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Insee Focus · Septembre 2025 · n° 361
Insee FocusEn 2024, 15 % des jeunes en emploi s’estiment déclassés dans leur emploi au regard de leurs compétences

Ines Maurel Oujia (Insee)

En 2024, parmi les 7,6 millions de personnes de 15 à 34 ans en emploi et ayant terminé leurs études initiales, 83 % déclarent que leurs compétences sont adaptées à ce qui est nécessaire pour faire leur travail. En revanche 15 % jugent que leurs compétences sont supérieures : ils s’estiment déclassés. Parmi ces jeunes, les employés et ouvriers peu qualifiés s’estiment plus souvent déclassés que les autres professions, tout comme les personnes en contrat à durée limitée (CDD ou intérim). Aux extrêmes de l’échelle des diplômes, les jeunes titulaires d’un CAP et ceux diplômés du supérieur long se sentent moins souvent déclassés que les titulaires d’un baccalauréat ou d’un diplôme de niveau bac+2 à bac+4, dont les situations sur le marché du travail sont plus variées. Notamment, près du tiers des titulaires d’un baccalauréat occupant des postes d’employés ou ouvriers peu qualifiés se sentent déclassés.

Insee Focus
No 361
Paru le :Paru le23/09/2025

15 % des jeunes en emploi jugent leurs compétences supérieures à ce qui est nécessaire pour faire leur travail

En 2024, 71 % des 7,6 millions de jeunes de 15 à 34 ans qui ont terminé leurs études initiales et ont un emploi considèrent qu’ils possèdent un diplôme de niveau adapté à leur emploi, quand 18 % se jugent trop diplômés pour leur poste et 11 % trop peu (figure 1, méthodes). Lorsque les jeunes en emploi considèrent leur spécialité de formation, 58 % la jugent adaptée ou très adaptée à leur poste, 11 % assez adaptée et 22 % peu ou pas du tout adaptée ; pour les 9 % restants, le poste ne nécessite pas de spécialité particulière ou le plus haut diplôme qu’ils ont obtenu n’avait pas de spécialité. Le décalage entre spécialité de formation et emploi est plus fréquent parmi les jeunes qui se jugent trop diplômés par rapport à leur emploi : 44 % déclarent que leur spécialité de formation est peu ou pas du tout adaptée.

Figure 1 – Perception de l’adéquation entre l’emploi occupé, les compétences et le niveau de diplôme

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Figure 1 – Perception de l’adéquation entre l’emploi occupé, les compétences et le niveau de diplôme (en %) - Lecture : 83 % des personnes de 15 à 34 ans en emploi déclarent avoir des compétences adaptées à ce qui est nécessaire pour faire leur travail.
Type d’adéquation Part
Compétences
Oui, vos compétences sont adaptées 83
Non, vos compétences sont supérieures 15
Non, vos compétences sont inférieures 2
Niveau de diplôme
Oui, votre niveau de diplôme est adapté 71
Non, votre niveau de diplôme est supérieur 18
Non, votre niveau de diplôme est inférieur 11
  • Lecture : 83 % des personnes de 15 à 34 ans en emploi déclarent avoir des compétences adaptées à ce qui est nécessaire pour faire leur travail.
  • Champ : France, personnes vivant dans un logement ordinaire, âgées de 15 à 34 ans, ayant terminé leurs études initiales et en emploi.
  • Source : Insee, module complémentaire à l’enquête Emploi en continu 2024.

Figure 1 – Perception de l’adéquation entre l’emploi occupé, les compétences et le niveau de diplôme

  • Lecture : 83 % des personnes de 15 à 34 ans en emploi déclarent avoir des compétences adaptées à ce qui est nécessaire pour faire leur travail.
  • Champ : France, personnes vivant dans un logement ordinaire, âgées de 15 à 34 ans, ayant terminé leurs études initiales et en emploi.
  • Source : Insee, module complémentaire à l’enquête Emploi en continu 2024.

Lorsque les jeunes tiennent compte de l’ensemble de leurs , y compris celles acquises dans le monde professionnel ou via des formations autres que leur formation initiale, 83 % ont un sentiment d’ avec leur emploi : ils jugent leurs compétences adaptées à ce qui est nécessaire pour faire leur travail. En revanche, 15 % s’estiment , au sens où ils déclarent que leurs compétences sont supérieures à ce qui est attendu sur leur poste. Les 2 % restants s’estiment moins compétents que ce qui est requis pour faire leur travail.

Il est donc plus fréquent pour les jeunes de considérer leurs compétences adaptées à leur emploi que leur niveau de diplôme, ce qui traduit le fait que certains s’estiment compétents tout en considérant qu’ils ne possèdent pas le niveau de diplôme approprié. De fait, 21 % de ceux qui jugent leurs compétences adaptées n’ont pas le même jugement sur leur niveau de diplôme. Parmi eux, la moitié jugent leur niveau de diplôme inférieur à ce qui est nécessaire, l’autre moitié se jugent trop diplômés.

Un quart des jeunes employés et ouvriers peu qualifiés s’estiment déclassés

Le sentiment d’avoir des compétences plus élevées que celles requises pour faire son travail concerne environ 10 % des cadres et des agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise, âgés de 15 à 34 ans (figure 2a). À l’opposé, les employés peu qualifiés sont 26 % à se juger déclassés, soit 10 points de plus que les employés qualifiés ; de même, les ouvriers peu qualifiés sont 22 % dans cette situation, 8 points de plus que les ouvriers qualifiés. Ces écarts se vérifient à autres caractéristiques équivalentes (âge, sexe, statut de l’emploi, secteur d’activité) : les employés et ouvriers peu qualifiés ont plus de deux fois plus de risques de s’estimer déclassés que les professions intermédiaires, quand occuper un poste de cadre réduit cette probabilité.

Les jeunes en CDD ou intérim s’estiment plus souvent déclassés : ils sont 23 % dans ce cas contre 14 % des jeunes en emploi à durée indéterminée (CDI ou fonctionnaire) (figure 2b). Ce lien entre statut et sentiment de déclassement demeure significatif à groupe socioprofessionnel, secteur d’activité, sexe et âge équivalents.

Figure 2a – Part de « déclassement subjectif » par catégorie socioprofessionnelle

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Figure 2a – Part de « déclassement subjectif » par catégorie socioprofessionnelle (en %) - Lecture : 9 % des personnes de 15 à 34 ans occupant des postes de cadres déclarent avoir des compétences supérieures à ce qui est nécessaire pour faire leur travail.
Catégorie socioprofessionnelle Part
Agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d'entreprise 10
Cadres 9
Professions intermédiaires 12
Employés qualifiés 16
Employés peu qualifiés 26
Ouvriers qualifiés 14
Ouvriers peu qualifiés 22
  • Lecture : 9 % des personnes de 15 à 34 ans occupant des postes de cadres déclarent avoir des compétences supérieures à ce qui est nécessaire pour faire leur travail.
  • Champ : France, personnes vivant dans un logement ordinaire, âgées de 15 à 34 ans, ayant terminé leurs études initiales et en emploi.
  • Source : Insee, enquête Emploi en continu 2024 et module complémentaire à l’enquête Emploi en continu 2024.

Figure 2a – Part de « déclassement subjectif » par catégorie socioprofessionnelle

  • Lecture : 9 % des personnes de 15 à 34 ans occupant des postes de cadres déclarent avoir des compétences supérieures à ce qui est nécessaire pour faire leur travail.
  • Champ : France, personnes vivant dans un logement ordinaire, âgées de 15 à 34 ans, ayant terminé leurs études initiales et en emploi.
  • Source : Insee, enquête Emploi en continu 2024 et module complémentaire à l’enquête Emploi en continu 2024.

Aux extrêmes de l’échelle des diplômes, les jeunes se sentent moins souvent déclassés

Le sentiment de déclassement est plus faible aux deux extrêmes de l’échelle des diplômes : seuls 12 % parmi les jeunes diplômés d’un bac+5 d’une part, 11 % de ceux dotés d’un diplôme de niveau CAP d’autre part, s’estiment déclassés, contre 18 % à 19 % pour ceux ayant un niveau de diplôme compris entre bac et bac+4 (figure 3). Quant aux jeunes , seulement 6 % partagent ce sentiment. Cette moindre fréquence du sentiment de déclassement aux extrémités de l’échelle des diplômes est vérifiée à autres caractéristiques équivalentes.

Figure 3 – Perception de l’adéquation entre les compétences et l’emploi occupé, selon le diplôme et la catégorie socioprofessionnelle (CS)

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Figure 3 – Perception de l’adéquation entre les compétences et l’emploi occupé, selon le diplôme et la catégorie socioprofessionnelle (CS) (en %) - Lecture : 90 % des personnes de 15 à 34 ans ayant un diplôme de niveau bac+5 et occupant des postes de cadres déclarent avoir des compétences adaptées à ce qui est nécessaire pour faire leur travail.
Diplôme le plus élevé Part des compétences… Part de la CS dans le diplôme
adaptées supérieures inférieures
Bac+5 ou plus, dont : 87 12 2 ///
Cadres 90 8 2 68
Professions intermédiaires 84 15 1 23
Bac+3 ou 4, dont : 80 18 3 ///
Cadres 82 16 2 15
Professions intermédiaires 86 12 2 54
Employés et ouvriers qualifiés 69 28 2 19
Bac+2, dont : 79 19 2 ///
Professions intermédiaires 85 15 1 41
Employés et ouvriers qualifiés 78 20 2 31
Bac, dont : 80 18 2 ///
Professions intermédiaires 89 10 1 18
Employés et ouvriers qualifiés 83 15 2 44
Employés et ouvriers peu qualifiés 66 31 3 26
CAP ou équivalent, dont : 86 11 3 ///
Employés et ouvriers qualifiés 90 8 2 47
Employés et ouvriers peu qualifiés 80 16 4 31
Aucun diplôme, CEP ou brevet des collèges, dont : 89 6 6 ///
Employés et ouvriers qualifiés 91 4 4 36
Employés et ouvriers peu qualifiés 88 7 5 43
Ensemble 83 15 2 ///
  • /// : absence de résultat due à la nature des choses.
  • Lecture : 90 % des personnes de 15 à 34 ans ayant un diplôme de niveau bac+5 et occupant des postes de cadres déclarent avoir des compétences adaptées à ce qui est nécessaire pour faire leur travail.
  • Champ : France, personnes vivant dans un logement ordinaire, âgées de 15 à 34 ans, ayant terminé leurs études initiales et en emploi.
  • Source : Insee, enquête Emploi en continu 2024 et module complémentaire à l’enquête Emploi en continu 2024.

Les associations entre niveau de diplôme et catégorie socioprofessionnelle les plus fréquentes sont celles qui conduisent le moins à un sentiment de déclassement : par exemple 68 % des diplômés d’un bac+5 sont cadres et seuls 8 % s’estiment déclassés ; de même parmi les titulaires d’un CAP, 47 % sont employés ou ouvriers qualifiés et seuls 8 % s’estiment déclassés.

Près d’un tiers des diplômés de niveau bac se sentent déclassés sur des postes d’employés ou ouvriers peu qualifiés

Parmi les diplômés de niveau bac, 44 % occupent des emplois d’ouvriers ou employés qualifiés ; 15 % d’entre eux se sentent déclassés. Ceux qui occupent des postes d’employés ou ouvriers peu qualifiés (soit le quart d’entre eux) sont les plus nombreux à avoir un sentiment de déclassement (31 %). Ce sentiment est plus fréquent pour ceux dotés d’un bac général (45 %) que pour ceux ayant un bac professionnel (25 %). De même, ceux qui ont par ailleurs déclaré que leur spécialité de formation n’est pas adaptée à leur travail se sentent bien plus souvent déclassés (41 %) que ceux qui trouvent leur spécialité adaptée ou très adaptée (14 %).

Les diplômés du supérieur, hors bac+5, occupent des postes plus variés dans l’échelle socioprofessionnelle que les diplômés d’autres niveaux : 48 % exercent une profession intermédiaire, 25 % sont employés ou ouvriers qualifiés et 11 % sont cadres. Les employés et ouvriers qualifiés se sentent plus fréquemment déclassés. C’est le cas de 28 % des diplômés de niveau bac+3 ou 4, et de 20 % des diplômés de bac+2. Comme pour les bacheliers, le sentiment de déclassement par rapport aux compétences est en lien avec une spécialité de formation inadaptée à l’emploi occupé : il est deux fois plus fréquent pour les jeunes dont la spécialité est jugée peu ou pas du tout adaptée que pour ceux qui la jugent adaptée ou très adaptée (32 % contre 16 %).

Le sentiment de déclassement diminue avec l’expérience dans l’emploi

Le sentiment de déclassement diminue avec l’ancienneté dans le poste. Cela pourrait traduire des évolutions dans le poste avec le temps (augmentation des responsabilités) afin de mieux s’ajuster aux compétences du salarié ; cela pourrait aussi refléter de plus fortes mobilités pour les salariés qui s’estiment déclassés. 11 % des personnes qui occupent leur emploi depuis cinq ans ou plus jugent en effet leurs compétences supérieures à ce qui est nécessaire, contre 19 % des personnes en poste depuis moins d’un an. Ces différences selon l’ancienneté demeurent à diplôme et statut équivalents.

En moyenne, les femmes se jugent aussi souvent déclassées sur leur poste que les hommes. En revanche, à situation équivalente, elles déclarent moins souvent que les hommes que leurs compétences sont supérieures à ce qui est requis.

Encadré – Pour les jeunes sans emploi, l’emploi antérieur est plus souvent jugé inadéquat

En 2024, 74 % des 1,6 millions d’individus âgés de 15 à 34 ans chômeurs et inactifs qui ont terminé leurs études initiales et qui ont déjà occupé un emploi déclarent que celui-ci était adapté à leurs compétences, soit 9 points de moins que les personnes en emploi à propos de leur poste actuel. Cet écart est surtout dû à des situations de compétences jugées supérieures aux attentes du poste : 21 % des chômeurs et inactifs jugent qu’ils étaient déclassés, soit 6 points de plus que les personnes en emploi. Le sentiment de déclassement est un peu plus fréquent pour les chômeurs que pour les inactifs (23 % contre 18 %).

Ces résultats s’expliquent en partie par le fait que l’emploi occupé antérieurement par les chômeurs et les inactifs était souvent peu qualifié : 44 % étaient employés ou ouvriers peu qualifiés, contre 17 % des personnes en emploi. De même, l’emploi occupé était beaucoup plus souvent en CDD ou intérim (59 %, contre 15 % des jeunes en emploi).

Publication rédigée par :Ines Maurel Oujia (Insee)

Sources

L’enquête Emploi en continu permet de mesurer le chômage et l’activité au sens du Bureau international du travail (BIT). Elle est menée en continu sur l’ensemble des semaines de l’année, en France, auprès des personnes de 15 ans ou plus vivant dans un logement ordinaire (c’est-à-dire hors foyers, hôpitaux, prisons, etc.). En 2024, un module complémentaire sur la situation des jeunes sur le marché du travail, d’initiative européenne (Eurostat) et subventionné par l’Union européenne, est administré aux 15-34 ans. Ce module est réalisé dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, permettant des comparaisons européennes. Néanmoins, cette étude est de la responsabilité de l’Insee et n’engage pas la Commission européenne.

Méthodes

Les questions posées portent sur la concordance entre le plus haut diplôme obtenu, sa spécialité et les compétences d’une part et l’emploi occupé d’autre part. Elles s’inscrivent dans une approche subjective de la relation entre formation, compétences et emploi. La norme d’équivalence est fixée par la personne elle-même, elle ne provient donc ni d’une grille imposée (approche normative), ni d’une correspondance statistique entre niveaux de diplôme et catégories socioprofessionnelles [Giret et al, 2006]. En conséquence, l’évaluation de l’individu peut être affectée par d’autres aspects, comme l’insatisfaction professionnelle [Ouvrir dans un nouvel ongletGiret, 2015].

Dans cette étude, le champ est restreint aux personnes ayant terminé leurs études initiales.

Définitions

Dans cette étude, les compétences désignent tout le savoir et le savoir-faire acquis au cours de la vie ; c’est-à-dire les études, la formation et les activités professionnelles.

Il y a adéquation lorsque les compétences sont jugées adaptées à ce qui est nécessaire pour faire son travail.

Il y a déclassement lorsque les compétences sont jugées supérieures à ce qui est nécessaire pour faire son travail.

Les personnes peu ou pas diplômées n’ont aucun diplôme ou possèdent au plus le diplôme national du brevet.

Pour en savoir plus

Retrouvez plus de données en téléchargement.

Guitton C., Molinari-Perrier M., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes normes de qualification sont-elles obsolètes ? », Céreq Bref no 409, juin 2021.

Giret J.-F., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes mesures de la relation formation-emploi », Revue française de pédagogie no 192, juillet-août-septembre 2015.

Giret J.-F., Nauze-Fichet E., Tomasini M., « Le déclassement des jeunes sur le marché du travail », in Données sociales : La société française, coll. « Insee Références », édition 2006.

Giret J.-F., « Ouvrir dans un nouvel ongletQuand les jeunes s’estiment déclassés », Des formations pour quels emplois ?, La Découverte, pp. 279-288, 2005.