Insee Analyses MartiniqueLes comptes économiques de Martinique en 2016 - Recul de l’activité, entraîné par la forte baisse de l’investissement

Clémentine Garandeau, Insee

En 2016, le PIB en volume décroît de 1,1 %, après + 0,5 % en 2015. Cette diminution tient en partie à une baisse de l’investissement (– 4,6 % en volume), et plus spécifiquement de l’investissement public, mais aussi à une chute de 15 % en volume de la production de produits pétroliers raffinés par la SARA.

En revanche, la consommation des ménages reste stable. En dépit d’une population qui diminue à un rythme régulier depuis 2007, elle évolue à un rythme semblable à l’année passée : + 0,1 % en 2016, après + 0,2 % en 2015. De même, les dépenses publiques sont quasi stables à + 0,3 % en volume, après avoir diminué de 0,6 % en 2015. La balance commerciale contribue pour – 0,4 point à la croissance (après – 0,6 point en 2015), avec + 2,5 % en volume pour les exportations et + 2,0 % pour les importations. Alors que sur la France entière, la croissance se maintient à + 1,2 % (après + 1,1 % en 2015), la Guadeloupe suit une dynamique comparable à la Martinique, avec une évolution du PIB à – 0,3 %.

Clémentine Garandeau, Insee
Insee Analyses Martinique No 22- Octobre 2017

En 2016, le produit intérieur brut (PIB) de la Martinique baisse en volume, à – 1,1 %, soit une évolution un peu en deçà de celle de la population (– 0,9 %). Celle–ci est estimée au 1er janvier 2016 à 376 850 habitants.

Le PIB par habitant diminue de 0,2 % en euros constants et s’établit à 23 155 euros en 2016. Sur la France entière, le PIB par habitant s’élève à 33 400 euros, en Guadeloupe à 21 005 euros et en Guyane à 15 813 euros.

Figure 1L'investissement chute et entraîne un recul de l'activitéLes principaux agrégats et leur évolution (en million d’euros courants et en %)

L'investissement chute et entraîne un recul de l'activité
Million d’euros courants Évolution en % Contributionen points
2016 Volume Prix Valeur
Produit intérieur brut 8 806 -1,1 0,9 -0,2 -1,1
Consommation des ménages 5 605 0,1 -0,3 -0,2 0,1
Consommation des administrations publiques 3 720 0,3 0,3 0,7 0,1
Investissement 1 406 -4,6 0,1 -4,5 -0,8
Imports de biens et services 2 978 2,0 -3,9 -2,0 -0,7
Exports de biens et services 1 076 2,5 -4,8 -2,4 0,3
Variation de stocks -23 -0,2 /// /// -0,2
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

La consommation des ménages est stable

Dans un contexte de décroissance démographique la consommation des ménages parvient à se stabiliser. Elle augmente de 0,1 % en volume, après + 0,2 % en 2015, alors que la population diminue de 0,9 %, comme en 2015.

La consommation des ménages se maintient grâce à une baisse de l’indice des prix à la consommation (– 0,2 %) combinée à une baisse du nombre de demandeurs d’emploi. Fin 2016, 50 700 personnes sont inscrites à Pôle emploi et tenues de rechercher un emploi, soit une baisse de 4 % sur un an.

Figure 2Recul du PIB en 2016Taux de croissance du PIB en volume (en %)

Recul du PIB en 2016
Martinique France
2012 0,3 0,2
2013 -1,2 0,6
2014 2,0 0,9
2015 0,5 1,1
2016 -1,1 1,2
  • Note : les estimations régionale antérieures à 2016 sont révisées, voir encadré méthodologique en fin de document.
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 2Recul du PIB en 2016Taux de croissance du PIB en volume (en %)

  • Note : les estimations régionale antérieures à 2016 sont révisées, voir encadré méthodologique en fin de document.
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Parallèlement, les crédits à la consommation affichent une hausse conséquente (+ 6,6 %), confirmant le rebond constaté en 2015 (+ 9,7 %) après plusieurs années de stagnation, voire de repli. L’amélioration de la santé financière des ménages en est la principale raison.

Dans le même temps, le marché des véhicules particuliers neufs reste très dynamique avec + 9,8 % d’immatriculations sur un an, après + 14,2 % en 2015, hausses qui rattrapent plusieurs années difficiles pour le secteur.

De leur coté, les importations de denrées alimentaires, boissons et produits à base de tabac sont en recul de 1 %, après + 1 % en 2015.

Dans le même ordre de grandeur, le chiffre d’affaires des hypermarchés diminue légèrement de 0,8 % après une baisse de 0,3 % en 2015.

In fine, la contribution de la consommation des ménages à la croissance s’établit ainsi à + 0,1 point.

Recul de l’investissement public local

L’investissement est en retrait de 4,6 % en volume en 2016 (après + 0,6 % en 2015) et contribue pour – 0,8 point à la croissance, entraîné par l’investissement public qui régresse de 24,5 % (figure 3).

Après deux années de fortes contributions à la croissance, l’investissement public des collectivités locales, qui pèse pour 80 % de l’investissement public total, recule de 30 % et repasse ainsi au–dessous du niveau de 2011. En revanche, l’État, dont les dépenses représentent 10 % de l’investissement public, augmente ses dépenses d’investissement de 11,4 %.

Figure 3Baisse de l'investissementÉvolution de l’investissement en volume (en %)

Baisse de l'investissement
Martinique
2012 -8,0
2013 -1,4
2014 4,4
2015 0,6
2016 -4,6
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 3Baisse de l'investissementÉvolution de l’investissement en volume (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Les dépenses d’investissement dédiées aux hôpitaux (soit 10 % de l’investissement public total) augmentent de 13 % et sont proches du niveau de 2011, après avoir connu un pic en 2012 et 2014 en lien avec d’importants travaux de reconstruction et mises aux normes parasismiques.

Corrélé avec l’ouverture de nouvelles écluses dans le canal du Panama, le Grand Port de Fort–de–France s’agrandit, financé par des fonds européens à hauteur de 16,8 millions d’euros. L’extension du terminal à conteneurs de la Pointe des Grives a été inaugurée le 28 juin. Le programme de modernisation permet de recevoir plus de 50 000 conteneurs supplémentaires, de très grande capacité.

Dans le secteur privé, l’investissement se maintient. Les crédits d’investissement des entreprises sont en hausse sensible à + 8,8 %, après + 13,1 % en 2015.

Du côté des ménages, l’encours des crédits à l’habitat continue de progresser mais ralentit à + 2,3 %, après + 5,6 % en 2015. Ceci ne devrait pas permettre de redresser significativement le secteur de la construction qui affiche une légère diminution du nombre de créations d’entreprises (– 0,5 %).

Les mises en chantier concernent 2 500 logements, soit une diminution de 4 % par rapport à 2015. La part de logements individuels augmente de 23 % par rapport à l’année passée pour atteindre 47 %, et celle de logements collectifs s’élève à 53 % des mises en chantier.

Le nombre de logements autorisés à la construction chute de 27 % en 2016, après – 6,5 % en 2015, laissant présager de nouvelles difficultés et une activité encore en recul pour le secteur en 2017.

Inflation quasi nulle

L’indice des prix à la consommation est en très légère diminution de 0,2 % en 2016 (contre + 0,1 % en 2015 et + 0,7 % en 2014). Une baisse identique est constatée en Guadeloupe (– 0,2 %) et en Guyane (– 0,1 %) ; en revanche l’indice augmente encore légèrement sur la France entière, de + 0,2 % (figure 4).

Figure 4L'inflation continue de ralentir, et devient légèrement négativeÉvolution de l’indice des prix, moyenne annuelle (en %)

L'inflation continue de ralentir, et devient légèrement négative
Martinique France
2012 1,4 2,0
2013 1,3 0,9
2014 0,7 0,5
2015 0,1 0,0
2016 -0,2 0,2
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 4L'inflation continue de ralentir, et devient légèrement négativeÉvolution de l’indice des prix, moyenne annuelle (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Les produits pétroliers sont les plus gros contributeurs à cette baisse : leurs prix chutent de 7,9 % pour une contribution de – 0,5 point à l’inflation.

Le prix des services de transport, corrélés aux prix des carburants, affichent également une diminution de 7,2 %, pour une contribution de – 0,1 point à l’inflation.

Viennent ensuite les produits manufacturés dont les prix régressent de 1,0 %, pour une contribution de – 0,3 point à l’inflation. En particulier, le prix des produits en habillement et chaussures fléchit de 3,2 % et celui des produits de santé de 3,3 %.

Inversement, les prix de l’alimentation progressent de 1,3 % pour une contribution de + 0,2 point à l’inflation. Cette augmentation est tirée par la hausse des prix des produits frais qui enregistrent la plus forte progression (+ 5,5 %). L’alimentation, hors produits frais, évolue peu à + 0,4 %, mais son poids, plus important dans le panier de consommation, aligne sa contribution à l’inflation à celle des produits frais : + 0,1 point.

Le prix des services, hors transport, croît de 0,9 % et contribue pour + 0,4 point à l’inflation. En particulier, le prix des services de santé grimpe de 1,8 %.

Les échanges commerciaux reculent en valeur et augmentent en volume

De la même manière qu’en 2015, au global, les échanges commerciaux régressent en valeur mais progressent en volume en lien avec la chute du prix des produits pétroliers (dont le poids est significatif dans les échanges extérieurs). En 2016 le cours du Brent s’est affaibli de 16 %, après s’être effondré de 36 % en 2015 (figure 5).

Figure 5Des échanges extérieurs de biens et services en retrait du fait de la chute du prix des produits pétroliersÉvolution des échanges extérieurs en valeur (en %)

Des échanges extérieurs de biens et services en retrait du fait de la chute du prix des produits pétroliers
Imports Exports
2012 1,3 13,1
2013 -2,4 -2,3
2014 2,8 21,4
2015 -2,3 -3,6
2016 -2,0 -2,4
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 5Des échanges extérieurs de biens et services en retrait du fait de la chute du prix des produits pétroliersÉvolution des échanges extérieurs en valeur (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Les importations de produits pétroliers bruts chutent ainsi de 38 % en valeur. Les importations de produits pétroliers raffinés reculent également en valeur de 9% mais progressent en volume de 11 %, dans un effet de compensation. En effet, la production en produits pétroliers raffinés de la SARA se rétracte de 15 % en volume sur l’année. Ainsi, les exportations de produits pétroliers raffinés suivent cette baisse de la production : elles diminuent de 16 % en volume et, avec l’effet prix, de 29 % en valeur.

Hors échanges de produits pétroliers, les importations et les exportations augmentent en valeur : respectivement de 2,9 % et 7,7 %.

Les importations des produits des industries agro–alimentaires reculent de 1 %, tandis que les importations en biens manufacturés sont en hausse de 4%.

Après une année 2015 relativement dynamique, les exportations de produits de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche sont en recul de 13 % en volume.

Les exportations de bananes chutent de 9 % en volume. La production a été fortement impactée par la tempête tropicale Matthew en septembre 2016, entraînant, au dernier trimestre, une chute de la production de 56 % par rapport au dernier trimestre 2015. La hausse du prix à l’export de 3,3 % a permis de compenser, en partie, les pertes en volume. En complément, un fonds de secours pour calamités agricoles a été ouvert.

De son côté, le secteur du rhum se maintient avec une production en hausse de 1,1 % en volume et un volume de cannes broyées à + 8,9 %.

Les dépenses courantes publiques en légère progression

En 2016 les dépenses publiques se redressent légèrement, à + 0,3 % en volume après une baisse de 0,6 en 2015. Elles contribuent pour + 0,1 point à la croissance.

Cette légère hausse est due à une augmentation des charges de personnel : + 1,8 % pour les administrations publiques, la sécurité sociale et l’enseignement (+ 0,5 % en 2015), pour un point d’indice de la fonction publique qui évolue de + 0,5 %.

Les consommations intermédiaires régressent pour la deuxième année consécutive : – 4,3 % pour les administrations publiques, la sécurité sociale et l’enseignement et – 6,6 % dans le secteur de la santé.

Le tourisme décolle

En 2016, malgré l’épidémie Zika apparue fin 2015, les dépenses touristiques s’accélèrent : + 7,5 % sur un an (toujours dans un contexte d’inflation légèrement négative et tenant compte d’une baisse des prix du transport). Elles s’élèvent à 329,7 millions d’euros. Les dépenses directes (hors effets d’entraînement) contribuent ainsi pour + 0,3 point à la croissance (+ 0,1 point en 2015).

Les touristes de séjour (+ 6,6 % sur un an) sont les plus gros contributeurs à cette hausse des dépenses : + 22,1 millions d’euros sur les 22,9 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2015.

Parallèlement, le nombre de croisiéristes poursuit sa progression significative de 24,1 % (après + 33,4 % en 2015) avec des retombées également notables sur les dépenses à + 1,4 million d’euros en un an (soit + 11,3 %).

Seul le nombre de plaisanciers est en recul (– 12,1 %), de même que leurs dépenses (– 5,5 %) qui s’élèvent à 10,3 millions d’euros.

L’ouverture par la Norwegian Airlines de vols directs entre la Martinique et les États-Unis (New York, Boston, Baltimore) entre la fin 2015 et mars 2016, et le succès remporté par ces nouvelles liaisons, permettent de donner un nouvel élan au tourisme sur le territoire.

Pour comprendre

Les comptes économiques rapides : une estimation précoce de la croissance

Produit par l’Insee, en partenariat avec l’AFD et l’Iedom dans le cadre du projet Cerom, les comptes rapides 2015 de la Guyane reposent sur une modélisation macroéconomique alimentée par les premières données disponibles de l’année écoulée. Il ne s’agit pas des comptes définitifs : les estimations pourront faire l’objet d’une révision lorsque la totalité des données de l’année seront connues.

Des évolutions en base 2010

Les évolutions diffusées ici sont en base 2010, notamment pour mettre en œuvre la nouvelle version du Système européen de comptes. Ce règlement introduit d’importantes innovations conceptuelles portant principalement sur le périmètre de l’investissement, la comptabilisation des échanges extérieurs ou la description de l’activité des entreprises d’assurance. Il s’applique à l’ensemble des pays européens. Mais changer de base, c’est revoir également les méthodes, les nomenclatures et les sources statistiques utilisées par la comptabilité afin qu’elle continue de refléter au mieux la réalité économique.

Des comptes rapides issus d’une modélisation de l’économie guyanaise

Le modèle utilisé pour construire les comptes rapides est un modèle macro-économique, de type keynésien, dit « quasi-comptable ». Il permet de projeter les comptes économiques d’une année donnée à partir d’hypothèses d’évolutions de l’offre et de la demande de biens et services. Aux Antilles-Guyane, ce modèle est construit avec 22 branches et 22 produits. Le modèle est basé sur le TES (Tableau des Entrées-Sorties) de la Comptabilité Nationale. En effet, ces relations comptables permettent d’assurer la cohérence du modèle en décrivant les équilibres nécessaires entre les ressources et les emplois pour chaque opération. La projection du compte se fait selon la méthode de Leontief, fondée sur les interactions entre branches, et celle de Keynes, fondée sur l’interaction revenu-consommation.

Définitions

Le Produit intérieur brut (PIB) mesure la richesse produite sur un territoire donnée, grâce à la somme des valeurs ajoutées des biens et services produits sur le territoire. Il est publié en volume et en valeur.

L’évolution en volume ou en « euros constants » permet de mesurer l’évolution du PIB d’une année sur l’autre, indépendamment de l’évolution des prix. Elle décrit l’évolution des quantités produites et fournit la croissance de l’économie.

L’évolution du prix du PIB mesure l’évolution de tous les prix présents dans l’économie : prix à la consommation des ménages (IPC), prix à la consommation des administrations, prix de l’investissement et prix du commerce extérieur.

L’évolution globale (volume et prix) fournit l’évolution du PIB en valeur.

Comptes rapides pour l’Outre-mer (Cerom) : Les comptes économiques rapides de la Guyane sont construits dans le cadre du projet tripartite Comptes rapides pour l’Outre-mer (Cerom) entre Insee, l’AFD et l’IEDOM. Ils reposent sur une modélisation macroéconomique alimentée pas les premières données disponibles de l’année écoulée. Il ne s’agit donc pas d’un compte définitif. Les estimations pourront faire l’objet d’une révision lorsque la totalité des données de l’année seront connues.

Pour en savoir plus

« Les comptes économiques de Martiniquee » consultables sur les sites du Ouvrir dans un nouvel ongletCEROM et de l'Insee

« La Martinique en 2016 », Rapport annuel de l’Iedom - juin 2017 sur Ouvrir dans un nouvel ongletwww.iedom.fr/martinique.

« Bilan économique 2016 en Martinique », Insee Conjoncture n° 3, mai 2017.

«  La baisse de l'investissement estompe la croissance », Insee Analyses Guadeloupe n° 26, octobre 2017.

« L’investissement se redresse, la croissance se maintient », Insee Analyses Guyane n° 25, octobre 2017.