Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Novembre 2024 · n° 182

Près de quatre emplois sur dix sont compatibles avec le télétravail

Le télétravail s’est imposé comme un nouveau mode de travail à partir de la crise sanitaire de 2020. Il est rendu possible par le recours aux technologies de l’information et de la communication. Son développement génère de nouveaux enjeux en termes d’organisation du travail, ainsi que de potentiels effets sur les déplacements domicile‑travail et les marchés immobiliers.

Si certains métiers paraissent naturellement télétravaillables, une majorité ne l’est pas. Cette étude vise à estimer le nombre d’emplois susceptibles d’être télétravaillés dans la région et à les caractériser.

En 2021, sur les 3 330 000 emplois localisés en Auvergne‑Rhône‑Alpes, 1 280 000 d’entre eux sont considérés comme compatibles, totalement ou en partie, avec le télétravail (pour comprendre), soit 38 % des emplois, contre 39 % pour la France métropolitaine. Le télétravail effectif, qui dépend des choix de l’employeur et de l’employé, non mesuré ici, ne peut donc excéder cette proportion. Auvergne‑Rhône‑Alpes arrive en troisième position des régions métropolitaines où la part des emplois télétravaillables est la plus importante, derrière l’Île‑de‑France (51 %) et Provence‑Alpes‑Côte d’Azur (39 %). À l’opposé, la Normandie et Bourgogne‑Franche‑Comté ont chacune 33 % d’emplois télétravaillables.

Au sein des départements de France métropolitaine, le Rhône se positionne au troisième rang avec les Yvelines (47 %), derrière les Hauts‑de‑Seine (63 %) et Paris (56 %). À l’inverse, dans la région, la part des emplois télétravaillables est la plus faible dans le Cantal et la Haute‑Loire (respectivement 28 % et 29 %), la Creuse étant le département français qui en offre le moins (27 %).

Le secteur tertiaire concentre le plus grand nombre d’emplois compatibles avec le télétravail (44 % d’entre eux) (figure 1), en raison de la nature des travaux effectués et du mode d’organisation qui reposent sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, bien davantage que dans les autres secteurs. De plus, trois actifs sur quatre travaillent dans ces activités. Ainsi, par la conjugaison de ces deux facteurs, 86 emplois télétravaillables sur 100 appartiennent au tertiaire.

Cependant, des disparités existent au sein de ce secteur. Les emplois du tertiaire non marchand sont globalement les plus télétravaillables, à hauteur de 45 %. C’est particulièrement le cas dans l’administration publique (48 %). En revanche, le secteur de l’action sociale et médico‑sociale offre moins de possibilités d’exercer hors de son lieu de travail (34 %). La part est encore moins importante pour les activités de la santé humaine (22 %). Pour ces dernières, les emplois télétravaillables concernent principalement des travaux administratifs ou de secrétariat, puisque les activités de soins nécessitent la plupart du temps une proximité avec la patientèle.

Dans le tertiaire marchand, qui regroupe le commerce, le transport et les services, 43 % des emplois sont télétravaillables en Auvergne‑Rhône‑Alpes. Les emplois des activités informatiques et des services d’information sont compatibles pour 85 % d’entre eux, suivis de ceux des activités juridiques et comptables (75 %), des activités immobilières (63 %) et des activités financières et d’assurance (61 %). À l’inverse, les emplois du secteur de l’hébergement et de la restauration sont logiquement très peu conciliables avec le télétravail (10 %), à l’exception des emplois d’un petit nombre de techniciens commerciaux ou de représentants.

Les emplois des secteurs de l’industrie, de la construction ou de l’agriculture sont quant à eux, par leur nature, nettement moins compatibles avec le télétravail (respectivement 26 %, 17 % et 8 %).

Si la possibilité d’occuper un emploi télétravaillable dépend fortement du secteur d’activité, elle dépend également du niveau de qualification du poste de travail. Ainsi, deux emplois télétravaillables sur trois concernent des professions intermédiaires ou des cadres, à parts égales ; ils n’impliquent en revanche qu’un quart des employés. La part d’emplois télétravaillables occupés par des artisans, des commerçants, des chefs d’entreprise, des ouvriers ou des agriculteurs est minime (figure 2). Pour ces deux dernières catégories, les emplois font très peu appel aux technologies de l’information et de la communication, et seulement 2 % et 3 % des emplois sont compatibles avec le télétravail.

Les emplois qualifiés de « cadres et professions intellectuelles supérieures » sont les plus télétravaillables, dans 72 % des cas. En Auvergne‑Rhône‑Alpes, les parts télétravaillables de ces professions sont proches de celles observées en France métropolitaine.

Au sein d’une même catégorie socioprofessionnelle, la part d’emplois télétravaillables est variable selon la nature des travaux, souvent fonction du secteur d’activité dans lequel elle s’exerce.

Ainsi, parmi les cadres, les emplois dans les domaines des activités financières et d’assurance, ou dans celui de l’informatique et services d’information sont très largement télétravaillables (respectivement à hauteur de 93 % et 91 %). En revanche, dans les activités de santé humaine, les emplois de cadres sont largement moins compatibles (37 %).

Les emplois des professions intermédiaires sont compatibles à 48 % avec le télétravail. Là encore, il existe de fortes disparités en fonction du domaine d’activité. Ainsi, pour cette catégorie, la part d’emplois télétravaillables peut atteindre 60 % dans le commerce, et 27 % seulement pour les emplois de l’action sociale. En moyenne, les employés peuvent nettement moins exercer leur activité en télétravail (36 %). Une grande partie de ces emplois est concentrée dans l’administration publique (51 %) et très peu dans l’hébergement et la restauration (8 %).

Parmi les artisans, les commerçants et les chefs d’entreprise, leurs emplois sont télétravaillables pour 33 % d’entre eux. Pour cette catégorie très hétérogène, la part des emplois pouvant être exercés en télétravail varie fortement en fonction de l’activité, passant de 64 % dans le commerce à seulement 4 % dans la construction.

Enfin, pour les ouvriers et les agriculteurs, les travaux ne se prêtant pas à un travail à distance, la possibilité de télétravailler est quasi‑inexistante, quel que soit le secteur d’activité.

Les femmes, dont les emplois sont souvent de nature différente de ceux des hommes, occupent des postes potentiellement télétravaillables dans 46 % des cas, contre 32 % pour les hommes. Cette répartition est similaire à celle observée en France métropolitaine.

La structure des emplois occupés par les femmes explique cet état de fait. Elles exercent plus souvent comme profession intermédiaire (54 % de femmes) ou comme employées (77 % de femmes), ces deux catégories regroupant une bonne partie d’emplois télétravaillables (respectivement à 48 % et 36 %). De la même façon, au regard de l’activité exercée, les emplois de l’administration publique, féminins à 59 %, sont fortement télétravaillables (48 % des emplois).

À l’inverse, les hommes sont fortement présents parmi les ouvriers (79 % des emplois sont masculins), une profession qui n’est quasiment pas télétravaillable. Ou encore, vu sous l’angle de l’activité exercée, le secteur de la construction, dont la part d’emplois masculins est très importante (88 %), est également peu compatible (17 %).

Enfin, quelle que soit la profession, les emplois occupés par des femmes ont toujours une part compatible avec le télétravail plus élevée que celle des emplois occupés par des hommes, à l’exception des agriculteurs exploitants pour lesquels les parts sont proches (figure 3).

Les emplois qui requièrent les plus hauts niveaux de diplôme sont, en général, les plus compatibles avec le télétravail. Ceux des actifs ayant un diplôme de niveau bac+3 ou plus sont trois fois plus souvent télétravaillables que ceux des titulaires d'un diplôme de niveau inférieur au bac (respectivement 60 % contre 19 %). Les diplômés de niveau bac à bac+2 se trouvent dans une position intermédiaire avec 38 % des emplois occupés compatibles.

En conséquence, les départements à la population la plus diplômée sont ceux proposant le plus d’emplois télétravaillables. C’est particulièrement le cas du Rhône, qui compte 39 % de diplômés d’un bac+3 ou plus, pourcentage le plus élevé de la région. À l’inverse, le Cantal, où la part de diplômés d’un bac+3 ou plus est la plus faible de la région (18 %), occupe également la dernière position pour la part d’emplois télétravaillables, comme pour la part des cadres dans l’emploi (9 %).

La possibilité d’exercer un emploi télétravaillable progresse aussi avec l’âge, en fonction du déroulement des parcours professionnels. Ainsi, les emplois occupés par des actifs âgés de moins de 30 ans sont les moins compatibles, 31 % contre 40 % pour ceux des 30 ans et plus. Les cadres, dont les emplois sont fortement télétravaillables, sont en effet moins représentés dans la tranche d’âge des moins de 30 ans (12 % contre 20 % pour les 30 ans ou plus) ; en parallèle, les ouvriers, aux emplois moins télétravaillables, entrent plus tôt dans la vie active (figure 4).

La part des emplois télétravaillables dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) varie fortement selon la structure sectorielle des emplois du territoire. Avec 49 % d’emplois pouvant s’exercer hors de l’entreprise, la Métropole de Lyon détient la part la plus élevée des EPCI de la région, devant la métropole de Grenoble (45 %) et celle de Clermont‑Ferrand (41 %), alors que Le Pays d’Urfé dans la Loire n’en compte que 18 % (figure 5).

Les intercommunalités urbaines comptent généralement une forte part de cadres et de professions intellectuelles supérieures, qui explique les parts d’emplois télétravaillables plus élevées. Ces deux catégories concernent en effet 29 % des emplois dans les métropoles de Lyon et de Grenoble contre seulement 4 % dans l’intercommunalité rurale du Pays d’Urfé. C’est également dans ces territoires urbains que l’on trouve les parts de diplômés les plus élevées (jusqu’à 43 % de diplômés de niveau bac+3 ou plus dans la Métropole de Lyon).

Les emplois de Saint‑Étienne Métropole sont un peu moins compatibles avec le télétravail (36 % d’entre eux) pour des raisons inverses : ils ont un profil plus industriel (16 % des emplois dans ce secteur contre 11 % pour l’ensemble des trois autres métropoles de la région) et se concentrent moins dans le tertiaire marchand (respectivement 44 % contre 53 %) : ils ont donc une structure moins favorable au télétravail.

De manière générale, plus la densité de population d’une zone est élevée, plus les emplois qui y sont localisés sont compatibles avec le télétravail. Ainsi, la part d’emplois conciliables avec le télétravail s’échelonne de 20 % dans les zones rurales à habitat très dispersé, où les emplois agricoles sont plus répandus, à 46 % dans les grands centres urbains, du fait de la concentration des fonctions métropolitaines présentes sur ces territoires. Ceci conduit à ce que près de la moitié des emplois télétravaillables de la région se trouve dans les grands centres urbains.