Une fécondité faible en Lorraine par rapport à la moyenne française

Pierre-Yves Berrard, Dorothée Ast, Insee

Un peu plus de 25 100 enfants sont nés en Lorraine en 2014. La région fait partie des régions françaises où la fécondité est la plus faible. La fécondité des femmes nées en Lorraine n’est pas très élevée par rapport à d’autres régions. De nombreuses jeunes femmes partent vers d’autres régions. En outre, la Lorraine bénéficie peu de la fécondité des femmes nées à l’étranger.

Pierre-Yves Berrard, Dorothée Ast, Insee
Insee Flash Lorraine No 18- Décembre 2015

En 2014, un peu plus de 25 100 enfants sont nés d’une femme résidant en Lorraine. L’indice conjoncturel de fécondité (ICF) s’établit à 1,8 enfant par femme en 2013 dans la région, contre 2,0 enfants en France métropolitaine. Si la fécondité des Lorraines de moins de trente ans est comparable à la moyenne française, celle des Lorraines de plus de trente ans est en deçà de la moyenne. La Lorraine est en queue de peloton dans le classement des régions selon l’ICF, juste devant l’Aquitaine, le Limousin et la Corse. La fécondité reste toutefois élevée par rapport à la moyenne de l’Union européenne (1,6) et notamment par rapport à l’Allemagne (1,4).

En matière de fécondité, la Lorraine recule dans le classement des régions

Une baisse plus marquée de la fécondité qu’en métropole, suivie d’un rebond de moindre ampleur, ont fait de la Lorraine une des régions les moins fécondes de France en 2013. En 1975, avec un ICF de 2 enfants par femme, la région se situait au 9rang dans le classement des régions.

Au début des années 1980, plus de 35 000 naissances par an étaient enregistrées dans la région. Depuis quarante ans, une baisse quasiment continue se produit, particulièrement marquée entre 1981 et 1993 (figure 1). Le niveau de diplôme des femmes s’accroît, de même que leur présence sur le marché du travail. Elles ont des enfants de plus en plus tard (à 26,4 ans en moyenne en 1981 et 28,1 ans en 1993), ce qui induit une baisse temporaire des naissances. L’ICF diminue ainsi jusqu’en 1993 pour s’établir à 1,6 enfant par femme en Lorraine (1,7 en métropole). Cette année-là, moins de 28 000 naissances sont comptabilisées. Les difficultés économiques ont pu amplifier la baisse de la fécondité, particulièrement en Lorraine, où la récession de 1993 s’est fait plus durement ressentir que sur l’ensemble de la France métropolitaine.

L’ICF repart ensuite à la hausse. Les femmes qui avaient choisi de différer leur maternité deviennent finalement mères. Ce rattrapage est plus faible en Lorraine que dans la plupart des autres régions. Contrairement à ce qui s’observe au niveau national, la hausse du nombre moyen d’enfants par femme ne suffit pas à empêcher la baisse du nombre de naissances. En effet, dans le même temps, le nombre de femmes en âge de procréer diminue fortement.

La baisse des naissances se prolonge donc, mais de manière moins soutenue, avec environ 2 500 naissances de moins ces dernières années qu’il y a vingt ans. La crise économique récente ne semble pas avoir de répercussions sur la fécondité en France. En Lorraine, par contre, l’ICF diminue un peu. Le classement de la Lorraine parmi les régions françaises est un peu moins favorable en 2013 (19e rang) qu’en 2008 (17e rang).

Figure 1Moins de naissances en Lorraine

Moins de naissances en Lorraine
Femmes de 20 à 39 ans Naissances Indicateur conjoncturel de fécondité
1975 100,0 100,0 2,00
1976 101,3 96,5 1,89
1977 102,8 98,2 1,89
1978 104,3 96,4 1,84
1979 105,6 98,8 1,87
1980 107,0 103,8 1,95
1981 108,7 107,1 2,01
1982 110,9 104,2 1,95
1983 112,6 95,5 1,78
1984 114,6 96,9 1,80
1985 116,5 99,0 1,85
1986 118,1 99,0 1,86
1987 117,7 95,9 1,81
1988 116,7 93,8 1,79
1989 115,8 91,3 1,76
1990 114,6 89,6 1,75
1991 114,0 88,5 1,74
1992 113,8 84,9 1,68
1993 113,6 80,3 1,60
1994 113,1 79,7 1,60
1995 112,0 81,0 1,65
1996 110,4 81,3 1,67
1997 108,7 79,8 1,67
1998 107,0 80,5 1,70
1999 105,5 79,1 1,70
2000 104,1 81,5 1,78
2001 103,1 80,8 1,79
2002 102,2 78,8 1,77
2003 101,6 77,4 1,76
2004 100,3 79,1 1,81
2005 99,2 78,7 1,82
2006 98,4 80,2 1,86
2007 97,8 78,1 1,82
2008 97,4 78,5 1,84
2009 96,9 77,6 1,82
2010 96,1 77,5 1,83
2011 95,0 75,5 1,80
2012 93,5 75,0 1,80
2013 92,1 74,1 1,80
2014 90,8 73,1
  • Source : Insee, estimations de population, état civil.

Figure 1Moins de naissances en LorraineNombre de femmes de 20 à 39 ans, nombre de naissances (échelle de gauche, indice base 100 en 1975) - ICF (échelle de droite)

  • Source : Insee, estimations de population, état civil.

Faible fécondité des natives de Lorraine et déficit migratoire

Les écarts entre régions restent importants si on considère la fécondité des femmes nées dans la région, ce qui suggère l’influence de facteurs socioculturels. La fécondité des femmes nées en Lorraine n’est pas très élevée par rapport à d’autres régions de France métropolitaine. La Lorraine se classe en effet en 16e position. En 1999, la région avait un positionnement plus favorable (10e).

Entre 2003 et 2008, les départs de femmes de 15 à 49 ans de la Lorraine vers d’autres régions de France métropolitaine sont plus nombreux que les arrivées à tous les âges (figure 2). La Lorraine présente ainsi un déficit migratoire de 10 200 femmes en âge d’avoir des enfants. Près des deux tiers des femmes qui ont quitté la Lorraine ont entre 20 et 34 ans, et la moitié ont entre 20 et 29 ans. Le déficit migratoire est particulièrement marqué pour les femmes cadres, notamment entre 25 et 29 ans, et pour les étudiantes. Les femmes qui poursuivent des études supérieures ont souvent des enfants plus tardivement. Ces départs nombreux peuvent contribuer à expliquer les taux de fécondité plus faibles en Lorraine à partir de 29 ans.

À l’exception de l’Île-de-France, l’ICF des femmes qui ne résident plus dans leur région de naissance est plus important que celui des femmes qui y résident encore. Les mobilités sont plus fréquentes aux âges jeunes et les naissances se produisent souvent peu de temps après la mobilité. Pour autant, les femmes qui ont changé de région n’auront pas forcément davantage d’enfants au cours de leur vie.

Le nombre de départs de femmes étant largement supérieur au nombre d’arrivées, la Lorraine ne bénéficie pas du surcroît de fécondité des femmes ayant changé de région. En 2014, les femmes nées en Lorraine ont donné naissance à 8 400 enfants dans d’autres régions, tandis que les femmes nées dans d’autres régions n’ont donné naissance qu’à 4 000 enfants en Lorraine. Sous l’hypothèse d’un nombre d’arrivées et de départs infranationaux équivalents, 4 400 naissances de plus auraient donc pu être enregistrées en Lorraine.

Les femmes nées à l’étranger ont généralement une fécondité supérieure à celle des femmes nées en France. En Lorraine, elles ont un ICF moyen de 2,5 enfants par femme, inférieur toutefois à celui des femmes nées à l’étranger vivant en France. Cela s’explique par le fait qu’en Lorraine, plus d’un tiers des femmes nées à l’étranger sont originaires de l’Union européenne (notamment d’Allemagne), contre moins d’un quart au niveau national. Or, les Européennes ont une fécondité plus faible que les femmes originaires d’autres continents.

En outre, les femmes nées à l’étranger ne constituent que 10 % des femmes de 15 à 49 ans en 2012, contre 13 % en France métropolitaine. L’impact est donc doublement négatif sur le nombre de naissances : moins d’enfants par femme née à l’étranger, associé à un nombre plus faible de femmes.

Figure 2De nombreux départs de femmes entre 20 et 34 ans vers d'autres régions

De nombreux départs de femmes entre 20 et 34 ans vers d'autres régions
Arrivées Départs
15-19 ans 2 900 3 800
20-24 ans 7 700 9 500
25-29 ans 7 300 10 800
30-34 ans 5 500 6 900
35 à 39 ans 3 700 4 800
40-44 ans 2 700 3 500
45-49 ans 1 800 2 500
  • Source : Insee, recensement de la population 2008.

Figure 2De nombreux départs de femmes entre 20 et 34 ans vers d'autres régionsFlux migratoires par âge des femmes entre la Lorraine et le reste de la France métropolitaine sur 5 ans

  • Source : Insee, recensement de la population 2008.

Fécondité plus importante dans les Vosges et dans la Meuse

L’évolution des naissances et de l’ICF en Meurthe-et-Moselle et en Moselle est comparable à celle observée sur l’ensemble de la Lorraine.

L’ICF est un peu plus élevé dans la Meuse (2,0 enfants par femme en 2013) que dans les autres départements lorrains. La fécondité des femmes nées dans ce département est plus élevée. La Meuse bénéficie par ailleurs d’arrivées de jeunes adultes, notamment de jeunes couples en âge d’avoir des enfants. L’est du département attire des actifs qui travaillent en Meurthe-et-Moselle ou en Moselle et qui recherchent des logements plus grands et moins onéreux.

Dans les Vosges, la fécondité reste relativement élevée (1,9), mais elle a particulièrement baissé au cours des dernières années. Plus forte que la moyenne de France métropolitaine en 2008, elle est désormais plus faible. La crise économique a eu des répercussions importantes dans ce département, ce qui a pu entraîner une baisse de la fécondité.

Dans la Meuse et dans les Vosges, la population des femmes en âge d’avoir des enfants a diminué de façon plus prononcée au cours des dernières années. En conséquence, malgré un ICF élevé, le nombre de naissances est en net recul par rapport à 1975 (- 36 % dans la Meuse et - 38 % dans les Vosges, contre - 27 % dans la région).

Définitions

Le taux de fécondité à un âge donné (ou pour une tranche d'âges) est le nombre d'enfants nés vivants des femmes de cet âge au cours de l'année, rapporté à la population moyenne de l'année des femmes de même âge. Par extension, le taux de fécondité est le rapport du nombre de naissances vivantes de l'année à l'ensemble de la population féminine en âge de procréer.

L’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) mesure le nombre d'enfants qu'aurait une femme tout au long de sa vie, si les taux de fécondité observés l'année considérée à chaque âge demeuraient inchangés. Les taux utilisés dans le calcul sont ceux observés au cours d'une année donnée dans l'ensemble de la population féminine (composée de plusieurs générations) et ne représentent donc pas les taux d'une génération réelle de femmes. L’ICF est calculé habituellement au lieu de résidence des femmes. Il peut aussi être calculé au lieu de naissance.

Pour en savoir plus

25 484 naissances en 2013, la Lorraine en panne d’enfants, Insee Flash Lorraine n° 5, septembre 2014

France, portrait social, Insee Références, Édition 2015

La fécondité dans les régions depuis les années 1960, Insee Première n° 1430, janvier 2013

Bilan démographique 2014, Insee Première n° 532 - janvier 2015