Insee Première ·
Juillet 2025 · n° 2068
L’ascension sociale est plus fréquente pour les salariés que pour les indépendants
Les classes d’emploi, qui prennent en compte à la fois le niveau de qualification de l’emploi exercé et le statut professionnel (indépendant ou salarié) constituent une grille de lecture originale pour quantifier la mobilité intergénérationnelle. Elles permettent d’étudier plus finement les situations où les personnes ou au moins un de leurs parents sont indépendants. Au sens des classes d’emploi, la mobilité sociale ascendante est la plus fréquente : en 2023-2024, en France hors Mayotte, 48 % des femmes sont en situation de mobilité ascendante par rapport à leur mère, et 39 % des hommes par rapport à leur père. Le niveau de qualification des emplois s’est élevé d’une génération à l’autre. L’immobilité de niveau d’emploi reste fréquente, notamment pour les hommes (37 %). Quel que soit le niveau d’emploi exercé, les salariés, femmes comme hommes, sont plus souvent en ascension sociale que les indépendants. Ces derniers ont, à caractéristiques comparables, moins de chances d’être en mobilité sociale ascendante que les salariés. Cela est particulièrement marqué parmi les micro-entrepreneurs.
- Les classes d’emploi, une grille de lecture originale de la mobilité sociale
- Une personne sur quatre n’a pas le même statut professionnel que son père
- Salarié avec un parent indépendant : des flux de mobilité sociale majoritairement ascendants
- Trois salariés sur dix occupent un emploi de même niveau que leur parent indépendant
- Indépendant avec un parent salarié : des flux de mobilité sociale divergents selon le genre
- Les hommes et les enfants d’indépendants ont plus de chances de devenir indépendants
- 48 % des femmes sont en mobilité sociale ascendante par rapport à leur mère, 39 % des hommes par rapport à leur père
- Les indépendants ont 40 % de chances en moins d’être en mobilité sociale ascendante que les salariés
- Encadré – Les classes d’emploi
Les classes d’emploi, une grille de lecture originale de la mobilité sociale
Les classes d’emploi distinguent quatre niveaux de qualification d’emploi pour chacun des deux statuts professionnels – salarié et indépendant : les emplois dits de niveau supérieur, les emplois de niveau intermédiaire, les emplois d’exécution qualifiés et les emplois d’exécution peu qualifiés (encadré). Les emplois salariés sont hiérarchisés des moins aux plus qualifiés, comme dans la nomenclature des catégories socioprofessionnelles (ouvriers et employés, professions intermédiaires, cadres), mais en s’appuyant systématiquement sur la catégorie conventionnelle des emplois, le niveau de diplôme des personnes les occupant, ainsi que le revenu qui en est dégagé [Ouvrir dans un nouvel ongletAmossé, 2022]. Les classes d’emploi différencient également les emplois indépendants, en les hiérarchisant depuis les indépendants avec un niveau faible de qualification et sans salariés jusqu’aux chefs d’entreprise de plus de dix personnes, et aux professions libérales comme les médecins, avocats ou architectes. La plupart des artisans et commerçants se placent dans les deux classes d’emploi les moins qualifiées, mais un artisan bijoutier possédant une entreprise de plus de dix personnes fera par exemple partie de la classe d’emploi de niveau supérieur.
Les classes d’emploi peuvent être mobilisées pour quantifier la mobilité sociale intergénérationnelle. Selon cette grille d’analyse, en 2023-2024, en France hors Mayotte, parmi les quelque 20 millions de personnes âgées de 35 à 59 ans en emploi ou ayant déjà travaillé, et dont le parent travaillait, 63 % des hommes sont en mobilité sociale par rapport au père et 66 % des femmes le sont par rapport à la mère. Par rapport à leur parent, ces personnes exercent ainsi un emploi d’un niveau différent, avec le cas échéant un statut professionnel distinct (méthodes).
Une personne sur quatre n’a pas le même statut professionnel que son père
En 2023-2024, en France hors Mayotte, parmi les personnes âgées de 35 à 59 ans en emploi ou ayant travaillé, 87 % sont salariées et 13 % exercent un emploi d’indépendant (figure 1). Les hommes sont majoritaires parmi les indépendants (60 %), tandis que les femmes sont un peu plus nombreuses que les hommes parmi les salariés (52 %). Quand ils travaillaient, leurs parents étaient également majoritairement salariés. Ils étaient toutefois un peu plus souvent indépendants que leurs enfants, surtout les pères (23 %).
tableauFigure 1 – Répartition des personnes et de leurs parents selon la classe d'emploi occupée
Personnes en emploi ou ayant déjà travaillé | Femmes | Hommes | Ensemble | Mères de ces personnes | Pères de ces personnes |
---|---|---|---|---|---|
Emploi salarié de niveau supérieur | 21,7 | 24,0 | 22,8 | 12,6 | 17,6 |
Emploi salarié de niveau intermédiaire | 19,4 | 21,5 | 20,4 | 14,2 | 15,6 |
Emploi salarié d’exécution qualifié | 25,5 | 24,4 | 24,9 | 27,2 | 29,9 |
Emploi salarié d’exécution peu qualifié | 23,1 | 14,1 | 18,7 | 31,5 | 14,2 |
Ensemble des salariés | 89,8 | 83,9 | 86,9 | 85,4 | 77,3 |
Emploi indépendant de niveau supérieur | 2,4 | 3,8 | 3,1 | 1,2 | 3,6 |
Emploi indépendant de niveau intermédiaire | 3,6 | 3,1 | 3,4 | 1,4 | 2,1 |
Petit indépendant avec salarié ou aide familial | 1,6 | 4,2 | 2,9 | 3,9 | 8,2 |
Petit indépendant sans salarié ni aide familial | 2,5 | 5,1 | 3,8 | 8,0 | 8,8 |
Ensemble des indépendants | 10,2 | 16,1 | 13,1 | 14,6 | 22,7 |
Ensemble | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 |
- Lecture : En 2023-2024, 20,4 % des personnes en emploi (ou ayant déjà travaillé) exercent (ou ont exercé) un emploi salarié de niveau intermédiaire. Parmi les mères des personnes en emploi ou ayant travaillé, 14,2 % exerçaient un tel emploi, quand elles travaillaient.
- Champ : France hors Mayotte, personnes en emploi ou ayant déjà travaillé, vivant dans un logement ordinaire, âgées de 35 à 59 ans à la date de l'enquête, dont au moins un des parents a travaillé.
- Source : Insee, enquêtes Emploi 2023 et 2024.
Reflétant la structure majoritairement salariée de ces générations, les situations les plus fréquentes sont celles où enfants et parents sont salariés : elles concernent 68 % des hommes dont le père a travaillé et 77 % des femmes dont la mère a travaillé (figure 2). Celles où enfants et parents sont indépendants restent minoritaires (2 % des femmes par rapport à la mère, et 6 % des hommes par rapport au père). Enfin, 21 % des femmes et 23 % des hommes ont un statut professionnel différent de leur mère, et 26 % des hommes comme 26 % des femmes un statut différent de leur père.
tableauFigure 2 – Mobilité sociale selon le statut professionnel de la personne et celui de son parent
Statut professionnel de la personne et de son parent | Femme par rapport à la mère | Homme par rapport au père | ||
---|---|---|---|---|
Salarié et parent salarié | 76,8 | 100,0 | 67,5 | 100,0 |
Mobilité ascendante | 36,7 | 47,8 | 25,6 | 37,8 |
Mobilité descendante | 13,3 | 17,4 | 16,2 | 24,0 |
Immobilité de niveau d'emploi | 26,7 | 34,8 | 25,7 | 38,1 |
Indépendant et parent indépendant | 2,4 | 100,0 | 6,5 | 100,0 |
Mobilité ascendante | 1,2 | 48,1 | 2,1 | 32,0 |
Mobilité descendante | 0,4 | 14,5 | 1,5 | 22,3 |
Immobilité de niveau d'emploi | 0,9 | 37,4 | 3,0 | 45,6 |
Salarié et parent indépendant | 12,2 | 100,0 | 16,3 | 100,0 |
Mobilité ascendante | 6,7 | 54,7 | 9,0 | 55,2 |
Mobilité descendante | 1,6 | 13,0 | 2,4 | 14,5 |
Immobilité de niveau d'emploi | 3,9 | 32,2 | 4,9 | 30,2 |
Indépendant et parent salarié | 8,5 | 100,0 | 9,7 | 100,0 |
Mobilité ascendante | 3,5 | 40,5 | 2,5 | 26,2 |
Mobilité descendante | 2,5 | 29,5 | 3,8 | 39,2 |
Immobilité de niveau d'emploi | 2,6 | 30,0 | 3,4 | 34,7 |
Ensemble | 100,0 | 100,0 | ||
Mobilité ascendante | 48,1 | 39,2 | ||
Mobilité descendante | 17,8 | 23,8 | ||
Immobilité de niveau d'emploi | 34,2 | 37,0 |
- Lecture : En 2023-2024, 9,0 % des hommes sont salariés et en situation de mobilité ascendante par rapport à leur père travailleur indépendant. Ainsi, parmi les hommes salariés ayant un père indépendant, 55,2 % sont en mobilité ascendante.
- Champ : France hors Mayotte, personnes en emploi ou ayant déjà travaillé, vivant dans un logement ordinaire, âgées de 35 à 59 ans à la date de l'enquête, dont au moins un des parents a travaillé.
- Source : Insee, enquêtes Emploi 2023 et 2024.
Les enfants de parents indépendants deviennent nettement plus souvent salariés qu’indépendants. Cependant, relativement aux enfants de parents salariés, leur probabilité d’être indépendant est bien plus élevée : 2,3 fois plus pour les fils de pères indépendants que de pères salariés ; 1,7 fois plus pour les filles de mères indépendantes que de mères salariées. Cet effet est encore renforcé lorsque les deux parents sont indépendants.
En plus de mesurer la mobilité de statut professionnel par rapport aux parents, le recours aux classes d’emploi permet de caractériser le sens des mobilités sociales. L’analyse des mobilités sociales entre enfants et parents salariés est déjà documentée [Collet et al, 2019] ; cette étude originale se concentre notamment sur la mobilité sociale lorsqu’au moins un des parents ou bien l'enfant est indépendant. Ces mobilités peuvent être ascendantes, descendantes ou à niveau d’emploi identique (méthodes).
Salarié avec un parent indépendant : des flux de mobilité sociale majoritairement ascendants
Le changement de statut le plus fréquent, celui entre parents indépendants et enfants salariés, concerne 12 % des femmes par rapport à la mère et 16 % des hommes par rapport au père. Dans une telle configuration, la mobilité sociale ascendante est majoritaire : ainsi, 55 % des femmes sont en mobilité ascendante au sens des classes d’emploi par rapport à la mère, tout comme les hommes par rapport au père, soit respectivement +7 points et +16 points qu’en moyenne pour l’ensemble de la population. De fait, par rapport aux parents salariés, les pères et les mères exerçant comme indépendants avaient plus fréquemment un emploi d’exécution, qualifié ou non. Notamment, le parent indépendant exerçait le plus souvent un emploi de petit indépendant sans salarié ni aide familial comme un emploi d’agriculteur, d’artisan ou de commerçant travaillant seul (40 % des pères et 56 % des mères).
Lorsqu’ils sont en ascension sociale, la situation socioéconomique de ces salariés ayant des parents indépendants est très proche de ceux en mobilité ascendante par rapport à un parent salarié. Comme ces derniers, ils sont plus souvent diplômés du supérieur qu’en moyenne et 40 % des hommes salariés en mobilité ascendante par rapport à leur père, qu’il soit indépendant ou salarié, sont cadres ou exercent une profession intellectuelle supérieure. Environ un sur trois notamment est cadre technique, commercial, administratif ou ingénieur en entreprise, comme les salariés en mobilité ascendante par rapport au père salarié. Il en va de même pour les femmes salariées par rapport à la mère (31 % de cadres – que leur mère ait été salariée ou indépendante – dont 14 % de cadres administratifs et commerciaux d’entreprise). Les proportions de personnes exerçant une profession intermédiaire sont également voisines.
Trois salariés sur dix occupent un emploi de même niveau que leur parent indépendant
Environ 30 % des personnes salariées occupent un emploi de même niveau que celui de leur parent indépendant. Sur l’échelle des classes d’emploi, elles conservent ainsi une position sociale similaire. Cette immobilité sociale est un peu moins fréquente qu’entre parents et enfants salariés, notamment pour les hommes.
Enfin, une part minoritaire de salariés ayant un parent indépendant est en situation de mobilité descendante : 13 % des femmes par rapport à la mère et 15 % des hommes par rapport au père.
La moitié des hommes salariés en situation de mobilité descendante par rapport à un père indépendant ont un diplôme inférieur au baccalauréat, tout comme ceux ayant un père salarié (+10 points par rapport à l’ensemble des hommes, quels que soient leur statut et position par rapport à leur père). En revanche, ils exercent encore plus souvent un emploi salarié peu qualifié : 55 %, contre 48 % pour les salariés en mobilité descendante par rapport à un père salarié. Les pères étaient pour 40 % de petits indépendants, mais employant salarié ou aide familial, comme une partie des agriculteurs et des artisans et commerçants, et pour 40 % des indépendants exerçant un emploi de niveau supérieur (agriculteurs, artisans, commerçants dans des entreprises de plus de 10 personnes, professions libérales comme les médecins, pharmaciens, avocats, notaires).
Les femmes salariées en situation de mobilité descendante par rapport à une mère indépendante sont moins diplômées que celles en mobilité descendante dont la mère était salariée : 45 % ont un diplôme inférieur au baccalauréat, contre 35 %. Les deux tiers exercent un emploi salarié peu qualifié, contre un peu moins de la moitié des femmes en situation de mobilité descendante par rapport à une mère salariée. En particulier, 33 % sont personnels des services directs aux particuliers, contre 21 % des femmes ayant une mère salariée.
Indépendant avec un parent salarié : des flux de mobilité sociale divergents selon le genre
Être indépendant alors que son parent était salarié concerne 9 % des femmes par rapport à la mère et 10 % des hommes par rapport au père. Quand leur mère était salariée, elle exerçait le plus souvent un emploi d’exécution (souvent en tant qu’employée ou ouvrière) et les femmes qui exercent un emploi indépendant sont souvent en mobilité ascendante (40 %). À l’inverse, les hommes en emploi indépendant subissent majoritairement une mobilité descendante par rapport au père salarié (39 %). Les positions sociales des pères salariés étant souvent plus favorables que celles des mères, il est plus fréquent pour les hommes d’être en situation de mobilité descendante vis-à-vis de leur père que pour les femmes vis-à-vis de leur mère.
Les femmes indépendantes alors que leur mère était salariée sont plus souvent diplômées du supérieur qu’en moyenne sur l’ensemble des femmes dont la mère a travaillé. En particulier, lorsqu’elles sont en situation de mobilité ascendante, 74 % de ces femmes sont diplômées du supérieur. 45 % d’entre elles sont diplômées du supérieur long, contre 33 % en moyenne parmi les femmes dont la mère a travaillé. Ces femmes en mobilité ascendante exercent le plus souvent une profession libérale (22 %) ou une profession intermédiaire de la santé et du travail social (21 %). Par rapport à leur père salarié, 26 % des hommes indépendants sont en mobilité ascendante. La moitié d’entre eux exercent un emploi indépendant de niveau supérieur ; ils sont 18 % à être chefs d’entreprise de plus de 10 personnes.
Les hommes indépendants en mobilité descendante par rapport à leur père salarié exercent majoritairement des emplois de petits indépendants sans salarié ni aide familial (62 %). Plus d’un sur deux est artisan, du bâtiment et des travaux publics, de la réparation et du travail des matériaux, de l’alimentation, ou des services. Un sur cinq est commerçant, exploitant de café, de restaurant, d’hôtel ou encore prestataire de services. Ils sont par ailleurs plus souvent micro-entrepreneurs que l’ensemble des hommes indépendants.
Les hommes et les enfants d’indépendants ont plus de chances de devenir indépendants
À autres caractéristiques comparables, y compris en tenant compte de la classe d’emploi de la mère, les hommes dont le père était salarié ont 1,3 fois plus de chances que les femmes de changer de statut en devenant indépendant plutôt que salarié. Il en va de même quand la mère était salariée (1,4 fois plus de chances). Quand la mère ou le père était indépendant, les hommes ont moitié moins de chances que les femmes de changer de statut en devenant salarié plutôt qu’indépendant. En somme, quel que soit le statut professionnel du parent, les hommes ont donc plus de chances de devenir indépendant que les femmes.
Les changements de statut professionnel entre générations dépendent fortement du niveau de diplôme, y compris à autres caractéristiques comparables. Les personnes ayant un diplôme du supérieur ont 1,3 à 1,5 fois plus de chances que les diplômés du baccalauréat de devenir indépendant plutôt que salarié lorsque le parent était salarié. Un diplôme inférieur au baccalauréat augmente quant à lui les chances de devenir salarié quand le parent était indépendant, qu’il s’agisse du père ou de la mère. Enfin, par rapport aux personnes sans ascendance migratoire, les immigrés ont, à autres caractéristiques comparables, plus de chances d’avoir un statut professionnel différent de celui de leurs parents, que ces derniers aient exercé comme indépendants ou salariés.
Enfin, à autres caractéristiques comparables et notamment le diplôme, avoir un parent indépendant accentue les chances d’être soi-même d’indépendant. Ainsi, quand l’autre parent était indépendant, les chances de changer de statut par rapport à un parent salarié, donc de devenir indépendant, sont quasiment doublées. Et quand les deux parents étaient indépendants, la probabilité de devenir salarié est réduite par rapport à une situation où l’un des parents est indépendant et l’autre salarié.
48 % des femmes sont en mobilité sociale ascendante par rapport à leur mère, 39 % des hommes par rapport à leur père
Au total, au sens des classes d’emploi, la mobilité ascendante reste la plus fréquente : 48 % pour les femmes par rapport à leur mère, 39 % pour les hommes par rapport à leur père, quels que soient les statuts professionnels. Ces personnes en mobilité ascendante ont profité de la hausse de la qualification des emplois entre générations [Razafindranovona, 2017]. La mobilité intergénérationnelle plus favorable des femmes, déjà constatée avec les PCS [Collet et al, 2019], s’explique notamment par un niveau socioprofessionnel des mères inférieur à celui des pères.
Pour les hommes, l’immobilité de niveau d’emploi par rapport à leur père est presque aussi fréquente que la mobilité ascendante (37 %). Pour 29 % des hommes, à la fois le niveau d’emploi et le statut professionnel restent inchangés par rapport à leur père (28 % pour les femmes par rapport à leur mère). Les mères ayant travaillé ont exercé des emplois peu qualifiés presque deux fois plus souvent que les pères, si bien que par rapport à leurs pères, situés plus haut sur l’échelle sociale que leurs mères, les femmes se placent le plus souvent au même niveau d’emploi (35 %), la mobilité ascendante étant presque aussi fréquente (34 %).
Les salariés sont plus souvent en ascension sociale que les indépendants : 53 % des personnes salariées, femmes et hommes, sont en mobilité ascendante par rapport à leur mère, quel que soit son statut professionnel, contre 42 % des personnes indépendantes (figure 3). Par rapport au père, ces parts respectives sont de 38 % et 29 %. Ce constat de mobilité ascendante plus fréquente chez les salariés vaut pour chaque niveau d’emploi, et pour les femmes comme pour les hommes. Par rapport au père, 29 % des hommes indépendants sont en mobilité ascendante, contre 41 % des hommes salariés. 32 % des indépendants sont en situation de mobilité descendante, soit 10 points de plus que parmi les salariés. Pour les femmes par rapport à la mère, la mobilité ascendante est également plus forte parmi les salariées (49 % contre 42 %) et la mobilité descendante également plus faible (17 % contre 26 %).
tableauFigure 3 – Mobilité sociale par rapport à la mère et au père
Mobilité | Par rapport à la mère | Par rapport au père | ||
---|---|---|---|---|
Salariés | Indépendants | Salariés | Indépendants | |
Mobilité ascendante | 52,6 | 41,7 | 37,7 | 29,2 |
Mobilité descendante | 15,4 | 24,9 | 26,2 | 33,9 |
Immobilité de niveau d'emploi | 32,1 | 33,4 | 36,1 | 36,8 |
Ensemble | 100 | 100 | 100 | 100 |
- Lecture : En 2023-2024, parmi les salariés, 52,6 % sont en situation de mobilité ascendante par rapport à leur mère.
- Champ : France hors Mayotte, personnes en emploi ou ayant déjà travaillé, vivant dans un logement ordinaire, âgées de 35 à 59 ans à la date de l'enquête, dont au moins un des parents a travaillé.
- Source : Insee, enquêtes Emploi 2023 et 2024.
graphiqueFigure 3 – Mobilité sociale par rapport à la mère et au père

- Lecture : En 2023-2024, parmi les salariés, 52,6 % sont en situation de mobilité ascendante par rapport à leur mère.
- Champ : France hors Mayotte, personnes en emploi ou ayant déjà travaillé, vivant dans un logement ordinaire, âgées de 35 à 59 ans à la date de l'enquête, dont au moins un des parents a travaillé.
- Source : Insee, enquêtes Emploi 2023 et 2024.
Les indépendants ont 40 % de chances en moins d’être en mobilité sociale ascendante que les salariés
Parmi les indépendants, 42 % exercent dans le cadre d’une société, 26 % sont des micro-entrepreneurs, et 26 % des entrepreneurs individuels hors micro-entrepreneurs (le reste regroupe les aides familiaux et les anciens indépendants dont le statut précis est inconnu). Ceux qui exercent dans le cadre d’une société sont très majoritairement des hommes (72 %), encore plus que l’ensemble des indépendants, tandis que les emplois de micro-entrepreneurs sont davantage féminisés (51 % de femmes).
Par rapport à leur père, les personnes exerçant comme micro-entrepreneurs sont plus souvent en situation de mobilité descendante que les autres indépendants : 44 %, contre 26 % pour les indépendants exerçant au sein d’une société, et ce bien que 51 % des microentrepreneurs soient dans des classes d’emploi de niveaux supérieur et intermédiaire (contre 47 % pour les indépendants exerçant au sein d’une société). Les entrepreneurs individuels se trouvent dans une situation intermédiaire.
À caractéristiques socioéconomiques comparables, par rapport au père, qu’il soit indépendant ou salarié, les personnes titulaires d’un diplôme du supérieur long (bac+3 ou plus) ont 6 fois plus de chances que les diplômés d’un baccalauréat de bénéficier d’une mobilité ascendante plutôt que descendante ou d’un niveau d’emploi identique. Les hommes ont 1,7 fois plus de chances que les femmes. Par rapport aux personnes sans ascendance migratoire directe, les descendants d’immigrés ont un peu plus de chances d’avoir une mobilité ascendante, contrairement aux immigrés qui en ont près de 2 fois moins. Enfin, y compris à diplôme, sexe, âge et statut par rapport à l’immigration identiques, les chances d’ascension sociale sont plus faibles de 40 % pour les indépendants par rapport aux salariés, selon un continuum allant de 30 % de chances en moins pour les indépendants exerçant dans le cadre d’une société à 60 % de chances en moins pour les micro-entrepreneurs. La situation est pratiquement identique par rapport à la mère.
Encadré – Les classes d’emploi
Les classes d’emploi sont complémentaires aux groupes sociaux de la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS). Elles proposent une autre façon d’agréger entre eux les niveaux les plus fins de la PCS. Pour les salariés et les anciens salariés, une hiérarchie à quatre niveaux est construite à partir de regroupements de PCS fondés sur le diplôme requis, la position socioprofessionnelle occupée et le niveau de rémunération. Les emplois indépendants sont systématiquement distingués des emplois salariés, permettant ainsi d’étendre l’analyse au-delà des seuls agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise : les professions artistiques, juridiques ou de santé, exercées avec un statut libéral sont ainsi intégrées aux classes d’indépendants, contrairement à ce que fait la nomenclature des PCS. Les classes d’emplois identifient 1,6 fois plus de travailleurs indépendants que les PCS [Ouvrir dans un nouvel ongletInsee, 2024]. Une hiérarchie comparable aux salariés est en outre bâtie, par rapprochement avec le niveau des professions équivalentes exercées en tant que salarié et la taille de l’entreprise. Une combinaison de ces deux stratifications permet alors de rassembler les salariés et les indépendants, en retenant comme premier principe de classement le niveau d’emploi dans l’échelle des positions sociales.
Méthodes
Les enquêtes Emploi de 2023 et 2024 sont cumulées afin d’obtenir un nombre d’observations plus élevé. Le champ d'analyse est celui des personnes résidant en France hors Mayotte, âgées de 35 à 59 ans au moment de l’enquête. Pour l’analyse de la mobilité sociale, le champ est en outre restreint aux personnes en emploi au moment de l’enquête ou qui ont déjà travaillé, et dont la classe d’emploi (CE) est de ce fait connue (encadré).
La CE de la personne correspond à celle de son emploi principal au moment de l'enquête, ou bien, si elle est inactive ou au chômage, au dernier emploi occupé. La CE du parent est déterminée notamment en fonction de la profession qu’il exerce à la fin des études initiales de la personne, à ses 16 ans si elle n'a pas fait d'études, ou à défaut, de celle qu’il avait exercé le plus longtemps à cette date.
La mobilité sociale est mesurée en comparant la classe d’emploi des personnes à celle de leurs parents ayant été en emploi. Parent et enfant peuvent être tous deux salariés, tous deux indépendants, ou avoir des statuts professionnels différents. Les trois mesures de mobilité sociale selon la position qu’occupe la personne par rapport à celle de son parent (ascendante, descendante, ou immobilité sociale) ne sont habituellement possibles avec les PCS que dans le cas où parent et enfant sont salariés. Mais l’échelle sociale commune définie par les classes d’emploi permet d’appliquer ces mêmes mesures aux situations où parents et enfants sont indépendants, ainsi qu’aux flux entre parents et enfants ayant un statut professionnel différent. Ainsi, un exploitant de café ou de restaurant (CE « emploi de petit indépendant », et CE agrégée « emploi d’exécution ») dont la mère était cadre de direction de la fonction publique (CE « emploi salarié de niveau supérieur », et CE agrégée « emploi de niveau supérieur ») sera en mobilité descendante par rapport à celle-ci selon cette grille d’analyse ; à l’inverse, une architecte salariée dont le père était éleveur sera en mobilité ascendante par rapport à ce dernier. Par rapport aux PCS, l’immobilité sociale mesurée avec les classes d’emploi est une immobilité de niveau d’emploi, parent et enfant pouvant occuper un statut professionnel différent (salarié ou indépendant).
Cette étude se limite aux personnes dont au moins un des parents a travaillé. Les mères étaient plus souvent inactives (26 %) que les pères (7 %).
Les analyses à caractéristiques comparables se fondent sur les odds-ratio de régressions logistiques (cf. données complémentaires), qui comparent entre deux populations A et B, les rapports entre la probabilité d’un événement et celle de l’événement contraire (rapport A / rapport B = X) : la population A a X fois plus (ou moins) de chances de connaître l’événement (plutôt que de ne pas le connaître) que la population B.
Définitions
La mobilité sociale intergénérationnelle désigne les cas où une personne relève d’un niveau d’emploi différent de celui du parent auquel elle est comparée. Entre la personne et son parent, le niveau d’emploi est différent, mais le statut professionnel (salarié ou indépendant) peut être identique ou non.
Un indépendant est une personne qui travaille ou a travaillé à son compte.
Une personne sans ascendance migratoire directe n’est ni immigrée ni descendante d’immigrés.
Un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France.
Un descendant d’immigrés est une personne née en France et ayant au moins un parent immigré.
Pour en savoir plus
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Ouvrir dans un nouvel ongletLes principales catégorisations de la PCS 2020, insee.fr, Insee, 2024.
Amossé T., Cayouette-Remblière J., Gros J., « Ouvrir dans un nouvel ongletUn schéma de classe d’emploi à la française », Revue française de sociologie, No 63-2, 2022.
Collet M., Pénicaud É., « En 40 ans, la mobilité sociale des femmes a progressé, celle des hommes est restée quasi stable », Insee Première no 1739, février 2019.
Razafindranovona T., « Malgré la progression de l’emploi qualifié, un quart des personnes se sentent socialement déclassées par rapport à leur père », Insee Première no 1659, juillet 2017.