Zones d'emploi : 30 ans de dynamisme porté par l’économie présentielle
Entre 1982 et 2011, l’emploi a progressé dans toutes les zones d’emploi de Provence-Alpes-Côte d’Azur, souvent fortement. Ce dynamisme s’explique par le poids de plus en plus grand pris par la sphère de l'économie présentielle, c’est-à-dire celle tournée vers la satisfaction des besoins de la population présente, sous l’effet de l’essor démographique et du tourisme. La métropolisation intervient aussi dans une moindre mesure. Dans les zones les plus dynamiques, la croissance de l’emploi s'est également maintenue à un rythme élevé dans la sphère productive, de plus en plus tournée vers l’« économie de la connaissance ». Depuis 2006, dans la région comme dans le reste du pays, le dynamisme de l’emploi total fléchit, du fait de la crise et du ralentissement du recrutement dans le secteur public. Certains territoires régionaux tirent toutefois leur épingle du jeu.
- De fortes hausses d’emploi depuis 1982
- Une économie de plus en plus tournée vers les populations présentes
- La progression de l’emploi dans les deux sphères a boosté l’emploi total
- Croissance des activités présentielles plus rapide que celle de la population
- La sphère productive de plus en plus orientée vers les fonctions métropolitaines
- Depuis 2006, le dynamisme de l’emploi fléchit
De fortes hausses d’emploi depuis 1982
Malgré les chocs économiques successifs, l’emploi total de Provence-Alpes-Côte d’Azur a augmenté de 34 % entre 1982 et 2011 (+ 482 000 unités), soit 14 points de plus qu’en France métropolitaine. Dans les 18 zones d’emploi de la région, l’emploi total a également progressé (figure 1). Onze enregistrent une progression supérieure à 29 % et six figurent parmi les 15 plus fortes de France métropolitaine : Aix-en-Provence (+ 89 %), Fréjus- Saint-Raphaël (+ 63 %), Manosque (+ 63 %), Draguignan (+ 62 %), Cannes-Antibes (+ 61 %) et Salon-de-Provence (+ 59 %). Seules trois zones enregistrent une augmentation de l’emploi total inférieure à la moyenne de France métropolitaine : Orange, Marseille-Aubagne et Istres-Martigues (+ 19 %). Malgré cela, elles font partie de la première moitié du palmarès national.
graphiqueFigure 1 – La métropolisation n’explique qu’en partie la forte augmentation de l’emploi en Provence-Alpes-Côte d’Azur
La métropolisation est souvent mise en avant pour expliquer les dynamiques territoriales d’emploi. Elle se caractérise par la concentration dans les grandes villes à la fois de la population, des activités de commandement (économique, politique, culturel, etc.) et des fonctions tertiaires supérieures. Mais en Paca comme dans d’autres régions, la métropolisation ne suffit pas à expliquer la croissance de l’emploi. En effet, si certaines zones d’emploi régionales très fortement peuplées, comme Aix-en-Provence, Avignon et Toulon enregistrent bien une forte augmentation de leur emploi total, cette progression est beaucoup moins forte dans d’autres zones, comme Nice et surtout Marseille-Aubagne. Dans le même temps, l’emploi total a fortement progressé dans des zones d’emploi peu denses et plus périphériques, comme Briançon, Cavaillon-Apt et surtout Manosque. Pour autant, avec 16 % chacune, ce sont bien les zones d’emplois de Marseille-Aubagne et Aix-en-Provence qui contribuent le plus à la progression de l’emploi total de la région.
Une économie de plus en plus tournée vers les populations présentes
Pour comprendre les disparités territoriales, une autre approche consiste à séparer l’économie en deux « sphères » (définitions) : la sphère « présentielle », qui vise à satisfaire les besoins de la population présente sur le territoire, et la sphère « non-présentielle » dite aussi « productive ».
Depuis plus de 30 ans, Paca fait partie des régions où la part de la sphère présentielle dans l’emploi total est la plus forte (72 % en 2011) (figure 2). A contrario, la sphère productive est moins présente (28 % en 2011 contre 35 % en France métropolitaine). Paca est l’une des trois régions où le nombre d’emplois de la sphère productive a le plus progressé (+ 12 % contre – 6 % en France métropolitaine).
graphiqueFigure 2 – L'emploi présentiel progresse dans toutes les zones d'emploi de Provence-Alpes-Côte d’Azur
La progression de l’emploi dans les deux sphères a boosté l’emploi total
Au niveau national, les territoires où la croissance de l’emploi a été la plus forte entre 1982 et 2011 sont généralement ceux dans lesquels l’emploi a progressé simultanément dans les deux sphères d’activités. Cela se vérifie en Provence-Alpes-Côte d’Azur, notamment sur la zone d’emploi d’Aix-en-Provence (figure 3). Celle-ci fait même partie des 10 plus fortes progressions nationales du nombre d’emplois dans les deux sphères (+ 84 % dans la sphère productive et + 91 % dans la sphère présentielle). Parmi les zones de la région à forte augmentation de l’emploi total, seules Gap, Toulon et Briançon font exception : l’emploi productif y a décliné.
À l’autre bout du palmarès national, les zones qui ont perdu des emplois sont dans l’ensemble des territoires qui étaient à dominante productive. Seule zone régionale dans ce cas, Istres-Martigues n’a pourtant pas perdu d’emploi. L’emploi productif y a diminué ( – 17 %) mais l’emploi présentiel de cette zone a fortement augmenté (+ 61 %) sous l’effet de la périurbanisation de l’aire urbaine d’Aix-Marseille.
tableauFigure 3 – Une croissance de l'emploi portée par les deux sphères d'activités
Emploi total | Sphère présentielle | Sphère productive | |
---|---|---|---|
Aix-en-Provence (3ème) | 88,5 | 91,3 | 83,7 |
Fréjus - Saint-Raphaël (9ème) | 62,7 | 66,5 | 51,8 |
Manosque (10ème) | 62,6 | 72,2 | 43,9 |
Draguignan (11ème) | 61,9 | 72,3 | 29,8 |
Cannes - Antibes (12ème) | 60,8 | 55,5 | 74,4 |
Salon-de-Provence (15ème) | 59,2 | 59,3 | 58,8 |
Avignon (50ème) | 39,3 | 62,0 | 9,4 |
Cavaillon - Apt (55ème) | 36,6 | 54,7 | 12,6 |
Gap (56ème) | 36,5 | 58,4 | -12,2 |
Provence-Alpes-Côte d'Azur | 34,5 | 45,8 | 12,1 |
Toulon (61ème) | 33,4 | 52,0 | -10,0 |
Briançon (62ème) | 33,0 | 42,3 | -7,9 |
Arles (80ème) | 28,6 | 36,6 | 12,9 |
Menton - Vallée de la Roya (81ème) | 28,6 | 33,1 | 8,2 |
Digne-les-Bains (94ème) | 24,9 | 40,7 | -10,3 |
Nice (98ème) | 23,8 | 29,0 | 10,6 |
France Métropolitaine | 20,5 | 41,5 | -5,9 |
Orange (120ème) | 18,7 | 44,2 | -13,8 |
Marseille - Aubagne (122ème) | 18,7 | 30,1 | -2,5 |
Istres - Martigues (123ème) | 18,5 | 61,0 | -17,3 |
- Lecture : dans la zone d’emploi d’Aix-en-Provence, l’emploi a progressé de 88,5 % entre 1982 et 2011. Cette zone est au 3e rang national selon ce critère.
- Source : Insee, Recensements de la population
graphiqueFigure 3 – Une croissance de l'emploi portée par les deux sphères d'activités
Croissance des activités présentielles plus rapide que celle de la population
Depuis 1982, la croissance du nombre d’emplois dans l’économie présentielle a été plus rapide que celle de la population, en Paca comme au niveau national. De 23 emplois pour 100 habitants en 1982, ce ratio est passé à 28 dans la région en 2011 (respectivement 22 puis 27 en France métropolitaine). Paca est la région de province où ce taux est le plus élevé, après la Corse. Ce ratio s’est accru dans toutes les zones d’emploi de France métropolitaine (figure 4). Certains territoires touristiques, où la capacité d’accueil est supérieure au nombre d’habitants permanents, apparaissent même « sur-dotés» en fonctions présentielles. C’est notamment le cas des zones de Gap, Digne-les-Bains mais surtout Briançon (42 emplois présentiels pour 100 habitants en 2011, soit la densité la plus forte de France métropolitaine). Paradoxalement, c’est dans la zone de Menton-Vallée de la Roya, pourtant très fortement présentielle, que ce taux est le plus faible dans la région (21 pour 100 habitants). Ce résultat s’explique par la faiblesse relative de l’emploi total (30 pour 100 habitants). Un actif en emploi résidant dans la zone sur deux travaille en effet en 2011 à l’extérieur de ce territoire, dont 80 % à Monaco.
graphiqueFigure 4 – Des emplois présentiels très nombreux par rapport à la population
En France, l’emploi présentiel a augmenté dans toutes les zones d’emplois sans exception. En Paca, dans les zones d’Aix-en-Provence, Draguignan, ou Fréjus-Saint-Raphaël, où la population a augmenté de plus de 50 % en trente ans, le nombre d’emplois présentiels s’est accru d’au moins 66 %.
En Paca comme au niveau national, les effectifs de toutes les fonctions (définitions) de la sphère présentielle ont augmenté, à l’exception de celles du BTP. Ces dernières ont d’ailleurs diminué de près de 25 % dans les zones d’emplois de Nice et Briançon. Au niveau national, la forte progression de l’emploi de la sphère présentielle s’explique principalement par les politiques publiques, sociales et fiscales mises en œuvre au cours des trente dernières années. Elles ont favorisé l’emploi dans trois fonctions : l’administration publique, qui dépend intégralement de financements publics ; la santé et l’action sociale, qui relève essentiellement du financement de la protection sociale ; et enfin les services de proximité, en partie tributaires des mécanismes d’incitations fiscales accordées aux services à la personne. La contribution de ces trois fonctions à la progression de l’emploi présentiel est légèrement plus importante dans la région (63 % contre 60 %). Elle atteint même près de 80 % dans la zone d’emploi d’Arles. En revanche, elles n’expliquent que 42 % de la progression de l’emploi présentiel de Briançon. Les fonctions touristiques (« culture-loisirs », « gestion » et « distribution » et « logistique ») ont en effet été fortement contributrices.
La sphère productive de plus en plus orientée vers les fonctions métropolitaines
En 30 ans, la mutation de l’économie productive vers l’économie de la connaissance, de l’information et de la production immatérielle a radicalement changé la nature des fonctions exercées sur les territoires.
En Paca, les fonctions de production « concrète » (fabrication industrielle et production agricole notamment) ont perdu des effectifs. Le recul a cependant été moins important qu’en moyenne nationale (– 44 % contre – 49 %). En 1982, ces fonctions représentaient 45 % de l’emploi de la sphère productive de la région (56 % au niveau national) ; leur part est passée à 22 % en 2011 (30 % au niveau national). Cette baisse s’explique par le repli de l’emploi agricole et les fortes pertes d’emploi dans la plupart des secteurs industriels, en lien avec les modifications des processus de production et les délocalisations de certaines activités. Dans la région, c’est à Toulon que les emplois de production concrète ont le plus décliné (– 58 %) : ils représentaient près d’un emploi de la sphère productive sur deux en 1982 pour moins d’un sur quatre en 2011. En revanche, la baisse a été inférieure à la moyenne nationale dans 15 zones d’emploi de la région sur 18. Aix-en-Provence et Manosque figurent même parmi les 15 plus faibles replis nationaux.
Parallèlement, des fonctions plus qualifiées se sont développées. Une partie d’entre elles résulte des mécanismes d’externalisation d’activités de services. Il s’agit de fonctions de production « abstraite » (conception-recherche, prestations intellectuelles, production culturelle) ou de gestion et intermédiation (commerce inter-entreprises). Bien insérées dans l’économie mondialisée, ces fonctions se concentrent dans les métropoles, c’est pourquoi on les qualifie de fonctions « métropolitaines ». Leur poids dans la sphère productive est ainsi supérieur à la moyenne nationale dans les zones de Marseille-Aubagne et Nice (46 % dans chaque zone). Elles représentent plus d’un emploi productif sur deux à Cannes-Antibes et Aix-en-Provence, où elles expliquent la croissance de l’emploi de la sphère productive. En revanche, à Toulon, le développement des fonctions métropolitaines (+ 44 % entre 1982 et 2011) et leur poids dans la sphère productive (39 %) ne compense pas la perte d’emplois de production concrète. C’est également le cas dans les zones peu peuplées de Briançon et Gap.
Depuis 2006, le dynamisme de l’emploi fléchit
Depuis 2006, sous l’effet de la crise, la progression de l’emploi total de la France métropolitaine ralentit : + 0,4 % par an entre 2006 et 2011 contre + 0,7 % entre 1982 et 2006. En Paca, cette inflexion est encore plus sensible (+ 0,6 % contre + 1,1 %). Contrairement au niveau national, ce ralentissement ne concerne que la sphère présentielle : sa progression a en effet été divisée par 2, passant de + 1,4 % à + 0,7 % par an. Le retournement de tendance dans l’éducation-formation et la distribution a plus durement touché la région qu’en moyenne nationale. De même, les emplois de santé-social progressent à présent moins fortement dans la région. En revanche, à l’inverse de la tendance nationale, l’évolution de l’emploi de la sphère productive a légèrement accéléré : elle est passée de + 0,4 % à + 0,5 % par an. La sphère productive a en effet bénéficié de la part plus faible des emplois de production concrète, dont le déclin ne s’est pas accéléré en Paca. Elle a également bénéficié d’un poids plus important de fonctions métropolitaines (gestion notamment), qui se sont davantage développées qu’au plan national.
Parmi les 18 zones d’emploi de Paca, une seule a perdu de l’emploi entre 2006 et 2011 : Cavaillon-Apt. Elle disposait d’une composante productive importante, qui continuait à progresser, même faiblement, grâce au dynamisme des fonctions métropolitaines et transversales (commerce inter-entreprises et logistique), fortement représentées. Ce dynamisme s’est fortement atténué entre 2006 et 2011, alors que la disparition des fonctions de production concrète s’est amplifiée, ce qui a entraîné un déclin de la sphère productive. Dans le même temps, sa sphère présentielle a marqué le pas. La zone de Fréjus-Saint-Raphaël est passée d’une forte hausse de l’emploi (+ 2 % par an) à une quasi-stagnation, causée par une perte de dynamisme dans les deux sphères économiques : dans les fonctions métropolitaines et transversales pour la sphère productive, et dans les fonctions de distribution et services de proximité pour la sphère présentielle.
Au final, l’emploi a ralenti depuis 2006 dans toutes les zones de Provence-Alpes-Côte d’Azur, à l’exception de Manosque, Marseille-Aubagne, Menton-Vallée de la Roya et Gap. Manosque a même intensifié son dynamisme. Elle le doit surtout à sa petite taille, à une plus forte progression de la sphère productive, notamment dans les fonctions métropolitaines, et au retour à la quasi-stabilité dans celles de production concrète. Marseille-Aubagne, portée par une situation plus favorable qu’au niveau national des emplois métropolitains et moins défavorable dans ceux de production concrète, connaît une redynamisation de sa sphère productive entre 2006 et 2011. Ce regain de dynamisme productif est aussi présent dans les zones moins peuplées de Gap et Menton-Vallée de la Roya. Ce sont les seules zones où le rythme de progression de l’emploi s’est également accentué dans la sphère présentielle, grâce à une forte inflexion à la hausse de l’emploi métropolitain et de BTP pour la première, les services de proximité pour l’autre.
Définitions
Sphères : la partition de l’économie en deux sphères, présentielle et productive (ou « non-présentielle »), permet de mieux comprendre les logiques de localisation des activités et de mettre en évidence le degré d’ouverture des systèmes productifs locaux. Elle permet aussi de fournir une grille d’analyse des processus d’externalisation et autres mutations économiques à l’œuvre dans les territoires. La sphère présentielle correspond aux activités mises en œuvre localement pour la production de biens et de services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes dans la zone, qu’elles soient résidentes ou touristes. La sphère productive regroupe les activités qui produisent des biens majoritairement consommés hors de la zone, et les activités de services tournées principalement vers les entreprises correspondantes.
Fonctions : la répartition de l’emploi est le plus souvent analysée selon un découpage sectoriel, qui correspond à l’activité principale exercée par les établissements. L’approche par les fonctions est établie à partir de la profession occupée par les actifs. Les professions sont réparties en quinze fonctions. Certaines d’entre elles interviennent dans les différentes étapes de la production, d’autres sont plutôt tournées vers les services à la population. Les fonctions exercées sont transversales par rapport aux secteurs d’activité. Elles sont également transversales par rapport au statut (salarié/non salarié, public/privé) et au niveau de qualification.
Pour en savoir plus
Gass C., Reynard R., Vialette P., « 30 ans de mutations fonctionnelles de l’emploi dans les territoires », Insee Première n° 1538, février 2015
Adaoust S., Belle R., « Zones d’emploi : des économies de plus en plus dépendantes des populations présentes », Insee Provence-Alpes-Côte d'Azur, Analyse n° 9, juin 2011