Insee Analyses Pays de la Loire · Novembre 2025 · n° 145

L’industrie agroalimentaire nourrit l’emploi industriel régional

L’industrie agroalimentaire (IAA) est un secteur clé de l’économie des Pays de la Loire. Elle regroupe l’ensemble des activités de transformation et de conservation des matières premières agricoles en produits destinés à l’alimentation. Sa place privilégiée dans l’économie régionale est liée historiquement à l’importance de l’agriculture dans le quart nord-ouest de la France. Gros employeur de la région, le secteur agroalimentaire est confronté à de multiples transitions – en particulier démographique, écologique et numérique. Dresser un état des lieux de l’emploi agroalimentaire dans la région permet d’accompagner les acteurs du secteur dans les défis des prochaines décennies.

L’industrie agroalimentaire est le premier secteur industriel employeur de la région. Ainsi, en 2023, 20 % des salariés de l’industrie travaillent dans l’IAA dans les Pays de la Loire, ce qui en fait une spécificité de l’industrie régionale. Cette part n’est que de 14 % en France métropolitaine. Au total, 920 établissements emploient 52 600 salariés fin 2023 (hors intérim), soit 47 900 salariés en équivalent temps plein (EQTP). Les Pays de la Loire se situent en deuxième position après la Bretagne en nombre de salariés dans l’IAA. Le secteur représente 3,6 % des effectifs salariés EQTP dans la région, contre 1,7 % en France métropolitaine (figure 1).

L’industrie agroalimentaire se caractérise par la présence de grands établissements. Près d’un salarié sur deux travaille dans un établissement de 250 salariés ou plus, contre un sur trois dans le reste de l’industrie. Cette particularité se retrouve également dans la fabrication d’autres matériels de transport (81 % des salariés), la fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques (56 %) et l’industrie automobile (51 %). La région compte notamment de grands centres de production dans les secteurs du lait (Laïta en Loire-Atlantique) et de la viande (LDC dans la Sarthe).

Le secteur s’est montré plutôt résilient face aux crises pandémique et géopolitique de ces dernières années. Sur la période 2018-2023, le nombre de salariés est stable. Cependant, les évolutions sont contrastées selon les sous-secteurs agroalimentaires. Parmi ceux employant le plus de salariés, la fabrication de lait liquide et de produits frais a perdu 23 % d’emplois EQTP, la préparation industrielle de produits à base de viande, 8 %, et la transformation et conservation de la viande de volaille ou de boucherie, 7 %. À l’inverse, la fabrication industrielle de pains et de pâtisserie fraîche en a gagné 13 %, et la fabrication de plats préparés, 10 %. Certaines activités plus marginales prennent de l’essor, comme la fabrication de bières ou la fabrication de condiments et assaisonnements.

La zone d’emploi des Herbiers-Montaigu est la première employeuse de l’IAA dans la région. Les 8 300 salariés EQTP qui y travaillent représentent 17 % de l’ensemble des salariés du secteur. Ils sont notamment employés dans la fabrication de pains et de pâtisserie fraîche (Goodwich), la fabrication de plats préparés (Fleury Michon) et la transformation et conservation de viande de volaille (Arrivé). L’IAA emploie 14 % des salariés EQTP exerçant dans le privé au sein de la zone.

Avec 4 600 salariés EQTP, la zone d’emploi de Nantes est la deuxième pourvoyeuse d’emplois agroalimentaires dans la région (9 % des salariés du secteur). Cependant, le secteur pèse relativement peu dans l’économie locale (1 %), compte tenu de la diversité des activités économiques.

A contrario, la zone d’emploi de Sablé-sur Sarthe est la plus dépendante de l’IAA dans la région. Ses 4 400 emplois EQTP représentent 24 % de l’emploi salarié du secteur privé de la zone. Au niveau national, le poids de l’agroalimentaire n’est supérieur que dans la zone d’emploi de Lamballe-Armor en Bretagne (28 %). La quasi-totalité des salariés agroalimentaires de Sablé-sur-Sarthe travaillent dans des établissements de 250 salariés ou plus, principalement dans la transformation et conservation de viande de volaille (LDC). Une telle dépendance à un seul secteur, organisé autour de quelques grands établissements, peut être une source de vulnérabilité en cas de fragilisation économique du secteur.

La zone d’emploi de La Ferté-Bernard, également dans la Sarthe, présente aussi une certaine dépendance au secteur agroalimentaire (15 % des emplois salariés privés). Elle est spécialisée dans la transformation et conservation de la viande de boucherie (Socopia Viandes).

Le poids de l’IAA est identique (15 %) dans la zone d’emploi de Mayenne, où sont implantés de grands établissements de la viande de boucherie (Socopia Viandes) et de fabrication de fromage (Fromageries Bel Production France).

En Maine-et-Loire, le poids de l’IAA dans l’économie est moins élevé (8 % au maximum dans la zone d’emploi de Segré-en-Anjou Bleu). Certains établissements de taille importante sont toutefois implantés dans le département (Charal dans la zone d’emploi de Cholet et La Toque Angevine dans celle de Segré-en-Anjou Bleu).

Le secteur de la viande est le plus gros employeur de l’IAA de la région. Il regroupe 39 % des salariés (contre 23 % en France métropolitaine) et 22 % des établissements (contre 18 %) (figure 2). La prépondérance du secteur de la viande est également forte en Bretagne (39 % des salariés également, 18 % des établissements). L’importance de l’élevage dans ces deux régions favorise l’implantation d’entreprises de transformation de viande. Sur les vingt plus grands établissements du secteur de la viande en France métropolitaine, sept sont dans les Pays de la Loire. La fabrication de pains et pâtes est également surreprésentée dans la région, même si elle emploie moins de salariés que le secteur de la viande. Dans les Pays de la Loire, 19 % des salariés travaillent dans ce secteur, contre 12 % au niveau national.

Les employeurs de l’IAA ont davantage recours aux contrats à durée déterminée (CDD) que le reste de l’industrie : 11 % des salariés du secteur en ont signé un en 2023, contre 4 % dans le reste de l’industrie.

La part de CDD est particulièrement élevée dans la transformation et conservation de fruits et légumes (25 %), dans la fabrication de produits de boulangerie-pâtisserie et de pâtes alimentaires (13 %) et dans la fabrication d’autres produits alimentaires (13 % également).

Ce recours aux CDD permet notamment aux entreprises d’adapter rapidement leur production aux pics et creux d’activité qui interviennent dans l’année (saisonnalité des productions agricoles et de la pêche, festivités, etc.). Les effectifs salariés augmentent ainsi de 10 % ou plus en été dans les secteurs de la transformation et conservation de fruits et légumes, la fabrication de boissons, celle de pains et pâtes et des autres produits alimentaires (figure 3).

En plus des salariés en CDI et CDD, les employeurs de l’IAA font fréquemment appel à des intérimaires (8 200 EQTP en 2023). Le taux de recours à l’intérim est de 14,7 % contre 4,5 % dans l’ensemble du secteur privé [Bauer P., Le Guillou N., 2024 ; pour en savoir plus (1)] Les établissements transformant le poisson recourent le plus à ce type de contrat (31 % des salariés), suivis de ceux transformant la viande (18 %) ou fabriquant des pains et des pâtes (17 %).

Hors intérim, sept salariés de l’agroalimentaire sur dix sont des ouvriers, contre cinq sur dix dans le reste de l’industrie. La part d’ouvriers est la plus forte dans le secteur de la viande (78 % d’ouvriers) et la plus faible dans les boissons (41 %).

Parmi les ouvriers de l’IAA, 72 % sont qualifiés (figure 4). L’automatisation des chaînes de production explique en partie les besoins en ouvriers qualifiés, puisqu’elle implique des compétences en termes de réglages des machines et de contrôles qualité. La qualification des ouvriers est notamment importante dans la fabrication de produits laitiers (78 %) et la transformation et conservation de viande et préparation de produits à base de viande (77 %). Elle est plus faible dans la fabrication d’autres produits alimentaires (59 %).

En conséquence, le secteur compte beaucoup moins de techniciens, contremaîtres, cadres ou ingénieurs : ils représentent 18 % des salariés de l’IAA, soit deux fois moins que dans le reste de l’industrie. Une partie de ces métiers sont toutefois sous-traités via l’intérim.

Davantage de femmes travaillent dans l’IAA que dans le reste de l’industrie (42 %, contre 31 %). Les sous-secteurs les plus féminisés sont la transformation et conservation de fruits et légumes (54 %) et la transformation et conservation de poissons, crustacés et mollusques (51 %). À l’opposé, la fabrication d’huiles et graisses végétales et animales (28 %) et la fabrication d’aliments pour animaux (30 %) sont les moins féminisés. La viande reste un sous-secteur avec une proportion de femmes un peu plus faible que la moyenne du secteur (40 %). L’IAA emploie davantage de salariés à temps partiel que le reste de l’industrie (10 % contre 4 %). Cette différence est en partie due à la féminisation du secteur, les femmes étant davantage à temps partiel que les hommes, mais pas seulement. En effet, dans l’IAA, 14 % des salariées sont à temps partiel, davantage que dans l’industrie hors IAA (9 %). La part de salariées à temps partiel monte à 25 % dans la fabrication de pains et pâtes et 32 % dans les fruits et légumes, le secteur le plus féminisé.

Comme dans le reste de l’industrie, les salariés de l’IAA sont plus âgés que ceux des autres secteurs d’activité : 32 % ont 50 ans ou plus, contre 25 % de l’ensemble des salariés du privé. Aujourd’hui, l’agroalimentaire compte 1,4 salarié de 50 ans ou plus pour un salarié de moins de 30 ans. À l’inverse, en 2005, le secteur comptait relativement plus de salariés de moins de 30 ans que de 50 ans ou plus (ratio de 0,6). Ce profil âgé des salariés s’est légèrement atténué depuis 2015. L’enjeu de renouvellement de la main-d’œuvre reste toutefois prégnant, avec le départ à la retraite d’effectifs importants de salariés dans les années à venir. Le sous-secteur de la viande est particulièrement concerné (1,7 fois plus de salariés de 50 ans ou plus que de moins de 30 ans), tandis que ceux de la fabrication de pains et pâtes ou de boissons le sont moins (rapport d’un pour un).

La plupart des métiers exercés dans l’agroalimentaire font l’objet de fortes tensions sur le marché du travail. En particulier, les métiers d’ouvriers des industries agroalimentaires connaissent des difficultés structurelles, observées depuis plusieurs années. L’intensité des embauches est élevée. La non-durabilité des emplois, les conditions de travail contraignantes et les faibles salaires concourent au déficit d’attractivité du secteur. D’autres métiers, comme ceux de la maintenance, de l’ingénierie ou de la qualité, non spécifiques à l’IAA, sont aussi sous tension. Ces difficultés de recrutement sont accentuées par un phénomène de concurrence entre secteurs industriels pour ces profils, au détriment de l’industrie agroalimentaire.

Une quinzaine de formations sont spécifiquement tournées vers l’IAA dans la région. Elles couvrent un large éventail de niveaux, allant du CAP agricole « opérateur en industries agroalimentaires » à « ingénieur en agroalimentaire ». La région compte deux établissements de l’enseignement supérieur plutôt attractifs, l’École supérieure des agricultures à Angers et l’École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation de Nantes-Atlantique. À l’inverse, les formations en orientation post 3e peinent à attirer des élèves. Parmi les formés en 2023, 64 % sont sous statut scolaire, 30 % en apprentissage – modalité de formation largement mobilisée dans le supérieur – et 6 % en formation continue. La formation continue est nettement moins mobilisée que dans d’autres métiers également en tension. Un travail mené par le secteur en 2022 indique que les entreprises privilégient les formations internes plutôt que les actions collectives.

Le secteur va être confronté à de profondes mutations d’ici 2035. L’impact de la transition numérique pour la production alimentaire passerait par le développement des solutions de pilotage numérique et la poursuite de la robotisation. L’évolution de la qualité des matières premières, et leur disponibilité, nécessiterait de davantage adapter la production dans un contexte de recherche d’efficacité et de maîtrise des coûts énergétiques, tout en assurant une traçabilité accrue. Le secteur fait le constat qu’une montée en compétence générale des salariés serait nécessaire pour répondre aux défis des transitions. Face aux difficultés de recrutement déjà présentes, un des enjeux clés sera aussi de renforcer l’image et l’attractivité des métiers en mettant en avant la contribution du secteur aux transitions en cours.