Insee Analyses GuadeloupeLes comptes économiques de Guadeloupe en 2016 - La baisse de l'investissement estompe la croissance

Clémentine Garandeau, Insee

En 2016, le PIB en volume recule de 0,3 %, après un regain de croissance en 2015 de 2,1 %. Contrairement aux années précédentes, la croissance guadeloupéenne, tout comme celle de la Martinique (– 1,1 %), ne s’inscrit pas dans la dynamique nationale. Sur la France entière, la croissance s’élève de + 1,2 %, après + 1,1 %, avec un investissement qui se maintient (+ 2,8 %) et une population qui croît encore légèrement (+ 0,4 %). En Guadeloupe, après une hausse de 2,6 % en 2015, l’investissement régresse de 4,6 %, entraîné par le recul de 21 % de l’investissement public. Il contribue pour – 0,8 point à la croissance. La consommation des administrations publiques décélère à + 0,9 % en volume, après + 2,1 %, du fait de la réduction des consommations intermédiaires. La consommation des ménages garde le même rythme de croissance que celle de 2015 (+ 0,7 %), pour une population qui diminue doucement entre 2012 et 2016. Les exportations sont dynamiques à + 8,8 % en volume, entraînées par la hausse des dépenses touristiques (+ 7,8 % en volume), en lien avec l’ouverture de vols directs avec les États-Unis et l’événement de la coupe Davis début mars. Les importations sont quasi stables en volume à + 0,7 % et reculent en valeur, de 2,3 % du fait de la chute des produits pétroliers.

Clémentine Garandeau, Insee
Insee Analyses Guadeloupe No 26- Octobre 2017

En 2016, le produit intérieur brut (PIB) de la Guadeloupe diminue (– 0,3 % en volume). La population est en légère diminution depuis 2012. Elles est estimée à 395 730 habitants au 1er janvier 2016. Le PIB par habitant s’établit à 21 005 euros en 2016, soit une hausse de 0,2 % en euros constants par rapport à l’année précédente. En Martinique, le PIB par habitant s’élève à 23 155 euros, en Guyane à 15 813 euros et sur la France entière à 33 400 euros.

Figure 1La baisse de l’investissement estompe la croissanceLes principaux agrégats et leur évolution (en million d’euros courants et en %)

La baisse de l’investissement estompe la croissance
Million d’euros courants Évolution en % Contributionen points
2016 Volume Prix Valeur
Produit intérieur brut 8 374 -0,3 0,7 0,4 -0,3
Consommation des ménages 4 870 0,7 -0,2 0,4 0,4
Consommation des administrations publiques 3 881 0,9 0,4 1,3 0,4
Investissement 1 349 -4,6 0,4 -4,2 -0,8
Imports de biens et services 2 640 0,7 -3,0 -2,3 -0,2
Exports de biens et services 1 010 8,8 -3,9 4,6 1,0
Variation de stocks -95 -1,2 /// /// -1,2
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

La consommation des ménages se maintient

La consommation des ménages progresse en volume de 0,7 % pour une population en baisse de 0,5 %. Elle contribue pour + 0,4 point à la croissance.

L’indice des prix à la consommation est en légère baisse (– 0,2 %) pour la première fois depuis 2009 et explique en partie ce maintien de la consommation en volume.

Le taux de chômage reste structurellement élevé, mais stable à 24 %, supérieur à celui de Martinique (18 %) et de Guyane (23 %). Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi à la fin 2016, toutes catégories confondues, diminue de 1,3 % sur un an et s’établit à 69 070 personnes.

Figure 2Le PIB en retraitTaux de croissance du PIB en volume (en %)

Le PIB en retrait
Guadeloupe France
2012 0,4 0,2
2013 1,0 0,6
2014 0,9 0,9
2015 2,1 1,1
2016 -0,3 1,2
  • Note : les estimations régionale antérieures à 2016 sont révisées, voir encadré méthodologique en fin de document.
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 2Le PIB en retraitTaux de croissance du PIB en volume (en %)

  • Note : les estimations régionale antérieures à 2016 sont révisées, voir encadré méthodologique en fin de document.
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

En 2016, 4 098 entreprises (4 081 en 2015) sont créées en Guadeloupe, soit + 0,4 % en un an, après quatre années consécutives de baisse. L’augmentation des créations de sociétés y contribue fortement (+ 19,5 %) et compense le repli des immatriculations de micro-entreprises (– 22,1 %).

L’emploi privé est quasi stable, avec une situation favorable dans l’industrie et le secteur tertiaire marchand, contrebalancée par un secteur de la construction en difficulté. Dans le secteur non marchand, les salaires versés augmentent de 2,7 %.

L’encours des crédits à la consommation octroyés progresse toujours mais à un rythme moins soutenu, + 5,1 %, après + 7,8 % en 2015.

Les importations de biens de consommation courante et de biens d’équipement du foyer évoluent positivement (respectivement + 4,0 % et + 12,8 % sur l’année). Les importations liées à l’industrie automobile sont en hausse de 6 % mais décélèrent (+ 11 % en 2015). Les importations de produits agroalimentaires sont en légère diminution (– 0,4 %).

L’inflation légèrement négative

L’indice des prix à la consommation est en repli : après une inflation moyenne annuelle contenue entre 0 % et 1 % au cours de la période 2013-2015, elle recule de 0,2 % en 2016, comme en Martinique. La Guyane connaît également une inflation quasi stable (– 0,1 %). Sur la France entière, l’inflation est encore légèrement positive (+ 0,2 %) (figure 3).

Figure 3L'inflation continue de ralentirÉvolution de l’indice des prix, moyenne annuelle (en %)

L'inflation continue de ralentir
Guadeloupe France
2012 1,4 2,0
2013 1,3 0,9
2014 0,7 0,5
2015 0,1 0,0
2016 -0,2 0,2
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 3L'inflation continue de ralentirÉvolution de l’indice des prix, moyenne annuelle (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Les produits pétroliers sont les plus gros contributeurs à cette baisse : ils diminuent de 7,9 % pour une contribution de – 0,4 point à l’inflation, ainsi que les services de transport dont les prix suivent la chute des prix des carburants : – 5,4 % pour une contribution de – 0,1 point à l’inflation.

Le prix des services hors transport croît, de 0,8 %, et contribue pour + 0,1 point à l’inflation.

Le prix des produits de santé fléchit significativement de 2,3 %, pour une contribution à – 0,1 point à l’inflation.

Les prix de l’alimentation continuent d’augmenter (+ 1,2 %) pour une contribution de + 0,1 point à l’inflation. Les prix des produits frais sont en hausse de 2,1 %, avec une contribution nulle à l’inflation. Les prix de l’alimentation hors produits frais varient moins (+ 0,8 %), mais leur poids plus important dans le panier de consommation porte leur contribution à l’inflation à + 0,1 point.

Repli de l’investissement public

L’investissement fléchit de 4,6 % en volume, après + 2,1 % en 2015. Il contribue pour – 0,7 point à la croissance (figure 4). Il est entraîné par le recul de l’investissement public (– 21 %, après – 5,1 % en 2015). En proie pour la plupart à des difficultés financières croissantes, les collectivités locales, qui concentrent 80% de l’investissement public, ont beaucoup moins investi en 2016 (– 20 %). L’État et les hôpitaux pèsent respectivement 15 % et 5 %. L’année 2016 correspond à la livraison de nombre de projets débutés il y a plusieurs années par les collectivités à l’image du parking à deux étages de Basse-Terre achevé à la fin du premier semestre 2016.

Figure 4L'investissement en fort reculÉvolution de l’investissement en volume (en %)

L'investissement en fort recul
Guadeloupe
2012 -2,1
2013 2,4
2014 -7,0
2015 2,1
2016 -4,6
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 4L'investissement en fort reculÉvolution de l’investissement en volume (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

L’encours des crédits à l’investissement accordé aux entreprises continue d’augmenter mais décélère : + 4,9 % après + 8,5 %.

L’ouverture mi-2017 aux Abymes, dans le quartier de Providence, du Family Plaza, complexe qui regroupe plusieurs grandes enseignes et une salle et de sport, jouxté par un cinéma multiplex (dix salles), avec un parking d’une capacité de 1 500 places, a généré un investissement total de 70 millions d’euros sur une période de quatre ans.

Du côté des ménages, l’encours des crédits à l’habitat décélère à + 3,5 % après + 10,8 % en 2015.

En effet, le secteur du BTP, qui a montré des signes de reprises, reste en retrait comme en témoignent certains indicateurs en berne : chute de l’investissement public, baisse des ventes de ciment (- 7,0 %, + 0,5 % en 2015) et des créations d’entreprises dans le secteur (+ 0,2 %, + 4,0 % en 2015). Cela fait suite à la chute en 2015 des autorisations de construire (– 33 %). En 2016, elles augmentent à nouveau de 30 %, laissant présager d’une année 2017 plus dynamique pour le secteur.

Des importations stables en volume, des exportations en constante progression

Les importations sont en baisse de 2,3 % en valeur et quasi stables en volume : + 0,7 % (après + 2,5 % l’année passée) (figure 5). Elles contribuent ainsi pour – 0,2 point à la croissance.

Le cours du Brent s’affaiblit de 16 %, après s’être effondré de 36 % en 2015, et la chute du prix des produits pétroliers diminue mécaniquement la facture des importations. De surcroît, le volume importé en produits pétroliers raffinés chute aussi à – 14 %. Pour répondre à une demande en carburants plutôt stable, un destockage de ces produits est nécessaire, d’où une contribution négative significative des stocks à la croissance, à –1,2 point.

Figure 5La balance commerciale s'amélioreÉvolution des échanges extérieurs en valeur (en %)

La balance commerciale s'améliore
Imports Exports
2012 0,1 3,8
2013 4,1 10,9
2014 -4,4 -7,6
2015 0,9 4,1
2016 -2,3 4,6
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 5La balance commerciale s'amélioreÉvolution des échanges extérieurs en valeur (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Avec une demande des ménages en progression modérée du fait notamment de la faiblesse du dynamisme démographique, les importations de denrées alimentaires, boissons et produits à base de tabac sont stables à – 0,4 %, avec un prix en retrait de 1 %.

La demande intérieure des entreprises en biens d’investissement est également stable en 2016 : les importations de biens d’équipements mécaniques, matériels électriques, électroniques et informatiques restent presque inchangées à hauteur de 420 millions d’euros.

Les importations liées à l’industrie automobile sont en hausse de 6 %.

Les importations de services de transport, qui pèsent pour environ 12 % du total des importations, sont en baisse de 3,8 %, entraînées par la baisse du prix du billet d’avion qui chute significativement.

Les exportations progressent de 4,6 % après avoir augmenté de 4,1 % en 2015. En volume, elles augmentent de 8,9 %, du fait de la baisse des prix des produits pétroliers.

Après une année 2015 en retrait, les ventes de produits de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche sont en progression de 9 %. Les exportations de bananes s’amplifient de 6,4 % en volume, soit 66 208 tonnes exportées, malgré la tempête Matthew survenue fin septembre et les importants cumuls de pluie de novembre et décembre qui ont fragilisé les bananeraies. Les exportations de rhum sont en hausse également à + 6,1 %. En revanche, la campagne sucrière est très mauvaise, avec une production amputée d’un tiers, en raison des conséquences de la sécheresse de 2015 sur la production 2016 et d’un taux de richesse en saccharine à 7,5 %, en très forte diminution (– 19 points).

Les exportations de services de transport, notamment aérien, qui pèsent pour environ un tiers des exports, stagnent en valeur (+ 0,6 %) mais progressent en volume, en lien avec la baisse du prix des carburants.

Les dépenses publiques ralentissent, entraînées par une contraction des consommations intermédiaires

Les dépenses des administrations publiques augmentent de 0,9 % en volume (+ 2,1 % en 2015) et contribuent pour + 0,4 point à la croissance. Elles sont dues à la hausse des charges de personnel à + 2,7 % dans les administrations publiques, la sécurité sociale et l’enseignement (+ 0,7 % en 2015), pour un point d’indice de la fonction publique qui évolue de 0,5 % en un an.

Cette hausse de la rémunération est contrebalancée par la baisse des consommations intermédiaires qui étaient en hausse l’année passée. Dans les administrations publiques, la sécurité sociale et l’enseignement, elles régressent de 9,0 % et dans le secteur de la santé publique de 23,7 %.

Le tourisme a bonne mine

2016 est une bonne année touristique malgré l’épisode de Zika en début d’année, avec + 7,8 % de passagers en un an, soit 2 160 520 départs et arrivées à l’aéroport Pôle Caraïbe, hors transit. Les dépenses des touristes pèsent pour 4 % du PIB en Guadeloupe, hors effets induits, et contribuent ainsi pour + 0,3 point à la croissance.

L’ouverture des vols directs par la Norwegian Airlines entre la Guadeloupe et trois grandes villes des États-Unis (New York, Boston, Baltimore) ainsi que la visibilité de la Guadeloupe grâce à la coupe Davis pour le match France / Canada en mars 2016, conjuguées à une baisse du coût du billet favorisent le secteur touristique.

L’activité hôtelière suit le mouvement mais en deçà de l’accélération globale du secteur, avec + 2,9 % de nuitées en un an, après + 2,2 % en 2015. La part des nuitées étrangères s’amplifie et passe de 13,4 % à 19,3 % entre 2014 et 2016.

Pour comprendre

Les comptes économiques rapides : une estimation précoce de la croissance

Produit par l’Insee, en partenariat avec l’AFD et l’Iedom dans le cadre du projet Cerom, les comptes rapides 2015 de la Guyane reposent sur une modélisation macroéconomique alimentée par les premières données disponibles de l’année écoulée. Il ne s’agit pas des comptes définitifs : les estimations pourront faire l’objet d’une révision lorsque la totalité des données de l’année seront connues.

Des évolutions en base 2010

Les évolutions diffusées ici sont en base 2010, notamment pour mettre en œuvre la nouvelle version du Système européen de comptes. Ce règlement introduit d’importantes innovations conceptuelles portant principalement sur le périmètre de l’investissement, la comptabilisation des échanges extérieurs ou la description de l’activité des entreprises d’assurance. Il s’applique à l’ensemble des pays européens. Mais changer de base, c’est revoir également les méthodes, les nomenclatures et les sources statistiques utilisées par la comptabilité afin qu’elle continue de refléter au mieux la réalité économique.

Des comptes rapides issus d’une modélisation de l’économie guyanaise

Le modèle utilisé pour construire les comptes rapides est un modèle macro-économique, de type keynésien, dit « quasi-comptable ». Il permet de projeter les comptes économiques d’une année donnée à partir d’hypothèses d’évolutions de l’offre et de la demande de biens et services. Aux Antilles-Guyane, ce modèle est construit avec 22 branches et 22 produits. Le modèle est basé sur le TES (Tableau des Entrées-Sorties) de la Comptabilité Nationale. En effet, ces relations comptables permettent d’assurer la cohérence du modèle en décrivant les équilibres nécessaires entre les ressources et les emplois pour chaque opération. La projection du compte se fait selon la méthode de Leontief, fondée sur les interactions entre branches, et celle de Keynes, fondée sur l’interaction revenu-consommation.

Définitions

Le Produit intérieur brut (PIB) mesure la richesse produite sur un territoire donnée, grâce à la somme des valeurs ajoutées des biens et services produits sur le territoire. Il est publié en volume et en valeur.

L’évolution en volume ou en « euros constants » permet de mesurer l’évolution du PIB d’une année sur l’autre, indépendamment de l’évolution des prix. Elle décrit l’évolution des quantités produites et fournit la croissance de l’économie.

L’évolution du prix du PIB mesure l’évolution de tous les prix présents dans l’économie : prix à la consommation des ménages (IPC), prix à la consommation des administrations, prix de l’investissement et prix du commerce extérieur.

L’évolution globale (volume et prix) fournit l’évolution du PIB en valeur.

Comptes rapides pour l’Outre-mer (Cerom) : Les comptes économiques rapides de la Guyane sont construits dans le cadre du projet tripartite Comptes rapides pour l’Outre-mer (Cerom) entre Insee, l’AFD et l’IEDOM. Ils reposent sur une modélisation macroéconomique alimentée pas les premières données disponibles de l’année écoulée. Il ne s’agit donc pas d’un compte définitif. Les estimations pourront faire l’objet d’une révision lorsque la totalité des données de l’année seront connues.

Pour en savoir plus

« Les comptes économiques de la Guadeloupe » consultables sur les sites du Ouvrir dans un nouvel ongletCEROM et de l'Insee

« La guadeloupe en 2016 », Rapport annuel de l’Iedom - juin 2017 sur Ouvrir dans un nouvel ongletwww.iedom.fr/guadeloupe.

« Bilan économique 2016 de Guadeloupe », Insee Conjoncture n° 3, mai 2017.

« Recul de l’activité, entraîné par la forte baisse de l’investissement », Insee Analyses Martinique n° 22, octobre 2017.

« L’investissement se redresse, la croissance se maintient », Insee Analyses Guyane n° 25, octobre 2017.