Insee Analyses GuyaneLes aides publiques aux entreprises soutiennent l’emploi

Pierre-Adrien Bayart, Insee

En Guyane, la croissance de l’emploi salarié est plus forte pour les entreprises aidées que pour les autres. Ces entreprises ont cependant, dès le départ, des caractéristiques propres qui ont un impact sur l’évolution de l’emploi. Il convient d’en tenir compte afin d’apprécier l’effet réel des aides. Une analyse statistique révèle un effet bénéfique et significatif des aides. Les entreprises aidées ont su tirer parti du soutien pour se développer plus que les autres en termes d’emploi. Les trois dispositifs distincts étudiés ici se différencient par leurs vocations, par leurs cibles et par leurs effets. Les aides directes ont tendance à propulser les projets de grande envergure d’entreprises structurées. Les aides au financement permettent aux petites et aux jeunes entreprises, ayant un projet nécessitant un investissement, de se développer. Les aides à l’emploi sont un soutien opportun pour les entreprises plus fragiles désirant favoriser l’insertion professionnelle des personnes rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi.

Pierre-Adrien Bayart, Insee
Insee Analyses Guyane No 15- Mai 2016

Les aides aux entreprises sont un levier important d’action pour les pouvoirs publics. Ceux-ci disposent d’une palette d’outils pour soutenir la croissance des entreprises et accompagner leur développement. Des entreprises performantes sont des entreprises qui recrutent.

Les entreprises aidées ont une croissance de l’emploi plus importante que les non aidées (figure 1, figure 2, figure 3). Ce constat s’explique par l’effet direct des aides, mais aussi éventuellement par la nature même des entreprises bénéficiaires. Discerner la part effectivement attribuable aux aides est la finalité de cette étude. On distingue trois dispositifs d’aides : les aides directes, les aides au financement et les aides à l’emploi.

Une entreprise aidée se développe plus vite

En Guyane, sur la période 2007-2012, les entreprises aidées étaient en moyenne de plus grande taille, plus jeunes, plus structurées et appartenaient souvent aux secteurs du commerce et de l’industrie. (Insee Analyses Guyane n° 9). Les entreprises aidées ont donc des caractéristiques bien particulières. Certaines peuvent avoir une influence sur l’évolution de leurs effectifs salariés.

Toutes les entreprises, selon leurs caractéristiques structurelles, ne sont pas égales lorsque l’on considère l’évolution de leur emploi. Certains secteurs bénéficient d’un climat plus favorable que d’autres sur la période. Le stade de maturité et la catégorie juridique de l’entreprise vont avoir une influence forte sur sa stratégie d’embauche. Le taux de croissance d’une entreprise sera plus facilement élevé pour une entreprise ayant peu de salariés au départ que pour une entreprise qui en avait initialement un grand nombre. À titre d’exemple, une entreprise n’ayant qu’un seul salarié doublera ses effectifs dès lors qu’elle en emploiera un second. En revanche, l’impact d’une embauche sur le taux d’évolution de l’emploi d’une entreprise ayant un grand nombre de salariés ne sera que minime.

La structure atypique des entreprises aidées influence donc mécaniquement l’évolution de leur emploi et cela dans les deux sens. Mais alors, leur croissance est-elle effectivement optimisée par les aides ? Ou bien la croissance observée est-elle le simple résultat de leur prédisposition au développement due à leurs caractéristiques initiales ? Autrement dit, les entreprises ayant bénéficié d’un dispositif d’aide ont-elles effectivement connu une croissance de leur emploi plus élevée que les entreprises aux caractéristiques similaires n’en ayant pas bénéficié ? Pour distinguer l’effet réel des aides, il est donc nécessaire de prendre en compte ces différences structurelles (méthodologie).

Indépendamment de leur profil particulier, l’analyse statistique révèle que les entreprises aidées ont effectivement su tirer parti du soutien des aides pour se développer plus que les autres en termes d’emploi.

Si les trois dispositifs ont le point commun d’avoir eu un effet bénéfique sur les bénéficiaires, ils restent très différents les uns des autres. Ils se différencient par leurs vocations, par leurs cibles et par leurs effets.

Les aides directes : propulser les projets de grande envergure, créer de l’emploi

Deux ans après le versement de l’aide, les entreprises aidées par une aide directe ont un taux de croissance de l’emploi de 21 points supérieur à celui des entreprises non aidées. L’ensemble des effectifs salariés augmentent de 28 % pour les entreprises bénéficiaires et de moins de 7 % pour le groupe témoin (figure 1).

Figure 121 points d’effectifs supplémentaires pour les entreprises bénéficiaires d’une aide directe

Évolution de l’emploi salarié sur 4 ans (deux ans avant jusqu’à deux ans après l’aide) (en %)
21 points d’effectifs supplémentaires pour les entreprises bénéficiaires d’une aide directe (Évolution de l’emploi salarié sur 4 ans (deux ans avant jusqu’à deux ans après l’aide) (en %))
Aide directe Groupe témoin
Deux ans avant l'aide 100 100
Deux ans après l'aide 127,8 107
  • Lecture : Le nombre de salariés dans les entreprises aidées par une aide directe a augmenté de 28 % en 4 ans. Durant la même période, le nombre de salariés dans les entreprises n’ayant pas reçu d’aide (groupe témoin) a augmenté de 7 %.
  • Source : CLAP 2007-2012 ; Fichier d’aides de la préfecture.

Figure 121 points d’effectifs supplémentaires pour les entreprises bénéficiaires d’une aide directe

  • Lecture : Le nombre de salariés dans les entreprises aidées par une aide directe a augmenté de 28 % en 4 ans. Durant la même période, le nombre de salariés dans les entreprises n’ayant pas reçu d’aide (groupe témoin) a augmenté de 7 %.
  • Source : CLAP 2007-2012 ; Fichier d’aides de la préfecture.

La principale mission des aides directes est de développer et de renforcer la cohésion économique, sociale et territoriale de Guyane : développer des projets innovants à forte valeur ajoutée ; renforcer le tissu économique existant afin de développer le marché intérieur ; désenclaver le territoire. Tels sont les trois premiers axes des programmes opérationnels 2007-2013 du Fonds Européen de Développement Économique Régional (FEDER). Pour réaliser ces objectifs ambitieux, les montants des aides directes sont en général plus importants que les autres dispositifs d’aide. La création et le maintien d’emplois sont des critères de sélection et d’éligibilité de projets d’entreprises, mais n’en sont pas la finalité. La création d’emploi est plutôt une conséquence de la réalisation des ambitions plus larges des projets subventionnés.

Le profil des entreprises bénéficiaires se démarque nettement de celui des autres entreprises de la région. La quasi-totalité (94 %) des entreprises ayant bénéficié d’une aide directe sont des sociétés commerciales (moins de 40 % des entreprises du groupe témoin relèvent de ce statut juridique). Elles ont en moyenne 15 salariés, soit six fois plus que les entreprises du groupe témoin. Les aides directes nécessitent une compétence administrative forte pour gérer la subvention. La complexité du montage de dossier de demande d’aide peut être un obstacle pour les petites entreprises. La forme juridique et la taille de l’entreprise semblent être révélatrices d’une certaine structuration administrative qui peut favoriser la demande et l’obtention d’aide. La présence d’une équipe comptable interne facilite souvent le montage des dossiers. Les aides directes exigent également un fonds de roulement suffisant permettant l’avance de trésorerie dans l’attente du versement de la subvention. Plus de la moitié des entreprises ayant bénéficié d’une aide directe appartient au secteur industriel (six fois plus que dans le groupe témoin). En revanche, elles appartiennent assez peu au secteur du commerce. Les entreprises bénéficiaires d’une aide directe ne se distinguent pas significativement des entreprises du groupe témoin par leur âge. Elles ont en moyenne 10 ans, contre 11 ans pour celles du groupe témoin.

La prise en compte des caractéristiques des entreprises bénéficiaires d’aides directes renforce le constat initial : les entreprises aidées se sont développées nettement plus rapidement que les autres en termes d’emploi. Le bénéfice moyen sur une entreprise aidée par rapport à une entreprise similaire mais non-aidée est estimé à 7,7 emplois créés ou maintenus deux ans après l’aide (figure 4).

Les aides au financement : permettre aux petites et aux jeunes entreprises de se développer

Comme les bénéficiaires d’une aide directe, les entreprises aidées par une aide au financement ont un taux de croissance de l’emploi supérieur à celui des entreprises non aidées. L’ensemble de l’effectif salarié des entreprises bénéficiaires a augmenté de 23 % en 4 ans, soit 16 points de plus que le groupe témoin (figure 2).

Figure 216 points d’effectifs supplémentaires pour les entreprises bénéficiaires d’une aide au financement

Évolution de l’emploi salarié sur 4 ans (deux ans avant jusqu’à deux ans après l’aide) (en %)
16 points d’effectifs supplémentaires pour les entreprises bénéficiaires d’une aide au financement (Évolution de l’emploi salarié sur 4 ans (deux ans avant jusqu’à deux ans après l’aide) (en %))
Aide au financement Groupe témoin
Deux ans avant l'aide 100 100
Deux ans après l'aide 123,3 107
  • Lecture : Le nombre de salariés dans les entreprises aidées par une aide au financement a augmenté de 23 % en 4 ans. Durant la même période, le nombre de salariés dans les entreprises n’ayant pas reçu d’aide (groupe témoin) a augmenté de 7 %.
  • Source : CLAP 2007-2012 ; Fichier d’aides de la préfecture.

Figure 216 points d’effectifs supplémentaires pour les entreprises bénéficiaires d’une aide au financement

  • Lecture : Le nombre de salariés dans les entreprises aidées par une aide au financement a augmenté de 23 % en 4 ans. Durant la même période, le nombre de salariés dans les entreprises n’ayant pas reçu d’aide (groupe témoin) a augmenté de 7 %.
  • Source : CLAP 2007-2012 ; Fichier d’aides de la préfecture.

Les aides au financement désignent, en grande partie, un des moyens d’intervention de l’Agence Française de Développement (AFD). Il s’agit de la garantie publique pour l’accès des entreprises aux emprunts bancaires. Dans un contexte économique marqué par le ralentissement de l’offre de financement, il peut être difficile, et à plus forte raison pour les petites et les jeunes entreprises, de se voir accorder un prêt bancaire pour financer un projet. Dans ce cas, l’AFD peut apporter sa garantie pour les opérations visant à favoriser la mobilisation des ressources locales. Les garanties permettent de diminuer, en le partageant, le risque pris par les banques dans les prêts qu’elles octroient et d’encourager l’investissement et la création d’emploi. Concrètement, cette garantie permet l’accès au crédit à des entreprises qui, sans elle, n’auraient pas pu y avoir accès. Il ne s’agit pas d’une subvention puisque l’argent, mis en caution, est récupéré si l’entreprise est effectivement capable de rembourser le prêt.

L’âge moyen des entreprises bénéficiaires est de 9 ans, elles sont plus jeunes que les entreprises du groupe témoin et plus jeunes que les bénéficiaires des aides directes. Ce sont souvent des sociétés commerciales puisque deux entreprises aidées sur cinq relèvent de ce statut juridique (deux fois plus que chez les non-aidées). Avec huit salariés en moyenne, ces entreprises sont plus grandes que celles du groupe témoin, mais plus petites que les autres entreprises aidées.

Finalement, pour une entreprise qui bénéficie d’une aide au financement, alors que cette aide correspond souvent uniquement à une garantie bancaire, le gain estimé est de trois emplois maintenus ou créés deux ans après avoir reçu le prêt par rapport à la situation dans laquelle l’entreprise n’en aurait pas reçu (figure 4).

Les aides à l’emploi : un soutien utile pour les entreprises plus fragiles

Le taux de croissance de l’emploi des entreprises ayant bénéficié d’une aide à l’emploi est le même que celui des entreprises du groupe témoin (figure 3).

Figure 3Une croissance de l’emploi légèrement inférieur dans les entreprises bénéficiaires d’aide à l’emploi

Évolution de l’emploi salarié sur 4 ans (deux ans avant jusqu’à deux ans après l’aide) (en %)
Une croissance de l’emploi légèrement inférieur dans les entreprises bénéficiaires d’aide à l’emploi (Évolution de l’emploi salarié sur 4 ans (deux ans avant jusqu’à deux ans après l’aide) (en %))
Aide à l'emploi Groupe témoin
Deux ans avant l'aide 100 100
Deux ans après l'aide 106,5 107
  • Lecture : Le nombre de salariés dans les entreprises aidées par une aide à l’emploi a augmenté de 6,5 % en 4 ans. Durant la même période, le nombre de salariés dans les entreprises n’ayant pas reçu d’aide (groupe témoin) a augmenté de 7 %.
  • Source : CLAP 2007-2012 ; Fichier d’aides de la préfecture.

Figure 3Une croissance de l’emploi légèrement inférieur dans les entreprises bénéficiaires d’aide à l’emploi

  • Lecture : Le nombre de salariés dans les entreprises aidées par une aide à l’emploi a augmenté de 6,5 % en 4 ans. Durant la même période, le nombre de salariés dans les entreprises n’ayant pas reçu d’aide (groupe témoin) a augmenté de 7 %.
  • Source : CLAP 2007-2012 ; Fichier d’aides de la préfecture.

À première vue, la comparaison de l’évolution du nombre total de salariés dans les entreprises bénéficiaires avec celles du groupe témoin ne révèle pas d’effet positif des aides.

Les aides à l’emploi ont pour vocation de favoriser l’insertion professionnelle des personnes rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi, notamment en leur permettant de suivre une formation. Les personnes concernées sont, par exemple, les demandeurs d’emploi de longue durée, les demandeurs d’emploi âgés de 50 ans et plus, les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ou les travailleurs handicapés (…). Afin de faciliter l’embauche de ces personnes reconnues défavorisées pour l’accès à l’emploi, ce dispositif propose aux entreprises des conditions d’embauche avantageuses. Cela peut prendre la forme d’une exonération de charges patronales de sécurité sociale ou d’une aide forfaitaire mensuelle pendant la durée du contrat (30 mois maximum), d’une aide à la formation (…). Les montants versés sont nettement inférieurs à ceux versés par les dispositifs d’aide directe et d’aide au financement.

Le constat de la croissance de l’effectif salarié total au même rythme dans les entreprises bénéficiaires que dans les entreprises du groupe témoin peut sembler décevant. Mais avant de conclure à une quelconque inefficacité de ce dispositif, il est indispensable de s’intéresser au profil de ces entreprises bénéficiaires.

Pour recevoir une aide à l’emploi, le statut juridique de l’entreprise n’est pas un facteur déterminant. Un entrepreneur individuel a, toute choses égales par ailleurs, les même chances de recevoir une aide à l’emploi qu’une société commerciale. Le statut d’entrepreneur individuel est quasiment absent chez les bénéficiaires d’aides directes (6 %) et rares pour les aides au financement (20 %). En revanche, il est aussi représenté dans le groupe des bénéficiaires d’aides à l’emploi que dans le groupe témoin (60 %). Les entreprises ayant bénéficié d’une aide à l’emploi sont les plus jeunes des entreprises aidées, huit ans en moyenne. Elles ont en moyenne 10 salariés. Le secteur de l’hébergement et de la restauration est particulièrement représenté parmi les bénéficiaires.

Les entrepreneurs individuels sont donc nettement plus représentés dans les entreprises ayant bénéficié d’une aide à l’emploi que dans les autres entreprises aidées. Or, les entreprises de cette catégorie juridique ont eu, sur la période, des performances moins bonnes que les autres en termes de croissance de l’emploi. Dans le groupe témoin, l’effectif salarié total des entrepreneurs individuels a diminué de 1 % en 4 ans. Dans le partage des aides entre les entreprises, les services instructeurs opèrent un choix : ils peuvent attribuer une aide pour encourager les entreprises les plus dynamiques ou au contraire l’attribuer pour soutenir les entreprises les plus fragiles, ce qui ne relève pas de la même logique. Il semblerait que l’on se trouve dans le deuxième cas en ce qui concerne les aides à l’emploi.

La comparaison avec des entreprises similaires, en termes de caractéristiques structurelles, conclut à un effet positif statistiquement significatif des aides. On estime un bénéfice de deux emplois créés ou maintenus en moyenne. Il semblerait donc que les aides a l’emploi aient eut tendance à soutenir des entreprises « fragiles » qui auraient perdu des salariés si elles n’avaient pas été aidées. Les entreprises bénéficiaires de notre panel semblent être parvenues à tirer profit de l’aide pour maintenir ou même créer des emplois.

Figure 4Près de huit emplois créés ou maintenus par entreprise bénéficiaire d’une aide directe

Gain d’emplois maintenus ou créés deux ans après l’aide selon le dispositif (en nombre)
Près de huit emplois créés ou maintenus par entreprise bénéficiaire d’une aide directe (Gain d’emplois maintenus ou créés deux ans après l’aide selon le dispositif (en nombre))
Aide à l'emploi Aide directe Aide au financement
2 7,7 3
  • Lecture : on estime un gain de 7,7 emplois maintenus ou créés deux ans après avoir bénéficié de l’aide à l’emploi par rapport à la situation dans laquelle l’entreprise n’aurait pas bénéficié de l’aide.
  • Sources : CLAP 2007-2012 ; Fichiers d’aides de la préfecture.

Figure 4Près de huit emplois créés ou maintenus par entreprise bénéficiaire d’une aide directe

  • Lecture : on estime un gain de 7,7 emplois maintenus ou créés deux ans après avoir bénéficié de l’aide à l’emploi par rapport à la situation dans laquelle l’entreprise n’aurait pas bénéficié de l’aide.
  • Sources : CLAP 2007-2012 ; Fichiers d’aides de la préfecture.

L’effet des aides n’est pas mécanique

Notons que certaines entreprises aidées ont subi un recul de l’emploi sur la période. C’est le cas pour un quart des entreprises ayant bénéficié d’une aide au financement ou à l’emploi et de 17 % des entreprises ayant bénéficié d’une aide directe. Il n’y a donc pas, pour chaque dispositif, un effet mécanique de l’aide mais globalement les hausses d’emplois dans les entreprises bénéficiaires de l’aide sont plus importantes que dans les entreprises non bénéficiaires.

Le rôle essentiel des aides en Guyane

La Guyane a été relativement épargnée par la crise de 2009 et la croissance économique s’est maintenue à un niveau élevé (3,5 % de croissance du PIB en moyenne par an). Les trois principaux moteurs de l’économie guyanaise n’ont pas souffert. La croissance démographique reste forte et continue à générer de la croissance économique ; le secteur spatial a poursuivi son activité (contrats négociés avant crise, secteur immunisé, nombre de tirs stable) ; les dépenses publiques ont été sanctuarisées au niveau national en 2010 – les baisses ne se font sentir en Guyane que depuis 2014.

Malgré cette immunité à la conjoncture mondiale, la Guyane continue de subir ses faiblesses économiques structurelles. Le taux de chômage est élevé et continue d’augmenter (il se situe à 22,3 % en moyenne en 2014) alors que la population en âge de travailler est en forte augmentation. Le territoire connaît un fort déficit de compétitivité : le taux de couverture des importations par les exportations atteint seulement 12 %. L’économie guyanaise est fortement dépendante des dépenses publiques et la croissance démographique génère des besoins accrus en infrastructures et en financements publics. Le tissu économique productif est composé essentiellement de petites entreprises (80 % des entreprises guyanaises n’ont aucun salarié).

Ce contexte de croissance économique et de faiblesses structurelles donne tout son sens à l’action des pouvoirs publics pour impulser et accompagner le développement des entreprises. Les différentes aides sont le premier levier disponible pour concrétiser cette action en termes d’emploi.

Sources

Sources

Clap (Connaissance locale de l’appareil productif) 2007 à 2012, est un système d’information alimenté par différentes sources dont l’objectif est de fournir des statistiques localisées, sur l’emploi salarié et les rémunérations pour les différentes activités des secteurs marchands et non marchand.

Le référentiel d’entreprises et d’établissements est constitué à partir du Répertoire national des entreprises et des établissements (Sirene).

Les données sur l’emploi salarié résultent d’une mise en cohérence des informations issues de l’exploitation:

- des DADS (Déclarations Annuelles de Données Sociales) ;

- des bordereaux récapitulatifs de cotisations de l’URSSAF (Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales) ;

- des données de la Mutualité Sociale Agricole (MSA) en complément des données des Urssaf pour les secteurs d’activité en lien avec l’agriculture (à compter des données relatives à l’exercice 2007) ;

- du système d’information sur les agents de l’État.

Tableaux de suivi de la préfecture de Guyane des aides versées en 2009 et 2010.

 

 

Champs

Le champ d’étude a été réduit aux entreprises aidées en 2009 et 2010.

Le groupe témoin est construit en sélectionnant des entreprises de Guyane pour lesquelles cinq années comptables consécutives sont disponibles, qui possèdent toutes les conditions d’éligibilité et qui n’ont pas obtenu d’aide.

L’évolution de l’emploi est étudiée depuis les deux années précédant l’obtention de l’aide jusqu’à la deuxième année suivant l’obtention de l’aide. Seules les entreprises aidées actives cinq années consécutives sont donc conservées pour l’analyse. Les entreprises qui avaient moins de deux ans au moment de l’obtention de l’aide et les entreprises dont l’activité a cessé dans les deux ans suivant l’obtention de l’aide (4,5 % des entreprises aidées) ne font pas partie de l’analyse. Toutes les variables structurelles sont considérées deux ans avant l’attribution de l’aide.

 

 

Méthodes

Le panel des entreprises aidées est constitué des entreprises ayant bénéficié d’une aide à l’emploi, d’une aide directe ou d’une aide au financement en 2009 et 2010. Seules les entreprises pour lesquelles des données étaient disponibles pendant cinq années consécutives sont concernées, avant et après l’obtention de l’aide. On considère ainsi la période allant de deux ans avant l’attribution de l’aide, pour éviter les effets d’anticipation, jusqu’à deux ans après, pour explorer son impact dans le temps. Au final, dans le panel, 90 entreprises ont bénéficié d’une aide à l’emploi, 80 d’une aide au financement et 60 d’une aide directe.

L’évaluation de l’impact des dispositifs d’aide est un exercice difficile. Comparer « simplement » l’évolution de l’emploi des entreprises aidées et des entreprises non aidées n’est pas suffisant pour évaluer l’effet de l’aide. En effet, leurs performances sur la période étudiée ne sont pas nécessairement imputables à l’aide, mais peuvent simplement résulter de leur potentiel propre. Cela est d’autant plus important que la décision d’aider ou non une entreprise ne se fait pas au hasard et les entreprises sélectionnées par les services instructeurs ont des caractéristiques bien particulières. Cela entraîne un biais de sélection.

On considère donc, en parallèle, parmi les caractéristiques structurelles des entreprises (ancienneté, secteur, taille…), quels sont les déterminants des performances positives et les déterminants pour recevoir une aide. Pour mettre en évidence l’existence ou non d’un effet de l’aide, une analyse « toutes choses égales par ailleurs » est mise en œuvre : les performances des entreprises aidées sont comparées à celles des entreprises non aidées « à caractéristiques semblables ». Cette méthode nous permet ici de juger de l’existence d’un effet de son sens positif et de sa significativité.

Chiffrer l’impact de l’aide nécessite d’aller encore plus loin.

L’idéal serait évidemment de pouvoir comparer l’évolution de l’emploi de chaque entreprise avec ou sans aide. La différence entre les performances serait une mesure de l’effet direct de l’aide, appelée l’effet causal de l’aide sur l’entreprise. Mais dans la réalité, il est impossible de comparer la situation d’une entreprise avec ou sans aide : une entreprise est soit aidée, soit ne l’est pas. Il devient par conséquent impossible d’observer la valeur de la différence de performance. La mesure de l’effet causal d’une aide sur une entreprise donnée est impossible.

Il existe pourtant une solution statistique à ce problème fondamental d’observabilité de l’inférence causale. On ne va pas mesurer l’effet causal pour une entreprise, mais l’effet moyen pour l’ensemble des entreprises aidées.

La méthode utilisée pour y parvenir est un appariement sur observables ou appariement de Rubin. On modélise la probabilité d’être aidé pour toutes les entreprises, aidées ou non. Puis, pour chaque entreprise aidée, on sélectionne un certain nombre d’entreprises non aidées mais dont la probabilité d’être aidée était proche. La moyenne de ces entreprises « jumelles » non aidées représentera une situation « fictive » permettant d’estimer les performances de l’entreprise aidée si elle n’avait pas bénéficié d’aide. On calculera ensuite l’écart entre la moyenne de l’évolution de l’emploi salarié pour ces entreprises « jumelles » non aidées avec l’évolution de l’emploi observé pour l’entreprise aidée. En effectuant le calcul pour toutes les entreprises aidées, on obtiendra l’effet causal moyen pour les entreprises aidées, c’est-à-dire l’effet spécifique de l’aide après correction du biais de sélection.

Grâce à cette solution statistique, on passe de l’impossibilité d’observer l’effet causal individuel, à la possibilité d’estimer un effet causal moyen. Les estimations de bénéfice sur l’emploi obtenues dans cette étude sont les effets causals moyens sur les entreprises ayant bénéficié d’une aide.

Pour en savoir plus

Bayart P-A., « Les aides publiques à l’emploi, au financement ou directes bénéficient aux entreprises vecteurs d’emploi », Insee Analyses Guyane n° 9, juin 2015.

Millet C., « En 2010, le secteur marchand guyanais génère un quart de la richesse du territoire », Insee Analyses Guyane N° 8, avril 2015.

Treyens P-E., « Dans les DOM, l’activité et l’emploi stagnent depuis dix ans », Insee Analyses Guyane N° 07, avril 2015.

Thioux E., « En Guyane, six entreprises sur dix ont innové entre 2010 et 2012 », Insee Analyses Guyane N° 3, septembre 2014