Des besoins différenciés selon les profils de séniors résidents La silver économie dans les Hauts-de-France
Avec 1,3 million de séniors en 2012, la région Hauts-de-France concentre près de 10 % des séniors de France de province. À l'horizon 2030, ce volume devrait atteindre 1,7 million et représenter 28 % de la population régionale contre 21 % actuellement. Cette croissance démographique est une réelle opportunité de développement économique pour la région, mais également un enjeu sociétal pour aujourd'hui et pour demain. Les problématiques liées à la Silver économie dépendent toutefois des différents profils de séniors de la région. Pour apporter une réponse adaptée à leurs besoins, il est en effet nécessaire de prendre en compte leur niveau de ressources, le degré d'accessibilité aux équipements ou encore leur âge, pouvant accentuer les problèmes de dépendance et réduire leur autonomie.
Cette étude fait partie d'une série de publications sur la silver économie dans les Hauts-de-France.
- Émergence de la Silver économie
- À l'horizon 2030, les séniors représenteront 28 % de la population régionale
- Des territoires où les séniors sont nombreux mais aux ressources globalement limitées
- Des territoires où les problématiques d'accessibilité sont accentuées par des profils de séniors plus âgés et aux revenus plus modestes…
- … et d'autres où elles sont moins contraintes du fait de séniors plus jeunes et plus aisés
- Des espaces regroupant des séniors plus aisés au sein desquels le maintien à domicile peut trouver des réponses complémentaires
- Une frange de bassins de vie concentrant des séniors très aisés où la Silver économie dispose d'un potentiel de développement très vaste
Émergence de la Silver économie
La région Hauts-de-France compte 1,3 million de personnes de 60 ans ou plus en 2012, soit 8 % des séniors de France métropolitaine. Elle est donc, au même titre que d'autres régions, concernée par l'émergence de la Silver économie. Au niveau régional comme au niveau national, les séniors affichent en moyenne un pouvoir d'achat supérieur aux autres catégories de population, et sont donc susceptibles de participer de manière assez conséquente à la croissance économique. Les ressources potentielles et les besoins particuliers des séniors permettent ainsi d'alimenter un marché spécifique couvrant une large palette de secteurs économiques, en partie liés à l'âge. La Silver économie désigne précisément cet ensemble d'activités économiques et industrielles visant une amélioration de la qualité et du confort de vie des séniors.
Se retrouvent ainsi dans le registre de la Silver économie les biens et services liés au bien-être, aux activités de tourisme et de loisirs. Cette catégorie d'offre est destinée principalement à une population de « jeunes » séniors, dynamiques et potentiellement consommateurs d'une offre dédiée. Ensuite, la Silver économie couvre les problématiques liées au maintien à domicile, aux transports et à la santé, et enfin aux besoins en hébergement des personnes entrant dans la dépendance. Ce dernier point concernant davantage les séniors en perte d'autonomie.
À l'horizon 2030, les séniors représenteront 28 % de la population régionale
Bien qu'elle soit une région structurellement jeune, les Hauts-de-France affichent un volume de séniors comparable à celui des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et Grand-Est (figure 1). Elle devrait par ailleurs enregistrer une hausse de près d'un tiers de sa population de séniors entre 2012 et 2030, alors même que l'ensemble de la population n'augmenterait que très faiblement (0,9 %). Par conséquent, les Hauts-de-France s'avèrent fortement concernés par les problématiques liées à la Silver économie et à son expansion continue dans les années à venir. La région devrait en effet compter autour de 1,7 million de séniors à l'horizon 2030, soit 28 % de sa population, contre 21 % aujourd'hui.
graphiqueFigure 1 – Une faible proportion de séniors, mais un volume comparable aux régions PACA et Grand-EstPart et volume de séniors par région en 2012
Dans ce contexte, l'hébergement des personnes âgées est l'un des enjeux prioritaires, que ce soit pour l'accueil en institution ou en favorisant le maintien à domicile. La loi d'adaptation de la société au vieillissement, entrée en vigueur au 1er janvier 2016, a été mise en place dans ce sens, et peut s'avérer d'autant plus légitime dans une région où la vie en institution est moins fréquente (4 % en région contre 7 % en moyenne en France de province). En outre, le recours aux institutions pose le problème de la solvabilité des ménages. Cette difficulté est en effet accentuée dans la région par le plus faible niveau de vie médian des séniors (autour de 19 500 euros pour les personnes de 60-74 ans et 17 500 euros pour celles de 75 ans ou plus). S'ils disposent dans l'ensemble d'un niveau de ressources supérieur aux autres catégories sociales, ce niveau de vie reste en effet inférieur à celui des personnes âgées de 60 ans ou plus des autres régions (inférieur de 2 000 euros environ pour les 60-74 ans et de 1 500 euros pour les 75 ans ou plus). De plus, la moindre proportion de séniors propriétaires comparativement à la moyenne nationale réduit d'autant leur capacité financière.
Les problématiques territoriales liées à la Silver économie doivent s'adapter aux profils des séniors. Leur identification permettrait en effet d'envisager des réponses adaptées, fonctions de leurs ressources et besoins. En région Hauts-de-France, les bassins de vie peuvent être regroupés en sept classes (définitions et méthode) concentrant des séniors aux caractéristiques sociodémographiques proches (figure 2).
graphiqueFigure 2 – Une ségmentation régionale des profils de séniors en 7 catégories de bassins de vieTypologie des bassins de vie au regard des profils sociodémographiques des séniors
Des territoires où les séniors sont nombreux mais aux ressources globalement limitées
Une première catégorie de bassins de vie (classe 1), très denses et essentiellement situés au nord de la région, abrite près d'un sénior sur deux (soit 615 000 personnes âgées de 60 ans ou plus). Ce vaste ensemble englobe le bassin de vie de Lille, une grande partie de l'ancien bassin minier, une partie de la Côte d'Opale, ainsi que le bassin de vie de Creil. Ces territoires à très forte densité de population sont structurellement plus jeunes, avec une proportion de personnes de 60 ans ou plus sensiblement inférieure à la moyenne régionale. Les séniors y disposent des avantages des espaces denses en matière d'accessibilité aux équipements, qu'il s'agisse d'équipements de la vie courante (commerces de proximité par exemple) ou ceux répondant plus spécifiquement à leurs besoins (tels que la santé).
Les séniors résidant dans ces quelques bassins de vie sont cependant globalement plus vulnérables qu'ailleurs. Ils présentent d'une part un niveau de vie en moyenne plus faible qu'au niveau régional : les « jeunes » séniors disposent notamment d'un revenu médian annuel significativement moindre avec environ 18 600 euros pour les 60-74 ans contre 19 500 pour l'ensemble de la région. D'autre part, ces derniers sont également moins fréquemment propriétaires de leur logement (deux sur trois seulement contre trois sur quatre au niveau régional), limitant ainsi leurs capacités patrimoniales. Enfin, ils présentent également une fragilité en matière de santé, avec une espérance de vie parmi les plus faibles de la région, pour les hommes comme pour les femmes (respectivement 76 et 83 ans, soit une année de moins qu'en moyenne régionale).
Que ce soit aujourd'hui ou demain, le potentiel de développement de la Silver économie peut se trouver partiellement contraint sur ces bassins de vie par le plus faible niveau de vie des séniors. Il peut en effet restreindre l'essor de certaines activités, considérées comme des dépenses moins prioritaires, comme le tourisme ou les loisirs, ou les limiter au pan associatif, susceptible de connaître à l'inverse ici un développement important.
La fragilité financière de ces séniors, associée aux difficultés sanitaires liées à l'âge, pose la question de leur prise en charge dans un horizon assez proche. La forte augmentation de cette population dans les années à venir, couplée à une tendance à la hausse de l'espérance de vie, risque en effet de conduire à une augmentation des problèmes liés à la dépendance.
Des territoires où les problématiques d'accessibilité sont accentuées par des profils de séniors plus âgés et aux revenus plus modestes…
Une frange de bassins de vie, abritant environ 20 % des personnes de 60 ans ou plus de la région, se caractérise par des temps d'accès plus longs aux équipements. Situés en grande partie au sein de l'ancienne région picarde, ainsi que dans une partie de son prolongement vers le Montreuillois à l'ouest, ou de l'Avesnois à l'est, (classes 2 et 3), ces espaces sont par ailleurs structurellement plus âgés que les autres bassins de vie, avec une proportion de séniors supérieure à celle de la région (environ un quart de séniors résidents contre un cinquième en moyenne régionale). Ces zones abritent surtout une proportion plus grande de séniors âgés de 75 ans ou plus : près de 40 % contre 35 % en moyenne dans la région. Ces mêmes bassins de vie présentent également les espérances de vie des séniors (hommes ou femmes) parmi les plus faibles de la région, en moyenne 74 ans pour les hommes et 82 ans pour les femmes de la classe 3. La densité démographique y est enfin nettement plus faible que la moyenne régionale, expliquant le plus grand temps d'accès aux équipements. Selon le profil des séniors résidents, cet éloignement des commodités quotidiennes peut induire des réponses différenciées pour la Silver économie.
En effet, les problématiques liées à l'accessibilité aux équipements sont accentuées par une mobilité des séniors potentiellement réduite du fait de leur âge et/ou de leur état de santé. La recherche d'amélioration de leur qualité de vie peut passer par le développement des métiers des services à la personne, axés notamment sur l'aide à la mobilité (accompagnement extérieur, transport de personnes…). Au sein de quelques-uns de ces bassins de vie (classe 3), les séniors disposent qui plus est d'un niveau de vie nettement plus modeste que la moyenne régionale.
… et d'autres où elles sont moins contraintes du fait de séniors plus jeunes et plus aisés
Les problématiques d'accessibilité aux équipements se retrouvent également au sein de quelques autres bassins de vie (classe 4), pour lesquels elles n'ont pas nécessairement les mêmes implications en matière de Silver économie. Ces espaces sont localisés de manière diffuse sur le territoire régional autour notamment des bassins de vie de Desvres, Flixecourt, Orchies ou Breteuil. Ils abritent près de 7 % des séniors de la région et comptent une proportion plus importante de jeunes séniors âgés de 60 à 74 ans. Ceux-ci disposent par ailleurs d'un niveau de vie supérieur à la moyenne régionale (respectivement 20 400 euros contre 19 500), en raison de nombreux séniors encore actifs. Les séniors résidents sur ces territoires sont en outre plus fréquemment propriétaires. Ils présentent les espérances de vie les plus élevées, pour les hommes comme pour les femmes.
La problématique du vieillissement porte donc ici essentiellement sur une moindre proximité aux équipements de la vie quotidienne, pour des séniors plus jeunes, plus mobiles et disposant de revenus plus confortables qu'au sein d'autres bassins de vie eux-mêmes peu denses. Le développement des services à la personne (assistance ou livraison à domicile) pourrait être une réponse adaptée à leurs besoins, mais elle peut être accompagnée ici d'une offre plus large de services de distribution de proximité. Ces séniors ont en outre déjà un potentiel de consommation important en matière de transport, mais également dans d'autres pans d'activités, tels que les loisirs, le bien-être, la culture ou encore le tourisme.
tableauFigure 3 – Des profils de séniors qui se distinguent fortement, notamment sur les revenusPositionnement des classes par rapport à la moyenne régionale
Classe 1 | Classe 2 | Classe 3 | Classe 4 | Classe 5 | Classe 6 | Classe 7 | moyenne régionale | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Revenu médian des séniors âgés de 60 à 74 ans | 1,00 | 1,05 | 0,94 | 1,07 | 1,29 | 0,95 | 1,46 | 1,00 |
Revenu médian des séniors de 75 ans ou plus | 0,99 | 0,99 | 0,94 | 1,06 | 1,12 | 0,98 | 1,38 | 1,00 |
Part séniors parmi l'ensemble de la population | 1,12 | 0,99 | 1,25 | 1,03 | 0,97 | 0,96 | 1,12 | 1,00 |
Part seniors âgés de 75 ans ou plus parmi les séniors | 1,11 | 1,01 | 1,14 | 1,02 | 0,91 | 1,06 | 1,07 | 1,00 |
Part de séniors propriétaires | 1,05 | 1,13 | 1,08 | 0,99 | 1,17 | 0,88 | 0,95 | 1,00 |
Taux équipement en hébergement pour personnes âgées | 1,25 | 0,68 | 1,03 | 1,01 | 0,54 | 0,96 | 1,30 | 1,00 |
Temps d'accès aux équipements du panier sénior | 1,14 | 1,26 | 1,20 | 0,71 | 1,07 | 0,47 | 0,34 | 1,00 |
- Note de lecture : pour chacun des indicateurs du graphique ci-dessus, la moyenne régionale est à 100. Pour la classe 7, le revenu médian des personnes âgées de 60 à 74 ans est près de 1,46 fois supérieur à la moyenne régionale.
- Source : Insee, recensement de la population 2012, Filosofi 2012, Metric 2010, enquête EHPA.
graphiqueFigure 3 – Des profils de séniors qui se distinguent fortement, notamment sur les revenusPositionnement des classes par rapport à la moyenne régionale
Des espaces regroupant des séniors plus aisés au sein desquels le maintien à domicile peut trouver des réponses complémentaires
D'autres territoires régionaux présentent enfin un profil de séniors plus favorisés, tant du point de vue des revenus que de la facilité d'accès aux équipements ou de l'état de santé.
Certains de ces bassins de vie, présentant une densité démographique plus proche de la moyenne régionale (classe 5), abritent des séniors plus jeunes, potentiellement encore actifs et disposant par conséquent de revenus sensiblement supérieurs à la moyenne régionale. Environ 23 % des séniors de la région résident au sein de ces territoires, englobant des bassins de vie denses tels que ceux de Amiens ou Arras, mais également ceux moins peuplés de Laon, Soissons ou Saint-Quentin. Ils profitent à la fois des commodités offertes par les grandes villes, d'un niveau de vie plutôt aisé (avec une part de propriétaires se situant dans la moyenne régionale), et d'une espérance de vie plus importante proche de celle de la région.
Ces territoires peuvent ainsi voir se développer une filière dédiée à la gérontechnologie, en parallèle d'autres marchés axés sur les loisirs, le bien-être ou encore le tourisme. Au sein de ces espaces, la problématique du maintien à domicile pourrait ainsi donner lieu au développement de pans d'activités plus vastes de la Silver économie. En effet, ces ménages de séniors, plus aisés financièrement et plus fréquemment propriétaires de leur logement, peuvent davantage recourir à des alternatives distinctes et complémentaires des services à la personne, comme la mise en place d'équi-pements spécifiques au sein de leur foyer (domotique, biens d'équipement ergonomiques, téléassistance…).
Une frange de bassins de vie concentrant des séniors très aisés où la Silver économie dispose d'un potentiel de développement très vaste
Le développement de ce type d'activités est plus envisageable encore au sein d'une petite dizaine de bassins de vie abritant les séniors les plus favorisés en termes de revenus : Cysoing, Pont-à-Marcq, Chantilly, Senlis… (classes 6 et 7). Ces espaces regroupent à peine 2 % des séniors mais ceux-ci présentent des niveaux de vie très nettement supérieurs à la moyenne régionale, notamment pour les « jeunes » séniors (en moyenne 25 000 euros pour les 60-74 ans de la classe 6 à plus de 28 000 euros pour ceux de la classe 7).
Les deux bassins de vie de Chantilly et Senlis se distinguent encore davantage par la présence de séniors aux revenus très nettement supérieurs à la moyenne y compris pour les plus âgés d'entre eux (plus de 24 000 euros de revenus annuels pour les 75 ans ou plus). Ils profitent également d'un temps d'accès aux équipements nettement inférieur à la moyenne. Ils bénéficient enfin d'un très bon taux d'équipement en établissements pour personnes âgées, une caractéristique que l'on retrouve également au sein d'autres bassins de vie situés à proximité de la région parisienne.
Bien qu'elle concerne un volume de séniors assez restreint, la Silver économie peut donc trouver ici un volet d'expansion de sa filière sur l'ensemble des marchés qui la composent, des biens de consommation aux biens d'équipement.
Pour comprendre
Méthode de classification des bassins de vie
La classification utilisée dans cette étude, réalisée sur les bassins de vie de la région Hauts-de-France, s'appuie sur les caractéristiques des séniors composant le territoire. Elle comprend entre autres : l'âge moyen, la part des séniors dans la population du territoire, la part des séniors âgés de 75 ans ou plus parmi les séniors, le niveau de vie médian des séniors âgés de 60 à 74 ans, le niveau de vie médian des séniors âgés de 75 ans ou plus, la part des séniors propriétaires, la part des séniors en location HLM, l'espérance de vie des hommes et des femmes, le taux d'équipement en institutions et le temps d'accès au panier de la vie courante.
Une analyse en composantes principales (ACP) permet d'abord de déterminer les principales différences entre les bassins de vie et de mettre en avant les variables qui y contribuent le plus. Une Classification ascendante hiérarchique (CAH) permet de regrouper ces bassins de vie en sept classes selon les caractéristiques des séniors qui l'habitent.
Le nom de chaque classe s'appuie sur les caractéristiques des séniors qui y sont fortement représentés.
Panier de la vie courante : comprend 22 équipements ou services. Ceux-ci ont été choisis en fonction de la proximité, de la mobilité qu'ils impliquent, de l'importance qui leur est donnée au quotidien et de leur fréquence d'usage. Ils comprennent une grande partie des équipements de la gamme dite de proximité. Dans cette gamme, les services à domicile ont été écartés, ainsi que les équipements qui ne sont pas d'usage quotidien (agences immobilières…). Pour les mêmes raisons, d'utilité et d'usage, des équipements relevant des gammes intermédiaire et supérieure ont été pris en compte : collèges, stations-services, supermarchés.
Pour en savoir plus
1,7 million de personnes de 60 ans ou plus attendues en 2030, Insee Flash n°19, Insee Hauts-de-France, février 2017
Revenus des séniors : des disparités générationnelles et locales, Insee Flash n°20, Insee Hauts-de-France, février 2017
L’accessibilité des séniors aux équipements de région Hauts-de-France Insee Flash n°21, Insee Hauts-de-France, février 2017
Les trois quarts des séniors vivent dans des logements dont ils sont propriétaires, Insee Flash n°22, Insee Hauts-de-France, février 2017
Tensions dans le marché de l'hébergement pour séniors, Insee Flash n° 23, Insee Hauts-de-France, février 2017