Insee Flash Grand Est ·
Novembre 2024 · n° 99
Construction dans le Grand Est : l’emploi salarié en berne après avoir été moins dynamique
qu’au plan national
Au deuxième trimestre 2024, l’emploi salarié dans la construction recule pour le neuvième trimestre consécutif dans le Grand Est, avec une baisse de 0,7 %. En France de province, le repli est plus récent et moins marqué. Sur vingt ans, l’évolution de l’emploi salarié du secteur suit des cycles comparables dans la région et au niveau national, la construction étant fortement influencée par la conjoncture économique générale. Toutefois, l’évolution est moins favorable dans le Grand Est qu’au niveau national. En deux décennies, seuls les départements alsaciens et la Marne ont gagné des emplois dans ce secteur.
Dans la construction, l’emploi salarié fléchit depuis 2022
Depuis deux ans, la construction se distingue des autres secteurs par une forte baisse de l’emploi dans le Grand Est. Au 2e trimestre 2024, l’emploi salarié dans la construction recule de 0,7 % (figure 1). Il s’agit du neuvième trimestre consécutif de baisse depuis le 1er trimestre 2022. Dans l’intervalle, l’emploi salarié dans le secteur s’est contracté de 3,6 %, soit une perte de 4 200 emplois.
L’emploi diminue également au niveau national, hors Île-de-France, mais le repli y est plus tardif et moins marqué : la baisse, qui débute trois trimestres plus tard, n’est que de 2,4 % entre le 4e trimestre 2022 et le 2e trimestre 2024. Le rythme annuel de la baisse est inférieur à celui observé après la crise de 2008.
L’évolution récente s’explique par un environnement international très défavorable. En 2022, la guerre en Ukraine a perturbé les chaînes d’approvisionnement en matériaux de construction entraînant des retards et des pertes d’activité pour les entreprises. En parallèle, l'augmentation des prix des matières premières et de l’énergie alourdit les coûts de production. Enfin, la remontée des taux directeurs décidée pour juguler l’inflation freine la demande en logements et locaux, et réduit les investissements.
Cette conjoncture défavorable s’inscrit dans le contexte d’un secteur en proportion légèrement moins employeur à l’échelon régional : au 2e trimestre 2024, la construction représente en effet 5,7 % de l’emploi salarié dans le Grand Est, contre 5,9 % en France de province. Pour approcher les besoins potentiels en termes de construction ou de rénovation des logements, on peut rapporter le nombre d’emplois dans la construction à la population résidente. Pour cet indicateur, le Grand Est se place également sous la moyenne nationale : 20,6 emplois pour 1 000 habitants, contre 22,1 pour 1 000 en France de province.
tableauFigure 1 – Évolution de l'emploi salarié en fin de trimestres dans le secteur de la construction de 2003 à 2024
Période | France de province | Grand Est |
---|---|---|
2003-T4 | 100,0 | 100,0 |
2004-T1 | 100,8 | 100,0 |
2004-T2 | 101,4 | 100,0 |
2004-T3 | 101,7 | 99,8 |
2004-T4 | 102,4 | 100,0 |
2005-T1 | 103,0 | 100,0 |
2005-T2 | 104,0 | 100,7 |
2005-T3 | 105,1 | 101,4 |
2005-T4 | 106,4 | 102,1 |
2006-T1 | 107,7 | 102,5 |
2006-T2 | 109,0 | 103,9 |
2006-T3 | 110,2 | 104,9 |
2006-T4 | 111,5 | 105,9 |
2007-T1 | 112,7 | 106,6 |
2007-T2 | 113,6 | 107,1 |
2007-T3 | 114,9 | 107,8 |
2007-T4 | 116,0 | 108,7 |
2008-T1 | 116,7 | 109,8 |
2008-T2 | 117,1 | 110,2 |
2008-T3 | 117,3 | 110,3 |
2008-T4 | 116,7 | 109,3 |
2009-T1 | 115,5 | 107,7 |
2009-T2 | 114,7 | 106,8 |
2009-T3 | 113,7 | 105,7 |
2009-T4 | 113,1 | 105,0 |
2010-T1 | 112,4 | 104,7 |
2010-T2 | 112,1 | 104,2 |
2010-T3 | 111,9 | 103,7 |
2010-T4 | 111,7 | 103,8 |
2011-T1 | 111,6 | 103,7 |
2011-T2 | 111,3 | 103,1 |
2011-T3 | 110,9 | 102,5 |
2011-T4 | 110,7 | 102,1 |
2012-T1 | 110,5 | 102,5 |
2012-T2 | 109,9 | 102,1 |
2012-T3 | 109,4 | 101,6 |
2012-T4 | 108,6 | 100,6 |
2013-T1 | 107,7 | 99,6 |
2013-T2 | 107,1 | 99,1 |
2013-T3 | 106,8 | 99,2 |
2013-T4 | 106,0 | 98,5 |
2014-T1 | 105,4 | 97,6 |
2014-T2 | 104,4 | 96,6 |
2014-T3 | 103,3 | 95,0 |
2014-T4 | 102,1 | 94,0 |
2015-T1 | 101,0 | 93,0 |
2015-T2 | 100,1 | 91,9 |
2015-T3 | 99,5 | 91,3 |
2015-T4 | 99,2 | 90,9 |
2016-T1 | 99,0 | 90,7 |
2016-T2 | 98,9 | 90,4 |
2016-T3 | 98,8 | 90,1 |
2016-T4 | 98,5 | 89,5 |
2017-T1 | 99,0 | 90,2 |
2017-T2 | 99,5 | 90,5 |
2017-T3 | 99,7 | 90,7 |
2017-T4 | 99,9 | 90,7 |
2018-T1 | 100,3 | 90,8 |
2018-T2 | 100,6 | 91,1 |
2018-T3 | 101,4 | 91,4 |
2018-T4 | 101,8 | 91,6 |
2019-T1 | 102,8 | 92,6 |
2019-T2 | 103,5 | 93,3 |
2019-T3 | 104,2 | 94,0 |
2019-T4 | 104,9 | 94,7 |
2020-T1 | 104,7 | 94,7 |
2020-T2 | 105,7 | 95,0 |
2020-T3 | 107,2 | 96,4 |
2020-T4 | 108,4 | 97,2 |
2021-T1 | 109,9 | 98,3 |
2021-T2 | 110,7 | 98,9 |
2021-T3 | 111,6 | 99,4 |
2021-T4 | 112,1 | 99,8 |
2022-T1 | 112,3 | 99,8 |
2022-T2 | 112,4 | 99,6 |
2022-T3 | 112,4 | 99,4 |
2022-T4 | 112,5 | 99,2 |
2023-T1 | 112,2 | 98,7 |
2023-T2 | 111,9 | 98,2 |
2023-T3 | 111,6 | 97,9 |
2023-T4 | 111,2 | 97,5 |
2024-T1 | 110,5 | 96,9 |
2024-T2 | 109,8 | 96,2 |
- Notes : Données provisoires pour le dernier trimestre et révisées pour les trimestres précédents ; données CVS, en fin de trimestre.
- Lecture : Entre le 4e trimestre 2003 et le 2e trimestre 2024, l’emploi salarié du secteur de la construction du Grand Est a baissé de 3,8 points. Sur la même période, il a augmenté de 9,8 points en France de province.
- Champ : Emploi salarié dans le secteur de la construction hors intérim.
- Sources : Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Urssaf, Dares, Insee.
graphiqueFigure 1 – Évolution de l'emploi salarié en fin de trimestres dans le secteur de la construction de 2003 à 2024

- Notes : Données provisoires pour le dernier trimestre et révisées pour les trimestres précédents ; données CVS, en fin de trimestre.
- Lecture : Entre le 4ᵉ trimestre 2003 et le 2ᵉ trimestre 2024, l’emploi salarié du secteur de la construction du Grand Est a baissé de 3,8 points. Sur la même période, il a augmenté de 9,8 points en France de province.
- Champ : Emploi salarié dans le secteur de la construction hors intérim.
- Sources : Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Urssaf, Dares, Insee.
La baisse récente de l’emploi salarié dans la construction succède à cinq années de hausse
La baisse récente de l’emploi salarié dans la construction met fin à une période de croissance amorcée cinq ans auparavant. Au cours des deux dernières décennies, l’emploi salarié dans la construction a connu trois cycles, ponctués par deux retournements de tendance, fin 2008 avec la crise financière, et fin 2016 avec une reprise ininterrompue jusqu’en 2022. Ainsi, la croissance rapide d’avant-crise (+12 000 emplois de 2005 à 2008) a été suivie par un fort repli à partir de fin 2008 (‑25 000 emplois dans le Grand Est en huit ans) que la reprise amorcée à partir de 2017 n’a pas compensé (+12 000 emplois jusqu’au retournement récent).
Les cycles d’évolution sont très similaires dans la région et au plan national. Cependant, si les tendances sont proches, les évolutions régionale et nationale diffèrent par leur ampleur : les baisses dans le Grand Est sont plus marquées qu’en France de province et les hausses sont moins intenses. Ainsi, les conséquences de la crise de 2008 sont plus profondes dans la région, avec une diminution de l’emploi de 2,5 % par an contre 2,1 % à l’échelle de la province. Le rythme annuel de la reprise à partir de 2017 est également moins soutenu (+2,1 % contre +2,5 %) à l’instar de la hausse avant la crise de 2008 (+2,1 % contre +3,4 %).
Sur l’ensemble de la période, le secteur de la construction a perdu des salariés dans la région : de 2004 à 2024, l’emploi salarié diminue de 3,8 % dans le Grand Est, tandis qu’il augmente de près de 10 % en France de province. Les évolutions démographiques divergentes expliquent en partie cette différence. En vingt ans, la population du Grand Est ne progresse que de 2 %, contre plus de 9 % en moyenne dans l’ensemble des régions de province. La démographie moins dynamique de la région ne suffit cependant pas à expliquer la totalité de cet écart. Le nombre d’emplois dans la construction rapporté à la population diminue en effet de 5,7 % dans le Grand Est, tandis qu’il s’accroît de 0,5 % en France de province.
Les non-salariés plus nombreux en 2022 qu’il y a vingt ans
Au sein de la construction, l’emploi salarié est moins prépondérant qu’il y a vingt ans, passant de 82 % à 76 % de l’emploi total du secteur. Les emplois non salariés et intérimaires représentent plus de 36 000 emplois dans le Grand Est fin 2022 : 26 000 travailleurs non salariés et 10 000 intérimaires, soit respectivement 17 % et 7 % des emplois du secteur. En comparaison, ces proportions étaient de 11 % pour les non-salariés et de 7 % pour l’intérim en 2004.
La forte augmentation du nombre et de la part des non-salariés est en grande partie liée à la création du statut d’auto-entrepreneur en 2008, renommé micro-entrepreneur depuis. Ce dispositif a fortement dynamisé l’emploi non salarié sur l’ensemble de la période, avec une hausse de 67 % en vingt ans dans la construction (figure 2). Cette hausse porte la croissance de l’emploi du secteur, avec un gain de 10 000 non-salariés sur les deux décennies, supérieure à la hausse totale de 9 000 emplois. Autre conséquence, l’emploi non salarié a été moins sensible à la crise financière : contrairement aux autres formes d’emploi, il est resté orienté à la hausse après 2008, ne subissant une baisse qu’entre 2014 et 2018.
Le niveau actuel de l’emploi intérimaire est voisin de celui de 2004. Il se caractérise par une plus grande volatilité, ainsi qu’une sensibilité plus importante à la conjoncture économique nationale ou internationale. Lorsqu’il y a retournement de tendance, l’emploi s’ajuste d’abord via l’intérim. Celui-ci diminue dès que l’activité se réduit et augmente dès qu’elle redémarre.
tableauFigure 2 – Évolution de l’emploi salarié, non salarié et intérimaire dans le secteur de la construction de fin 2003 à fin 2022
Fin d’année | Emploi salarié | Emploi non salarié | Emploi intérimaire |
---|---|---|---|
2003 | 100,0 | 100,0 | 100,0 |
2004 | 100,0 | 102,3 | 109,8 |
2005 | 102,1 | 108,7 | 113,8 |
2006 | 105,9 | 116,0 | 127,3 |
2007 | 108,7 | 122,7 | 116,0 |
2008 | 109,2 | 124,9 | 91,2 |
2009 | 104,8 | 125,5 | 90,9 |
2010 | 103,4 | 135,4 | 103,3 |
2011 | 101,7 | 138,9 | 112,5 |
2012 | 100,2 | 146,5 | 90,3 |
2013 | 98,0 | 150,5 | 99,1 |
2014 | 93,6 | 148,4 | 86,8 |
2015 | 90,4 | 144,8 | 90,4 |
2016 | 89,0 | 140,7 | 91,8 |
2017 | 90,1 | 138,7 | 120,3 |
2018 | 90,8 | 141,5 | 114,4 |
2019 | 93,9 | 147,4 | 116,9 |
2020 | 96,4 | 153,5 | 106,5 |
2021 | 99,0 | 162,3 | 104,1 |
2022 | 98,5 | 166,6 | 98,5 |
- Notes : L'indice retenu pour l'intérim correspond aux moyennes des données du mois de janvier de l'année considérée et du mois de décembre de l’année précédente. Pour les indices des salariés et non-salariés, il s'agit des données annuelles de fin de l'année précédente.
- Lecture : Entre fin 2003 et fin 2022, l’emploi salarié du secteur de la construction dans le Grand Est a baissé de 1,5 %. Sur la même période, l’emploi non salarié a augmenté de 66,6 % et l’emploi intérimaire a diminué de 1,5 %.
- Source : Insee, estimations d'emploi.
graphiqueFigure 2 – Évolution de l’emploi salarié, non salarié et intérimaire dans le secteur de la construction de fin 2003 à fin 2022

- Notes : L'indice retenu pour l'intérim correspond aux moyennes des données du mois de janvier de l'année considérée et du mois de décembre de l’année précédente. Pour les indices des salariés et non-salariés, il s'agit des données annuelles de fin de l'année précédente.
- Lecture : Entre fin 2003 et fin 2022, l’emploi salarié du secteur de la construction dans le Grand Est a baissé de 1,5 %. Sur la même période, l’emploi non salarié a augmenté de 66,6 % et l’emploi intérimaire a diminué de 1,5 %.
- Source : Insee, estimations d'emploi.
L’emploi salarié sensible aux dynamiques démographiques et économiques départementales
Dans les départements, l’évolution de l’emploi salarié du secteur de la construction suit globalement la tendance régionale au cours des deux dernières décennies. Les dynamiques locales, qu’elles soient démographiques ou économiques, modèrent ou amplifient les hausses et les baisses. En outre, les retournements de tendance peuvent être retardés ou avancés.
Entre 2004 et 2022, l’emploi salarié dans la construction est en hausse dans les départements alsaciens, en croissance démographique, ainsi que dans la Marne. En Meurthe-et-Moselle, dans l’Aube et en Moselle, le repli est contenu (moins de 10 %). Dans les trois départements où la population baisse le plus (Haute-Marne, Meuse et Ardennes), l’emploi décroît nettement en deux décennies (de respectivement 20 %, 19 % et 13 %). Dans les Vosges, également en forte déprise démographique, l’emploi résiste dans le secteur de la construction (‑3 %) : il semble bénéficier de l’activité induite par un secteur touristique dynamique.
Depuis fin 2022, l’emploi salarié de la construction diminue dans tous les départements du Grand Est. Les baisses sont particulièrement importantes en Haute-Marne et en Moselle (‑9 % et ‑6 %) tandis que la contraction est plus mesurée dans la Marne et la Meuse (‑1 % et ‑2 %).
Sources
Dans cette étude, on analyse l’évolution de l’emploi dans le secteur de la construction (A5-FZ de la nomenclature d’activité française) qui comprend trois divisions : construction de bâtiments, génie civil et les travaux de construction spécialisés. L’emploi salarié et l’emploi non salarié sont déterminés au travers des estimations trimestrielle et annuelle d’emploi de l’Insee. Pour l’emploi intérimaire du secteur, sont mobilisées les données mensuelles de l’emploi intérimaire fournies par la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités. On utilise enfin les estimations de population de l’Insee afin de rapprocher le niveau d’emploi du secteur à la population résidente, dont les besoins constituent une part importante de l’activité (construction de bâtiment, rénovation…).
Définitions
Les salariés sont les personnes qui travaillent, aux termes d’un contrat, pour une autre entité résidente en échange d’un salaire ou d’une rétribution équivalente, avec un lien de subordination.
Les non‑salariés sont les personnes qui travaillent mais sont rémunérées sous une autre forme qu’un salaire. Sont concernés les micro‑entrepreneurs d’une part et les non‑salariés « classiques » de l’autre ; ces derniers sont pour l’essentiel des entrepreneurs individuels « classiques » ou des gérants majoritaires de sociétés à responsabilité limitée (SARL ou SELARL).
L' intérim (ou travail intérimaire ou travail temporaire) consiste à mettre à disposition provisoire d’entreprises clientes, des salariés qui, en fonction d'une rémunération convenue, sont embauchés et rémunérés à cet effet par l'entreprise de travail temporaire.
L'intérim se caractérise donc par une relation triangulaire entre l’entreprise de travail temporaire, l’entreprise cliente et le salarié, et implique la conclusion de deux contrats : un contrat de mise à disposition (entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise cliente) et un contrat de mission (entre l’entreprise de travail temporaire et le salarié).
Le contrat ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, dénommée mission, et seulement dans les cas énumérés par la loi. Quel que soit le motif pour lequel il est conclu, un tel contrat ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
Pour en savoir plus
(1) Retrouvez davantage de données associées à cette publication en téléchargement.
(2) Tableau de bord de la conjoncture : Grand Est, Insee, novembre 2024.
(3) Clément L. et al., « Un chômage quasi stable depuis l’été 2023 » - Note de conjoncture régionale - 2ᵉ trimestre 2024, Insee Conjoncture Grand Est no 44, septembre 2024.
(5) Point de conjoncture du 9 septembre 2024, Insee, septembre 2024.
(6) Marry S., « Emploi salarié - Stabilité malgré un repli dans la construction et l’industrie », in Bilan économique 2023 Grand Est - Une année 2023 de consolidation économique malgré des replis sectoriels, Insee conjoncture Grand Est no 42, juin 2024.