Insee Flash Corse · Octobre 2025

En Corse, malgré l’ampleur du réseau fibré, certains villages enclavés restent isolés

En 2024, la Corse bénéficie d’une couverture mobile généralisée. Comme dans le reste du territoire national, chaque habitant réside dans une zone où au moins un opérateur fournit un service 4G. L’équipement du territoire est de ce point de vue très complet : 99 % de la population est couverte à domicile par les quatre grands opérateurs (Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR), une proportion très proche de celle observée en moyenne nationale.

La situation est différente en matière de fibre optique. Initié en France dès 2012, son déploiement s’avère plus complexe à mettre en oeuvre que celui de la téléphonie mobile, en raison des spécificités géographiques de l’île. Reliefs montagneux, dispersion de l’habitat et villages isolés compliquent la mise en place des infrastructures. Malgré ces contraintes, les efforts consentis au cours des dernières années ont permis un déploiement massif de la fibre.

En 2024 en Corse, 2,5 % des habitants vivent dans une « zone blanche », c’est-à-dire une zone où aucun logement n’est raccordable à la fibre. Cette proportion est proche de celle observée dans l’Hexagone (2,8 %).

La Corse se classe sixième parmi les régions métropolitaines les mieux couvertes, avec huit habitants sur dix vivant dans une zone où au moins 95 % des logements sont raccordables. Ce résultat traduit un investissement important dans l’aménagement numérique du territoire. Néanmoins, un logement raccordable ne correspond pas nécessairement à un logement raccordé. Le passage effectif à la fibre dépend aussi de choix individuels et de la capacité des ménages à financer un abonnement ou à s’équiper.

Si la Corse figure parmi les régions les mieux couvertes, le déploiement n’est pas homogène (figure 1). Les zones blanches se concentrent surtout dans l’intérieur de l’île. Ces territoires combinent relief accidenté, habitat dispersé et faible densité de population, ce qui complique la mise en place des infrastructures. À l’inverse, les grands pôles urbains littoraux comme Ajaccio et Bastia apparaissent bien desservis, avec un maillage de fibre quasi continu dans leurs périphéries. La concentration de la population régionale dans ces territoires contribue aussi au fort taux de couverture.

Les zones blanches corses concentrent une proportion importante de foyers modestes : 25 % des ménages qui y résident vivent sous le seuil de pauvreté, contre 19 % sur l’ensemble du territoire insulaire (figure 2). Cette surreprésentation reflète une configuration socio-géographique particulière sur l’île.

En Corse, les villages de campagne, souvent éloignés des principales villes, se caractérisent par une proportion élevée de ménages pauvres. Ces territoires, moins densément peuplés et davantage dispersés, présentent un coût d’équipement par logement plus élevé pour les opérateurs, ce qui pourrait retarder le déploiement. Ainsi, une partie des ménages les plus fragiles sur le plan économique sont aussi plus exposés au risque d’isolement numérique, puisqu’ils résident dans des zones où l’infrastructure est encore incomplète.

Dans l’Hexagone, la configuration est inverse. Les ménages les plus modestes résident plus fréquemment en centre-ville ou dans les grands ensembles de périphérie, des espaces où les opérateurs ont déployé la fibre en priorité, du fait de la densité de population et de l’accessibilité des infrastructures.

Cette spécificité insulaire met en lumière une double vulnérabilité : les ménages cumulent à la fois une moindre capacité financière pour s’équiper en matériel informatique ou souscrire un abonnement et une moindre accessibilité technique à la fibre. En outre, dans les petites communes de l’intérieur de l’île, les ménages pauvres sont souvent installés dans des logements individuels anciens, parfois éloignés du centre-bourg, où le raccordement nécessite des travaux supplémentaires. L’écart avec les centres urbains littoraux, mieux desservis et moins concernés par la pauvreté, peut renforcer une différenciation territoriale nette à l’échelle de l’île.

La densité de logements anciens situés dans des villages enclavés et isolés, conjugué à la présence d’une population âgée, explique en partie les écarts de déploiement. En effet, dans les zones blanches, 51 % des logements ont été construits avant 1945, contre 18 % en moyenne régionale (figure 3). Or, ces habitations nécessitent des travaux plus lourds pour être raccordées aux réseaux modernes, ce qui augmente le coût du déploiement et ralentit son avancement.

Les zones concernées accueillent par ailleurs une population plus âgée. Les seniors de 65 ans et plus représentent 39 % des habitants, contre 26 % dans l’ensemble de la région. L’équipement numérique ne dépend donc pas seulement du rythme de déploiement technique. Il est aussi conditionné par les caractéristiques sociales et démographiques des habitants. Les seniors, plus nombreux dans les zones blanches, sont souvent moins enclins à souscrire un abonnement à la fibre et moins familiers des usages numériques. Cette combinaison de facteurs contribue à maintenir une fracture numérique malgré le développement des infrastructures.