Une démographie peu dynamique, où la croissance se resserre autour des plus grandes agglomérations

Au 1^er janvier 2016, le Grand Est compte 5 555 186 habitants. La population régionale augmente en moyenne de 0,1 % par an entre 2011 et 2016, soit légèrement moins qu’au cours des cinq années précédentes (+ 0,2 %). Les naissances restent supérieures aux décès, mais le solde naturel se dégrade par rapport à la période 2006-2011. Dans ce contexte, l’excédent naturel ne compense que faiblement le manque d’attractivité résidentielle dont souffre la région.

Dans l’ensemble de la France, la démographie ralentit également, tout en demeurant encore nettement plus dynamique que celle de la région : la population française augmente de 0,4 % par an entre 2011 et 2016.

Dans la région, entre 2011 et 2016, seuls 59 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sur 149 ont gagné des habitants, soit quatre EPCI sur dix, contre sept sur dix au cours des cinq années précédentes (figure 1). La grande majorité de ces intercommunalités se situe dans les environs de Reims et de Troyes, le long du sillon lorrain ou bien encore au sein de la plaine d’Alsace. Ces territoires bénéficient de la proximité du bassin parisien ou de celle du Luxembourg, ou encore de la présence d’un tissu urbain relativement dense. Dans la quasi-totalité d’entre eux, la population progressait déjà lors de la période antérieure. Ces 59 EPCI bénéficient quasiment tous d’un solde naturel positif, mais seuls 33 conjuguent des naissances supérieures aux décès et des arrivées plus nombreuses que les départs (figure 2).

Au contraire, de la pointe des Ardennes au sud de la Haute-Marne, la dynamique démographique est quasi invariablement orientée à la baisse. Avec le massif vosgien, cet espace regroupe l’essentiel des 90 intercommunalités où la population baisse entre 2011 et 2016. Ces dernières souffrent en premier lieu d’un manque d’attractivité résidentielle : seules quatre d’entre elles ont gagné des habitants au jeu des migrations. Pour autant, un peu plus de la moitié (46) subissent à la fois déficit naturel et migrations défavorables. Outre leur manque d’attractivité, ces EPCI souvent éloignés des grandes métropoles sont confrontés à un fort vieillissement de leur population, facteur de dégradation de leur solde naturel.

Depuis la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, les communautés de communes (CC), les communautés d’agglomération (CA), les communautés urbaines (CU) et les métropoles constituent les quatre types d’EPCI à fiscalité propre que reconnaît le législateur. Dotées d’un éventail de compétences plus ou moins étendu, ces dernières doivent en grande partie leur statut à la taille de leur population. Ainsi, les CC correspondent-elles le plus souvent à des intercommunalités de petite taille, dans des espaces ruraux ou semi-ruraux, les CA à des agglomérations de taille moyenne, les CU à des pôles de taille plus importante et les métropoles aux espaces les plus densément peuplés. Dans le Grand Est, les cinq intercommunalités les plus peuplées, regroupant plus de 200 000 habitants, sont toutefois d’une nature différente : si l’Eurométropole de Strasbourg, la Métropole du Grand Nancy et Metz Métropole constituent bien toutes des métropoles au sens de la loi, l’EPCI du Grand Reims et Mulhouse Alsace Agglomération possèdent en revanche respectivement le statut de CU et de CA.

La population s’accroît globalement dans ces grandes intercommunalités (+ 0,3 % par an), mais stagne dans les CA et recule même légèrement dans les CC (- 0,1 % par an) (figure 3). C’est ainsi dans les EPCI les plus peuplés que les évolutions démographiques sont les plus favorables, le solde migratoire y étant moins déficitaire que lors des cinq années précédentes. Au niveau national, les différences entre types d’intercommunalités sont nettement moins accentuées : si les métropoles sont bien celles dont la population progresse le plus, l’écart de croissance avec les autres types d’EPCI est moins marqué.

Dans le Grand Est comme dans l’ensemble de la France, ces tendances se sont inversées, signalant un phénomène de réurbanisation. En effet, entre 2011 et 2016, la hausse de la population dans les plus grands EPCI rompt avec la stagnation démographique observée lors de la période 2006-2011. À l’échelle de la France, les gains de population qu’ont connus métropoles et CU entre 2011 et 2016 font également suite à cinq années de croissance plus modérée. À l’inverse, les CC du Grand Est ont globalement perdu 7 000 habitants entre 2011 et 2016, alors qu’elles en avaient gagné plus de 46 000 au cours des cinq années précédentes. En France métropolitaine, ces intercommunalités continuent certes à gagner des habitants, mais à un rythme deux fois moindre que lors de la période précédente (hausse annuelle de + 0,4 % contre + 0,8 % entre 2006 et 2011). Les CA connaissent quant à elles une dynamique démographique assez proche de celle qui était la leur entre 2006 et 2011 : dans la région, la croissance de population de ces EPCI ralentit très légèrement, tandis qu’elle demeure stable au niveau national.

Dans le détail, la croissance démographique constatée globalement dans les plus grandes intercommunalités régionales ne concerne en réalité pas la totalité d’entre elles : si la population croît de manière nette au sein de l’Eurométropole de Strasbourg et de la CU du Grand Reims (respectivement + 0,6 et + 0,4 % d’augmentation annuelle), elle progresse en revanche plus faiblement dans la CA Mulhouse Alsace Agglomération (+ 0,2 %), stagne dans la métropole du Grand Nancy, et recule même légèrement à Metz métropole (- 0,1 %) (figure 4). Rapportée à l’échelle du Grand Est, la progression de population dans l’Eurométropole de Strasbourg apparaît comme particulièrement élevée : avec 15 000 habitants supplémentaires en l’espace de cinq ans, cet EPCI a gagné presque autant d’habitants que la région toute entière. À l’inverse, la métropole de Metz a perdu près de 1 000 habitants sur la même période.

Ces disparités importantes résultent essentiellement de dynamiques migratoires différentes : alors que toutes ces grandes intercommunalités ont comptabilisé davantage de naissances que de décès en raison de la jeunesse relative de leur population, seule l’Eurométropole de Strasbourg est parvenue à compenser les départs de ses résidents par l’arrivée de nouveaux habitants. Si le solde migratoire n’est que très légèrement déficitaire dans la CU du Grand Reims, ce dernier est en revanche nettement plus dégradé au sein de la CA de Mulhouse et de la métropole du Grand Nancy. Ce manque d’attractivité est encore plus patent pour la métropole de Metz, dont le bilan migratoire est particulièrement déficitaire.

Malgré ces différences, toutes ces intercommunalités enregistrent une amélioration de leur dynamique démographique par rapport aux années 2006-2011, à l’exception de la CA Mulhouse Alsace Agglomération, où le nombre d’habitants continue de progresser au même rythme. Les gains de croissance sont les plus forts pour l’Eurométropole et la CU du Grand Reims, qui bénéficient d’une nette progression de leur solde migratoire. Dans les métropoles de Nancy et de Metz, le déficit migratoire se réduit et permet à ces intercommunalités de limiter l’érosion démographique observée lors de la période précédente.

Dans les CC, l’évolution du nombre d’habitants dépend en partie de la distance qui les sépare de l’EPCI de plus de 200 000 habitants le plus proche. En moyenne, plus le temps d’accès en voiture au centre d’un grand EPCI est important, plus l’évolution démographique est dégradée (figure 3). Cette tendance se vérifie également au niveau national.

Ainsi, entre 2011 et 2016, les CC régionales situées à moins de 45 minutes d’un EPCI de plus de 200 000 habitants ont globalement vu leur population s’accroître, contrairement à celles situées au-delà. Avec une population en hausse de 0,3 % chaque année, celles localisées dans un rayon inférieur à 30 minutes ont même connu une croissance comparable à celle des plus grands EPCI grâce à une natalité encore dynamique et un équilibre entre départs et arrivées. À l’inverse, celles situées à plus d’une heure de route ont enregistré un fort recul de leur population en cumulant déficit naturel et migratoire. En l’espace de cinq ans, ces CC ont ainsi perdu 14 000 habitants.

Par rapport aux cinq années précédentes, et comme dans les autres types d’EPCI, le solde naturel s’est légèrement dégradé dans l’ensemble des CC, quel que soit leur degré d’éloignement aux grands pôles. Cette détérioration est toutefois un peu plus nette dans les intercommunalités les plus isolées. En revanche, contrairement aux EPCI plus urbanisés, les CC ont également connu une dégradation de leur solde migratoire. Comme au niveau national, cette perte d’attractivité touche encore plus durement celles situées entre 30 minutes et une heure de trajet d'un grand EPCI.

Si de grandes intercommunalités figurent en tête des EPCI qui gagnent le plus d’habitants (en nombre), telles que l’Eurométropole de Strasbourg, la CU du Grand Reims et les trois CA de Troyes, Colmar et Saint-Louis, particulièrement attractives pour la population, c’est toutefois dans des intercommunalités de taille beaucoup plus modeste que la croissance démographique a été la plus intense.

Avec respectivement + 1,2 % et + 1,1 % par an, les CC de l’Arc Mosellan et du Pays Haut Val d’Azette constituent les deux intercommunalités du Grand Est où la hausse de la population a été proportionnellement la plus forte (figure 5). Bien supérieurs à ceux des structures de taille comparable, ces taux de croissance s’expliquent essentiellement par la forte attractivité qu’exerce le Luxembourg voisin. De même, du fait de la proximité de la Suisse, l’augmentation de la population est également très intense au sein de la CA de Saint-Louis. La CC du Sud Messin connaît aussi une très forte croissance démographique, sans doute grâce à ses fortes connexions avec Metz métropole.

À l’opposé, la CA Ardenne métropole est l’intercommunalité dont le nombre d’habitants a le plus régressé sur la même période : cette dernière a perdu plus de 1 000 habitants par an en raison de migrations particulièrement défavorables. Sans être aussi important, le recul démographique est également net dans les CA de Saint-Dié-des-Vosges, de Saint-Avold Synergie, de Forbach Porte de France et dans la CC des Hautes-Vosges. Situées au sein du massif des Vosges ou au nord de la Moselle, soit dans des espaces souvent en grande difficulté économique, toutes ces intercommunalités ont subi un important déficit migratoire.

Les EPCI où la déprise démographique est la plus forte proportionnellement à leur taille partagent également ces caractéristiques. À l’instar des CC des Vosges Côté Sud Ouest et d’Ardenne, Rives de Meuse, ces EPCI font face à un fort exode de population aggravé par un solde naturel également déficitaire. La plupart de ces structures sont localisées au sein ou à proximité de la Haute-Marne, de la Meuse, des Vosges ou des Ardennes. Ces départements ont en commun d’être confrontés à un déficit migratoire bien plus important qu’à l’échelle régionale. Conséquence d’une population vieillissante, cette situation est en outre aggravée dans le cas de la Haute-Marne et des Vosges par un solde naturel légèrement négatif.