Insee Analyses Corse · Septembre 2025 · n° 60

Économie sociale et solidaire en Corse : un quart des postes à renouveler d’ici 2032

L’économie sociale et solidaire (ESS) regroupe des associations, des coopératives, des mutuelles et des fondations qui s’appuient sur des principes de solidarité en plaçant l’humain avant le profit (encadré). En 2022, l’économie sociale et solidaire compte 2 700 établissements en Corse. Parmi eux, 54 % sont employeurs (encadré). Ils regroupent 9 400 postes salariés, soit 8,2 % de l’emploi salarié régional (figure 1). Le poids de l’ESS est moins marqué sur l’île qu’en France de province (11,3 %). En effet, la part de l’emploi public dans la région relativise l’importance de cette filière.

La Corse-du-Sud affiche le taux le plus faible des départements (7,1 %), suivie de la Haute-Garonne et des Alpes-Maritimes (8,4 % chacun). En Haute-Corse, la part de l’ESS dans l’emploi salarié est plus élevée (9,4 %), mais reste inférieure de 1,9 point à la moyenne nationale.

D’ici dix ans, un quart des postes de l’ESS insulaire sera à renouveler. En 2022, un salarié sur quatre a 55 ans ou plus et peut envisager un départ en retraite avant 2032. En Corse, les salariés de l’ESS sont plus âgés que ceux de l’ensemble de l’économie régionale. Leur remplacement constitue donc un enjeu majeur pour l’île (figure 2). Le secteur de l’action sociale est particulièrement concerné avec 28 % des salariés âgés de 55 ans ou plus.

Au-delà du défi du renouvellement des effectifs, le vieillissement de la population risque d’accroître les besoins en personnel [Winterstein G., Gormon K., Agostini M., 2025, pour en savoir plus (1)]. Les services à la personne, tels l’aide à domicile et les établissements spécialisés comme les Ehpad, seront les plus exposés. Mécaniquement, les plus jeunes sont moins nombreux parmi les salariés de la filière. Les moins de 30 ans représentent 17 % des effectifs, contre 21 % dans l’ensemble de l’économie régionale. Certains secteurs d’activité de l’ESS attirent toutefois davantage de jeunes actifs. C’est le cas des arts, spectacles et activités récréatives, où 36 % des salariés ont moins de 30 ans.

Le remplacement des nombreux départs à la retraite à l’horizon 2032 concerne des métiers principalement occupés par des femmes. En Corse, 70 % des salariés de l’ESS sont des femmes, une réalité également observée à l’échelle nationale. L’ESS demeure bien plus féminisée que le reste de l’économie régionale (45 %). Cette prédominance s’explique surtout par le poids important du secteur de l’action sociale, où les femmes occupent 82 % des postes.

À l’inverse, les femmes restent minoritaires dans d’autres secteurs d’activité de l’ESS, tels que les associations culturelles et sportives (40 %), les coopératives agricoles (37 %) et les autres coopératives non financières (29 %).

En 2022, l’ESS en Corse repose principalement sur les associations, qui regroupent 77 % des postes, soit 7 290 emplois. À l’inverse, les coopératives (13 %) et les mutuelles (6 %) occupent une place plus modeste. Cette répartition est proche de celle observée nationalement, à l’exception notable des fondations, rares sur l’île, alors qu’elles représentent 4 % de l’emploi de l’ESS en province.

Au niveau sectoriel, les associations de l’action sociale sans hébergement occupent une place centrale. Elles représentent 34 % de l’emploi de l’ESS insulaire, soit 12 points de plus qu’en province. Leurs salariés se concentrent dans l’aide à domicile ou l’accompagnement du handicap, et répondent ainsi à des besoins sociaux. À cela s’ajoute l’hébergement médico-social et social, qui mobilise 12 % des postes de l’ESS, avec une majorité de salariés en établissements médicalisés de type Ehpad.

L’enseignement associatif est également moins représenté sur l’île (5 % contre 13 %). Les arts, spectacles et activités récréatives regroupent 5 % des emplois de l’ESS, comme au niveau national (figure 3).

Comme pour l’ensemble du tissu productif corse, l’ESS est constituée de petites structures. Huit établissements sur dix comptent moins de dix salariés, et concentrent un quart des emplois. Néanmoins, les structures de taille intermédiaire (entre 10 et 49 salariés) réunissent la moitié des postes. Enfin, les plus grandes structures, bien que rares (3 % des établissements), emploient un quart des salariés de la filière.

Dans l’ESS, le recours au temps partiel est deux fois plus fréquent que dans l’ensemble de l’économie régionale. Il concerne deux salariés sur cinq, contre un sur cinq dans le tissu économique insulaire. Cette proportion est aussi plus élevée qu’en province où un tiers des salariés de l’ESS travaillent à temps partiel. Cette surreprésentation s’explique notamment par le poids des emplois dans l’aide à la personne, plus féminisés et à temps partiel. En outre, les emplois du temps des salariés sont souvent morcelés, concentrés en début et en fin de journée.

Dans les mutuelles et les coopératives, où les métiers sont davantage qualifiés, le recours au temps partiel et aux emplois précaires est rare.

Au sein des associations, l’hébergement médico-social présente également un recours limité au temps partiel.

L’ESS insulaire se distingue aussi par des emplois moins qualifiés qu’en France de province. Ce phénomène s’explique en grande partie par l’importance de l’action sociale, où les employés représentent les deux tiers des postes, essentiellement des aides à domicile ou des travailleuses familiales.

La faible qualification des postes insulaires implique une moindre représentation des professions intermédiaires (moniteurs éducateurs, animateurs, infirmiers, etc.) qu’en province. Il en va de même pour les cadres, notamment dans les mutuelles et coopératives hors agricoles et financières.

Les ouvriers sont quant à eux moins nombreux dans l’ESS que dans l’ensemble de l’économie régionale, représentant 15 % des emplois contre 35 % au niveau régional. Ils travaillent principalement dans les coopératives agricoles, où ils constituent 43 % des effectifs.

Enfin, les contrats courts sont plus fréquents dans l’ESS. Les contrats à durée déterminée (CDD) représentent 12 % des emplois, contre 9 % dans l’économie insulaire. Les autres formes de contrat (intérim, apprentissage, contrats aidés…) concernent aussi davantage de salariés (14 % contre 11 %). Les CDI restent toutefois majoritaires.

Avec des emplois peu qualifiés et une quotité de temps de travail réduite, les salaires peinent à décoller.

Dans l’économie sociale et solidaire corse, 8 % des salariés perçoivent un salaire horaire net inférieur au Smic (8,37 €). Il s’agit essentiellement de publics spécifiques, comme les apprentis ou les bénéficiaires de contrats aidés (souvent en établissement et service d’aide par le travail ou en insertion).

En excluant ces situations, la moitié des salariés de l’ESS régionale gagne moins de 12,4 € de l’heure, un niveau semblable à l’ensemble du salariat insulaire (12,6 €) (figure 4).

Néanmoins, les rémunérations sont nettement plus faibles dans l’action sociale. La moitié des salariés gagne moins de 10,6 € de l’heure, en lien avec une part importante d’emplois peu qualifiés.

En revanche, les coopératives offrent des rémunérations plus élevées. Dans ce domaine où les postes demandent davantage de qualifications, le salaire horaire médian est supérieur à 18,6 €.

Les inégalités de genre apparaissent dans les structures les plus rémunératrices, en lien avec les types d’emplois occupés. Dans les mutuelles, la moitié des hommes perçoit au moins 18,5 € de l’heure, contre 14,4 € pour les femmes.

L’emploi dans l’ESS est concentré dans les deux agglomérations de l’île. La communauté d’agglomération du Pays Ajaccien regroupe un tiers des salariés de l’ESS, suivie par celle de Bastia qui en concentre un quart. Tous les secteurs d’activités y sont représentés, y compris l’enseignement privé ou spécialisé (associations sportives, lycées, centres de formation des apprentis…), secteur peu présent dans les autres territoires. Cependant, le poids de l'ESS dans l'économie y reste limité.

En revanche, dans certaines intercommunalités rurales, l’économie sociale et solidaire occupe une place importante dans le paysage économique. Dans ces territoires, la faiblesse du tissu productif augmente mécaniquement le poids de la filière. Ainsi, l’ESS représente 16 % des postes salariés dans la communauté de communes Spelunca-Liamone, et 11 % dans celle de l’Oriente (figure 5).

Même si le volume de salariés concernés est plus faible que dans les pôles urbains, l’enjeu du renouvellement des effectifs est important dans les intercommunalités du Sud Corse, du Sartenais Valinco Taravo et du Spelunca-Liamone, où trois postes sur dix sont à remplacer dans les dix prochaines années. Pour cause, les services rendus à la population pourraient se dégrader en cas de non-remplacement

Dans cette étude sont pris en compte les postes salariés non annexes au 31/12/2022 des établissements actifs. Un poste est considéré comme non annexe dès lors que la rémunération annuelle est supérieure à trois Smic mensuels ou que la durée d’emploi dépasse 30 jours et 120 heures et que l’occupant du poste a travaillé au moins 1h30 par jour en moyenne sur la durée du poste. Pour les salariés occupant plusieurs postes, c’est-à-dire liés simultanément à plusieurs employeurs par contrat de travail, le poste le plus rémunérateur est considéré comme le poste principal.