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Insee Analyses Bretagne · Avril 2025 · n° 133
Insee Analyses BretagneEn Bretagne, un ménage sur cinq est en situation de vulnérabilité énergétique liée au logement

Jean-Marc Lardoux, Dominique Tacon (Insee)

En 2021, 20,2 % des 1,5 million de ménages bretons sont en situation de vulnérabilité énergétique liée au logement, comparé à 17,4 % des ménages en France métropolitaine. Pour assurer un confort thermique standard dans leur logement, ces 303 000 ménages doivent consacrer plus de 9,2 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques nécessaires pour le chauffer et produire de l’eau chaude. Ces situations de vulnérabilité énergétique sont principalement liées à un faible niveau de vie, à un logement ancien, mal isolé ou de grande superficie. La part de ménages vulnérables est faible dans les zones urbaines et périurbaines et plus marquée dans les territoires ruraux, en particulier dans le Centre Bretagne.

Selon les exercices de simulations réalisés à l’horizon 2035, la part de ménages en vulnérabilité énergétique pourrait fortement augmenter dans le cas d’une hausse de 20 % à 50 % des prix de l’énergie. Inversement, elle pourrait nettement baisser dans le cadre d’un programme volontariste de rénovation des logements.

Insee Analyses Bretagne
No 133
Paru le :Paru le29/04/2025
Insee - Vulnérabilité énergétique liée au logement en Bretagne.
Publication rédigée par :Jean-Marc Lardoux, Dominique Tacon (Insee)

Une loi visant à l’amélioration des performances énergétiques du parc de logements

Introduite par la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) est la feuille de route nationale pour lutter contre le changement climatique. Elle vise à la neutralité carbone en 2050 et à réduire l’empreinte environnementale de la consommation des Français. Dans ce but, elle donne des orientations pour mettre en œuvre, dans tous les secteurs d’activité, la transition vers une économie bas-carbone, circulaire et durable. Elle implique en particulier une amélioration significative des performances énergétiques du parc de logements.

Plusieurs lois récentes, notamment la loi « Climat et résilience » de 2021, introduisent une exigence minimale de performance énergétique dans la définition du logement décent. Après le gel entré en vigueur en août 2022 des loyers des logements considérés comme des «  », c’est-à-dire avec un étiqueté F ou G, l’interdiction de louer des logements étiquetés G s’impose depuis le 1er janvier 2025. La loi « Climat et résilience » renforce aussi l’information sur la performance du bâti en imposant la réalisation d’un audit énergétique pour chaque vente de logements étiquetés E, F ou G.

Un ménage breton sur cinq est considéré comme vulnérable énergétiquement

En 2021, 303 300 ménages résidant en Bretagne sont en situation de , dans le sens où leurs représentent plus de 9,2 % de leur . Ces dépenses énergétiques, principalement pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire, sont liées aux caractéristiques de leur habitat (taille, âge du bâti, mode de chauffage…).

En France métropolitaine, 17,4 % des ménages sont considérés comme vulnérables énergétiquement. Mais ce taux diffère fortement d’une région à une autre. En raison d’hivers plus froids et de niveaux moyens de revenus généralement moins élevés, la proportion de ménages vulnérables est beaucoup plus importante dans les régions du nord et de l’est du pays. Ainsi, en Bourgogne-Franche-Comté, près d’un quart des ménages (24,0 %) sont en situation de vulnérabilité énergétique. Inversement, bénéficiant d’un climat plus doux et plus ensoleillé, les régions Corse et Provence-Alpes-Côte d’Azur présentent des taux de vulnérabilité bien inférieurs (respectivement 11,4 % et 11,5 %). C’est la région Île-de-France qui affiche la proportion de ménages vulnérables la plus faible (9,5 %), grâce en particulier à un niveau moyen de revenus supérieur à celui observé dans les régions de province.

Avec un taux de vulnérabilité des ménages de 20,2 %, soit près de 3 points de plus qu’au niveau national, la Bretagne se place au 7e rang des 13 régions métropolitaines. Cette position médiane s’explique essentiellement par un climat océanique humide mais doux et par un parc de logements constitué plus fréquemment de maisons mais globalement plus performant énergétiquement que dans l’ensemble de l’Hexagone. En effet, 34,5 % des logements de la région sont étiquetés , c’est-à-dire avec un DPE les classant E, F ou G, comparé à 36,3 % en France métropolitaine et 34,9 % dans l’ensemble des régions hors Île-de-France.

Les ménages les plus pauvres ou occupant des « passoires thermiques » sont les plus exposés

La situation de vulnérabilité s’explique par des dépenses énergétiques élevées et/ou des revenus faibles.

En Bretagne, près de 60 % des ménages vivant sous le sont considérés comme vulnérables (figure 1). Cette situation concerne tout particulièrement les femmes âgées de 75 ans ou plus, vivant seules, qu’elles soient veuves, séparées ou célibataires. Ayant été moins fréquemment en emploi que les hommes, elles perçoivent en effet de plus petites retraites, ce qui les amène à subvenir plus difficilement aux dépenses énergétiques de leur logement si elles veulent maintenir un . Plus généralement, femmes et hommes confondus, 42 % des ménages dont la personne de référence est âgée d’au moins 75 ans et 36 % des personnes vivant seules sont vulnérables énergétiquement.

Figure 1Part des ménages en situation de vulnérabilité énergétique selon le profil du ménage ou du logement

(en %)
Part des ménages en situation de vulnérabilité énergétique selon le profil du ménage ou du logement ((en %)) - Lecture : Près de 60 % des ménages bretons vivant sous le seuil de pauvreté sont en situation de vulnérabilité énergétique.
Caractéristique du ménage ou du logement Part de ménages vulnérables énergétiquement
Sous le seuil de pauvreté 59,9
Personne seule 36,3
Ménage nombreux 7,5
Personne de référence âgée de moins de 35 ans 11,3
Personne de référence âgée de 35 à 74 ans 14,0
Personne de référence âgée de 75 ans ou plus 41,5
« Passoire thermique » (DPE F ou G) 60,4
Maison 22,9
Appartement 12,3
Logement de moins de 45 m2 10,4
Logement de 45 à 120 m2 20,4
Logement de plus de 120 m2 22,5
Logement construit avant 1948 30,2
Logement construit entre 1948 et 2001 24,3
Logement construit après 2001 3,9
Chauffage au fioul 49,7
Chauffage au gaz 14,8
Chauffage à l'électricité 16,6
Chauffage aux énergies renouvelables 10,7
Ensemble Bretagne 20,2
  • Lecture : Près de 60 % des ménages bretons vivant sous le seuil de pauvreté sont en situation de vulnérabilité énergétique.
  • Champ : Ensemble des résidences principales au 1er janvier 2022 en Bretagne.
  • Sources : Insee, Fidéli 2022 ; SDES, bilan annuel de l’énergie 2021 ; Ademe, base des DPE juillet 2022-juin 2023.

Figure 1Part des ménages en situation de vulnérabilité énergétique selon le profil du ménage ou du logement

  • Lecture : Près de 60 % des ménages bretons vivant sous le seuil de pauvreté sont en situation de vulnérabilité énergétique.
  • Champ : Ensemble des résidences principales au 1er janvier 2022 en Bretagne.
  • Sources : Insee, Fidéli 2022 ; SDES, bilan annuel de l’énergie 2021 ; Ademe, base des DPE juillet 2022-juin 2023.

Les logements considérés comme des « passoires thermiques » sont la principale source de vulnérabilité énergétique : plus de 60 % des ménages habitant un logement classé F ou G sont considérés comme vulnérables. Ces « passoires thermiques » sont plus fréquemment habitées par des ménages aux faibles revenus. Ainsi, 22,6 % des logements avec un DPE noté F ou G sont occupés par des ménages vivant sous le seuil de pauvreté, alors que cette part est de 12,3 % sur l’ensemble du parc de logements.

Certaines caractéristiques des logements sont des facteurs de risque de vulnérabilité énergétique. Le plus important est l’ancienneté de la construction. Ainsi, près d’un tiers des ménages résidant dans des logements construits avant 1948 sont exposés à la vulnérabilité énergétique et près d’un quart pour les logements bâtis entre 1948 et 2001, contre moins de 4 % pour ceux construits plus récemment. Cette vulnérabilité est renforcée par le fait que le chauffage au fioul, facteur de risque également, est présent dans 20 % des logements construits avant 2001, contre seulement 2 % des logements bâtis depuis. En outre, plus un logement est grand et plus le risque de vulnérabilité énergétique pour le ménage occupant est élevé : près de 23 % pour les logements d’au moins 120 m2 contre 10 % pour ceux de moins de 45 m2.

En fin de compte, alors que la dépense énergétique conventionnelle annuelle moyenne pour l’ensemble des ménages bretons est de 1 800 €, elle s’élève à 2 600 € pour les ménages vulnérables contre 1 600 € pour les ménages non vulnérables.

Les ménages vivant dans les territoires ruraux sont plus fréquemment en situation de vulnérabilité énergétique

Au sein de la région, la part de ménages vulnérables varie de 9,5 % sur le territoire de la métropole de Rennes à 41,2 % sur le territoire de Carhaix, qui regroupe 5 EPCI (pour comprendre) (figure 2). Elle est inférieure à la moyenne régionale dans 15 des 33 territoires de la région : ceux des sept plus grandes villes bretonnes (Rennes, Vannes, Brest, Saint-Malo, Quimper, Saint-Brieuc et Lorient), ainsi que huit regroupements d’EPCI périurbains (Liffré - Châteaugiron, Guichen, Vitré et Montfort-sur-Meu autour de Rennes, Landerneau et Saint-Renan autour de Brest, Lamballe près de Saint-Brieuc et Auray entre Vannes et Lorient).

Figure 2Nombre et part de ménages en situation de vulnérabilité énergétique par territoire

Nombre et part de ménages en situation de vulnérabilité énergétique par territoire
Zone Nombre de ménages vulnérables énergétiquement Part de ménages vulnérables énergétiquement (en %)
Auray 7 900 18,8
Brest 15 300 15,7
Carhaix 18 300 41,2
Combourg 5 100 23,1
Concarneau 5 300 22,4
Crozon - Châteaulin 6 100 28,3
Dinan 9 400 23,0
Douarnenez - Pont-l'Abbé 14 500 33,0
Fougères 5 400 20,6
Guichen 4 400 16,7
Guingamp - Paimpol 16 200 34,5
Lamballe 5 800 18,1
Landerneau 3 300 16,9
Landivisiau 6 400 28,0
Lannion 11 100 28,0
Lesneven - Plabennec 5 300 21,0
Liffré - Châteaugiron 4 500 10,4
Lorient 20 700 19,1
Loudéac 7 400 34,1
Montfort-sur-Meu 5 400 18,2
Morlaix 10 300 29,9
Ploërmel 9 800 26,6
Pontivy 10 500 31,9
Questembert 6 300 24,7
Quimper 10 300 17,5
Quimperlé 6 700 24,7
Redon 4 600 27,9
Rennes 19 200 9,5
Saint-Brieuc 15 500 18,6
Saint-Malo 9 000 16,4
Saint-Renan 3 700 17,5
Vannes 10 800 13,0
Vitré 9 000 17,7
  • Champ : Ensemble des résidences principales au 1er janvier 2022 en Bretagne.
  • Sources : Insee, Fidéli 2022 ; SDES, bilan annuel de l’énergie 2021 ; Ademe, base des DPE juillet 2022-juin 2023.

Figure 2Nombre et part de ménages en situation de vulnérabilité énergétique par territoire

  • Champ : Ensemble des résidences principales au 1er janvier 2022 en Bretagne.
  • Sources : Insee, Fidéli 2022 ; SDES, bilan annuel de l’énergie 2021 ; Ademe, base des DPE juillet 2022-juin 2023.

Le croisement des dépenses énergétiques conventionnelles dans les territoires et des médians des ménages permet de distinguer différents groupes de territoires (figure 3).

Figure 3Valeurs médianes des dépenses énergétiques conventionnelles et des niveaux de vie annuels par territoire

(en €)
Valeurs médianes des dépenses énergétiques conventionnelles et des niveaux de vie annuels par territoire ((en €)) - Lecture : Dans la zone de Dinan, le niveau de vie médian des ménages est élevé (compris entre 22 700 € et 25 200 € annuels), de même que le montant médian des dépenses énergétiques conventionnelles (compris entre 1 700 € et 2 100 € par an).
Zone Dépenses énergétiques médianes Niveau de vie médian
Auray Entre 1 600 et 1 700 Entre 22 700 et 25 200
Brest Entre 1 200 et 1 600 Entre 21 500 et 22 700
Carhaix Entre 1 700 et 2 100 Entre 19 300 et 21 500
Combourg Entre 1 600 et 1 700 Entre 19 300 et 21 500
Concarneau Entre 1 600 et 1 700 Entre 22 700 et 25 200
Crozon - Châteaulin Entre 1 700 et 2 100 Entre 21 500 et 22 700
Dinan Entre 1 700 et 2 100 Entre 22 700 et 25 200
Douarnenez - Pont-l'Abbé Entre 1 700 et 2 100 Entre 19 300 et 21 500
Fougères Entre 1 600 et 1 700 Entre 19 300 et 21 500
Guichen Entre 1 200 et 1 600 Entre 21 500 et 22 700
Guingamp - Paimpol Entre 1 700 et 2 100 Entre 19 300 et 21 500
Lamballe Entre 1 600 et 1 700 Entre 22 700 et 25 200
Landerneau Entre 1 200 et 1 600 Entre 22 700 et 25 200
Landivisiau Entre 1 600 et 1 700 Entre 19 300 et 21 500
Lannion Entre 1 700 et 2 100 Entre 21 500 et 22 700
Lesneven - Plabennec Entre 1 600 et 1 700 Entre 21 500 et 22 700
Liffré - Châteaugiron Entre 1 200 et 1 600 Entre 22 700 et 25 200
Lorient Entre 1 200 et 1 600 Entre 21 500 et 22 700
Loudéac Entre 1 700 et 2 100 Entre 19 300 et 21 500
Montfort-sur-Meu Entre 1 200 et 1 600 Entre 21 500 et 22 700
Morlaix Entre 1 700 et 2 100 Entre 19 300 et 21 500
Ploërmel Entre 1 700 et 2 100 Entre 19 300 et 21 500
Pontivy Entre 1 700 et 2 100 Entre 19 300 et 21 500
Questembert Entre 1 700 et 2 100 Entre 21 500 et 22 700
Quimper Entre 1 200 et 1 600 Entre 22 700 et 25 200
Quimperlé Entre 1 700 et 2 100 Entre 21 500 et 22 700
Redon Entre 1 700 et 2 100 Entre 19 300 et 21 500
Rennes Entre 1 200 et 1 600 Entre 22 700 et 25 200
Saint-Brieuc Entre 1 600 et 1 700 Entre 21 500 et 22 700
Saint-Malo Entre 1 200 et 1 600 Entre 22 700 et 25 200
Saint-Renan Entre 1 600 et 1 700 Entre 22 700 et 25 200
Vannes Entre 1 200 et 1 600 Entre 22 700 et 25 200
Vitré Entre 1 200 et 1 600 Entre 21 500 et 22 700
  • Lecture : Dans la zone de Dinan, le niveau de vie médian des ménages est élevé (compris entre 22 700 € et 25 200 € annuels), de même que le montant médian des dépenses énergétiques conventionnelles (compris entre 1 700 € et 2 100 € par an).
  • Champ : Ensemble des résidences principales au 1er janvier 2022 en Bretagne.
  • Sources : Insee, Fidéli 2022 ; SDES, bilan annuel de l’énergie 2021 ; Ademe, base des DPE juillet 2022-juin 2023.

Figure 3Valeurs médianes des dépenses énergétiques conventionnelles et des niveaux de vie annuels par territoire

  • Lecture : Dans la zone de Dinan, le niveau de vie médian des ménages est élevé (compris entre 22 700 € et 25 200 € annuels), de même que le montant médian des dépenses énergétiques conventionnelles (compris entre 1 700 € et 2 100 € par an).
  • Champ : Ensemble des résidences principales au 1er janvier 2022 en Bretagne.
  • Sources : Insee, Fidéli 2022 ; SDES, bilan annuel de l’énergie 2021 ; Ademe, base des DPE juillet 2022-juin 2023.

Le premier groupe est formé de quatre des sept territoires majoritairement urbains (Rennes, Vannes, Quimper et Saint-Malo), auquel s’adjoignent ceux de Liffré - Châteaugiron et de Landerneau. Ces six territoires présentent des niveaux de vie médians élevés (supérieurs à 22 700 € annuels) et des dépenses énergétiques médianes faibles (inférieures à 1 600 € par an), en raison notamment d’une plus forte proportion de logements collectifs et/ou de logements récents bâtis avec les nouvelles normes de construction basse consommation. Ainsi, seuls 7,9 % des logements de ce groupe sont considérés comme des « passoires thermiques », soit une proportion bien inférieure à la moyenne régionale (13,6 %).

Le deuxième groupe comprend deux autres EPCI urbains, ceux de Brest et Lorient, et les territoires bretilliens de Vitré, Guichen et Montfort-sur-Meu. Il se démarque du premier par un niveau de vie médian des ménages légèrement inférieur (entre 21 500 € et 22 700 €).

Le troisième groupe, correspondant au territoire de Saint-Brieuc, se caractérise à la fois par un niveau de vie médian plus faible et par des dépenses énergétiques plus élevées que celles du premier groupe. Parmi les territoires des sept plus grandes villes bretonnes, celui de Saint-Brieuc présente la proportion de logements chauffés au fioul la plus élevée et il est le seul à détenir une part de logements considérés comme des passoires thermiques (15,7 %) supérieure à la moyenne régionale.

Enfin, un quatrième groupe formé des territoires littoraux et périurbains de Saint-Renan, Auray et Lamballe présente un niveau de vie élevé mais des dépenses énergétiques médianes modérées, comprises entre 1 600 € et 1 700 €.

Dans les 18 autres territoires, la proportion de ménages vulnérables est supérieure à la moyenne bretonne. En particulier, dans 11 d’entre eux, cette proportion dépasse 25 %, signifiant ainsi que plus d’un quart des ménages y résidant sont considérés comme vulnérables. Ces territoires sont localisés à la fois sur les pointes ouest et sud du Finistère (Crozon - Châteaulin et Douarnenez - Pont-l’Abbé) et sur une grande diagonale traversant la Bretagne du nord-ouest (Landivisiau, Morlaix, Lannion, Guingamp - Paimpol) au sud-est (Ploërmel, Redon), en passant par le Centre Bretagne (Carhaix, Pontivy et Loudéac).

Parmi ces 11 territoires, huit présentent à la fois de faibles niveaux de vie médians (inférieurs à 21 500 €) et des dépenses énergétiques médianes élevées, supérieures à 1 700 €. L’habitat y est plutôt constitué de maisons, plus fréquemment anciennes et chauffées au fioul. Plus d’un quart des logements de ces territoires sont des passoires thermiques, cette part dépassant même 40 % dans le regroupement d’EPCI de Carhaix.

Le territoire de Landivisiau présente des caractéristiques semblables à ceux de Combourg et Fougères, à savoir des niveaux de vie médians relativement bas (inférieurs à 21 500 €) et des dépenses énergétiques comprises entre 1 600 € et 1 700 €.

Les zones de Lannion, Crozon - Châteaulin mais aussi de Quimperlé et Questembert allient à la fois des niveaux de vie médians assez élevés et de fortes dépenses énergétiques. En particulier, la proportion de passoires thermiques y est conséquente : de 19,3 % sur Quimperlé à 33,3 % sur Lannion.

Parmi les trois derniers territoires de ce second ensemble, Concarneau présente des caractéristiques similaires à celles du groupe formé par Lamballe, Saint-Renan et Auray, tout comme le territoire de Lesneven - Plabennec avec celui de Saint-Brieuc.

Enfin, les ménages résidant sur le territoire de Dinan offrent la particularité de présenter à la fois des niveaux de vie élevés et d’importantes dépenses énergétiques, avec notamment plus d’un logement sur six classé en DPE F ou G.

L’augmentation du prix de l’énergie accroît fortement le risque de basculer vers la vulnérabilité énergétique

Les tensions géopolitiques de ces dernières années ont entraîné une forte hausse des prix de l’énergie. Ainsi, malgré la baisse de 15 % des tarifs réglementés de vente du KWh de l’électricité au 1er février 2025, les prix sont nettement plus élevés en 2025 que ceux de 2021 pris en compte dans cette étude.

Pour analyser les effets de l’augmentation des prix de l’énergie à l’horizon 2030 ou 2035 sur la part de ménages vulnérables toutes choses égales par ailleurs, une première simulation prend comme hypothèses l’estimation de l’inflation annuelle pour la France à l’horizon 2030 et 2035 réalisée par le Fonds monétaire international (FMI) et un niveau des revenus constant. En considérant toujours qu’un ménage est vulnérable s’il dépense plus de 9,2 % de ses revenus pour la consommation énergétique de son logement, la part des ménages vulnérables en Bretagne passerait de 20,2 % en 2021 à 26,2 % en 2030 et 29,4 % en 2035 (figure 4). Sur cette période et avec les mêmes hypothèses, les dépenses en consommation énergétique pour l’habitat augmenteraient, de 1 800 € à 2 200 € puis 2 300 €.

Figure 4Simulations d‘évolution de la vulnérabilité énergétique des ménages selon différents scénarios

Simulations d‘évolution de la vulnérabilité énergétique des ménages selon différents scénarios
Scénario Année Part de ménages vulnérables (en %) Nombre de ménages vulnérables Dépenses énergétiques annuelles moyennes (en €)
Situation initiale 2021 20,2 303 300 1 800
Hausse des prix de l’énergie Inflation seule 2030 26,2 393 800 2 200
2035 29,4 442 300 2 300
Inflation + hausse des coûts approvisionnement et réseau 2030 26,2 393 800 2 200
2035 36,7 552 000 2 700
Rénovation des bâtiments Scénario tendanciel 2030 18,6 279 700 1 700
2035 17,2 258 700 1 600
Scénario « stratégie nationale bas-carbone » (SNBC) 2030 16,7 251 700 1 600
2035 13,3 199 800 1 500
  • Champ : Ensemble des résidences principales au 1er janvier 2022 en Bretagne.
  • Sources : Insee, Fidéli 2022 ; SDES, bilan annuel de l’énergie 2021 ; Ademe, base des DPE juillet 2022-juin 2023.

En prenant cette fois en compte, à partir de 2030, des hausses spécifiques sur deux composantes du prix de l’énergie, à savoir d’une part la hausse du coût d’approvisionnement en énergie sur le marché de gros liée à la hausse du prix du gaz et des quotas CO2 et d’autre part la hausse de la composante d’accès au réseau public dû au maintien du réseau et à la couverture des investissements dans les énergies renouvelables par rapport au nombre de consommateurs raccordés au réseau, plus d’un tiers des ménages seraient alors potentiellement considérés comme vulnérables à l’horizon 2035 et la dépense moyenne en consommation énergétique grimperait à 2 700 €.

La rénovation des logements apparaît comme un levier efficace pour réduire la vulnérabilité énergétique des ménages

Deux scénarios d’amélioration de la performance énergétique du parc de logements ont été analysés. Le premier, que l’on peut appeler « scénario tendanciel », fait l’hypothèse d’un prolongement de la dynamique régionale des dispositifs d’aide à la rénovation énergétique des logements (MaPrimeRénov’ Parcours accompagné et MaPrimeRénov’ Parcours par geste). À revenus des ménages et coût de l’énergie maintenus constants, la part des ménages vulnérables diminuerait à 18,6 % en 2030 et 17,2 % en 2035. Les dépenses énergétiques annuelles seraient également moindres : 1 700 € puis 1 600 €.

Un deuxième scénario, dénommé « stratégie nationale bas-carbone » (SNBC), est plus volontariste : il propose une rénovation performante (étiquette DPE B) de 31 000 logements par an, en ciblant les logements D, E, F et G. En 2030, seul un ménage sur six serait alors considéré comme vulnérable et moins d’un ménage sur sept en 2035. Les dépenses énergétiques moyennes diminueraient alors à 1 500 € en 2035.

Encadré 1 - Près de 15 % des logements chauffés au fioul en Bretagne

Le fioul est une énergie fossile dérivée du pétrole qui produit des gaz à effet de serre et des particules fines lors de sa combustion et son transport. L’objectif fixé par l’État est d’atteindre le zéro chaudière au fioul d’ici 2030. Dans cette optique, un décret relatif à l’interdiction d’installer une chaudière au fioul neuve est entré en vigueur à partir du 1er juillet 2022 en France.

La Bretagne est particulièrement concernée par cette mesure. En effet, dans la région, 42,0 % des résidences principales sont chauffées principalement à l’électricité, 29,8 % au gaz, 14,8 % au fioul et 13,4 % avec des énergies renouvelables. La part des logements chauffés au fioul est supérieure à celle observée en moyenne dans les régions métropolitaines hors Île-de-France (11,8 %).

Le fioul est fréquemment utilisé comme mode principal de chauffage dans les territoires les plus ruraux. Sur celui de Carhaix, plus d’un tiers des logements sont chauffés au fioul et c’est également le cas de plus d’un logement sur cinq sur ceux de Loudéac, Pontivy, Guingamp - Paimpol, Ploërmel, Lamballe, Lannion, Quimperlé, Morlaix, Crozon - Châteaulin, Landivisiau et Redon. À l’inverse, seuls 4 % des logements de la zone de Rennes sont chauffés grâce à ce combustible.

Le parc de logements chauffés au fioul présente une certaine homogénéité. Ce sont majoritairement des maisons (à hauteur de 95 %, alors qu’elles représentent 74 % de l’ensemble du parc de logements). Par conséquent, les logements chauffés au fioul sont en moyenne plus spacieux (52 % ont une superficie d’au moins 100 m2, contre 43 % dans l’ensemble du parc). Le parc de logements chauffés au fioul est également plus ancien : près des trois quarts (72 %) des logements datent d’avant 1975, contre moins de la moitié (45 %) pour l’ensemble du parc.

Les occupants des logements chauffés au fioul sont plus fréquemment âgés (62 % des personnes de référence de ces ménages ont au moins 65 ans, contre 48 % dans l’ensemble du parc). Ce sont aussi plus souvent des personnes seules ayant des revenus modestes.

Encadré 2 - Partenariat

Cette étude a été réalisée en partenariat avec la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) de Bretagne.

Publication rédigée par :Jean-Marc Lardoux, Dominique Tacon (Insee)

Pour comprendre

Le zonage de l’étude :

Le périmètre des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) est pertinent pour l’analyse de la vulnérabilité énergétique liée au logement, puisque c’est à cette échelle que se prennent certaines décisions en matière de politique locale de développement durable. Néanmoins, le faible nombre de DPE présents dans certaines intercommunalités ne permettant pas d’assurer la fiabilité et la robustesse des résultats à cette échelle, des regroupements de certains EPCI ont été faits, en tenant compte de leurs similitudes sociodémographiques avec des EPCI voisins. In fine, le zonage retenu se trouve être le même que celui qui a été validé par l’ensemble des agences d’urbanisme de la région lors de la réalisation des études sur les projections de population à l’horizon 2050 (Insee Analyses Bretagne nos 121 et 122, novembre 2023). Dans ce zonage d’étude, la Bretagne est partitionnée en 33 territoires, chacun d’entre eux étant constitué soit d’un seul EPCI, soit d’un regroupement de 2 à 5 EPCI (en ne conservant que les parties régionales des EPCI frontaliers). Chaque territoire porte le nom de sa (ou de ses deux) commune(s) principale(s).

Publication rédigée par :Jean-Marc Lardoux, Dominique Tacon (Insee)

Sources

Pour pouvoir réaliser des estimations de vulnérabilité énergétique à un niveau géographique fin, l’étude repose sur les diagnostics DPE de la base Ademe enregistrés entre juillet 2022 et juin 2023. Un travail d’appariement avec les logements de la base Fidéli 2022 a été effectué. Les données ainsi produites ont été pondérées par calage, afin de conserver les structures du parc immobilier au 1er janvier 2023.

Le taux de vulnérabilité des ménages du territoire est alors estimé grâce aux informations disponibles dans les diagnostics ainsi qu’à celles relatives aux revenus des ménages et aux prix des énergies en 2021.

Définitions

Dans cette étude, un ménage est dit en situation de vulnérabilité énergétique liée au logement si ses dépenses énergétiques conventionnelles pour l’habitat rapportées à son revenu disponible (taux d’effort) sont supérieures à 9,2 %. Ce seuil correspond au double de la médiane des taux d’effort observés en France métropolitaine en 2021.

Les dépenses énergétiques conventionnelles liées à l’habitat correspondent à un usage standard du logement occupé et portent sur les usages de l’énergie pour le logement pris en compte par les DPE : le chauffage, la production d’eau chaude sanitaire, le refroidissement, l’éclairage et le fonctionnement des auxiliaires de ventilation mécanique contrôlée. Le chauffage et l’eau chaude représentent en France en moyenne plus de 95 % des dépenses énergétiques considérées ici. Les montants estimés sont annuels. On parle de dépenses « conventionnelles » car les besoins d’énergie estimés par les DPE correspondent au maintien d’un confort thermique standard dans le logement. Celui-ci consiste notamment, pendant la saison froide, à maintenir la température intérieure à 19 °C pendant les heures usuelles de présence à domicile (semaine et week-end) et à 16 °C le reste du temps. Les dépenses conventionnelles sont donc, par construction, indépendantes des comportements énergétiques réels des occupants. Les dépenses réelles peuvent être inférieures, par exemple lorsqu’un ménage dont les enfants ont décohabité continue de vivre dans le logement familial sous-occupé, et ne chauffe plus l’ensemble des pièces.

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) renseigne sur la performance énergétique d’un logement en évaluant sa consommation d’énergie et ses émissions de gaz à effet de serre conventionnelles au m2, pour un usage standard. L’étiquette A à G attribuée dépend des caractéristiques du bâti (dont les combustibles utilisés) en prenant en compte la zone climatique et l’altitude.

Un logement est qualifié de logement énergivore quand il obtient une étiquette E, F ou G lors de son DPE. Cela peut venir d’une consommation énergétique importante (plus de 250 kWh/m2/an) et/ou d’émissions de gaz à effet de serre conséquentes (plus de 50 kg d’équivalent CO2/m2/an). Il est appelé « passoire thermique » lorsque le DPE lui attribue une étiquette F ou G.

Le revenu disponible d’un ménage est celui dont il dispose pour consommer et épargner. Il comprend les revenus d’activité (nets des cotisations sociales), les revenus du patrimoine (fonciers et financiers), les transferts en provenance d’autres ménages et les prestations sociales (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage), nets des impôts directs.

Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans).

Le seuil de pauvreté correspond à 60 % du niveau de vie médian en France métropolitaine, soit 1 158 € par mois en 2021.

Si on ordonne une distribution, la médiane est la valeur qui partage cette distribution en deux parties d’effectifs égaux. Ainsi, pour une distribution de niveau de vie des ménages, 50 % des niveaux de vie se situent sous la médiane et 50 % au-dessus.

Pour en savoir plus

(1) Lenzi É., Masson K., Mora V., Prusse S., « Près de 5 millions de ménages en situation de vulnérabilité énergétique pour leur logement en 2021 », Insee Analyses no 106, avril 2025.

(2) Beck S., Masson K., Mora V., Prusse S., « Une estimation du taux de vulnérabilité énergétique des ménages pour le logement », Documents de travail no 2025‑01, Insee, janvier 2025.

(3) Baba-Moussa W., Ribon O., « Ouvrir dans un nouvel ongletLe parc de logements par classe de performance énergétique au 1er janvier 2024 », Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE), décembre 2024.

(4) Le médiateur national de l’énergie, Ouvrir dans un nouvel ongletLa précarité énergétique, Dossiers.

(5) Ademe, « Ouvrir dans un nouvel ongletFinancement de la rénovation des logements des propriétaires occupants en précarité », Société et politiques publiques no 7434, juin 2024.

(6) Anil, « Ouvrir dans un nouvel ongletRénovation énergétique : enjeux, intérêt à agir et adhésion des particuliers, et prise en compte dans les politiques de l’habitat », Études et éclairages, mai 2024.