Courrier des statistiques N9 - 2023

Cette neuvième édition du Courrier des statistiques est caractérisée par plusieurs articles empreints de technicité, et par des sujets inhabituels pour la revue.
Tout commence par une histoire : celle de la statistique publique, prise ici sous l’angle du débat démocratique, dans les 40 années qui ont suivi la création de l’Insee.
Pour nourrir le débat public, l’Insee a récemment innové, avec la mise en place de « comptes nationaux distribués », qui permettent de mieux analyser la distribution de la croissance et son impact sur les revenus des ménages. Le second article en explique les principes, la mécanique et les perspectives.
Changement de thème avec deux articles sur la confidentialité des données. L’un donne le cadre législatif, les risques afférents à la rupture de confidentialité et les subtilités de l’application du secret statistique dans un contexte évolutif. L’autre, plus opérationnel, explique la logique du « code statistique non signifiant » (CSNS), et en quoi il facilite l’appariement de différentes sources tout en assurant la protection des données individuelles.
Les trois derniers papiers portent sur des sujets liés, importants dans un « monde de data ». On commence par les formats de données, sujet peu abordé mais que la statistique ne peut négliger. Bien choisir, bien gérer les formats est incontournable quand les statisticiens utilisent des sources de données externes. Avec l’article sur l’intégration des données administratives, on découvre un pipeline de traitement automatisé, piloté par les métadonnées, étape préalable avant une production statistique plus classique. Enfin, la Cnav explique l’importance de normes d’échange formalisées et documentées, générant automatiquement des outils de contrôle, pour mieux maîtriser la qualité des données au sein de la protection sociale.

Courrier des statistiques
Paru le :Paru le30/06/2023
Gaël de Peretti, sous-directeur, sous-direction des études, des statistiques et des systèmes d’information, DGAFP, gael.de-peretti@finances.gouv.fr et Béatrice Touchelay, professeure d’histoire contemporaine, Université de Lille, beatrice.touchelay@univ-lille.fr
Courrier des statistiques- Juin 2023
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Statistiques publiques et débat démocratique : de la création à la consolidation (1946-1987)

Gaël de Peretti, sous-directeur, sous-direction des études, des statistiques et des systèmes d’information, DGAFP, gael.de-peretti@finances.gouv.fr et Béatrice Touchelay, professeure d’histoire contemporaine, Université de Lille, beatrice.touchelay@univ-lille.fr

Le développement et la diffusion de l’information statistique est au cœur des préoccupations du Conseil national de la Résistance pour instaurer une démocratie économique et sociale. Au travers d’une esquisse historique des quarante premières années de fonctionnement de l’Insee, deux périodes se dessinent. Dans la première, qualifiée de construction, l’appareil statistique s’étoffe et assoit sa position. L’institution, reconnue et écoutée, s’affirme mais l’essentiel des regards sont portés vers les décideurs politiques et économiques. Il s’agit avant tout de répondre aux besoins de la reconstruction. Dans un deuxième temps, nommé “consolidation par l’ouverture”, il s’agit, tout en s’appuyant sur les travaux déjà réalisés, de consolider ces acquis mais surtout de s’ouvrir aux autres utilisateurs, que ce soit au niveau local en lien avec les différentes vagues de décentralisation, au niveau national avec la mise en place d’instances de concertation, et plus généralement à destination du grand public à travers une politique offensive de diffusion de l’information statistique.

Le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) du 15 mars 1944 définit les réformes à mener dès la libération du territoire pour . Il fait du développement de l’information et de sa diffusion l’un des piliers de la reconstruction et il confie cette mission à l’État.

La création de l’Institut national des statistiques et des études économiques (Insee) pour la France et l’Outre-mer par la loi de finance d’avril 1946 doit répondre à cet impératif. L’Institut est doté d’une double fonction, technique et d’étude, qui fait son originalité parmi ses homologues européens focalisés sur la seule production statistique (Desrosières, 1989). Doté de sa propre école d’application, il est chargé de produire des données pour éclairer les décisions et de fournir des études économiques. Son nom est discuté, il est question un temps d’ajouter « et de la documentation » à un .

En suivant l’évolution de l’Insee voire du service statistique public, depuis sa création jusqu’au milieu des années 1980 (figure), il s’agit de préciser dans quelle mesure cet appareil statistique répond à cette mission de production et de diffusion de l’information statistique et nourrit le débat social et politique. Ces quarante premières années sont découpées en deux périodes au cours desquelles l’auditoire des travaux de l’Insee et sa contribution aux débats démocratiques s’étoffent. Les frontières sont évidemment floues et il n’existe pas dans cette histoire de rupture aussi abrupte. Comme Amossé et al. l’écrivaient dans leur analyse historique sur les hommes et les femmes en ménage statistique : « Aussi, notre article se présente davantage comme l’esquisse d’une lecture historique proposée à la discussion qu’un travail véritable d’historien des statistiques. »

Figure - Fresque chronologique : l’Insee de 1946 à 1987

 

Période I : construction

La première période correspond aux mandats de Francis-Louis Closon (1946-1961) et de Claude Gruson (1962-1967). Ils fondent une institution qui s’éloigne progressivement du projet du CNR en étant d’abord au service de l’État, en contradiction sans doute avec les aspirations des jeunes recrues de l’institution issues de l’école d’application de l’Insee (Ouvrir dans un nouvel ongletBrunaud et al., 2020), mais en concordance avec ses moyens humains et budgétaires, avec les capacités moyennes d’appréhension des statistiques et avec les conceptions du débat démocratique de la majorité des gouvernants (Porter, 1995).

Une institution au service d’une minorité de décideurs

Le titre premier du décret de juin 1946 définit ses attributions. L’Insee est chargé « d’établir, de rassembler et de mettre à jour les statistiques relatives à l’État et au mouvement des personnes et des biens en utilisant, le cas échéant, les éléments qui lui sont fournis par les diverses administrations » (alinéa 1), de « donner et tenir à jour l’inventaire permanent de l’économie » (alinéa 3). Il « procède, pour le compte des administrations et organismes visés au 2° du présent article, à l’exécution des recensements approximatifs » (alinéa 9), « coordonne les méthodes, les moyens et les travaux statistiques des administrations publiques et des organismes privés subventionnés ou contrôlés par l’État, […] centralise leur documentation statistique et économique et […] réalise l’unification des nomenclatures et des codes statistiques ». Cette fonction coordonnatrice et centralisatrice n’étant définie par aucun règlement, l’Insee tarde à s’imposer. Au service des gouvernements, de l’ensemble des administrations, et de « toutes les personnes physiques ou morales de droit privé » qui en feraient la demande, le périmètre de ses actions est très large. Il recouvre tous les domaines « des statistiques et des études économiques », « assure la formation du personnel spécialisé » et « observe l’évolution de la situation économique dans la métropole, la France d’Outre-mer et l’étranger » (alinéa 4).

Ces ambitions initiales deviennent irréalistes avec l’échec du Grand ministère de l’Économie nationale porté par Mendès France et le rattachement de l’Insee au sous-secrétariat d’État à l’Économie nationale, puis au secrétariat d’État aux Affaires économiques qui ouvre une période de vaches maigres jusqu’en 1961. Le rattachement au ministère des Finances apporte ensuite à l’Insee les moyens budgétaires de ses ambitions initiales (Ouvrir dans un nouvel ongletCloson, 1971). Ce rattachement sera aussi l’occasion d’une intégration partielle du Service des études économiques et financières (SEEF) et donc de l’arrivée des comptables nationaux à l’Insee. Comme l’écrira Closon quelques années après son départ de l’Insee : « L’essentiel de l’édifice était bâti et la statistique, dans son acception la plus large, avait acquis droit de cité. Il manquait encore un éclat et un complément nécessaire, celui que pouvait apporter le calcul économique, et une participation plus active aux comptes de la Nation, un lien plus étroit avec la réflexion du ministère des Finances et du Plan, la lente montée de nouvelles équipes. La tâche n’était pas terminée en 1961, mais suffisamment engagée pour que la voie fût non seulement indiquée, mais ouverte. La période du risque vital était franchie ».

Un auditoire volontairement limité : la Note verte

Inspiré par la revue Nord-américaine Fortunes et disposant d’une équipe de conjoncturistes héritée du Service national des statistiques, Closon décide de publier une note de conjoncture intitulé la Note verte qui serait envoyée à une centaine de décideurs triés sur le volet (Touchelay, 1993). Les questions d’actualité, telles que le ralentissement de l’activité économique ou les mécanismes de ce que l’on a appelé la relance en 1952, font l’objet de réflexion commune des spécialistes qui diffusent leurs comptes rendus dans ce document confidentiel. À partir de 1953, elle est dépouillée de tout commentaire des statistiques qui sont intégrés au Bulletin mensuel de statistiques. Elle ne contient plus que des observations générales et devient vraiment confidentielle puisque son tirage est limité à 150 exemplaires.
La liste des destinataires est établie par Closon en accord avec le ministre de tutelle. La Note est le domaine réservé de Closon, particulièrement exigeant à l’égard des auteurs.

Ses exigences se manifestent dans des directives relativement sèches comme celle de 1957 qui critique le manque de synthèse des études et qui souligne que « tout doit être bon car l’Institut ne peut pas se payer le luxe de sortir des papiers médiocres ». Closon considère qu’une « trop grande diffusion aurait pour lamentable résultat une diminution très importante de notre liberté d’expression », ce qui explique qu’il contrôle très strictement la liste des destinataires. En octobre 1952, il refuse la demande d’abonnement de la Chambre de commerce de Mulhouse en précisant que cette publication n’est « diffusée qu’à titre gratuit et qu’elle est destinée particulièrement aux membres du gouvernement ». Entre avril et octobre 1955, le tirage de la Note augmente de cent exemplaires (Tableau). Closon souligne à plusieurs reprises que ce volume risque d’atténuer son caractère confidentiel et il lui arrive fréquemment de refuser de la communiquer.

Tableau : Diffusion de la note verte de 1955 à début 1957

Tableau : Diffusion de la note verte de 1955 à début 1957
1955 1956 1957
Janvier 405 Janvier 550 Février 510
Avril 386 Juin 520
Octobre 500 Décembre 520

Le succès de la Note est international puisqu’un correspondant du Sunday Times à Londres réclame qu’elle lui soit communiquée régulièrement à partir d’août 1959. Il devra se contenter de consulter Étude et conjoncture quatre fois par an à la suite du refus de Closon. Un mois plus tard, le directeur des finances et trésorier de Esso Standard SA France, se heurte au même refus. Lorsque les destinataires font un usage du document qui ne correspond pas à son caractère confidentiel, son envoi est interrompu. Closon suspend l’envoi à Jean Monnet à la à Luxembourg après deux années, à la suite de sa découverte dans la bibliothèque de la Haute Autorité en 1954. Il n’envisage de revenir sur sa décision que si Monnet confirme que « ce document sera traité comme il doit l’être ». En revanche, l’accès accordé à Pierre Locardel du Figaro est définitivement stoppé à partir du moment où celui-ci utilise des renseignements contenus dans la Note pour un article sur les ventes d’automobiles neuves publié en juillet 1954.

Grâce à la Note verte, l’Institut confirme sa fonction d’observateur de la conjoncture au service d’une poignée de décideurs et conforte sa réputation. Le succès du document révèle l’existence d’un besoin réel d’informations quantifiées. Compte tenu des moyens techniques disponibles, il représente une très lourde tâche, rédaction, impression et diffusion par voie postale, pour une institution peu dotée et qui fait des choix.

Une institution en prise avec les débats démocratiques : la question des fichiers

En août 1946, la loi confie à l’Insee la gestion du fichier électoral. La question des fichiers n’est pas réglée pour autant puisqu’un inspecteur général est chargé d’étudier tous ses aspects en janvier 1947. En avril, une instruction de la direction générale précise aux directeurs régionaux que « le principe du fichier démographique n’est pas condamné mais qu’il n’y a pas lieu d’aller plus loin pour le moment ». En revanche, « le fichier des établissements est non seulement maintenu, mais c’est sur lui que portera le premier effort dans le domaine des fichiers » (Ouvrir dans un nouvel ongletChevry, 1948). Le mois suivant, dans un rapport adressé au ministre de l’Économie nationale, Closon suggère de «  ». La politique de l’Insee en la matière est ainsi définie clairement. Cela ne suffit pas à désamorcer les critiques. Dans un article publié par la Revue Défense Nationale en février 1947, Alfred Sauvy, entré à la Statistique générale de la France en 1922, nommé directeur du nouvel à la Libération, s’en prend violemment aux « instruments d’oppression » que pourraient constituer les fichiers de l’Insee. (encadré « Quarante ans de controverse »). Reconnaissant qu’il s’agit d’un « problème très délicat » et précisant qu’il a « mûrement réfléchi à l’instrument d’oppression que pouvaient constituer ces appareils », le directeur général précise que ces fichiers « sont une nécessité pour l’État moderne et qu’il est préférable que leur gestion soit confiée à l’Institut dont l’indépendance est connue plutôt qu’à un ministère politique ». Des critiques continuent à paraître dans la presse généraliste jusqu’en 1950. Closon transmet alors une mise au point au directeur de l’Agence France-Presse qui contribue à les atténuer en posant une question de fond : « Doit-on n’organiser un pays que dans la mesure où cette organisation ne présentera pas d’inconvénient en cas d’occupation étrangère ou au contraire l’équiper en vue d’éviter cette occupation ? » Il fait aussi remarquer que « des documents aussi menaçants que les inventaires de l’Insee comme les listes électorales ou celles de l’état civil existaient en 1940 et qu’ils n’ont pas été utilisés par l’occupant ». Un an après cette mise au point, la loi sur le secret statistique mettra fin aux critiques sur les fichiers.

Encadré. Quarante ans au prisme des controverses

Après avoir assis son rôle au sein de l’État, le système statistique public s’est tourné vers l’extérieur pour être plus à l’écoute des critiques formulées à son encontre, et diffuser de façon plus régulière et plus efficace l’ensemble des statistiques produites. Comme le disait Malinvaud en faisant un retour sur le colloque sur la statistique dans une société pluraliste et décentralisée organisé par le Conseil national de la statistique (CNS) en 1983 : « Les statisticiens ne travaillent pas seulement pour la science mais aussi pour les acteurs sociaux, et notamment les pouvoirs publics, qui doivent pouvoir fonder leurs décisions sur des études statistiques. C’est même un des aspects de la démocratie et en dernière analyse l’intérêt bien compris du corps social. » (Malinvaud, 1983). Mais que cela soit dans la phase de construction ou de consolidation, l’Insee a dû faire face à de nombreuses controverses : nous en retiendrons deux qui restent d’actualité.

La première controverse est celle des libertés individuelles en lien avec le développement des fichiers informatiques. La loi de 1951 sur le secret statistique était censée apaiser les tensions sur les données individuelles stockées par l’Insee. Mais le projet de Système automatisé pour les fichiers administratifs et répertoires des individus (dont l’acronyme est SAFARI) relance la polémique. Il s’agit d’un projet d’interconnexion des fichiers nominatifs de l’administration française, notamment par le biais du numéro individuel d’identité. La polémique est lancée par un article du Monde de Philippe Boucher, intitulé « Safari, la chasse aux Français ». Cette polémique mènera à un arrêt du projet et à la création de la Cnil en lien avec la loi Informatique et Libertés. Cette loi et les conséquences de la création de la Cnil ont été mal perçues dans un premier temps par les statisticiens. Comme le rappelle Padieu* : « Gardiens d’une déontologie reposant en partie sur la loi et élaborée pour le reste comme expression d’une éthique professionnelle, ils [Les statisticiens publics] ont assez mal reçu la législation « informatique et libertés », en 1978. Elle leur semblait les soupçonner de crimes qu’ils s’attachaient à ne pas commettre, faisant bon marché du combat pour l’intégrité qu’ils avaient le sentiment d’avoir mené ». Depuis, les tensions avec la Cnil se sont apaisées.

La deuxième concerne l’indice des prix. Au milieu des années 1950, des débats existent sur le « panier de la ménagère » et sa composition. La polémique est l’occasion pour l’Insee de montrer son indépendance en résistant aux pressions gouvernementales pour contrôler ce panier. L’indexation du salaire minimum garanti sur l’indice des prix de détail de l’Insee le met au cœur de la tourmente (Jany-Catrice, 2019 ; Ouvrir dans un nouvel ongletTouchelay, 2014). Le gouvernement, par l’intermédiaire de la direction des prix, contrôle les blocages de prix d’un certain nombre de produits. La « mise au secret » de la liste des variétés de produits composant l’indice et la baisse de l’inflation avec le Plan Giscard de 1963 mettent un terme aux tensions. Dans les années 1970, la critique vient des syndicats, en particulier de la Confédération générale du travail (CGT) qui fabrique son propre indice des prix, concurrent de celui de l’Insee, à partir de janvier 1972. Cette fois, ce sont les choix méthodologiques qui sont critiqués et en particulier la correction de l’effet qualité. Syndicats et Insee se répondent par brochure interposée : « Indice Insee, Indice truqué », puis « Pour comprendre l’indice des prix » et enfin « Pour combattre l’indice des prix ». La position de l’Insee, « qui reste la même aujourd’hui » est que l’indice des prix de consommation (IPC) n’est pas un indice du coût de la vie et que la question n’est pas de celle de l’outil, mais de l’usage qui en est fait.


* Padieu (1991), « Ouvrir dans un nouvel ongletLa déontologie des statisticiens », Sociétés contemporaines, n° 7, pp. 35-62.

Une institution en quête de confiance : la loi sur le secret, la coordination et l’obligation statistique

La loi crée une commission paritaire chargée d’élaborer le programme des enquêtes statistiques et de suivre son exécution – le Comité de Coordination des Enquêtes Statistiques (COCOES) –, impose le secret statistique et l’obligation de réponse ; elle assortit de sanctions l’obligation de réponse et crée un comité de contentieux. Elle introduit le principe de l’agrément accordé aux organisations professionnelles intermédiaires dans les enquêtes qui va permettre d’organiser les enquêtes par branches d’activité. Ses décrets d’applications ne sont pas publiés avant le 15 septembre 1952, ce qui montre le peu d’empressement des décideurs politiques à l’égard de la statistique.

Le COCOES définit le programme annuel des recensements et des enquêtes statistiques du secteur public, examine leur bien-fondé pour limiter l’émission des questionnaires et éviter les doubles emplois, met au point la rédaction des questionnaires et soumet ce programme au ministre de tutelle de l’Insee qui publie l’arrêté d’application. Chaque opération agréée par le Comité comporte deux visas : celui du ministère enquêteur et celui de l’Insee. Compte tenu de l’emprise réelle de ce Comité sur la quantification publique, sa composition est l’objet de nombreuses négociations. Le décret du 15 septembre 1952 (n° 52-1059), dressant la liste des administrations et des organisations professionnelles représentées au Comité, est modifié plusieurs fois.

Ce Comité devient l’interlocuteur permanent du patronat en matière de statistiques publiques. Il examine toute initiative susceptible de faciliter la coopération des entreprises et des services enquêteurs ainsi que toute contestation sur telle ou telle investigation administrative. En 1953, l’assemblée générale du dresse un de la réforme de la statistique publique qui a favorisé la « coopération entre les services administratifs et les professionnels » et elle fait le constat que la « contribution des producteurs à l’élaboration des statistiques officielles » peut leur procurer de grands avantages.

.

La améliore les relations entre les statisticiens et les milieux professionnels (Touchelay, 2000), mais elle ne suffit pas à éliminer les réticences à l’égard des enquêtes statistiques. L’, qui assimile la statistique à un « détraquement de la vie publique » et qui dénonce « ces abus de paperasse qui mobilisent un personnel abusivement nombreux », dans le quotidien L’Aurore en 1953 n’est pas exceptionnelle. Le recensement démographique au printemps 1954 suscite même une véritable campagne d’hostilité. La formule employée par Robert Escarpit dans les colonnes du quotidien Le Monde deux jours avant la diffusion des questionnaires est révélatrice : «  ». En 1957, le groupe parlementaire Union et fraternité française, proche des poujadistes, propose de . Bien que ces députés affirment ne pas contester l’intérêt des statistiques, ils justifient leur démarche en précisant que la loi «  ». Ils considèrent en outre qu’elle « multiplie la paperasserie », avant de conclure que « le temps passé à ce genre de travail est perdu pour la production ». L’échec de leur tentative le 18 avril 1957 marque le reflux de la vague poujadiste et le .

Enquêtes ménages et comptabilité nationale : répondre au souhait de planification des décideurs

Pendant cette période de construction, la Statistique publique développe sa production afin de répondre avant tout aux besoins de planification des décideurs politiques. Cette volonté d’extension des enquêtes sera dans un premier temps, freinée par les moyens budgétaires.

La connaissance des conditions de vie s’améliore à partir de la première enquête « budget des familles » organisée auprès de salariés modestes dans la région parisienne en 1946. L’opération devient régulière, les échantillons se stabilisent et les questionnaires se diversifient. Elle est complétée par des enquêtes plus ciblées comme celles de 1949 sur les vacances des Français et sur les conditions de vie des personnes âgées. La première enquête emploi est organisée en 1950, suivie par une enquête sur la mobilité professionnelle et sociale en 1952, sur la consommation des ménages en 1953, le budget des familles en collaboration avec le Centre de recherche et de documentation sur la consommation (CREDOC) en 1956, les revenus fiscaux en 1958, etc. Les enquêtes se multiplient pour répondre à la demande de statistiques sociales et documenter la question des inégalités. La collaboration du CREDOC permet d’améliorer les connaissances statistiques sur le logement des Français. Le recensement en 1946 franchit une étape en posant des questions sur le confort. Celui de 1954, , utilise une feuille de logement élargie et fournit des données complémentaires. En 1955, l’Insee et le CREDOC enquêtent le logement des ménages non agricoles puis de l’ensemble des ménages en 1961. De fait, il y a un boom des enquêtes conditions de vie dans le cadre du programme d’investissement prioritaire du Ve plan. Ainsi, dans les années 1960 l’Insee s’intéresse aux vacances, aux loisirs, au transport, à la santé, au budget-temps et réalise la première enquête formation qualification professionnelle. Les enquêtes sont conçues pour alimenter les exercices de la planification et plus précisément les prévisions d’emploi, puis elles explorent d’autres champs comme la mobilité sociale et professionnelle, les itinéraires migratoires, etc. (Ouvrir dans un nouvel ongletMonso, Thévenot, 2010). Le développement des enquêtes, l’augmentation des moyens budgétaires et l’arrivée des comptables nationaux à l’Insee (Desrosières, 1998) correspondent au besoin de la planification. Selon Jacques Desabie, les statisticiens ont aussi le souci d’analyser « les comportements des milieux sociaux, et [d’étudier] les conditions de vie au sens large » (Insee, 1996, p.83).

Cette période est aussi celle de l’arrivée des comptables nationaux à l’Insee. Au début des années 1960, la planification est à son zénith et s’appuie sur les travaux des comptables nationaux pour asseoir ses prévisions. Cette comptabilité nationale est produite par le SEEF dirigé par Gruson à la direction du Trésor. Le SEEF, composé d’une cinquantaine de personnes a une capacité limitée pour produire l’information statistique nécessaire à ses travaux. L’arrivée de Gruson, comme directeur général, et d’une partie des équipes du SEEF à l’Insee en 1961 permet de surmonter cette difficulté. Cependant, l’intégration à l’Insee n’est pas si aisée, car statisticiens et comptables nationaux doivent trouver le bon modus operandi pour travailler ensemble. Cette complémentarité est nécessaire pour produire « une information destinée non seulement à décrire et à expliquer des situations et des évolutions, mais aussi à éclairer des actions qui ne sont jamais purement techniques, qui sont sociales et politiques » (Ouvrir dans un nouvel ongletGruson, 1971). Cela passera par une réorganisation de l’Insee et la création d’une direction des synthèses économiques en 1962. Au-delà des questions relatives aux comportements des ménages et des groupes sociaux qui sont au cœur des préoccupations des statisticiens, il s’agit de produire les grands agrégats économiques, de mieux suivre la consommation par grands postes, de pouvoir éclairer les décisions de régulation économique et de planification (Ouvrir dans un nouvel ongletDesrosières et al., 1976).

Dans cette période, l’Insee expérimente les premiers essais de comptes trimestriels et de régionalisation des comptes, le développement de modèles macro-économiques complexes, etc.

C’est aussi une période de transformation de la statistique industrielle avec la mise en place en complément des enquêtes de branche, d’enquêtes de secteurs reposant sur l’unité statistique entreprise, les premières expérimentations d’enquête annuelle d’entreprises, avec surtout une collecte assurée par l’Administration pour ces nouveaux dispositifs, malgré des oppositions du CNPF. C’est également la banalisation de l’utilisation des données fiscales comme les bénéfices industriels et commerciaux, dont la normalisation selon le plan comptable général de 1957 est établie par décret le 28 octobre 1965, et que la Direction générale des impôts transmet officiellement à l’Insee à partir de 1967.

Au terme du mandat de Gruson, l’Insee et plus généralement la statistique publique a développé son offre d’information statistique mais reste à l’écart du débat démocratique et du « grand » public. Il y a eu certes, en 1965, la création du Comité de liaison entre l’Insee, les administrations économiques, et les organisations professionnelles, syndicales et sociales, dans le cadre de la mise en place d’une politique des revenus, mais le chantier ambitieux d’une démocratisation du système d’information statistique reste à faire (Bardet, 2000).

Période II : la consolidation par l’ouverture

Quand Gruson fait le bilan des vingt-cinq premières années de l’Insee, il insiste sur le côté scientifique de l’Institut et sur le fait qu’il est passé d’une activité de « cueillette à la moisson » : « En règle générale, l’Insee ne récolte plus que ce qu’il a semé — ce qu’il a semé, non en début de saison, mais plusieurs années à l’avance. C’est pourquoi la construction du système d’information économique est un exemple typique d’activité dans laquelle l’ordre ne se maintient que par la planification, c’est-à-dire à condition de modeler chaque décision sur une conception précise de l’avenir à long terme. » (Ouvrir dans un nouvel ongletGruson, 1971). fait un constat similaire mais en parlant des utilisateurs : « Le statisticien doit souvent rappeler aux utilisateurs les délais nécessairement longs — ils se comptent toujours en années — qu’exige la mise en place de nouveaux instruments statistiques. » (Ouvrir dans un nouvel ongletRipert, 1971). Au regard des défis qu’il pressent pour l’Institut, il insiste sur le développement d’une relation entre producteurs et utilisateurs pour améliorer le système : « il importe qu’un dialogue constructif et confiant s’établisse, entre producteurs et utilisateurs d’informations statistiques, pour déterminer des priorités. » (Ouvrir dans un nouvel ongletRipert, 1971).
Il va donc s’agir pendant les années suivantes de consolider les acquis d’une institution dont le rôle est reconnu par la création d’espaces d’échanges permettant d’orienter le programme statistique et de mieux répondre à la demande sociale.

L’ouverture au niveau local : la création des observatoires économiques et régionaux (OER)

Le contexte politique des années 1960 contribue à ouvrir l’Insee à de nouveaux publics. Tout d’abord, il y a une forte demande d’informations économiques et sociales au niveau local. Créée au début des années 1960, la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’action régionale () souhaite entraîner l’Insee vers la création d’Observatoires économiques régionaux (OER) pour répondre à la demande croissante d’informations locales. En effet, au milieu des années 1960, une réforme entraîne la création des régions administratives, et des « missions régionales » qui regroupent entre autres des représentants administratifs, économiques et universitaires. Par ailleurs, à l’Insee, des discussions s’engagent sur ses missions et sur son rôle. Elles se traduiront en juin 1967 par un colloque sur l’information économique à Villemetrie. Puis viennent les « événements » de mai 1968 qui seront un temps « d’assemblées générales permanentes » au sein de l’Institut où les questions posées sont : « Comment le travail est-il vécu et organisé ? À quoi les statistiques servent-elles ? Au bénéfice de qui les produit-on ? » (Insee, 1996 p.102). Enfin, en 1969, il y a le référendum sur les régions et la réorganisation du Sénat. Autant d’éléments qui ont joué sur la participation et le rôle de l’Insee dans la production et la diffusion de l’information économique et sociale locale (Bardet, 2000).

L’ambition de la Datar consiste à créer dans chaque région des lieux rassemblant l’ensemble des producteurs et des utilisateurs d’information statistique, à la fois pour mieux coordonner la diffusion de cette information et pour « introduire du pluralisme dans sa production ». Il s’agit d’aller à la rencontre des utilisateurs, de compléter les données de l’Insee par d’autres sources locales et de faire remonter les demandes d’informations statistiques.

La position de l’Insee sur son implication, sa participation et le contour de l’information évoluent. Ainsi, les premiers OER sont créés à Lille et Marseille en 1967 et d’autres voient le jour jusqu’au milieu des années 1970. Mais la volonté première d’une ouverture totale, sur un programme statistique régional piloté par une commission mixte réunissant producteurs et utilisateurs n’aboutira pas. Toutefois, la question d’un lieu d’échanges entre les utilisateurs et les producteurs d’information statistique n’est pas écartée au niveau national.

Dans le cadre de la réorganisation de l’Insee du début des années 1970, les OER sont rattachés aux (DR) de l’Insee et contribuent à une « prise en compte de la dimension régionale et locale dans l’élaboration des statistiques nationales » souhaitée par Edmond Malinvaud dès le milieu des années 1970 (Insee, 1996). Par ailleurs, le nombre de cadres A affectés aux études double entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, pour répondre à ce besoin d’études régionales et locales.

L’ouverture au niveau national : la création du Conseil national de la statistique (CNS) puis du Conseil national de l’information statistique (Cnis)

Les réflexions sur le rôle local de l’Insee s’accompagnent d’un questionnement sur l’information économique au niveau national avec un double enjeu d’organisation du système statistique et des sujets à traiter ou à mieux traiter. Ces questions ne sont évidemment pas absentes du colloque de Villemetrie et des débats de mai 1968. Ainsi, lors de son discours de politique générale le 16 septembre 1969 devant l’Assemblée nationale, le premier ministre Jacques Chaban-Delmas invite à instaurer une « nouvelle société » dans laquelle la politique de l’information économique sera « repensée » (Bardet, 2000). Reprenant une des propositions du colloque de Villemetrie, le gouvernement crée une commission de l’information économique dans le cadre de la préparation du VIe plan. Conscient de l’importance de cette commission pour l’Insee, Ripert veille à la présence de cadres de l’Insee en son sein. Ainsi, le rapporteur général de cette commission est le directeur adjoint des synthèses économiques de l’Insee, Philippe Berthet, et de nombreux collaborateurs de Ripert participent aux groupes de travail de cette commission (Berthet, 1971). Les axes de réflexion retenus sont : prise en compte des besoins des différents utilisateurs de l’information économique ; transparence avec la mise en place de cellules de diffusion dans les centres de production ; formation ; accroissement de l’efficacité du système d’information économique et social. De fait, les appels à un pluralisme ou une démocratisation du service statistique public portés par les revendications externes et internes sont entendus et affirmés dans les travaux de la commission : « Il est essentiel que chaque membre du corps social, chaque groupe, chaque collectivité puisse jouer son rôle dans la vie sociale, et ceci implique en particulier de veiller à ce que le niveau d’information économique et sociale de chacun lui permette effectivement de jouer ce rôle. » (Berthet, 1971). Une des recommandations phares de la commission est la création d’un Conseil national de la statistique qui associe des représentants des administrations, des organisations professionnelles et syndicales, des chercheurs et les producteurs de statistiques. Il s’agit de faire débattre les utilisateurs et les producteurs, en amont de la mise en place des opérations statistiques, des nomenclatures, des répertoires, etc., afin de s’assurer de l’adéquation entre demande sociale et offre, d’éviter des redondances entre les opérations et ainsi limiter les enquêtes. Cette recommandation aboutit à la création du CNS en 1972. Mais au début des années 1980, les partenaires sociaux critiquent le fonctionnement de cette instance, car ils ont le sentiment de ne pas être écoutés. Ils affirment « que le CNS relève d’une manipulation qui permet à l’Insee, prétextant des divergences entre partenaires, de s’arroger implicitement le droit de décider de son programme de travail, alors que le but du CNS est précisément de permettre aux partenaires sociaux d’avoir prise sur ce programme » (Spenlehauer, 1998). André Vanoli, ancien secrétaire général du CNS puis du Cnis, constatait une « double revendication d’une information statistique qui soit à la disposition de tous les acteurs sociaux, et non de manière trop privilégiée au service du seul gouvernement ou des organisations professionnelles, et d’une association des partenaires sociaux à certains des mécanismes déterminant le développement et le contenu de cette information » (Vanoli, 1989). Ces réactions combinées au changement de majorité politique conduisent à la création d’un groupe de travail sur la réforme du CNS qui aboutit à la création du Cnis par le décret de 1984. Parmi les changements, on note la création d’un bureau préparant les travaux et composé de cinq représentants des confédérations syndicales de salariés, cinq représentants des organisations représentatives des entreprises, trois représentants de l’administration [le directeur général de l’Insee, le gouverneur de la Banque de France (BdF) et le commissaire au Plan] et deux membres élus par les autres catégories de membres du . Cette transformation permet de préciser que la concertation porte sur l’ensemble des , que le producteur appartienne ou non au service statistique public, de la production à la diffusion des données. Les thématiques couvertes s’élargissent également avec par exemple, l’apparition des données sur le système financier qui explique la présence d’un représentant de la BdF au Bureau. Le comité du secret statistique est créé pour permettre l’accès des chercheurs ou des organismes publics ou parapublics aux données détaillées des entreprises. Des liens entre le Cnis et la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) créée en 1978 dans le cadre de la loi informatique et libertés sont aussi établis.

L’ouverture vers le grand public : la création du département de la diffusion

Un des axes de travail évoqués par la commission de l’information économique du VIe plan est l’accroissement de l’efficacité du système d’information économique et social. Ripert décide de prendre les devants et lance un audit de l’Insee réalisé par le cabinet Mc Kinsey avant la rédaction de la synthèse des travaux de cette commission. Les recommandations de l’audit font écho aux propositions déjà contenues dans les conclusions du colloque de Villemetrie et de la commission sur l’information économique. Au-delà de la nécessité d’être attentif à la demande sociale, il est nécessaire de diffuser largement les résultats produits.

Rappelant le cœur de métier de l’Insee – produire, analyser et diffuser des statistiques – l’audit propose une réorganisation pour mieux réaliser ces missions. La direction de la production fait son retour à la direction générale, des chefs de service production sont introduits en DR. Il s’agit de mieux coordonner les travaux de production en DR et de dégager des marges de manœuvre pour se consacrer à des travaux d’études. Mais la mesure la plus emblématique est la création d’un département de la diffusion. C’est l’occasion de consolider et poursuivre les travaux de refonte des publications et d’asseoir le rôle du bureau de presse créé à la fin des années 1960. Les revues sont spécialisées afin de mieux tenir compte de la diversité des publics visés. Il y a aussi la volonté que certaines revues ne soient pas seulement destinées à des spécialistes de l’information économique et sociale, mais qu’elles soient « accessibles par toute personne cultivée s’intéressant à l’économie » (Insee, 1996). Ainsi, la revue Économie et statistique apparue en 1969 bénéficie rapidement d’un rédacteur en chef chargé de réécrire les articles pour les rendre accessibles à un large public. Fin 1973, le premier numéro de Données sociales est publié. Il répond à une forte demande de statistiques sociales. Cette publication rencontre un vrai succès éditorial et dépasse les 10 000 exemplaires vendus en 1987. Pour accompagner ce succès, l’Insee crée une division études sociales qui renforce l’équipe de rédaction, utilise et valorise les nombreuses sources du département Population ménages.

Autre succès éditorial, les tableaux de l’économie française (TEF) : en 1976, une refonte de cette publication lui assure un large public et dépasse les 24 000 exemplaires vendus en 1987. L’élan des publications nationales se retrouve au niveau régional. Les maquettes des revues régionales sont rénovées, les auteurs formés aux techniques rédactionnelles, les TEF sont déclinés au niveau régional et obtiennent aussi un succès éditorial. Et en 1987, après une initiative de l’OER d’Aquitaine, l’Insee crée un vidéotex national grand public : c’est la naissance du 3615-Insee.

Le développement de ces publications et du bureau de presse donne plus de visibilité aux travaux de l’Insee. On lit dans la presse « L’Insee dit que… » plutôt que « Selon les statistiques officielles… ». Cela conduit aussi à mettre en place la notion d’embargo qui fixe le moment de la diffusion publique, en imposant aux quelques acteurs informés de façon anticipée (agences de presse, autorités), de respecter l’heure prévue pour la diffusion publique, afin que chacun reçoive l’information en même temps. C’est aujourd’hui un critère important de l’indépendance au regard du code de bonnes pratiques de la statistique européenne.

Au cours des deux périodes de fondation et d’ouverture, l’Insee est parvenu à fournir des statistiques qui répondent mieux aux besoins d’informations des décideurs et d’un public élargi. Le passage de la mécanographie à l’informatique raccourcit le délai entre l’enquête et la publication de ses résultats. Des publications symboliques comme Données sociales destinées aux étudiants et aux lycéens des sections de sciences humaines et sociales marquent l’ouverture de l’Institut du service des décideurs à celui d’un plus vaste public et du débat démocratique. S’ouvre une nouvelle période de démocratisation de l’information économique et sociale, de concurrence entre public et privé et de dispersion de la demande, dans un contexte d’internationalisation, en particulier au niveau européen avec l’importance que prend la commission européenne dans les programmes statistiques nationaux. Mais ceci est une autre histoire…

Fondements Juridiques

Sur la période de la reconstruction et des transformations de l’État, quelques références : Chapman H. (2021), La longue reconstruction de la France. À la recherche de la république moderne. Presses de Sciences Po, « Académique » ; Andrieu C., Le Van L., Prost A. (1987), Les Nationalisations de la Libération. De l’utopie au compromis, Presses de Sciences Po, 1re éd. ; Margairaz M. (2017), L’État, les finances et l’économie : histoire d’une conversion, 1932-1952, vol. 1 et 2, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France (Ouvrir dans un nouvel ongletlire en ligne [archive]).

Service des archives économiques et financières (SAEF) Savigny-le-Temple, H 1573, n° 299/C, 10 avril 1946, lettre de Closon à Braconnot, directeur régional Alger : « La loi qui doit réorganiser les services du MIN et créer, notamment, un Institut National des Statistiques, des Études Économiques et de la Documentation, prévoit (…) qu’une coordination très étroite soit réalisée (…) entre la Métropole et les TOM ».

CECA : la Communauté européenne du charbon et de l’acier était une organisation internationale fondée sur le traité de Paris, entré en vigueur le 23 juillet 1952 pour une durée de cinquante ans. Elle n’existe plus depuis le 23 juillet 2002.

SAEF, Rapport sur l’INSEE au ministre de l’Économie Nationale, Closon, mai 1947.

Ined : Institut national d’études démographiques.

SAEF, Réponse de Closon à Sauvy, décembre 1947.

CNPF : Conseil national du patronat français, prédécesseur du MEDEF (Mouvement des entreprises de France).

« Compte-rendu de la quatorzième assemblée générale du CNPF », Bulletin du CNPF, 5 février 1953, p. 16.

« Activité du CNPF, questions économiques intérieures : Programme de travaux statistiques intéressant l’industrie et le commerce pour 1956 », Bulletin du CNPF, décembre 1955, p. 3 ; Matheron G, « Programme des enquêtes statistiques pour 1956 », Bulletin du CNPF, mars 1956, p. 22-24. L’auteur préside la commission de l’organisation professionnelle du CNPF.

Voir les (références juridiques) en fin d’article.

SAEF, H 1579, n° 309/920, 3 juin 1953, lettre de Closon à Lazurick.

SAEF, H 1579, n° 292/920, 19 mai 1954, note de Closon, 3 pages.

SAEF, H 1580, n° 232/920, 2 mai 1956, lettre de Closon pour Berger-Perrin, président de l’Association de l’entreprise à capital personnel.

SAEF, H 1580, copie de l’exposé des motifs de la proposition de loi n° 1534 déposée par René Icher du groupe Union et fraternité française et transmise aux directeurs régionaux de l’INSEE, 12 mai 1956, 2 pages.
SAEF, H 1580, n° 258/920, 18 mai 1956, lettre de Closon pour Edouard Ramonet, président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale.

Travaux des commissions présentés dans le Bulletin du CNPF :
• Commission de politique économique générale, mai 1955, p. 2.
• Commission de l’organisation professionnelle, questions économiques intérieures, quinzième assemblée générale du CNPF le 3 juillet 1953, 20 juillet 1953.
• « Compte-rendu des travaux de la commission de l’organisation professionnelle présidée par Georges Matheron », Bulletin du CNPF, février 1959

La particularité de ce recensement est la grande automatisation de son exploitation (Insee, 1996).

Jean Ripert, nommé directeur général de l’Insee en 1967.

La Datar était une administration française chargée, de 1963 à 2014, de préparer les orientations et de mettre en œuvre la politique nationale d’aménagement et de développement du territoire.

Les directions régionales existent depuis 1941, avant la création de l’Insee en 1946.

Voir l’article du courrier des statistiques N6 : « Le Conseil national de l’information statistique : la qualité des statistiques publiques passe aussi par la concertation », Isabelle Anxionnaz et Françoise Maurel.

Au sens précisé par Michel Isnard (2018), « Qu’entend-on par statistique(s) publique(s) », Courrier des statistiques, N1.

Pour en savoir plus

AMOSSÉ, Thomas et DE PERETTI, Gaël, 2011. Ouvrir dans un nouvel ongletHommes et femmes en ménage statistique : une valse à trois temps. In : Travail, genre et sociétés [en ligne]. 2011/2 (n° 26), pp. 23-46. [Consulté le 15/03/2023].

AMOSSÉ, Thomas et DE PERETTI, Gaël, 2011. Ouvrir dans un nouvel ongletMen and Women in Household Statistics : A Piece In Three Acts. In : Travail, genre et sociétés [en ligne]. 2011/2 (n° 26), pp. 23-46. [Consulté le 15/03/2023].

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