nombre d'habitants et sur leurs caractéristiques, notamment la répartition par sexe et âge, et les conditions de logement.

D'autres sources ont également été mobilisées :

Définitions

La suroccupation est mesurée en rapportant la composition du ménage au nombre de pièces du logement ; les studios occupés par une personne étant exclus du champ.

Le concept de suroccupation repose sur la composition du ménage et le nombre de pièces du logement.

Un logement est suroccupé quand il lui manque au moins une pièce par rapport à la norme d'« occupation normale », fondée sur :

  • une pièce de séjour pour le ménage,
  • une pièce pour chaque personne de référence de chaque famille occupant le logement,
  • une pièce pour les personnes hors famille non célibataires ou les célibataires de 19 ans ou plus, et pour les célibataires de moins de 19 ans,
  • une pièce pour deux enfants s'ils sont de même sexe ou ont moins de 7 ans,
  • sinon, une pièce par enfant.

Le groupe iso-ressources (GIR) est un indicateur du degré de dépendance, allant de 1 (très dépendant) à 6 (autonome) et résultant de l’évaluation par un professionnel (médecin, infirmier ou travailleur social). Est considérée comme personne âgée dépendante toute personne de 60 ans ou plus classée dans les GIR 1 à 4.

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