Insee Analyses Hauts-de-FranceLa population immigrée plus présente dans les grandes aires urbaines

Amélie Crohin, Insee

Les immigrés sont moins présents dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie qu’en France. Plus de la moitié d’entre eux sont nés en Afrique et un tiers en Europe. Cette population, plus âgée que la moyenne et aux niveaux de scolarité très variés, se concentre principalement dans les grandes villes du sud de l'Oise, dans l'agglomération lilloise ainsi qu'à la frontière belge.

Insee Analyses Hauts-de-France
No 22
Paru le :Paru le03/08/2016
Amélie Crohin, Insee
Insee Analyses Hauts-de-France No 22- Août 2016

En 2012, 288 700 immigrés résident en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, ils étaient 272 600 en 2007, soit 5,9 % de moins. Cette population se concentre principalement dans les grandes villes. Ainsi, près de 29 % de la population immigrée est regroupée dans six communes : Lille, Roubaix, Tourcoing, Villeneuve d'Ascq, Amiens et Creil. Avec 25 230 personnes, la commune de Lille rassemble à elle seule 8,7 % des immigrés de la région.

Figure 1En 2012, 288 700 immigrés resident en Nord-Pas-de-Calais-Picardie

  • Source : Insee, recensement de la population 2012, exploitation principale

Cependant, la population immigrée ne représente que 4,8 % des habitants de la région soit 0,7 point de moins qu’en 2007. Comparé au niveau national (8,7 %), ce pourcentage est faible, plaçant la région au 10e rang. Cette proportion est également inférieure de près de deux points à celle de la France de province (6,7 %). L’une des raisons est que les immigrés sont moins présents que les non-immigrés dans les zones peu ou très peu densément peuplées. En effet, au niveau national neuf immigrés sur dix résident dans l'espace des grandes aires urbaines.

Figure 2La population immigrée se concentre dans les grandes villes

  • Source : Insee, recensement de la population de 2012, exploitation complémentaire

Une répartition des immigrés contrastée sur le plan local

La répartition de cette population est très variable selon les départements. Leur part dans la population totale atteint dans l’Oise et le Nord respectivement 7,3 % et 6,1 %. Dans l’Aisne, la Somme et le Pas-de-Calais, elles sont plus faibles : 3,8 %, 3,3 % et 2,2 %.

À un niveau géographique plus fin, on constate que la population immigrée se concentre principalement dans les grandes villes du sud de l’Oise, de l’agglomération lilloise et dans un certain nombre de communes de Sambre-Avesnois, à la frontière de la province belge du Hainaut.

Les aires urbaines comptant la plus grande part d’immigrés sont celles de Creil (16,6 %), Noyon (13,1 %), Lille et Maubeuge pour leurs parties françaises (8,4 %).

Figure 3Les aires urbaines de Creil et de Noyon comptent la plus grande part d’immigrés

  • Source : Insee, recensement de la population 2012

Au niveau communal, leur présence est plus forte dans certaines villes du sud de l’Oise : ils représentent 26,2 % de la population de Creil, 22 % de celle de Nogent-sur-Oise et 21,3 % des habitants de Montataire. La proximité de la Belgique et des choix résidentiels pour raisons professionnelles ou fiscales amènent un certain nombre de petites communes autour de Maubeuge à accueillir aussi une grande proportion d’immigrés parmi leur population.

Figure 4Les communes du sud de l’Oise et de la zone frontalière belge accueillent une grande proportion d’immigrés

  • Source : Insee, recensement de la population de 2012, exploitation complémentaire

Les immigrés principalement originaires du Maghreb et d’Europe

Près de 40 % des immigrés habitant la région ont acquis la nationalité française, ce qui est comparable au niveau national.

Plus de la moitié sont nés en Afrique et plus particulièrement au Maghreb : 19 % sont originaires du Maroc, 19 % d’Algérie. Ces proportions sont respectivement supérieures de six et sept points au niveau national.

Figure 5Plus de la moitié des immigrés habitant la région sont originaires d’Afrique

Plus de la moitié des immigrés habitant la région sont originaires d’Afrique
Nombre et part d’immigrés par pays de naissance
Pays de naissance Nombre d'immigrés Part en %
Portugal 26 580 9,2
Italie 14 537 5,0
Espagne 6 532 2,3
Autres pays de l'Union Européenne à 27 48 302 16,7
Autres pays d'Europe 6 657 2,3
Europe 102 608 35,5
Algérie 55 065 19,1
Maroc 54 828 19,0
Tunisie 6 767 2,3
Autres pays d'Afrique 34 655 12,0
Afrique 151 315 52,4
Turquie 9 302 3,2
Autres pays 25 484 8,8
Ensemble 288 709 100,0
  • Source : Insee, recensement de la population 2012, exploitation principale

Un tiers des immigrés de la région sont d’origine européenne : parmi eux 9,2 % viennent du Portugal, 7,7 % de Belgique et 5 % d’Italie.

Si, au plan national, 14,4 % des immigrés proviennent d’Asie, ils sont moins présents dans la région (6,2 % des immigrés).

L’arrivée de populations immigrées d’origines différentes selon les périodes de l’histoire de notre région s'est traduite par une répartition spécifique sur le territoire. Ainsi, dans l’aire urbaine de Lille, un quart des immigrés est originaire d’Algérie et 18 % du Maroc ; dans celle de Creil, 23 % des immigrés viennent d’Afrique noire et 18 % du Maroc. Enfin, l’aire urbaine de Maubeuge se caractérise par une forte proportion d’immigrés européens (plus du tiers) et d’Algériens (28 %).

Une population plus âgée

La structure par âge de la population immigrée se distingue de celle de l’ensemble de la population régionale par une faible proportion de jeunes, notamment de moins de 15 ans : moins de 5 % contre 20 % pour la population non immigrée. Cela s’explique par le fait que peu d’enfants accompagnent leurs parents lors de la migration. Par ailleurs, tout enfant de parents immigrés, né sur le sol français, est français de naissance.

Cette faible présence de jeunes contribue à accroître l’âge moyen de la population immigrée. Les tranches d’âges les plus représentées sont celles des 60-74 ans (18,3 % des immigrés) et celles des 30-39 ans (18,2 %).

Figure 6Faible proportion de jeunes dans la population immigrée

  • Source : Insee, recensement de la population de 2012, exploitation complémentaire

Les femmes sont généralement majoritaires dans les âges les plus avancés. Bénéficiant d'une espérance de vie plus longue, elles représentent ainsi 51,6 % de la population non immigrée de la région. À l'inverse, la population immigrée du Nord-Pas-de-Calais-Picardie compte un peu plus d’hommes (50,2 %) que de femmes, notamment parmi les personnes âgées de plus de 60 ans (50,4 %). C’est l’une des seules régions de France, avec la Normandie et la Corse, où les hommes sont majoritaires parmi les immigrés. Au niveau départemental, les hommes sont aussi plus nombreux que les femmes, sauf dans le Pas-de-Calais (49,5 %) qui se caractérise par une part importante de femmes de 55 ans et plus (23,0 %) dans l’ensemble de la population immigrée.

Un fort contraste de diplômes en fonction de l’âge

En matière de formation initiale, le contraste entre anciennes et nouvelles générations est marqué. Globalement, près de 12 % de la population immigrée n’a pas suivi de scolarité et 28 % des immigrés de la région n’ont aucun diplôme. Ce sont des proportions importantes comparées à celles de la population non immigrée (respectivement 1 % et 14 %). Parmi les plus de 60 ans, ce sont même 26 % des immigrés qui sont concernés par cette absence de scolarité, contre 1,3 % pour les non immigrés de cette tranche d’âge.

Cette situation résulte essentiellement des anciennes générations provenant d’Afrique, notamment du Maghreb, à la différence des migrants d’Europe du Sud qui ont été plus souvent scolarisés sans pour autant obtenir un diplôme.

À l’inverse, les jeunes immigrés ont un niveau de diplôme équivalent à celui des non immigrés. Ainsi, parmi les 15-29 ans, 54,1 % ont le baccalauréat ou plus (47,7 % pour les non immigrés) et près d’un tiers des jeunes entre 30 et 39 ans sont titulaires d’un diplôme supérieur au bac (37,7 % pour les non-immigrés).

Par conséquent, à l’instar de la population régionale, les jeunes sont plus diplômés que la population âgée, mais cette tendance est plus marquée pour la population immigrée.

Une concentration au sein de certaines professions et une exposition plus importante au chômage

Les immigrés représentent 5,3 % de la population active (1), soit 144 130 personnes. Ce taux est supérieur à leur poids dans la population régionale, ce qui signifie qu’ils sont plus souvent actifs que l’ensemble de la population.

Ils sont surtout surreprésentés dans les domaines des activités scientifiques, techniques et de services administratifs (tertiaire), la construction et l’hébergement-restauration.

Figure 7Les immigrés surtout présents dans le tertiaire

Les immigrés surtout présents dans le tertiaire
Répartition des actifs en emploi selon leur activité
Activité économique Immigrés % Non immigrés %
Agriculture, sylviculture et pêche 980 0,9 48 990 2,2
Fabrication aliments, boissons & tabac 2 030 1,9 58 390 2,7
Cokéfaction et raffinage 60 0,1 725 0,0
Fabrication équipement électrique, électronique, informatique & machines 1 200 1,1 28 500 1,3
Fabrication de matériels de transport 1 575 1,5 37 240 1,7
Fabrication autres produits industriels 8 350 7,8 172 620 7,9
Extraction, énergies, eau, gestion déchets. & dépollution 1 245 1,2 32 880 1,5
Construction 10 990 10,3 139 195 6,4
Commerce ; réparation automobile & motocycle 13 530 12,6 289 105 13,3
Transports et entreposage 5 680 5,3 132 240 6,1
Hébergement et restauration 6 595 6,2 65 515 3,0
Information et communication 2 280 2,1 37 925 1,7
Activités financières et d'assurance 2 040 1,9 62 255 2,9
Activités immobilières 1 015 0,9 24 180 1,1
Activités spécialisées, services administratifs et de soutien 14 485 13,5 213 290 9,8
Administration publique, enseignement., santé & action sociale 29 140 27,2 737 950 33,8
Autres activités de services 5 970 5,6 99 510 4,6
Total 107 165 100,0 2 180 510 100,0
  • Source : Insee, recensement de la population 2012, exploitation complémentaire

Ils occupent davantage des postes d’ouvriers (31,2 % contre 25,7 %), de cadres (15,3 % contre 13,1 %) et d’artisans-commerçants (8,1 % contre 4,8 %) que les travailleurs non-immigrés.

Figure 8Les immigrés sont plus souvent ouvriers ou cadres

Les immigrés sont plus souvent ouvriers ou cadres
Population immigrée occupée selon sa profession
Profession (actifs occupés) Immigrés % Non immigrés %
Agriculteurs exploitants 320 0,3 27 915 1,3
Artisans, commerçants, chefs entreprise 8 680 8,1 105 180 4,8
Cadres, professions intellectuelles sup 16 430 15,3 285 200 13,1
Professions Intermédiaires 20 790 19,4 562 340 25,8
Employés 27 520 25,7 639 215 29,3
Ouvriers 33 425 31,2 560 660 25,7
Total 107 165 100,0 2 180 510 100,0
  • Source : Insee, recensement de la population 2012, exploitation complémentaire

Les immigrés sont plus exposés au chômage(2) : le taux de chômage au sens du recensement atteint près de 26 % pour cette population, contre 16 % pour l’ensemble de la population régionale. Les personnes les plus touchées sont originaires d’Afrique et plus particulièrement du Maghreb, les plus épargnées proviennent d’Europe du Sud (Portugal et Espagne).

Il existe donc un enjeu social pour l’emploi des populations immigrées et également pour leurs retraites, car la part de retraités parmi eux est de 22 %, soit plus de deux points de plus que pour la population non-immigrée.

(1)La population active regroupe la population active occupée et les chômeurs

(2)Il s’agit du taux de chômage su sens du recensement de la population des personnes âgées de 15 à 64 ans.

Un accès moindre à la propriété

Plus exposés au chômage, les immigrés connaissent des conditions de vie plus difficiles.

Alors que 36 % de la population régionale est locataire, dont la moitié en HLM, les immigrés sont locataires pour 48 % d’entre eux, dont près deux tiers en HLM.

De même, ils accèdent moins souvent à la propriété que la moyenne des ménages de la région : 43 % sont propriétaires contre 60 % des non immigrés.

Enfin, le nombre moyen de personnes par logement atteint six personnes ou plus pour 11 % d'entre eux contre 5 % de la population non-immigrée.

Définitions

Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l'Intégration, un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France. Les personnes nées françaises à l'étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées. À l'inverse, certains immigrés ont pu devenir français, les autres restant étrangers. Les populations étrangère et immigrée ne se confondent pas totalement : un immigré n'est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs). La qualité d'immigré est permanente: un individu continue à appartenir à la population immigrée même s'il devient français par acquisition. C'est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l'origine géographique d'un immigré.

Une aire urbaine ou « grande aire urbaine » est un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.

Pour en savoir plus

Brutel C ., « La localisation géographique des immigrés : une forte concentration dans l’aire urbaine de Paris », Insee Première n°1591, avril 2016

Huygen A-C., Le Scouëzec P., « Près de 5 % de la population Picarde est immigrée », Insee Picardie Flash n°7, octobre 2012

Chaillot P., Lavenseau D., « Immigrés en Nord-Pas-de-Calais : une implantation liée à l’histoire économique », Pages de Profils n°89, février 2011

Chaillot P., Lavenseau D., « Immigrés : le diplôme, une moindre sécurité face au chômage? », Pages de Profils n°90, février 2011

Huyssen A., Richet D., « Immigration en Picardie : 5 % de la population picarde est immigrée », Insee Picardie Analyses n°39, septembre 2009