Insee PremièreUne approche de la qualité de vie dans les territoires

Robert Reynard, Pascal Vialette, Pôle Synthèses locales, Insee

Une trentaine d’indicateurs permettent d’appréhender la qualité de vie dans les différents territoires de vie de France métropolitaine, espaces dans lesquels les habitants recourent aux équipements et services les plus courants. Huit grands types de territoires se distinguent : des territoires franciliens, certains aisés mais assez inégalitaires et très denses, d’autres dans le sud-ouest parisien, particulièrement favorisés, hormis pour les temps de trajet domicile-travail ; les métropoles régionales, qui possèdent des équipements fournis et accessibles mais présentent certaines difficultés sociales ; le périurbain des grandes métropoles régionales dynamiques, un peu moins aisé que les précédents mais plus impliqué dans la vie citoyenne ; des territoires plutôt denses en situation peu favorable, essentiellement dans le Nord-Est et le Sud-Est ; des bourgs et petites villes en situation intermédiaire dans le Bassin parisien et à l’Est ; des territoires autour de villes moyennes présentant de nombreux atouts dans l’Ouest et le Sud-Ouest ; des territoires plutôt isolés, peu urbanisés, hors de l’influence des grands pôles.

Robert Reynard, Pascal Vialette, Pôle Synthèses locales, Insee
Insee Première No 1519- Octobre 2014

Les territoires de vie au crible de 27 indicateurs de qualité de vie

La qualité de vie ou le bien-être, au sens courant du terme, est une notion recouvrant de multiples dimensions dont les conditions de vie matérielles, mais aussi le contexte qualitatif de la vie quotidienne. Ainsi peut-elle être approchée à la fois par des caractéristiques individuelles, en lien avec des critères socio-économiques (revenus, emploi, logement, etc.) et par les aménités du cadre de vie dans les territoires (accès aux équipements et aux services, qualité de l’environnement, liens sociaux, etc.).

Dans le prolongement des recommandations de la Commission Stiglitz (bibliographie), la qualité de vie dans les territoires a été mesurée à travers une trentaine d’indicateurs, recouvrant treize dimensions (encadré) à l’échelle des 2 677 de France métropolitaine. Il s’agit ainsi de mettre en évidence la manière dont les territoires se différencient et d’identifier leurs atouts et leurs handicaps en matière de qualité de vie.

Une première différenciation socio-économique

Le premier facteur de différenciation des espaces, selon les indicateurs retenus, est d’ordre économique. Les territoires qui accueillent, en moyenne, les populations les plus favorisées, cumulent souvent des niveaux de diplôme, des taux d’emploi et des revenus parmi les plus élevés. Ils se situent principalement dans les grandes métropoles ou à proximité (figure 1).

À l’inverse, des territoires concentrent des difficultés économiques et, par là, sociales : fort chômage de longue durée, bas revenus, faibles niveaux de diplôme et une moins bonne insertion professionnelle des jeunes. Ce sont d’anciens territoires industriels, des zones urbanisées du sud de la France et des zones rurales plutôt isolées.

Ces effets cumulatifs sont accentués ou atténués par l’accessibilité aux services et équipements que facilite la densité de population ou les voies de communication.

Cette grille de lecture mérite toutefois d’être nuancée, car certains territoires ruraux bénéficiant d’une économie touristique dynamique offrent également de nombreux emplois et services à leur population, se rapprochant ainsi de certains territoires urbains.

Les territoires se différencient aussi assez nettement selon les caractéristiques qualitatives de l’environnement et du cadre de vie, qui opposent classiquement les espaces urbains et ruraux. Ainsi la proximité des espaces naturels et les caractéristiques des logements (fréquemment des maisons individuelles, de surcroît assez spacieuses) concourent nettement à la qualité de vie dans les territoires ruraux, notamment par comparaison aux territoires urbains. Ces derniers subissent en outre certains inconvénients de l’urbanisation tels que la pollution ou la congestion, même si peu d’indicateurs sont disponibles à ce niveau géographique pour cette étude.

Figure 1Moyennes des principaux indicateurs caractérisant les types de territoires de vie

Moyennes des principaux indicateurs caractérisant les types de territoires de vie
Territoires de vie très urbanisés, plutôt favorisés mais avec des difficultés sociales et des emplois souvent éloignés Territoires de vie plutôt favorisés, à l’accès aux équipements rapide mais avec des difficultés socio- économiques Territoires de vie denses et riches, présentant d’importantes disparités femmes / hommes Territoires de vie plutôt aisés, éloignés de l’emploi, situés surtout dans le périurbain Territoires de vie plutôt denses, en situation peu favorable Territoires de vie de bourgs et petites villes en situation intermédiaire Territoires de vie isolés, peu urbanisés, hors de l’influence des grands pôles Territoires de vie autour de villes moyennes, offrant des emplois et des conditions de vie plutôt favorables Moyenne des territoires de vie de métropole
Part de la population ayant accès en moyenne aux 12 équipements de la gamme intermédiaire en 15 minutes ou moins (en %) 99,7 96,9 99,4 96,2 94,5 85,2 67,3 93,3 90,8
Part des 20 ans ou plus ayant au moins le baccalauréat (taux standardisé selon l’âge en %) 46,9 45,9 70,2 52,7 34,4 35,8 37,9 39,3 41,3
Part des chômeurs de longue durée (plus d’un an) dans la population active de 15-64 ans (en %) 5,1 5,2 2,8 3,0 6,9 4,0 4,2 3,6 4,4
Part des espaces artificialisés dans le territoire (en %) 74,9 36,2 51,9 21,7 17,5 5,0 1,5 8,9 19,2
Part des actifs occupés résidant à 30 minutes ou moins de leur lieu de travail (en %) 48,1 85,7 55,2 69,3 78,7 68,5 78,3 82,2 74,6
Part de la population vivant dans un logement en situation de suroccupation (résidences principales occupées par 2 personnes ou plus) (en %) 21,7 7,6 8,0 4,5 6,3 3,9 4,0 3,0 6,0
Indice de revenu net imposable moyen annuel par foyer fiscal (base 100 métropole) 107,2 95,4 211,6 130,6 82,8 92,0 79,4 93,8 98,1
Indice comparatif de mortalité globale (base 100 France) 92,5 96,6 80,6 90,5 115,1 107,9 105,0 100,1 101,7
  • Lecture : une valeur dans une case bleue indique un positionnement favorable à la qualité de vie, et inversement pour une case de couleur rose.
  • Champ : 2 677 territoires de vie de France métropilitaine.
  • Sources : voir méthodologie détaillée sur Insee.fr

Des contrastes sociétaux entre territoires

Au-delà de ces différences de qualité de vie liées directement ou indirectement à l’urbanisation, de nombreux aspects sociétaux différencient les territoires. Ainsi, dans certaines régions, la cohésion sociale est plus forte à travers une plus grande implication collective dans la vie associative et citoyenne. Dans certains territoires, la part des personnes âgées vivant seules est assez élevée ; cet isolement peut nuire à leur qualité de vie. Et si les villes ou métropoles sont en général en position favorable sur le plan économique, certaines souffrent d’inégalités importantes ou de la fréquence de situations sociales difficiles (familles monoparentales notamment). Enfin, la question de la santé joue un rôle important dans la qualité de vie, à travers la surmortalité qui touche les habitants de certains territoires, notamment dans le Nord.

La trentaine d’indicateurs de qualité de vie dessine une France assez morcelée, mais fait apparaître des continuités géographiques. De façon schématique, une typologie statistique (sources) permet d’identifier huit grands types de territoires combinant les différentes dimensions observées (figure 2).

Figure 2Carte de la qualité de vie dans les territoires de vie

  • Note : pour chaque type de territoire de vie, le nombre de territoires concernés figure entre parenthèses.
  • Sources : voir méthodologie détaillée sur Insee.fr

Des territoires très urbanisés, plutôt favorisés mais avec des difficultés sociales et des emplois souvent éloignés

La première catégorie de territoires est localisée en Île-de-France (hormis le sud-ouest de Paris) et dans le Genevois français (rose foncé sur la carte : 9 millions d’habitants). Elle se caractérise par une forte densité de population, un accès aux équipements et services très rapide et une utilisation des transports en commun fréquente (hormis dans les zones frontalières). Les revenus et les salaires moyens y sont plutôt élevés et les emplois stables. Les disparités femmes/ hommes sont présentes mais relativement réduites. Néanmoins, ce tableau flatteur est à nuancer par l’importance du chômage de longue durée, plutôt élevé, des conditions de logement souvent peu confortables et un lien social qui peut être malmené (part des familles monoparentales et des personnes âgées vivant seules). Enfin, la présence de médecins généralistes est relativement faible au regard de l’importance de la population.

Des territoires plutôt favorisés, à l’accès aux équipements rapide mais avec des difficultés socio-économiques

Regroupant la plupart des métropoles régionales (Lyon, Marseille, Lille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, etc.), certains territoires de plus petite taille ainsi que des zones touristiques de montagne (marron sur la carte : 15,8 millions d’habitants) conjuguent à la fois une rapide accessibilité aux équipements et services et une densité de médecins généralistes importante au regard de la population. L’adéquation des emplois par rapport aux catégories sociales des actifs est bonne et les emplois sont relativement proches du lieu de résidence. Cependant, à l’instar des autres territoires plutôt urbains, les situations sociales difficiles sont également présentes (familles monoparentales, suroccupation des logements). Les zones de montagne orientées vers le tourisme se rapprochent des métropoles régionales, par des conditions socio-économiques et d’accès aux équipements favorables. Mais les emplois y sont moins fréquemment stables.

Des territoires denses et riches, présentant d’importantes disparités femmes/hommes

Principalement localisés au sud-ouest de Paris et au nord-ouest de Lyon (rose clair sur la carte : 1 million d’habitants), certains territoires concentrent de hauts revenus et une population diplômée (70 % détiennent au moins le baccalauréat). En lien avec la forte densité de population, les transports en commun y sont développés et les équipements et services facilement accessibles. Le taux d’activité est élevé avec des emplois stables, mais souvent éloignés, car le niveau d’inadéquation des emplois offerts sur place, au regard des catégories sociales des résidents, est élevé. Ces territoires sont marqués par d’importantes disparités femmes/hommes en termes de taux d’emploi, mais surtout en termes de rémunération (en moyenne 33 % d’écart).

Des territoires plutôt aisés, éloignés de l’emploi, situés surtout dans le périurbain

Certains territoires (jaune sur la carte : 5,3 millions d’habitants), situés en périphérie des grands pôles urbains, présentent des caractéristiques favorables, que ce soit en matière d’emploi (taux d’emploi élevés, y compris pour les jeunes souvent diplômés, peu de chômage, emplois stables), mais aussi en termes de revenus, de confort des logements et de liens sociaux. De plus, la participation à la vie citoyenne y est particulièrement développée. En revanche, l’emploi est éloigné du domicile (plus de 30 minutes pour un tiers des actifs) et l’adéquation entre emplois offerts et actifs résidents est défavorable. Les disparités femmes/hommes sont marquées en termes de taux d’emploi et plus encore en termes de rémunération. Enfin, le temps d’accès à certains équipements culturels, par exemple le cinéma, reste élevé.

Des territoires plutôt denses, en situation peu favorable

Certains territoires cumulent des positions relatives peu favorables sur plusieurs dimensions de la qualité de vie (bleu sur la carte : 9 millions d’habitants). Les indicateurs liés au marché du travail sont tous parmi les moins élevés : faible taux d’emploi (moins de 80 % parmi les 25-54 ans), notamment pour les femmes, faible insertion des jeunes, fort chômage de longue durée. Les revenus moyens y figurent donc parmi les plus faibles (17 % de moins que la moyenne nationale). S’ajoutent des temps d’accès aux équipements plus élevés, des logements moins confortables, un certain isolement des personnes âgées et une faible implication sociale et citoyenne. La plupart des territoires concernés sont concentrés au Nord et à l’Est de la France, où ils recouvrent d’anciens pôles industriels ou miniers (Douai-Lens, Béthune, Thionville...) mais également au Sud-Est, particulièrement en Languedoc-Roussillon (Carcassonne, Béziers, Alès…). Dans le Nord, on peut noter une mortalité relative plus élevée.

Des bourgs et petites villes en situation intermédiaire

Tout comme la classe précédente, la sixième catégorie de territoires cumule des indicateurs peu favorables à la qualité de vie (vert clair sur la carte : 7,8 millions d’habitants). Elle s’en distingue toutefois par un caractère moins urbain (plus faible niveau d’artificialisation des sols), moins de familles monoparentales et très peu de personnes vivant dans des logements suroccupés. L’accès aux équipements y est également moins rapide et la densité de médecins généralistes, plus faible.

Cependant la situation de ces territoires est plus favorable en termes d’emploi (taux d’activité plus élevé) même si l’emploi peut être plus distant et sa rémunération moyenne. Ce type de territoire est principalement présent dans le Bassin parisien et le quart Nord-Est.

Des territoires isolés, peu urbanisés, hors de l’influence des grands pôles

Certains territoires, parfois montagneux, proposent une plus faible accessibilité aux services des différentes gammes et une faible densité médicale (vert foncé sur la carte : 3 millions d’habitants). Pour autant, le taux d’emploi reste dans la moyenne et l’adéquation entre emplois et actifs résidents est parmi les plus favorables, ce qui traduit une certaine autonomie de ces territoires ; les rémunérations y sont plutôt modestes. C’est dans ce type de territoire que la part des espaces artificialisés est la plus faible (moins de 2 % de la superficie). On le trouve principalement dans la « diagonale aride » (des Ardennes aux Pyrénées, en passant par la Bourgogne et le Massif central), mais également dans les Alpes du Sud et en Corse.

Des territoires autour de villes moyennes, offrant des emplois et des conditions de vie plutôt favorables

Enfin, de nombreux territoires organisés autour de villes moyennes (orange sur la carte : 12 millions d’habitants) proposent un accès plutôt rapide aux équipements et services. Les conditions de logement sont plutôt bonnes (très peu de personnes vivant dans des logements suroccupés). La population diplômée est relativement peu importante, y compris chez les jeunes, cependant le taux d’emploi est particulièrement élevé avec des disparités femmes/hommes réduites. L’emploi est très souvent à proximité du domicile mais les salaires sont plutôt faibles et les transports en commun peu développés. Le chômage de longue durée est rare. Ces territoires se situent dans l’Ouest et le Sud-Ouest et à proximité de certains grands pôles de l’Est.

Des indicateurs de la qualité de vie dans les territoires

La qualité de vie des individus recouvre de multiples dimensions ayant trait au développement humain (santé, éducation, vie sociale), aux conditions socio-économiques (qualité de l’emploi, niveau de revenus) et au cadre de vie (environnement, accès aux services). D’autres facteurs peuvent nuire à la qualité de vie même s’ils ne concernent directement que certaines catégories de population : inégalité entre les femmes et les hommes, difficultés d’insertion professionnelle pour les jeunes, solitude des personnes âgées.

Dans cette étude, la qualité de vie est abordée à travers 27 indicateurs recouvrant les dimensions suivantes : accessibilité aux équipements, culture-sports-loisirs-vie associative, éducation, égalité femmes-hommes, emploi-travail, environnement, équilibre travail-vie privée, logement, relations sociales, revenus, santé, transports, vie citoyenne. Le choix des indicateurs a été effectué au regard de deux critères : pertinence pour éclairer la qualité de vie dans la dimension retenue et disponibilité des données statistiques à un niveau géographique fin. La liste complète des indicateurs est disponible dans le fichier excel de données complémentaires. Les travaux présentés ici ont un caractère exploratoire ; ils pourront trouver des prolongements, en intégrant des indicateurs complémentaires et en associant les acteurs régionaux et locaux à l’analyse.

Sources

La typologie présentée dans cette étude s’appuie sur des indicateurs sélectionnés pour illustrer les 13 dimensions de la qualité de vie retenues. Différentes sources sont ainsi mobilisées :

− Insee, Base permanente des équipements 2013 - Recensement de la population 2011, Déclarations annuelles de données sociales (DADS) 2011, État-civil 2008-2012 , Distancier Metric ;

− Mission des études et de l’observation statistique (MEOS) du ministère en charge des sports ;

− Union européenne, CORINE Land Cover 2006 ;

− DGFiP, Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) 2011 ;

− Assurance maladie, SNIIR-AM 2010 ; CNAM-TS ;

− Ministère de l’intérieur, 1er tour de l’élection présidentielle 2012 ;

− MEDDE CGDD Observatoire national des agendas 21 ; Comité 21 ; SOeS.

La typologie a mis en évidence 8 types de territoires de vie et permet d’identifier les déterminants de la qualité de vie au sein de ces groupes.

Pour parvenir à ce résultat, dans une première étape, a été réalisée une analyse en composantes principales (ACP), qui permet de donner du sens au positionnement des territoires de vie par rapport aux variables retenues. Dans une seconde étape, une classification ascendante hiérarchique (CAH) a permis de regrouper les territoires de vie selon des caractéristiques communes. Les moyennes citées dans cet article sont des moyennes simples des indicateurs calculées pour les territoires de vie, non pondérées par leur population.

Définitions

Territoires de vie : défini pour cette étude, ce zonage découpe les bassins de vie de plus de 50 000 habitants pour mieux rendre compte de la diversité de la qualité de vie au sein des territoires les plus urbanisés. S’affranchissant des limites des unités urbaines, les territoires de vie découpent ainsi les grands bassins de vie autour des pôles de services. La France métropolitaine est ainsi constituée de 2 677 territoires de vie, les bassins de vie de moins de 50 000 habitants étant conservés tels que.

Bassins de vie : constitués d’unités urbaines entières et de communes environnantes, ils sont définis comme les plus petits territoires, organisés autour d’un pôle de services, au sein desquels la population a accès aux équipements et services les plus courants. Dans les contours d’un bassin de vie s’organise une grande partie du quotidien des habitants. Cette délimitation a été effectuée en 2012, à partir de données de 2010.