Insee Flash Grand Est ·
Novembre 2025 · n° 110
Salariés frontaliers : des flux à sens unique
Près de 3 500 résidents d’Allemagne, de Belgique, du Luxembourg ou de Suisse sont salariés dans le Grand Est. Ces flux, bien qu’en augmentation, sont très nettement inférieurs aux flux sortants. Pour un salarié venant d’un pays frontalier pour travailler dans la région, 60 font le chemin inverse. Les salariés frontaliers entrants proviennent en majorité du Bade-Wurtemberg et de la Wallonie. Ils travaillent plus souvent dans le secteur de l’enseignement que les sortants et les non-frontaliers.
Un salarié entrant pour 60 sortants
Le travail frontalier est une caractéristique de l’emploi dans le Grand Est, avec un grand nombre de navetteurs occupant un emploi en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne ou en Suisse. Ce phénomène est étudié dans le sens « Grand Est vers l’étranger » depuis plusieurs années. Néanmoins, des actifs en provenance de ces pays travaillent dans la région, faisant ainsi le chemin inverse. La situation s’avère d’une ampleur beaucoup plus faible.
Au début de l’année 2022, près de 3 500 habitants des quatre pays frontaliers occupent un poste salarié dans le Grand Est (figure 1). Parmi ces salariés, 2 100 résident en Allemagne, 700 en Belgique, 500 au Luxembourg et le reste en Suisse. Le Grand Est est la deuxième région frontalière en nombre de salariés frontaliers entrants, derrière les Hauts-de-France et devant Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les flux entrants et sortants sont particulièrement déséquilibrés : en 2022, 202 000 habitants du Grand Est occupent un emploi salarié dans un des quatre pays frontaliers, soit un salarié entrant pour environ 60 sortants. Cela s’explique en partie par les différences de salaire de part et d’autre de la frontière, et par la spécificité des postes proposés à l’étranger. C’est avec la Suisse que les écarts de salaire sont les plus importants et que le rapport entre les salariés entrants et sortants est le plus déséquilibré. En 2022, on compte un salarié venant de Suisse pour travailler dans le Grand Est, pour 250 salariés sortant de la région pour travailler en Suisse. Au cours des années 2019 et 2020, les salariés résidant dans le Haut-Rhin et travaillant dans les deux cantons de Bâle gagnaient en moyenne 2,6 fois plus que les non-frontaliers.
tableauFigure 1 – Nombre de salariés frontaliers entrant dans le Grand Est selon le pays de résidence en 2022
| Pays de résidence pour les entrants ou de travail pour les sortants | Nombre de salariés entrant dans le Grand Est (2022) | Ratio du nombre de salariés frontaliers entrants / nombre de salariés frontaliers sortants (2022) | Ratio du salaire moyen des frontaliers sortants / salaire moyen des non-frontaliers (2019 – 2020) |
|---|---|---|---|
| Allemagne | 2 130 | 1/20 | 1,5 |
| Belgique | 710 | 1/10 | 1,3 |
| Luxembourg | 470 | 1/220 | 1,7 |
| Suisse | 170 | 1/250 | 2,6 |
| Ensemble | 3 480 | 1/60 | /// |
- /// : Absence de résultat due à la nature des choses.
- Lecture : En 2022, 170 salariés vivant en Suisse viennent travailler dans le Grand Est, soit 1 salarié pour 250 salariés allant travailler en Suisse ; en moyenne, un salarié résidant dans le Haut-Rhin a un salaire 2,6 fois supérieur s’il travaille en Suisse dans les cantons de Bâle que s’il travaille en France.
- Champ : Salariés travaillant dans le Grand Est et résidant dans un pays frontalier et salariés travaillant dans un pays frontalier et résidant dans un département français limitrophe.
- Sources : Insee, recensement de la population 2022, base Tous salariés 2022.
Entre 2017 et 2022, 500 salariés supplémentaires sont venus travailler dans le Grand Est en provenance des pays frontaliers, tandis que dans l’autre sens, le nombre de salariés a progressé de 32 600.
Le poids des effectifs des salariés entrants dans l’emploi régional est très faible : un peu moins de 0,2 % de l’emploi salarié total. Même dans chacune des zones d’emploi frontalières, il n’atteint pas 1 % de l’emploi salarié total. En comparaison, dans le sens « sortant », 52 % des salariés habitant la zone d’emploi de Thionville travaillent au Luxembourg en 2022, et dans ce pays, 25 % des salariés sont des frontaliers qui résident en France.
Les frontaliers entrants proviennent en majorité du Bade-Wurtemberg et de la Wallonie
Plus de huit salariés frontaliers entrants sur dix travaillent dans une zone d’emploi frontalière (figure 2). Les zones d’emploi de Strasbourg, de Charleville-Mézières et de Thionville accueillent la moitié des frontaliers entrants. Cette dernière zone étant frontalière à la fois avec la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne, elle accueille des salariés résidant dans ces trois pays. Dans les zones d’emploi de Strasbourg et de Charleville-Mézières, plus de 90 % des frontaliers entrants sont des habitants du pays voisin (respectivement l’Allemagne et la Belgique).
Les déplacements domicile-travail se font au plus court. Parmi les résidents allemands venant travailler dans la zone de Strasbourg, huit sur dix habitent dans le Bade-Wurtemberg limitrophe. Parmi ceux-ci, 83 % vivent dans l’arrondissement de l’Ortenau (qui fait partie de l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau et qui inclut Kehl). De même, les deux tiers des navettes de la Belgique vers la zone d’emploi de Charleville-Mézières se font à partir de la province de Namur.
tableauFigure 2 – Nombre de salariés frontaliers entrants au lieu de travail et au lieu de résidence et principaux flux
| Pays de résidence | Code zone d’emploi de travail | Libellé zone d’emploi de travail | Effectif du flux |
|---|---|---|---|
| Belgique | 710 | ||
| Belgique | 4403 | Charleville-Mézières | 270 |
| Belgique | 4410 | Metz | 70 |
| Belgique | 4421 | Sedan | 50 |
| Belgique | 4424 | Thionville | 140 |
| Suisse | 170 | ||
| Suisse | 4411 | Mulhouse | 60 |
| Suisse | 4423 | Strasbourg | 50 |
| Allemagne | 2 130 | ||
| Allemagne | 4405 | Colmar | 130 |
| Allemagne | 4408 | Forbach | 200 |
| Allemagne | 4409 | Haguenau | 170 |
| Allemagne | 4410 | Metz | 100 |
| Allemagne | 4411 | Mulhouse | 150 |
| Allemagne | 4418 | Saint-Louis | 110 |
| Allemagne | 4420 | Sarreguemines | 110 |
| Allemagne | 4423 | Strasbourg | 990 |
| Luxembourg | 470 | ||
| Luxembourg | 4410 | Metz | 150 |
| Luxembourg | 4412 | Nancy | 50 |
| Luxembourg | 4424 | Thionville | 210 |
- Note : Seuls ont été représentés les zones d’emploi accueillant au moins 40 salariés frontaliers entrants et les flux de même ampleur.
- Lecture : En 2022, 2 130 salariés résidant en Allemagne travaillent dans le Grand Est et parmi eux, 990 travaillent dans la zone d’emploi de Strasbourg.
- Champ : Salariés résidant dans les pays frontaliers du Grand Est et travaillant dans le Grand Est.
- Source : Insee, base Tous salariés 2022.
graphiqueFigure 2 – Nombre de salariés frontaliers entrants au lieu de travail et au lieu de résidence et principaux flux

- Note : Seuls ont été représentés les zones d’emploi accueillant au moins 40 salariés frontaliers entrants et les flux de même ampleur.
- Lecture : En 2022, 2 130 salariés résidant en Allemagne travaillent dans le Grand Est et parmi eux, 990 travaillent dans la zone d’emploi de Strasbourg.
- Champ : Salariés résidant dans les pays frontaliers du Grand Est et travaillant dans le Grand Est.
- Source : Insee, base Tous salariés 2022.
Ces salariés habitant à l’étranger ne sont pas tous nés dans leur pays de résidence. En particulier, 70 % des frontaliers en provenance du Luxembourg sont nés en France. Cette particularité est moins marquée pour les autres frontaliers entrants, puisque moins de la moitié d’entre eux sont nés en France. Cependant, près de 60 % de ceux qui habitent dans l’arrondissement de l’Ortenau ou dans celui de Brisgau-Haute-Forêt-Noire (limitrophe de la zone d’emploi de Colmar) sont également nés en France.
Un frontalier entrant sur cinq travaille dans le secteur de l’enseignement
Un peu moins de 80 % des frontaliers entrants travaillent dans le secteur des services, une proportion semblable à celle des non-frontaliers (figure 3). En revanche, les services non marchands intéressent beaucoup plus les frontaliers entrants, notamment le secteur de l’enseignement qui concerne un entrant sur cinq. La majorité des frontaliers entrants travaillant dans ce secteur réside en Allemagne et occupe des postes d’enseignants dans l’enseignement secondaire ou supérieur. Fin août-début septembre, une centaine de postes d’ouvriers agricoles de la région sont occupés par des résidents belges à l’occasion des vendanges.
tableauFigure 3 – Répartition des salariés par secteur d'activité
| Frontaliers | Agriculture et autres industries | Industrie manufacturière | Construction | Commerces | Activités de services administratifs et de soutien | Autres services marchands | Administration publique | Enseignement | Santé humaine et action sociale | Total |
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| Frontaliers entrants | 3 | 13 | 4 | 9 | 4 | 26 | 11 | 20 | 10 | 100 |
| Frontaliers sortants | 1 | 22 | 9 | 16 | 8 | 31 | 2 | 2 | 9 | 100 |
| Non-frontaliers | 3 | 14 | 6 | 12 | 9 | 21 | 12 | 7 | 16 | 100 |
- Lecture : 13 % des salariés frontaliers entrant dans le Grand Est travaillent dans le secteur de l’industrie manufacturière, contre 22 % des salariés sortant du Grand Est.
- Sources : Insee, recensement de la population 2022, base Tous salariés 2022.
graphiqueFigure 3 – Répartition des salariés par secteur d'activité

- Lecture : 13 % des salariés frontaliers entrant dans le Grand Est travaillent dans le secteur de l’industrie manufacturière, contre 22 % des salariés sortant du Grand Est.
- Sources : Insee, recensement de la population 2022, base Tous salariés 2022.
Les salariés frontaliers entrants se distinguent aussi par le niveau de qualification des professions exercées, supérieur à celui des sortants. La part des salariés occupant un poste de cadre ou de profession intellectuelle supérieure est nettement plus élevée chez les frontaliers entrants (42 %) que parmi les frontaliers sortants et les non-frontaliers (17 % et 14 %). Parmi les frontaliers entrants, 30 % occupent un poste d’employé ou d’ouvrier, contre 59 % des sortants et 63 % des non-frontaliers.
Les frontaliers arrivant d’Allemagne sont plus souvent des cadres et des professions intellectuelles, comparativement à la Belgique (46 % contre 31 %) et moins fréquemment des employés (14 % contre 22 %).
Encadré - Postes et salaires
La moitié des salariés frontaliers entrants ont une rémunération nette supérieure à 15,8 € de l’heure, plus élevée que la rémunération médiane des salariés non frontaliers de la région (11,6 €). Cela est en partie dû à une plus forte proportion de catégories socioprofessionnelles les plus rémunératrices (cadres et professions intellectuelles supérieures). De plus, à secteur d’activité constant, les salariés frontaliers entrants cadres et professions intellectuelles supérieures sont mieux rémunérés que leurs homologues non frontaliers. Pour les cadres du secteur de l’industrie manufacturière par exemple, la rémunération horaire médiane nette est supérieure de 50 % en faveur des frontaliers entrants. Dans les autres catégories socioprofessionnelles les plus représentées chez les salariés frontaliers entrants, les rémunérations horaires sont proches entre frontaliers et non-frontaliers.
Sources
La base Tous salariés est un fichier statistique annuel de données individuelles sur l’ensemble des salariés, produite à partir de déclarations administratives de leurs employeurs.
Le recensement de la population permet de déterminer les populations légales de la France et de ses circonscriptions administratives. Il permet également de connaître l’importance des flux de résidents français ayant une activité à l’étranger.
Définitions
Les salariés frontaliers entrants sont les salariés exerçant une activité dans le Grand Est et résidant en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg ou en Suisse.
Les salariés frontaliers sortants sont les salariés résidant dans le Grand Est et travaillant dans un des quatre pays frontaliers : Belgique, Allemagne, Luxembourg et Suisse.
Les salariés résidant et travaillant dans le Grand Est sont qualifiés de salariés non frontaliers.
Pour en savoir plus
(1) Retrouvez davantage de données associées à cette publication en téléchargement.
(2) Le Fillâtre C., Pichard L., Touahir M., Viglino L., « Les salaires sont plus élevés au sein des pôles des aires les plus peuplées », Insee Première no 1995, mai 2024.
(3) Fabre J., Pawlowski E., Planque P-E., Verriez R., « En 2021, près de 8 700 résidents belges travaillent dans les Hauts-de-France », Insee Analyses Hauts-de-France no 172, février 2024.
