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Insee Analyses Martinique · Septembre 2025 · n° 79
Insee Analyses MartiniqueLa croissance martiniquaise est portée par le secteur public

Baptiste Raimbaud (Insee)

En 2024, l’économie martiniquaise affiche une croissance de 1,0 %, en légère accélération par rapport à 2023 et proche du niveau national. Elle est soutenue par la consommation publique qui augmente de 2,0 % en volume. La consommation des ménages au contraire recule de 0,4 %, limitée par une inflation en ralentissement, mais persistante (+2,8 %). Dans ce contexte, le volume des échanges extérieurs est en retrait. Les importations de biens et services diminuent de 4,7 % en volume, tandis que les exportations reculent légèrement (-0,4 %), malgré l’envolée des dépenses touristiques. Ces dynamiques entraînent pour la deuxième année consécutive une réduction du déficit commercial. Comme l’année précédente, l’investissement global décline en 2024, tirant la croissance vers le bas. Il est plombé par un investissement privé en berne (-7,6 % en valeur), non compensé par la hausse pourtant sensible (+3,0 %) de l’investissement public.

Insee Analyses Martinique
No 79
Paru le :Paru le30/09/2025
La croissance martiniquaise est portée par le secteur public
Publication rédigée par :Baptiste Raimbaud (Insee)

La croissance est modérée

Le de la Martinique augmente de 1,0 % en volume en 2024 (figure 1). Sa croissance est en légère accélération par rapport à 2023 (+0,4 %) et proche de celle observée au niveau national (+1,2 %). La population moyenne martiniquaise est estimée à 356 500 habitants en 2024 (figure 2). Le recul démographique de la région se poursuit. Depuis 2014, le nombre d’habitants de la Martinique diminue de 0,7 % en moyenne par an. Ainsi, la baisse de la population conjuguée à la croissance économique entraînent une augmentation du PIB par habitant de 1,6 % en volume (après +0,9 % en 2023). En 2024, il s’établit à 29 300 euros par habitant. Comparativement, le PIB par habitant s’élève à 28 700 euros en Guadeloupe, 17 400 euros en Guyane et 42 600 euros au niveau national.

Figure 1Le Produit intérieur brut (PIB) de la Martinique et ses principales composantes

(en %)
Le Produit intérieur brut (PIB) de la Martinique et ses principales composantes ((en %)) - Lecture : En 2024, le PIB de la Martinique augmente de 1,0 % en volume (hors effet prix) par rapport à 2023.
Composante du PIB en 2024 Évolution en volume aux prix de l’année précédente PIB (en millions d’euros courants) Évolution des prix Évolution en valeur Contribution à la croissance (en points)
Produit intérieur brut 1,0 10 440 2,7 3,8 1,0
Consommation des ménages -0,4 6 141 3,0 2,6 -0,2
Consommation des administrations publiques 2,0 4 786 2,0 4,1 0,9
Investissement -7,8 1 568 3,7 -4,4 -1,3
Imports de biens et services -4,7 3 484 2,2 -2,6 1,7
Exports de biens et services -0,4 1 388 1,2 0,9 0,0
Variations de stocks nd 41 nd nd 0,0
  • nd : non disponible.
  • Lecture : En 2024, le PIB de la Martinique augmente de 1,0 % en volume (hors effet prix) par rapport à 2023.
  • Source : Insee ; Cerom, Comptes rapides.

Figure 2Taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en volume

(en %)
Taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en volume ((en %))
Année Martinique France
2014 2,2 1,0
2015 0,8 1,1
2016 -1,5 0,9
2017 1,0 2,1
2018 0,8 1,6
2019 -1,9 2,0
2020 -3,7 -7,4
2021 2,6 6,9
2022 5,6 2,7
2023 0,4 1,4
2024 1,0 1,2
  • Sources : Insee, comptes économiques définitifs ; Cerom, comptes rapides.

Figure 2Taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en volume

  • Sources : Insee, comptes économiques définitifs ; Cerom, comptes rapides.

La consommation publique soutient la croissance

La consommation publique augmente de 2,0 % en volume en 2024 (contre -0,4 % en 2023). Elle est le principal moteur de la croissance, y contribuant à hauteur de 0,9 point. En valeur, la consommation publique est en hausse de 4,1 %. Les effectifs du secteur public augmentent de 0,2 %, malgré le repli démographique. Les dépenses dans le secteur de la santé augmentent fortement (+5,0 %), en lien notamment avec le vieillissement de la population.

La consommation des ménages est en retrait

En 2024, la consommation des ménages diminue en revanche de 0,4 % en volume, après une hausse de 1,7 % en 2023. Ce ralentissement s’explique notamment par l’inflation persistante (+2,8 %). Les manifestations contre la vie chère fin 2024 ont également pu affecter la consommation des ménages. Les importations de biens durables attestent de ce recul de la consommation avec une chute de 7,4 % en valeur. Les importations de biens non durables qui comprennent pour un peu plus de la moitié (53 %) des produits issus de l’industrie agroalimentaire, sont en revanche en hausse de 2,7 %.

La consommation des ménages souffre aussi de la dégradation du marché du travail, qui connaît une baisse de l’emploi salarié de 0,7 % en 2024 (+0,8 % en 2023), en particulier dans le secteur privé (-1,1 %), et d’un taux de chômage à 12 %.

La diminution de l’emploi salarié est particulièrement marquée dans le secteur de la construction (-3,8 %), de l’agriculture (-2,4 %) et de l’hébergement-restauration (-2,3 %). L’emploi est cependant en hausse dans le transport (+2,2 %).

Le crédit bancaire soutient toujours la consommation des ménages. En effet, leurs encours de crédits à la consommation restent en progression (+3,3 % en 2024, après +3,1 % en 2023). En particulier, les crédits-bails augmentent (+38,3 %), portés notamment par les offres de location avec option d’achat de véhicules, même si ces crédits restent peu significatifs dans les encours de crédit à la consommation.

L’inflation décélère, mais persiste

En 2024, les prix à la consommation augmentent de 2,8 % en Martinique, soit un rythme moins soutenu qu’en 2023 (+3,3 %). Le premier contributeur à l’inflation est le secteur des services dont les prix progressent de 2,8 % en 2024 après +1,4 % en 2023. Dans l’alimentaire, la hausse des prix atteint 3,6 %, en ralentissement par rapport à 2023 (+9,8 %). Avec la fin du bouclier tarifaire mis en place en 2021, le prix de l’électricité connaît une nouvelle hausse : +13,9 % en 2024 après +18,0 % en 2023. Celle-ci entraîne une augmentation de 6,1 % du prix de l’énergie dans son ensemble. La hausse des prix des produits manufacturés est plus modérée (+1,4 % en 2024, après +2,8 % en 2023).

Les importations reculent

Pour la deuxième année consécutive, le déficit commercial de la Martinique se réduit avec une baisse de 106 millions d’euros (figure 3), après une réduction de 50 millions en 2023. Cette évolution s'explique principalement par la baisse des importations de biens et services (-4,7 % en volume) liée à une demande privée en retrait.

En particulier, les importations de pétrole brut diminuent d’un tiers en valeur. Cette baisse s’explique par une maintenance de la SARA durant 4 mois en 2024. La hausse des importations de produits pétroliers raffinés de 6 % en valeur compense la mise en arrêt de l’activité de raffinage pendant un tiers de l’année et permet de maintenir les approvisionnements en carburants sur le territoire. À l’inverse, les exportations de ces mêmes produits connaissent une baisse de 35 %.

Hors produits pétroliers, les importations de biens et services restent orientées à la baisse (-2,5 % en volume), freinées par une inflation prononcée et une baisse de l’emploi salarié qui pénalise le pouvoir d’achat. Principaux contributeurs à la baisse des importations (à hauteur d’un tiers), les biens manufacturés reculent de 2,6 % en volume.

Figure 3Evolution des importations et des exportations en volume et du solde commercial en valeur de la Martinique

(en %)
Evolution des importations et des exportations en volume et du solde commercial en valeur de la Martinique ((en %))
Année Evolution des importations Evolution des exportations Solde commercial (en millions d’euros courants)
2014 1,6 17,1 -1996
2015 1,4 -3,2 -1966
2016 2,0 -7,7 -1991
2017 1,1 6,5 -1997
2018 -2,8 4,6 -1861
2019 2,1 6,5 -1801
2020 -13,5 -33,3 -1827
2021 4,1 -3,6 -2018
2022 14,9 48,4 -2252
2023 -4,5 -1,3 -2202
2024 -4,7 -0,4 -2096
  • Sources : Insee, comptes économiques définitifs ; Cerom, comptes rapides.

Figure 3Evolution des importations et des exportations en volume et du solde commercial en valeur de la Martinique

  • Sources : Insee, comptes économiques définitifs ; Cerom, comptes rapides.

Les exportations sont en léger repli

En 2024, les exportations de biens et services de la Martinique diminuent légèrement (-0,4 % en volume) par rapport à l'année précédente. Hors produits pétroliers et dépenses des touristes (considérées comme des exportations de services), elles augmentent faiblement (+0,8 % en volume).

Les exportations de sucre et rhum diminuent de 9,2 % en valeur, malgré une augmentation de la production de 0,7 %. Les exportations de produits de l’industrie agroalimentaire reculent de 10,8 % en valeur. Les réexpéditions de matériel de transport connaissent en revanche une hausse (+8,4 % en valeur), en particulier pour les véhicules automobiles (+15,2 %).

Les dépenses touristiques progressent fortement

Les recettes touristiques de la Martinique augmentent de 18,2 % en valeur, pour atteindre 600 millions d’euros en 2024. Cette hausse est portée par les touristes de séjour, principaux contributeurs sur place, dont les dépenses progressent de 20,6 % alors que leur nombre n’a augmenté que de 2,8 %, soit une hausse de la dépense moyenne par visiteur en forte progression (+ 17,3 %). À l’inverse, le nombre de croisiéristes chute de 8,1 %. Leurs contributions financières diminuent de 6,4 % avec un poids de 2,5 % du total des recettes touristiques. Ainsi le nombre total de visiteurs passe sous la barre du million, pour atteindre 988 000 personnes.

Le nombre de touristes en provenance de la France hexagonale baisse. Ils ne représentent plus que 64,8 % des touristes de séjour en 2024, soit – 3,6 points par rapport à 2023. En revanche, les visiteurs en provenance d’Amérique du Nord, notamment du Canada, sont plus nombreux (+48,1 % par rapport à 2023) et représentent 7,9 % des touristes en 2024.

Figure 4Montant des dépenses des touristes et des autres exportations de la Martinique

(en millions d’euros courants)
Montant des dépenses des touristes et des autres exportations de la Martinique ((en millions d’euros courants))
Année Dépenses des touristes Autres exportations
2015 307 715
2016 330 583
2017 425 570
2018 452 612
2019 490 662
2020 240 451
2021 226 488
2022 508 708
2023 500 876
2024 595 793
  • Sources : Insee, comptes économiques définitifs ; Cerom, comptes rapides.

Figure 4Montant des dépenses des touristes et des autres exportations de la Martinique

  • Sources : Insee, comptes économiques définitifs ; Cerom, comptes rapides.

Le recul de l’investissement privé n’est que partiellement compensé par la hausse de l’investissement public

L’investissement global décline (-7,8 % en volume) et contribue négativement à la croissance (-1,3 point). En valeur, l’investissement privé chute de 7,6 %, après une baisse de 6,7 % en 2023. Du côté des entreprises, la hausse des encours de crédits à l’investissement ralentit (+3,5 % en 2024 contre +10,5 % en 2023). Concernant les ménages, les encours de crédits à l’habitat restent sur la même dynamique qu’en 2023 : ils progressent de 3,9 % en 2024, après +4,1 % en 2023, alors qu’ils augmentaient en moyenne de 6,8 % par an entre 2019 et 2022.

À l’inverse du privé, l’investissement public augmente sensiblement (+3,0 % en valeur).

Figure 5Montant des investissements privé et public et évolution de l’investissement total en volume en Martinique

(en millions d’euros courants)
Montant des investissements privé et public et évolution de l’investissement total en volume en Martinique ((en millions d’euros courants) )
Année Investissement privé Investissement public Évolution investissement total (en %)
2019 1177 328 -8,2
2020 1112 324 -4,5
2021 1257 359 9,4
2022 1124 390 -2,6
2023 1142 498 -2,5
2024 1055 513 -7,8
  • Sources : Insee, comptes économiques définitifs ; Cerom, comptes rapides.

Figure 5Montant des investissements privé et public et évolution de l’investissement total en volume en Martinique

  • Sources : Insee, comptes économiques définitifs ; Cerom, comptes rapides.
Publication rédigée par :Baptiste Raimbaud (Insee)

Pour comprendre

Les comptes économiques rapides : une estimation précoce de la croissance

Produits par l’Insee, en partenariat avec l’AFD et l’Iedom dans le cadre du projet Cerom, les comptes rapides reposent sur une modélisation macroéconomique alimentée par les premières données disponibles de l’année écoulée. Il ne s’agit pas des comptes définitifs : les estimations pourront faire l’objet d’une révision à chaque campagne jusqu’à ce que la totalité des données de l’année soient connues.

Les comptes économiques sont en base 2020

Depuis 2024, les comptes économiques sont réalisés en base 2020. Les changements de base sont opérés régulièrement afin de tenir compte de l’évolution du fonctionnement de l'économie. La base 2014 intègre les modifications conceptuelles et méthodologiques introduites par la mise à jour du Système européen des comptes paru en 2010 (SEC 2010). En particulier, le champ des dépenses comptabilisées en investissements est élargi pour inclure les dépenses en recherche et développement, ainsi que les systèmes d’armes. Le trafic de stupéfiants et la production de la banque centrale sont également pris en compte. La base 2020 n’intègre pas de changement conceptuel pour les Antilles-Guyane mais corrige certaines méthodes et apporte des améliorations qualitatives telles que la refonte du traitement des données comptables des entreprises. Les indicateurs présentés sont issus de comptes régionaux annuels définitifs jusqu’en 2019, puis d’estimations issues du modèle Tablo pour les années 2020 à 2024.

Des comptes rapides issus d’une modélisation de l’économie

Le modèle Tablo utilisé pour construire les comptes rapides est un modèle macro-économique, de type keynésien, dit « quasi-comptable ». Il permet de projeter les comptes économiques d’une année donnée à partir d’hypothèses d’évolutions de l’offre et de la demande de biens et services. Aux Antilles-Guyane, ce modèle est construit avec 22 branches et 22 produits. Le modèle est basé sur le TES (Tableau des Entrées-Sorties) de la comptabilité nationale. En effet, ces relations comptables permettent d’assurer la cohérence du modèle en décrivant les équilibres nécessaires entre les ressources et les emplois pour chaque opération. La projection du compte se fait selon la méthode de Leontief, fondée sur les interactions entre branches, et celle de Keynes, fondée sur l’interaction revenu-consommation.

Publication rédigée par :Baptiste Raimbaud (Insee)

Définitions

Le Produit intérieur brut (PIB) mesure la richesse produite sur un territoire donné, grâce à la somme des valeurs ajoutées des biens et services produits sur le territoire. Il est publié en volume et en valeur.

L’évolution en volume ou en « euros constants » permet de mesurer l’évolution du PIB d’une année sur l’autre, indépendamment de l’évolution des prix. Elle décrit l’évolution des quantités produites et fournit la croissance de l’économie.

L’évolution du prix du PIB mesure l’évolution de tous les prix présents dans l’économie : prix à la consommation des ménages, prix à la consommation des administrations, prix de l’investissement et prix du commerce extérieur.

L’évolution globale (volume et prix) fournit l’évolution du PIB en valeur.

Les importations sont comptabilisées en négatif dans le calcul du PIB.

Les dépenses touristiques sont comptabilisées en exportations et hors billets d’avion.

Pour en savoir plus

(1) « Ouvrir dans un nouvel ongletLes comptes économiques de la Martinique », consultables sur les sites du CEROM et de l’Insee.

(2) Mathieu M. (Insee), « L’économie martiniquaise montre des signes de ralentissement », Insee Analyses Martinique no 71, septembre 2024.

(3) « En 2024, dans un contexte social dégradé en Martinique, les signes de ralentissement de l’économie se confirment », Insee Conjoncture Martinique no 34, juin 2025.

(4) Benhaddouche A., Kali L. (Insee), « En 2024, le tourisme dynamise l’activité en Guadeloupe », Insee Analyses Guadeloupe no 87, septembre 2025.

(5) Raimbaud B. (Insee), « L’économie guyanaise reste marquée par l’activité spatiale en retrait », Insee Analyses Guyane no 78, septembre 2025.