Habitants et environnement façonnent la qualité de vie en Rhône-Alpes
L’étude des différentes dimensions de la qualité de vie en Rhône-Alpes fait apparaître une grande diversité de profils de territoires. La qualité de vie dépend notamment de la distance aux grands centres urbains. Ainsi, les territoires proches des grandes communes sont des territoires urbains denses, offrant une grande facilité d’accès aux équipements et aux transports. Les territoires plus éloignés des centres urbains sont moins peuplés et permettent plus facilement de se loger, malgré des conditions socio-économiques souvent moins favorables.
Enfin, d’autres caractéristiques du territoire ont une influence sur la qualité de vie, comme le relief ou la proximité de communes moyennes.
- Le cadre de vie, une première différenciation des territoires
- Des situations individuelles variées
- Des centres urbains denses bien équipés mais plus fragiles socio-économiquement
- Des territoires très favorisés proches des centres urbains
- Des territoires d’extension urbaine aux conditions socio-économiques favorables
- Des territoires éloignés des centres urbains offrant un bon cadre de vie
- Des territoires centrés sur des villes moyennes, aux caractéristiques socio-économiques moins favorables
- Des territoires ruraux, peu favorisés et éloignés des équipements
- Des territoires très favorisés autour de Genève
- Des territoires alpins très peu peuplés, marqués par un fort taux d’emploi
- Enjeux de la collaboration Insee / Agences d’urbanisme
La notion de qualité de vie recouvre de multiples dimensions ; elle dépend notamment de la situation de la personne : les conditions matérielles telles que les revenus, la situation face à l’emploi, l’état de santé et le mode de vie (composition de la famille, pratique sportive…). Elle dépend aussi du cadre de vie que propose le territoire (conditions de logement, accès aux équipements, environnement urbain ou rural).
En 2009, la commission Stiglitz préconise le recensement des indicateurs de bien-être pour compléter les indicateurs de performance économique habituellement utilisés tels que le PIB. À la suite des travaux de cette commission, un ensemble de 27 indicateurs a été retenu pour caractériser les différentes composantes de la qualité de vie. Appliqués aux 298 territoires de vie rhônalpins, ces indicateurs permettent d’identifier huit profils de territoires selon les différentes facettes de la qualité de vie.
graphiqueFigure_1 – Une qualité de vie variée en Rhône-Alpes
Le cadre de vie, une première différenciation des territoires
Les territoires se distinguent avant tout selon le cadre de vie, plus ou moins urbain. On retrouve ici une opposition classique entre les villes, espaces très construits (habitations, équipements divers, zones d’activités) et bien dotés en réseaux de transports, et les espaces ruraux plus isolés, mais à proximité d’espaces naturels, et où il est plus facile de trouver des logements plus spacieux.
Des situations individuelles variées
Au-delà du cadre de vie des territoires, ces derniers se distinguent aussi par les caractéristiques des résidents. Les territoires les plus favorisés socio-économiquement sont la plupart du temps situés en périphérie immédiate des grands centres urbains et dans le Genevois français. Ainsi, les 10 % des territoires de vie les plus aisés ont à la fois des revenus moyens supérieurs de 35 % à la moyenne rhônalpine et une très faible part de chômeurs de longue durée (2,5 % des habitants). Ces territoires sont aussi les endroits où la mortalité est la plus faible.
À l’inverse, les 10 % des territoires de vie les moins favorisés ont des revenus moyens inférieurs d’au moins 20 % à la moyenne rhônalpine. Cette caractéristique se retrouve surtout dans les espaces ruraux et à l’intérieur des centres urbains. Elle se double de difficultés d’insertion, notamment chez les plus jeunes. L’augmentation de la durée des études et du taux de bacheliers parmi les 20-29 ans ne se traduit pas par une augmentation de leur taux d’emploi. Au contraire, alors que le taux d’emploi des 30-54 ans a augmenté sur les dix dernières années, celui de cette génération plus jeune est en diminution.
Des centres urbains denses bien équipés mais plus fragiles socio-économiquement
Une première catégorie de territoires regroupe les plus grands centres urbains de Rhône-Alpes (Lyon, Saint-Étienne, Annemasse, Grenoble…). Ce sont des territoires très urbanisés et densément peuplés (en violet sur la carte : environ 1,7 million d’habitants, soit 27 % de la population rhônalpine).
Leurs habitants bénéficient d’un accès très rapide aux équipements et aux services (cabinets de médecins généralistes et pharmacies inclus) et utilisent fréquemment les transports en commun. Toutefois, les familles monoparentales y sont deux fois plus nombreuses qu’en moyenne, et 17 % des ménages y sont en situation de pauvreté. Il s’agit aussi des territoires ayant la plus forte part de chômeurs de longue durée.
Des territoires très favorisés proches des centres urbains
Les habitants des territoires situés en proximité immédiate des grands centres urbains ont un niveau de diplôme plus élevé et sont plus souvent cadres. Leur revenu moyen est plus élevé de 60 % par rapport au revenu moyen de Rhône-Alpes. Ces territoires présentent les écarts de salaire entre hommes et femmes les plus importants, en lien avec la forte proportion d’hommes cadres qui y résident.
Proches des grands centres urbains, ces territoires conservent les avantages des grandes villes : un accès facile aux équipements et aux transports, ainsi que la proximité au lieu de travail. Moins densément peuplés, ils offrent un cadre de vie plus favorable (en orange sur la carte : environ 300 000 habitants, soit 5 % de la population).
Des territoires d’extension urbaine aux conditions socio-économiques favorables
Dans la continuité spatiale des territoires précédents, des espaces d’extension urbaine s’étendent sur une distance plus importante à partir des centres urbains (en ocre sur la carte : environ 800 000 habitants, soit 12 % de la population). Leurs caractéristiques sont similaires à celles de la catégorie de territoires précédente, mais moins marquées. Ces territoires offrent également une bonne accessibilité aux équipements et aux transports, mais sont beaucoup moins urbanisés. La densité de population y est dix fois plus faible que dans les centres urbains. Les habitants appartiennent plus souvent à la classe moyenne ou supérieure et leur revenu moyen est supérieur de 20 % au revenu moyen de Rhône-Alpes.
Des territoires éloignés des centres urbains offrant un bon cadre de vie
Éloignés des principaux centres urbains, ces territoires sont faiblement peuplés et peu urbanisés (en bleu clair sur la carte : environ 1,3 million d’habitants, soit 20 % de la population). Leurs habitants sont nombreux à être éloignés de leur lieu de travail : un tiers des actifs occupés s’y rendent en plus de 30 minutes. Ils peuvent cependant accéder rapidement à la plupart des équipements, à l’exception des cabinets de médecins généralistes et des cinémas. Le taux d’emploi y est faible, mais le revenu moyen y est similaire à celui du territoire rhônalpin.
Des territoires centrés sur des villes moyennes, aux caractéristiques socio-économiques moins favorables
Regroupant des villes moyennes (Annonay, Aubenas…) et leur périphérie, ces territoires sont moins urbanisés que les périphéries des grands centres urbains (en beige sur la carte : environ 1,7 million d’habitants, soit 27 % de la population). Les conditions socio-économiques y sont plus défavorables. Le revenu moyen y est un peu plus bas que la moyenne de Rhône-Alpes et le taux d’emploi des femmes y est de 72 %, soit un taux inférieur de plus de 20 points à celui des hommes. Ceci est à mettre en relation avec la forte présence de l’industrie dans ces territoires, un secteur en difficulté économique et peu féminisé. Les habitants de ces territoires bénéficient malgré tout d’un bon accès aux équipements, notamment médicaux et culturels.
Des territoires ruraux, peu favorisés et éloignés des équipements
Les territoires ruraux situés à l’écart des centres urbains n’incluent aucune ville de plus de 10 000 habitants. Ils se distinguent par leur faible densité de population (en vert sur la carte : environ 300 000 habitants, soit 5 % de la population). Ces territoires conjuguent des difficultés d’accès aux équipements et aux transports avec des conditions socio-économiques défavorables. Les personnes résidant dans ces territoires sont nombreuses à être en situation de chômage de longue durée, et leurs revenus moyens sont les plus faibles de la région. Leurs habitants sont en moyenne plus âgés et beaucoup d’individus de plus de 70 ans y vivent seuls.
Des territoires très favorisés autour de Genève
Les territoires situés dans une bande de dix kilomètres autour de Genève constituent une zone à part (en rouge sur la carte : environ 200 000 habitants, soit 3 % de la population régionale). Ils se distinguent notamment par des conditions d’emploi favorables et les revenus moyens les plus élevés de Rhône-Alpes. Ils sont moins densément peuplés que les périphéries des métropoles rhônalpines.
Toutefois, l’accès aux équipements y est plus difficile : l’offre de médecins généralistes du côté français de la frontière est notamment faible au regard de la population. Cependant, la population y est en très bonne santé comparée aux autres territoires. Les actifs occupés, dont la moitié travaillent en Suisse dans les cantons de Vaud ou de Genève, supportent des temps de trajet domicile-travail importants : 67 % d’entre eux résident à plus de 30 minutes de leur lieu de travail, contre 33 % des actifs occupés rhônalpins.
Des territoires alpins très peu peuplés, marqués par un fort taux d’emploi
Les territoires regroupant des communes situées dans les massifs alpins et leur périphérie sont les espaces les moins densément peuplés (en bleu foncé sur la carte : environ 100 000 habitants, soit 1 % de la population). Ils se distinguent par une faible urbanisation en moyenne et leur relative difficulté d’accès aux équipements. Avec la présence des stations de sports d’hiver dans ces territoires, ils sont cependant très bien équipés en cabinets de médecins généralistes et en cinémas.
Les emplois de ces zones sont en grande partie orientés vers le tourisme. Il en résulte une situation favorable en termes d’emploi : la plupart des habitants travaillent à proximité de leur domicile et la part de chômeurs de longue durée y est très faible. La rémunération est cependant dans la moyenne et la part de contrats à durée déterminée (CDD) dans l’emploi salarié est plus élevée que sur les autres territoires, conséquence du caractère souvent saisonnier de l’activité.
tableauFigure_2 – Une qualité de vie très liée à la distance aux grands centres urbains
Des centres urbains denses bien équipés mais plus fragiles socio-économiquement | Des territoires très favorisés proches des centres urbains | Des territoires d’extension urbaine aux conditions socio-économiques favorables | Des territoires éloignés des centres urbains offrant un bon cadre de vie | Des territoires centrés sur des villes moyennes, aux caractéristiques socio-économiques moins favorables | Des territoires ruraux, peu favorisés et éloignés des équipements | Des territoires très favorisés autour de Genève | Des territoires alpins très peu peuplés, marqués par un fort taux d’emploi | Rhône-Alpes | |
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Densité d'habitants au km² | 2 288 | 723 | 229 | 107 | 143 | 39 | 185 | 25 | 148 |
Part de la population ayant accès en moyenne aux 12 équipements de la gamme intermédiaire en 15 minutes ou moins (en %) | 99 | 99 | 96 | 91 | 94 | 68 | 94 | 79 | 95 |
Part des espaces artificialisés dans le territoire (en %) | 61 | 44 | 20 | 7 | 10 | 1 | 16 | 3 | 6 |
Part des actifs occupés résidant à 30 minutes ou moins de leur lieu de travail (en %) | 81 | 78 | 81 | 69 | 82 | 77 | 43 | 88 | 77 |
Part des 20 ans ou plus ayant au moins le baccalauréat (taux standardisé selon l'âge en %) | 42 | 63 | 50 | 41 | 38 | 40 | 51 | 44 | 47 |
Écart relatif entre le salaire net horaire moyen des femmes et celui des hommes (valeur absolue, en %) | 13 | 29 | 20 | 18 | 17 | 14 | 18 | 17 | 18 |
Indice comparatif de mortalité globale (base 100 France) | 92 | 78 | 88 | 97 | 100 | 104 | 82 | 98 | 93 |
Part des chômeurs de longue durée (plus d'un an) dans la population active de 15-64 ans (en %) | 6 | 3 | 3 | 3 | 4 | 5 | 3 | 1 | 4 |
Indice de revenu net moyen annuel par foyer fiscal (base 100 métropole) | 87 | 158 | 119 | 102 | 91 | 78 | 166 | 104 | 105 |
- Lecture : une valeur dans une case bleue indique un positionnement favorable à la qualité de vie, et inversement pour une case de couleur rose.
- Champ : 298 territoires de vie de Rhône-Alpes
- Sources : voir méthodologie
Enjeux de la collaboration Insee / Agences d’urbanisme
À l’issue de la publication nationale Insee Première d’octobre 2014 portant sur une approche de la qualité de vie dans les territoires, le réseau des quatre Agences d’urbanisme de la région Auvergne-Rhône-Alpes et l’Insee ont souhaité engager un partenariat d’étude afin de décliner cette analyse à l’échelle plus fine des territoires de vie de Rhône-Alpes. L’opportunité de bénéficier d’une méthodologie éprouvée par l’Insee en matière d’analyse de la qualité de vie s’est révélée profitable et pertinente dans le cadre de l’organisation de la 36e rencontre nationale des agences d’urbanisme qui s’est tenue à Lyon en octobre 2015. En effet, les résultats de l’étude ont permis d’alimenter, sur le plan quantitatif, un atelier professionnel piloté par l’agence d’urbanisme de l’aire métropolitaine lyonnaise traitant de la question délicate – mais néanmoins essentielle pour les territoires et leurs habitants – de la mesure de la qualité de vie. En parallèle de l’Insee Analyses régional, deux focus territoriaux ont été réalisés, d’une part sur l’aire métropolitaine lyonnaise avec la collaboration des agences d’urbanisme de l’aire métropolitaine lyonnaise et de l’agence d’urbanisme de la région stéphanoise, et d’autre part sur la grande région grenobloise avec l’agence d’urbanisme de la région grenobloise. Cette collaboration, qui n’est pas la première entre l’Insee et les agences d’urbanisme, a permis de conjuguer expertise statistique et connaissances locales offrant des regards croisés sur nos territoires d’observation et d’analyse.
Sources
La typologie présentée dans cette étude s’appuie sur des indicateurs sélectionnés pour illustrer les différentes dimensions de la qualité de vie retenues. Différentes sources sont ainsi mobilisées :
- Insee, Base permanente des équipements 2013, Recensement de la population 2011, Déclarations annuelles de données sociales (DADS) 2011, État-civil 2008-2012, Distancier Metric ;
- Mission des études et de l’observation statistique (MEOS) du ministère en charge des sports ;
- Union européenne, CORINE Land Cover 2006 ;
- DGFiP, Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) 2011 ;
- Assurance Maladie, SNIIR-AM 2010 ; CNAM-TS ;
- Ministère de l’intérieur, 1er tour de l’élection présidentielle 2012 ;
- MEDDE CGDD Observatoire national des agendas 21 ; Comité 21 ; SOeS.
L’étude met en évidence huit types de territoire de vie à l’échelle de Rhône-Alpes et permet d’identifier les composantes de la qualité de vie au sein de ces groupes.
Pour parvenir à ce résultat, une analyse en composantes principales (ACP) a d’abord été réalisée, afin de donner du sens au positionnement des territoires de vie par rapport aux variables retenues. Dans une seconde étape, une classification ascendante hiérarchique (CAH) a permis de regrouper les territoires de vie selon des caractéristiques communes. Les moyennes citées dans cet article sont des moyennes simples des indicateurs calculées pour les territoires de vie, non pondérées par leur population.
Définitions
Territoires de vie : ce zonage, utilisé dans cette étude, découpe les bassins de vie de plus de 50 000 habitants pour mieux rendre compte de la diversité de la qualité de vie au sein des territoires les plus urbanisés. S’affranchissant des limites des unités urbaines, les territoires de vie découpent les grands bassins de vie autour des pôles de services. On trouve ainsi 298 territoires de vie en Rhône-Alpes (dont certains contiennent des communes appartenant à des régions limitrophes), les bassins de vie de moins de 50 000 habitants étant conservés tels quel.
Bassins de vie : constitués d’unités urbaines entières et de communes environnantes, ils sont définis comme les plus petits territoires, organisés autour d’un pôle de services, au sein desquels la population a accès aux équipements et services les plus courants. Dans les contours d’un bassin de vie s’organise une grande partie du quotidien des habitants.
Cette délimitation a été effectuée en 2012, à partir de données de 2010. Ce zonage n’est pas directement utilisé dans l’étude mais sert à la construction des territoires de vie.
Pour en savoir plus
« Qualité de vie dans l’aire métropolitaine lyonnaise : une forte diversité », Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes n° 10, avril 2016
« Qualité de vie dans la grande région grenobloise : un espace favorisé mais hétérogène », Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes n° 11, avril 2016
« Une approche de la qualité de vie dans les territoires », Insee Première n° 1519, octobre 2014
« Rhône-Alpes : de bonnes conditions de vie mais avec de fortes disparités entre territoires », Insee Rhône-Alpes, La Lettre Analyses n° 178, octobre 2012
Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, Insee, septembre 2015