Insee Première ·
Décembre 2023 · n° 1976Le besoin en résidences principales, premier facteur de transformation des espaces
naturels, agricoles et forestiers pour l’habitat
Le développement de l’habitat représente environ deux tiers de la consommation d’espace naturel, agricole et forestier entre 2009 et 2019. Les besoins en résidences principales, conséquences de la hausse de la population et de la baisse de la taille moyenne des ménages, expliquent les deux tiers de cette consommation d’espace. La hausse du nombre de résidences secondaires, en particulier dans les zones touristiques, mais aussi, indirectement, celle des logements vacants, y contribuent aussi. La construction de maisons individuelles et d’immeubles plus bas augmente l’emprise au sol des logements, mais la baisse de la surface moyenne des logements en atténue l’effet dans certains départements.
La consommation d’espace liée à l’habitat entre 2009 et 2019 augmente particulièrement dans les départements d’outre-mer, en Corse et dans le quart sud-ouest de la France. La hausse est plus modérée en Île-de-France.
- L'habitat est la principale cause de consommation d'espace
- La consommation d’espace liée à l’habitat s’explique surtout par l’augmentation du nombre de résidences principales
- Le taux d’emprise au sol des logements augmente
- Déjà élevée avant 2009, la consommation d’espace ralentit dans les départements franciliens
- L’évolution démographique affecte la consommation d’espace dans une majorité de départements
- Davantage de maisons individuelles dans les départements fortement consommateurs d’espace pour l’habitat
L'habitat est la principale cause de consommation d'espace
Entre 2009 et 2021, environ 300 000 hectares (0,5 % du territoire national) d’espaces naturels, agricoles et forestiers ont été consommés en France hors Mayotte, augmentant l’espace urbanisé de 8,7 % (sources) : 67,5 % l’ont été pour développer l’habitat et 25,5 % l’activité économique. Dans 2 % des cas, les surfaces ont été consommées à la fois pour l’un et pour l’autre (destination mixte). Pour les 5 % restants, l’usage est inconnu. Cette mesure de la consommation d’espace s’appuie sur un changement d’usage de parcelles cadastrales (méthodes). La loi « Climat et résilience » prévoit de diminuer de moitié la consommation d’espace entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente.
De 2009 à 2011, autour de 20 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers ont été utilisés chaque année à des fins d’habitat. Cette consommation annuelle a ensuite diminué jusqu’en 2015, en particulier en Bourgogne-Franche-Comté, en Normandie et dans les Hauts-de-France. Depuis 2016, elle avoisine 15 000 hectares, correspondant à une fois et demie la superficie de la ville de Paris. La suite de la publication porte exclusivement sur la consommation d’espace liée à l’habitat.
La consommation d’espace liée à l’habitat s’explique surtout par l’augmentation du nombre de résidences principales
Entre 2009 et 2019, le parc des résidences principales a crû de 8,8 %. Cette évolution apparaît très nettement comme le principal déterminant de la surface totale consommée pour l’habitat : elle en explique 66,3 % (figure 1). Elle peut être décomposée en deux facteurs : l’un dû à la hausse de la population et l’autre à la baisse tendancielle du nombre moyen d’occupants par logement. Au cours de cette décennie, la population a augmenté de 4,2 %. Ce développement démographique implique la construction de logements supplémentaires, et explique 32,9 % de la consommation d’espace. Dans le même temps, la diminution de la taille moyenne des ménages a également un impact fort sur la consommation d’espace en augmentant le nombre de résidences principales nécessaires pour loger un nombre identique de personnes. La baisse de la taille moyenne des ménages (2,19 personnes par ménage en 2019, contre 2,28 en 2009) explique 33,4 % de la surface consommée.
tableauFigure 1 – Contributions à la variation entre 2009 et 2019 de la surface au sol des logements
Facteur | Contribution | |
---|---|---|
Variation de la population au sein des ménages | 32,9 | |
Variation de la taille moyenne des ménages | 33,4 | |
Variation du nombre de logements vacants | 19,4 | |
Variation du nombre de résidences secondaires | 11,4 | |
Variation du taux d’emprise au sol des logements | 7,2 | |
Variation de la surface moyenne des logements | -4,2 |
- Lecture : Entre 2009 et 2019, l’augmentation du nombre de résidences secondaires contribue à hauteur de 11,4 % à la variation de la surface au sol des logements.
- Champ : France hors Mayotte.
- Source : Insee, recensements de la population 2009 et 2019, fichier démographique sur les logements et les individus 2019.
graphiqueFigure 1 – Contributions à la variation entre 2009 et 2019 de la surface au sol des logements
La consommation d’espace pour l’habitat est également liée indirectement à l’évolution du nombre de logements vacants. En effet, ces logements ont consommé de l’espace quand ils ont été construits mais, ne correspondant plus aux attentes de la population soit du fait de leur localisation, soit du fait de leurs caractéristiques telles que leur niveau de confort par exemple, ils ne trouvent pas preneurs auprès des ménages à la recherche d’un logement. Ces derniers doivent donc se tourner vers d’autres logements, ce qui in fine se traduit par des besoins de logements neufs et une consommation d’espace supplémentaire. Le nombre de logements vacants a augmenté de 31 % en dix ans. Cette hausse contribue à la surface consommée, à hauteur de 19,4 %, et à plus de 35 % en Centre-Val de Loire ainsi qu’en Bourgogne-Franche-Comté et dans l’ouest de la région Grand Est.
Le développement des résidences secondaires (+13 % entre 2009 et 2019), en particulier dans les zones touristiques, contribue aussi à diminuer la surface des espaces naturels, agricoles et forestiers. Néanmoins, cette influence est moindre (11,4 % de la consommation d’espace liée à l’habitat) que celle de la progression du nombre de logements vacants.
Le taux d’emprise au sol des logements augmente
Au-delà de l’évolution du nombre de logements, la consommation d’espace peut aussi être liée aux évolutions de certaines caractéristiques des logements ou de leur bâti.
Privilégier la construction de maisons individuelles plutôt que d’appartements offre la possibilité aux ménages de disposer d’un logement plus spacieux et d’une surface extérieure plus grande. D’autre part, le nombre d’étages des immeubles a tendance à diminuer. Cela a pour conséquence d’accroître le taux d’emprise au sol des logements dans 87 départements. En France hors Mayotte, cette hausse du taux d’emprise au sol en dix ans contribue ainsi à la consommation d’espace, à hauteur de 7,2 %.
À l’inverse, la surface moyenne des logements diminue dans la moitié des départements : les logements récents y sont de taille moindre que les logements plus anciens. Cela a pour effet, contrairement aux autres facteurs, de réduire la surface consommée dans ces départements. Entre 2009 et 2019, la contribution de la réduction de la surface moyenne des logements atteint -4,2 % pour l’ensemble de la France hors Mayotte.
Déjà élevée avant 2009, la consommation d’espace ralentit dans les départements franciliens
Le taux d’évolution de la consommation d’espace liée à l’habitat entre 2009 et 2019 s’établit à 7,6 % au niveau national, mais est très variable selon les départements. Il est particulièrement élevé dans les départements d’outre-mer et en Corse, où il est supérieur à 14 % (figure 2). Cependant, ces départements partaient de situations différentes : la part de la superficie consommée pour l’habitat avant 2009 était faible en Guyane et en Corse, mais déjà élevée aux Antilles et à La Réunion.
tableauFigure 2 – Évolution de la consommation d’espace liée à l’habitat entre 2009 et 2019, par département
Département | Libellé | Valeur |
---|---|---|
01 | Ain | 8,9 |
02 | Aisne | 3,4 |
03 | Allier | 8,8 |
04 | Alpes-de-Haute-Provence | 7,8 |
05 | Hautes-Alpes | 7,1 |
06 | Alpes-Maritimes | 3,5 |
07 | Ardèche | 10,2 |
08 | Ardennes | 6,9 |
09 | Ariège | 6,1 |
10 | Aube | 5,2 |
11 | Aude | 9,7 |
12 | Aveyron | 6,5 |
13 | Bouches-du-Rhône | 8,2 |
14 | Calvados | 12,6 |
15 | Cantal | 7,0 |
16 | Charente | 9,5 |
17 | Charente-Maritime | 7,3 |
18 | Cher | 6,0 |
19 | Corrèze | 11,2 |
21 | Côte-d'Or | 6,3 |
22 | Côtes-d'Armor | 8,2 |
23 | Creuse | 4,9 |
24 | Dordogne | 8,3 |
25 | Doubs | 9,3 |
26 | Drôme | 8,1 |
27 | Eure | 9,5 |
28 | Eure-et-Loir | 4,4 |
29 | Finistère | 7,1 |
2A | Corse-du-Sud | 16,2 |
2B | Haute-Corse | 14,5 |
30 | Gard | 8,4 |
31 | Haute-Garonne | 10,6 |
32 | Gers | 11,7 |
33 | Gironde | 8,5 |
34 | Hérault | 8,6 |
35 | Ille-et-Vilaine | 9,0 |
36 | Indre | 6,8 |
37 | Indre-et-Loire | 7,6 |
38 | Isère | 8,1 |
39 | Jura | 6,9 |
40 | Landes | 12,0 |
41 | Loir-et-Cher | 6,9 |
42 | Loire | 6,8 |
43 | Haute-Loire | 9,6 |
44 | Loire-Atlantique | 7,0 |
45 | Loiret | 7,4 |
46 | Lot | 6,6 |
47 | Lot-et-Garonne | 10,3 |
48 | Lozère | 6,2 |
49 | Maine-et-Loire | 7,9 |
50 | Manche | 9,4 |
51 | Marne | 5,6 |
52 | Haute-Marne | 3,2 |
53 | Mayenne | 11,9 |
54 | Meurthe-et-Moselle | 4,7 |
55 | Meuse | 3,5 |
56 | Morbihan | 7,5 |
57 | Moselle | 5,8 |
58 | Nièvre | 3,4 |
59 | Nord | 5,1 |
60 | Oise | 4,9 |
61 | Orne | 6,8 |
62 | Pas-de-Calais | 6,0 |
63 | Puy-de-Dôme | 8,1 |
64 | Pyrénées-Atlantiques | 10,7 |
65 | Hautes-Pyrénées | 7,2 |
66 | Pyrénées-Orientales | 9,8 |
67 | Bas-Rhin | 5,7 |
68 | Haut-Rhin | 5,3 |
69 | Rhône | 6,0 |
70 | Haute-Saône | 6,5 |
71 | Saône-et-Loire | 6,7 |
72 | Sarthe | 8,5 |
73 | Savoie | 9,9 |
74 | Haute-Savoie | 10,7 |
75 | Paris | 0,0 |
76 | Seine-Maritime | 11,2 |
77 | Seine-et-Marne | 4,5 |
78 | Yvelines | 3,7 |
79 | Deux-Sèvres | 6,7 |
80 | Somme | 5,0 |
81 | Tarn | 8,2 |
82 | Tarn-et-Garonne | 10,0 |
83 | Var | 6,5 |
84 | Vaucluse | 9,6 |
85 | Vendée | 8,3 |
86 | Vienne | 6,3 |
87 | Haute-Vienne | 7,7 |
88 | Vosges | 6,2 |
89 | Yonne | 4,4 |
90 | Territoire de Belfort | 9,5 |
91 | Essonne | 3,1 |
92 | Hauts-de-Seine | 0,2 |
93 | Seine-Saint-Denis | 0,4 |
94 | Val-de-Marne | 1,3 |
95 | Val-d'Oise | 2,6 |
971 | Guadeloupe | 18,8 |
972 | Martinique | 16,9 |
973 | Guyane | 35,1 |
974 | La Réunion | 14,0 |
- Lecture : Le rapport entre la surface consommée pour l’habitat entre le 1er janvier 2009 et le 1er janvier 2019 et l’ensemble de la superficie déjà consommée pour l’habitat avant le 1er janvier 2009 est de 7,0 % dans le Cantal.
- Champ : France hors Mayotte.
- Source : Cerema, fichiers fonciers de 2009 à 2019.
graphiqueFigure 2 – Évolution de la consommation d’espace liée à l’habitat entre 2009 et 2019, par département
Le niveau de consommation a également fortement augmenté (plus de 10 %) dans douze départements. La moitié se situe dans le quart sud-ouest de l’Hexagone (Landes, Gers, Pyrénées-Atlantiques, Haute‑Garonne, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne et Corrèze). Le Calvados, la Seine-Maritime, la Mayenne, la Haute-Savoie et l’Ardèche sont également dans ce cas. Avant 2009, les départements de l’Ardèche et de la Corrèze avaient un niveau de consommation encore limité (moins de 3 %), ce qui n‘était pas le cas des départements normands du Calvados et de la Seine-Maritime, ni de la Haute-Garonne, où plus de 5 % du territoire était déjà consommé pour l’habitat.
À l’inverse, le rythme de consommation d’espace est le plus faible dans douze départements (moins de 4 % sur la période). Parmi eux figurent les départements franciliens, à l’exception de la Seine-et-Marne, au sein desquels la part de la superficie consommée pour l’habitat était déjà très élevée avant 2009 (jusque 40 % pour les départements de la petite couronne). Le département des Alpes-Maritimes est dans une situation identique, alors que la Haute-Marne, la Nièvre, l’Aisne et la Meuse avaient un niveau de consommation limité avant 2009.
L’évolution démographique affecte la consommation d’espace dans une majorité de départements
Dans douze départements, la forte augmentation démographique explique plus de 60 % de la surface consommée (figure 3). Il s’agit de départements franciliens mais aussi de la Guyane et de départements abritant une grande métropole sur leur territoire : Loire-Atlantique, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Ille‑et‑Vilaine et Rhône. Toutefois, la plupart de ces départements ne figurent pas parmi ceux qui consomment le plus d’espace sur les dix dernières années : sans doute en lien avec l’augmentation des prix du foncier dans ces territoires, une forme de sobriété dans les constructions, notamment en Île-de-France, semble ainsi avoir permis de limiter l’effet de la démographie.
tableauFigure 3a – Contribution de l’évolution démographique sur la variation de la surface au sol des logements entre 2009 et 2019, par département
Département | Libellé | Contribution |
---|---|---|
01 | Ain | 59,9 |
02 | Aisne | -20,0 |
03 | Allier | -29,5 |
04 | Alpes-de-Haute-Provence | 16,0 |
05 | Hautes-Alpes | 19,4 |
06 | Alpes-Maritimes | 11,7 |
07 | Ardèche | 27,0 |
08 | Ardennes | -71,1 |
09 | Ariège | 7,7 |
10 | Aube | 18,6 |
11 | Aude | 26,0 |
12 | Aveyron | 5,7 |
13 | Bouches-du-Rhône | 32,3 |
14 | Calvados | 15,1 |
15 | Cantal | -25,4 |
16 | Charente | 0,2 |
17 | Charente-Maritime | 36,1 |
18 | Cher | -35,7 |
19 | Corrèze | -12,6 |
21 | Côte-d'Or | 18,7 |
22 | Côtes-d'Armor | 16,2 |
23 | Creuse | -82,5 |
24 | Dordogne | 3,5 |
25 | Doubs | 27,1 |
26 | Drôme | 40,6 |
27 | Eure | 23,4 |
28 | Eure-et-Loir | 19,2 |
29 | Finistère | 19,1 |
2A | Corse-du-Sud | 25,3 |
2B | Haute-Corse | 25,9 |
30 | Gard | 35,8 |
31 | Haute-Garonne | 69,8 |
32 | Gers | 17,0 |
33 | Gironde | 69,6 |
34 | Hérault | 64,5 |
35 | Ille-et-Vilaine | 63,6 |
36 | Indre | -101,7 |
37 | Indre-et-Loire | 31,3 |
38 | Isère | 40,0 |
39 | Jura | -7,4 |
40 | Landes | 43,9 |
41 | Loir-et-Cher | 3,7 |
42 | Loire | 22,4 |
43 | Haute-Loire | 18,8 |
44 | Loire-Atlantique | 72,0 |
45 | Loiret | 36,9 |
46 | Lot | 2,3 |
47 | Lot-et-Garonne | 5,8 |
48 | Lozère | -1,7 |
49 | Maine-et-Loire | 45,0 |
50 | Manche | -5,4 |
51 | Marne | 2,7 |
52 | Haute-Marne | -678,2 |
53 | Mayenne | 9,5 |
54 | Meurthe-et-Moselle | 6,4 |
55 | Meuse | -84,1 |
56 | Morbihan | 37,6 |
57 | Moselle | 1,6 |
58 | Nièvre | -276,3 |
59 | Nord | 15,3 |
60 | Oise | 38,1 |
61 | Orne | -69,8 |
62 | Pas-de-Calais | -1,7 |
63 | Puy-de-Dôme | 43,6 |
64 | Pyrénées-Atlantiques | 29,2 |
65 | Hautes-Pyrénées | 0,4 |
66 | Pyrénées-Orientales | 31,9 |
67 | Bas-Rhin | 34,7 |
68 | Haut-Rhin | 23,1 |
69 | Rhône | 60,8 |
70 | Haute-Saône | -15,8 |
71 | Saône-et-Loire | -8,2 |
72 | Sarthe | 11,7 |
73 | Savoie | 25,0 |
74 | Haute-Savoie | 49,7 |
75 | Paris | -73,0 |
76 | Seine-Maritime | 5,8 |
77 | Seine-et-Marne | 72,4 |
78 | Yvelines | 36,2 |
79 | Deux-Sèvres | 22,2 |
80 | Somme | 2,4 |
81 | Tarn | 29,0 |
82 | Tarn-et-Garonne | 51,6 |
83 | Var | 40,5 |
84 | Vaucluse | 26,8 |
85 | Vendée | 50,9 |
86 | Vienne | 24,1 |
87 | Haute-Vienne | -5,5 |
88 | Vosges | -50,5 |
89 | Yonne | -32,7 |
90 | Territoire de Belfort | -7,6 |
91 | Essonne | 66,8 |
92 | Hauts-de-Seine | 59,2 |
93 | Seine-Saint-Denis | 88,7 |
94 | Val-de-Marne | 80,1 |
95 | Val-d'Oise | 78,5 |
971 | Guadeloupe | -31,3 |
972 | Martinique | -78,5 |
973 | Guyane | 79,7 |
974 | La Réunion | 26,3 |
- Lecture : Entre 2009 et 2019, la variation de la population des ménages contribue positivement à l’évolution de la surface au sol des logements de l’Eure, à hauteur de 23,4 % du total.
- Champ : France hors Mayotte.
- Source : Insee, recensements de la population 2009 et 2019, fichier démographique sur les logements et les individus 2019.
graphiqueFigure 3a – Contribution de l’évolution démographique sur la variation de la surface au sol des logements entre 2009 et 2019, par département
À l’inverse, dans 25 départements, la baisse de population contribue à modérer la transformation d’espaces naturels, agricoles et forestiers en lieux d’habitat, en particulier dans treize départements en déprise démographique. C’est notamment le cas de la Haute-Marne, la Nièvre, l’Indre, la Meuse ou encore la Creuse. Dans le même temps, les habitants de ces départements sont souvent de plus en plus âgés : l'entrée en établissement médicalisé du conjoint ou son décès contribuent à diminuer plus fortement la taille moyenne des ménages, ce qui en fait l’un des principaux inducteurs de la consommation d’espace liée à l’habitat.
La taille des ménages est en diminution dans l’ensemble des départements de France hors Mayotte : ce facteur a donc toujours un effet positif sur la consommation d’espace. Les cinq départements où celui-ci est le plus faible (moins de 15 %) sont les deux départements corses, la Seine-Saint-Denis, les Hauts-de-Seine et la Haute-Savoie. La baisse de la taille des ménages a un poids, à l’opposé, particulièrement fort dans les départements en déprise démographique (Haute-Marne, Nièvre, Martinique).
La surface moyenne des logements diminue dans 49 départements, notamment aussi en raison des limites du foncier disponible et des niveaux du prix de l’immobilier. Dans quinze de ces départements, la baisse de la surface moyenne des logements contribue fortement à limiter l’espace consommé. Il s’agit notamment des départements franciliens (hormis Paris), des départements d’outre-mer, de plusieurs départements ayant une grande métropole (Haute-Garonne, Rhône, Gironde, Loire-Atlantique et Nord) ainsi que des Pyrénées-Atlantiques. En revanche dans 22 départements, où la pression foncière est souvent moins forte, la hausse de la surface moyenne des logements contribue à augmenter la surface consommée de plus de 5 %, voire de 10 % en Lozère et de 11 % en Savoie.
Souvent observée en zone littorale ou de montagne, la hausse du nombre de résidences secondaires dans les départements touristiques peut expliquer plus de 30 % de la consommation d’espace. C’est le cas dans les Alpes-Maritimes, les Hautes-Alpes, en Guadeloupe et en Martinique, ainsi que dans les deux départements corses.
Davantage de maisons individuelles dans les départements fortement consommateurs d’espace pour l’habitat
Le nombre de ménages a diminué en dix ans dans seulement cinq départements : la Creuse, la Haute‑Marne, l’Indre, la Nièvre et Paris. Sur l’ensemble des 95 autres départements, le taux d’évolution de la consommation d’espace pour l’habitat entre 2009 et 2019 est en moyenne de 7,7 %, et sur cette période la surface moyenne consommée par ménage supplémentaire est estimée à 715 m². Cette valeur prend en compte la totalité de la parcelle changeant d’affectation, y compris les voies d’accès et les parkings pour une résidence par exemple, mais aussi les espaces verts résiduels (méthodes). En 2009, elle s’élevait à 880 m².
Le taux d’évolution de la consommation d’espace pour l’habitat a été plus élevé que la moyenne dans 46 départements (figure 4). La surface consommée par ménage supplémentaire est restée inférieure à la moyenne dans un tiers d’entre eux. Ces départements se situent essentiellement dans le quart sud-est du pays (Bouches-du-Rhône, Hérault, Isère par exemple) et en outre-mer. Les deux autres tiers, qui ont consommé plus que la moyenne par ménage supplémentaire, se situent majoritairement dans l’ouest de la France (notamment Seine-Maritime, Calvados et Maine-et-Loire).
tableauFigure 4 – Profil des départements dont le nombre de ménages a augmenté entre 2009 et 2019 selon leur consommation d’espace pour l’habitat
Caractéristiques | Consommation d’espace pour l’habitat supérieure à 7,7 % | Consommation d’espace pour l’habitat (strictement) inférieure à 7,7 % | ||
---|---|---|---|---|
Surface consommée par ménage supplémentaire supérieure à 715 m² | Surface consommée par ménage supplémentaire strictement inférieure à 715 m² | Surface consommée par ménage supplémentaire supérieure à 715 m² | Surface consommée par ménage supplémentaire strictement inférieure à 715 m² | |
Nombre de départements | 31 | 15 | 32 | 17 |
Taille moyenne des ménages en 2019 | 2,134 | 2,196 | 2,145 | 2,291 |
Variation du nombre de logements entre 2009 et 2019, dont : | 747 180 | 1 038 793 | 627 410 | 1 094 433 |
résidences principales (en %) | 63 | 76 | 61 | 74 |
résidences secondaires (en %) | 12 | 11 | 7 | 11 |
logements vacants (en %) | 24 | 13 | 32 | 15 |
Part des ménages vivant dans une maison en 2019 (en %) | 71 | 54 | 71 | 44 |
Part des maisons parmi les logements supplémentaires entre 2009 et 2019 (en %) | 69 | 42 | 70 | 27 |
Part des ménages dont la personne de référence est retraitée en 2019 (en %) | 33 | 27 | 33 | 26 |
- Lecture : Dans 31 départements, la surface consommée par ménage supplémentaire est supérieure à 715 m² et la consommation d’espace augmente de plus de 7,7 % entre 2009 et 2019, ces seuils correspondant à la moyenne calculée sur les départements pour lesquels le nombre de ménages a crû sur la période. En moyenne, les ménages y sont composés de 2,134 personnes en 2019.
- Champ : France hors Mayotte.
- Sources : Cerema, fichiers fonciers de 2009 à 2019 ; Insee, recensements de la population 2009 et 2019, fichier démographique sur les logements et les individus 2019.
32 départements ont converti des espaces naturels, agricoles et forestiers en parcelles d’habitation à un rythme moins élevé (taux d’évolution inférieur à la moyenne), mais avec une superficie par ménage supplémentaire plus élevée que la moyenne. Ces départements, peu sobres malgré une dynamique favorable à la modération de la consommation d’espace, se situent majoritairement dans la moitié septentrionale de la France et dans le nord de l’Occitanie.
Enfin, pour les 17 autres départements, la consommation d’espace, modérée en évolution, l’est aussi au regard de la variation du nombre de ménages, traduisant une forme de densification de l’habitat et démontrant qu’une forte croissance démographique n’est pas toujours signe d’une consommation d’espace élevée. Il s’agit notamment de départements franciliens, alsaciens et de Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Les départements ayant fait montre de moins de sobriété (consommation d’espace par ménage supplémentaire élevée) partagent des caractéristiques communes. Les constructions de maisons individuelles ont ainsi été plus fréquentes : entre 2009 et 2019, 70 % des logements supplémentaires dans ces départements sont des maisons, et en 2019, sept ménages sur dix résident dans de telles habitations. Dans les autres départements, entre 2009 et 2019 la majorité des logements supplémentaires sont des appartements, et en 2019, environ la moitié des ménages occupent une maison.
Dans les départements où la surface consommée par ménage est supérieure à la moyenne, le poids des résidences principales est, par ailleurs, plus limité parmi les nouveaux logements (environ 60 % des logements supplémentaires construits entre 2009 et 2019) que dans les départements où la consommation d’espace est plus sobre (75 % des logements supplémentaires).
Enfin, en 2019, la taille moyenne des ménages est plus faible dans les départements ayant consommé davantage d’espace par ménage supplémentaire (autour de 2,14 personnes par ménage en moyenne, contre près de 2,24 dans les autres départements) et la part des ménages dont la personne de référence est retraitée y est plus élevée (un ménage sur trois, contre un sur quatre en moyenne).
Sources
Depuis 2009, le Cerema (établissement public sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires qui accompagne l’État et les collectivités territoriales pour l’élaboration, le déploiement et l’évaluation de politiques publiques d’aménagement et de transport) retraite, géolocalise et enrichit les fichiers fonciers de la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Cette source décrit de manière détaillée le foncier, les locaux ainsi que les différents droits de propriété qui leur sont liés. Ces informations sont utiles dans de nombreux domaines notamment la consommation d’espace et l’occupation du sol.
Les fichiers démographiques sur les logements et les individus (Fidéli) sont le regroupement des données d’origine fiscale (fichier de la taxe d’habitation, fichier des propriétés bâties, fichiers d'imposition des personnes et fichier des déclarations de revenus), des données complémentaires contextuelles visant à enrichir les informations fiscales avec des variables permettant de mieux décrire les adresses auxquelles les personnes habitent, et des informations sur les grands agrégats de revenus déclarés ainsi que sur les montants de prestations sociales reçues par les ménages.
Le recensement de la population permet de déterminer les populations légales de la France et de ses circonscriptions administratives. Il fournit également des statistiques sur les caractéristiques des habitants (sexe, âge, profession, nationalité, mode de transport, etc.) et de leurs résidences principales (type de logement, date d’achèvement, nombre de pièces, etc.).
Les données issues du recensement de la population et des fichiers démographiques sur les logements et les individus (Fidéli) permettent d’identifier les facteurs expliquant la consommation d’espace, sur les plans sociodémographiques, de 2009 à 2019.
Méthodes
La mesure de la consommation d’espace
La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 apporte une définition générale des processus d’artificialisation et de désartificialisation et précise que « la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers est entendue comme la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés sur le territoire concerné » (article 194). La loi prévoit une première étape de réduction de 50 % du rythme de consommation d’espace d’ici à 2031. La source officielle de mesure de l’artificialisation sera l’occupation du sol à grande échelle (OCS GE), qui devrait être disponible courant 2025 sur l’ensemble du territoire national. Dans l’attente, les flux de consommation d’espace sont calculés par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) à partir des Ouvrir dans un nouvel ongletfichiers fonciers selon une méthode de calcul détaillée sur le portail de l’artificialisation des sols.
Les flux de consommation correspondent au changement d’usage de parcelles cadastrales pouvant inclure des portions de sols non artificialisés. Par exemple, si une parcelle agricole est transformée en propriété sans subdivision fiscale, on considérera comme « consommée » l’intégralité de l’opération (maison, jardin, parking et nouvelle voirie). A contrario, en cas de subdivision fiscale d’une parcelle, seules les subdivisions dont l’usage déclaré correspond à de la consommation d’espace seront comptées. Ces règles de comptabilisation ont notamment pour conséquence une surface consommée liée à l’habitat qui peut paraître élevée, surtout quand on la rapporte au nombre de ménages supplémentaires. Ainsi, en moyenne, 2 m² de surface de plancher sont construits pour 10 m² consommés, d’après [Ouvrir dans un nouvel ongletBocquet, 2021]. Par ailleurs, cette source ne permet pas de mesurer une « déconsommation d’espace ».
Estimer la contribution des facteurs sociodémographiques à la consommation d’espace
La variation de la surface au sol totale des logements ou de leur bâtiment, dans le cas de l’habitat collectif, constitue une bonne estimation de l’évolution de la consommation d’espace liée à l’habitat. La décomposition de cette variation en plusieurs facteurs permet alors de mesurer les effets de différents inducteurs sur la consommation liée à l’habitat, à l’aide du recensement de la population et des fichiers démographiques sur les logements et les individus. La variation de six facteurs est étudiée : celle de la population au sein des ménages, de la taille moyenne des ménages, du nombre de logements vacants, du nombre de résidences secondaires, du taux d’emprise au sol et de la surface moyenne des logements.
Définitions
La consommation d’espace correspond au changement d’usage de parcelles cadastrales naturelles, agricoles et forestières pouvant toutefois conserver des portions de sols non artificialisés.
Un ménage désigne l'ensemble des occupants d'une même résidence principale sans que ces personnes soient nécessairement unies par des liens de parenté (en cas de colocation, par exemple). Un ménage peut être composé d'une seule personne.
Le taux d’emprise au sol des logements, sur un territoire donné, correspond au ratio entre la surface au sol des logements et leur surface totale. Il se distingue du coefficient d'emprise au sol qui permet de mesurer la densité de l'occupation du sol en urbanisme (en divisant la quantité de sol occupée par une construction par la superficie totale de sa parcelle). La surface au sol est calculée à partir des éléments connus sur la surface des habitations et le nombre d’étages. Seuls les immeubles dont au moins 75 % de leur surface totale est dédiée à l’habitat sont retenus.
Le taux d’évolution de la consommation d’espace entre 2009 et 2019 est défini comme le rapport entre la surface consommée pour l’habitat entre le 1er janvier 2009 et le 1er janvier 2019, et l’ensemble de la superficie déjà consommée pour l’habitat avant le 1er janvier 2009.
Pour en savoir plus
Arambourou H., Bouvart C., Tessé S., Rostand J., « Ouvrir dans un nouvel ongletL’artificialisation des sols : un phénomène difficile à maîtriser », La note d'analyse n° 128, France Stratégie, novembre 2023.
Arambourou H., Bouvart C., Tessé S., Gervais É., « Ouvrir dans un nouvel ongletObjectif ZAN : quelles stratégies régionales », France Stratégie, La note d'analyse n° 129, novembre 2023.
SDES, « Ouvrir dans un nouvel ongletLes déterminants de la vacance longue durée des logements détenus par les personnes physiques », décembre 2023.
Graciet V., Mouhali K., Beaudemoulin C., Prévot P., « Les facteurs de consommation d’espace pour l’habitat diffèrent selon les territoires de Nouvelle-Aquitaine », Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine n° 138, septembre 2023.
Brendler J., Rose V., « Une forte consommation d’espace pour l’habitat en Normandie, dans un contexte de faible croissance démographique », Insee Analyses Normandie n° 114, mai 2023.
Hervy C., Kurzmann J., Belkacem C., Le Bourhis G., « Une consommation d'espace élevée, liée à l’augmentation des ménages », Insee Analyses Pays de la Loire n° 112, février 2023.
Ballet B., « Ouvrir dans un nouvel ongletL’utilisation du territoire en 2020 », Agreste, juillet 2022.
Bocquet M., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes déterminants de la consommation d’espaces d’après les fichiers fonciers - Période 2009-2019 », Portail de l'artificialisation des sols, avril 2021.