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Insee Flash Provence-Alpes-Côte d'Azur · Mai 2024 · n° 103
Insee Flash Provence-Alpes-Côte d'AzurNuits tropicales, journées de forte chaleur : la population de plus en plus exposée

Raphaël Marais, Olivier Sanzeri (Insee)

Provence-Alpes-Côte d’Azur fait partie des régions de France métropolitaine aux étés les plus chauds. Dans les prochaines décennies, elle sera, en outre, la région où la température moyenne estivale augmentera le plus. Les territoires alpins seront particulièrement concernés par cette hausse.

La population de la région sera fortement exposée aux nuits tropicales, pendant lesquelles la température ne descend pas en dessous de 20 °C, notamment sur la bande littorale et dans la vallée du Rhône. Le nombre de journées où la température excédera 35 °C augmentera également, en particulier en Vaucluse et dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Les épisodes de fortes chaleurs affectent notamment les professionnels travaillant en extérieur et certaines activités économiques comme l’agriculture et le tourisme.

Insee Flash Provence-Alpes-Côte d'Azur
No 103
Paru le :Paru le21/05/2024
Infographie_nuits_tropicales_journée_de_forte_chaleur_la_population_de_plus_en_plus_exposee
Publication rédigée par :Raphaël Marais, Olivier Sanzeri (Insee)

Des températures estivales parmi les plus élevées

Provence-Alpes-Côte d’Azur se situe parmi les régions où la est la plus élevée. Entre 1976 et 2005, durant les mois de juin, juillet et août, la moyenne des températures maximale et minimale de chaque jour s’élevait à 18,7 °C dans la région contre 18,3 °C en France métropolitaine (figure 1). Cette température régionale moyenne masque toutefois de grandes différences entre les territoires de la région. Ainsi, sur la même période, la température moyenne varie de 13,3 °C dans les Hautes-Alpes à 22,7 °C dans les Bouches-du-Rhône.

Figure 1Température moyenne (en °C) pour les mois de juin, juillet et août sur les périodes 1976-2005 et 2021-2050

  • Note : les données de ces cartes ne sont pas disponibles.
  • Source : Météo-France, Drias 2020, scénario RCP 8.5.

Les températures estivales moyennes sont particulièrement élevées sur la bande littorale et dans la vallée du Rhône. Ces territoires, densément peuplés, abritent la très grande majorité de la population régionale. Ainsi, en prenant en compte la répartition des habitants dans la région, la par la population était de 22,4 °C entre 1976 et 2005.

Durant les prochaines décennies, le quart sud-est, et plus particulièrement Provence-Alpes-Côte d’Azur, subirait la hausse de température moyenne la plus importante de France métropolitaine, malgré des températures déjà élevées (figure 2). Au cours de la période 2021-2050, la température moyenne estivale dans la région serait supérieure de 1,8 °C par rapport à la période 1976-2005 (passant de 18,7 °C à 20,5 °C) contre +1,3 °C en moyenne en France métropolitaine (de 18,3 °C à 19,6 °C, sources). La hausse de température dans les autres régions du sud de la France serait de 1,6 °C en Corse, de 1,5 °C en Occitanie et en Auvergne-Rhône-Alpes et de 1,3 °C en Nouvelle-Aquitaine. Comme le reste de la France, Provence-Alpes-Côte d’Azur connaît déjà de fortes hausses de température par rapport à la fin du siècle dernier [Météo-France, 2023, pour en savoir plus (5)].

Figure 2Évolution des températures estivales moyennes (en °C) entre les périodes 1976-2005 et 2021-2050

  • Note : les données de ces cartes ne sont pas disponibles.
  • Source : Météo-France, Drias 2020, scénario RCP 8.5.

Avec une hausse de 1,9 °C, le réchauffement serait particulièrement prononcé dans les trois départements alpins. Les Bouches-du-Rhône connaîtraient l’augmentation régionale de température la moins élevée (+1,6 °C) bien qu’encore supérieure à la prévision pour la France métropolitaine.

La population de la région davantage exposée aux nuits tropicales

La prise en compte des températures nocturnes est essentielle dans une optique de santé publique, les baisses nocturnes de température permettant en effet de mieux supporter les fortes chaleurs du jour (encadré 1).

Sur la période 1976-2005, 35 % de la population régionale était en moyenne exposée à au moins 30 l’été, soit une nuit sur trois (figure 3). Cette population réside sur 6 % du territoire régional, principalement sur une partie de la bande littorale. L’exposition à ce seuil est nettement plus faible en France métropolitaine (5 % de la population et 2 % du territoire).

Figure 3Nombre annuel moyen de nuits tropicales, par été, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en France métropolitaine sur les périodes 1976-2005 et 2021-2050

  • Note : les données de ces cartes ne sont pas disponibles.
  • Source : Météo-France, Drias 2020, scénario RCP 8.5.

Le phénomène de nuits tropicales augmentera nettement sur la période 2021-2050 : 79 % de la population et 24 % du territoire seraient exposés à au moins 30 nuits tropicales durant l’été (contre 11 % de la population et 6 % du territoire en France métropolitaine). Les habitants du Var, des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône et, dans une moindre mesure, de Vaucluse seraient particulièrement concernés (figure 4). Les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes n’ont été que très peu affectées par ce phénomène sur la période 1976-2005. Les Hautes-Alpes resteraient relativement épargnées entre 2021 et 2050. En revanche, les nuits tropicales seraient plus fréquentes dans les Alpes-de-Haute-Provence. L’exposition croîtrait le plus dans le Var et en Vaucluse.

Figure 4aRépartition de la population selon la fréquence annuelle des nuits tropicales par département de Provence-Alpes-Côte d’Azur et en France métropolitaine

(en %)
Répartition de la population selon la fréquence annuelle des nuits tropicales par département de Provence-Alpes-Côte d’Azur et en France métropolitaine ((en %)) - Lecture : Entre 2021 et 2050, 94 % de la population du Var serait exposée à plus de 30 nuits tropicales par été.
Zone Moins de 8 nuits De 8 à moins de 18 nuits De 18 à moins de 30 nuits 30 nuits ou plus
Var 0 5 1 94
Alpes-Maritimes 2 1 3 94
Bouches-du-Rhône 0 5 14 81
Vaucluse 1 11 28 60
Alpes-de-Haute-Provence 36 27 37 0
Hautes-Alpes 100 0 0 0
Provence-Alpes-Côte d’Azur 4 5 11 79
France métropolitaine 54 28 7 11
  • Note : En raison des arrondis, la somme des pourcentages peut légèrement différer de 100.
  • Lecture : Entre 2021 et 2050, 94 % de la population du Var serait exposée à plus de 30 nuits tropicales par été.
  • Sources : Insee, Fidéli 2021 ; Météo-France, Drias 2020, scénario RCP 8.5.

Figure 4aRépartition de la population selon la fréquence annuelle des nuits tropicales par département de Provence-Alpes-Côte d’Azur et en France métropolitaine

  • Note : En raison des arrondis, la somme des pourcentages peut légèrement différer de 100.
  • Lecture : Entre 2021 et 2050, 94 % de la population du Var serait exposée à plus de 30 nuits tropicales par été.
  • Sources : Insee, Fidéli 2021 ; Météo-France, Drias 2020, scénario RCP 8.5.

La répétition des nuits tropicales augmente les risques sanitaires et fragilise davantage la santé des personnes les plus vulnérables, particulièrement les plus âgées et les plus jeunes, qui ont plus de difficultés à s’hydrater seules. Plus vulnérables aussi, les personnes en situation de pauvreté peuvent être plus affectées, en raison notamment de conditions d’habitat plus précaires. Malgré les aides proposées, ces personnes n’ont pas forcément la capacité financière pour engager des dépenses d’adaptation de leur logement lorsqu’elles vivent dans des zones fortement exposées.

Ces fragilités sont par ailleurs accrues dans les villes, plus particulièrement dans les îlots de chaleurs urbains.

Plus de journées de forte chaleur

Parallèlement à cette augmentation du nombre de nuits tropicales, les températures élevées en journée seront également plus fréquentes. Dans la région, trois personnes sur dix étaient déjà confrontées, entre 1976 et 2005, à plus de 70 journées en juin, juillet et août au cours desquelles la température maximale dépasse les 25 °C, journées appelées . Cette exposition augmentera très significativement : elle concernerait trois fois plus de monde soit neuf personnes sur dix durant la période 2021-2050 contre une sur dix en France métropolitaine. Les journées de forte chaleur, journées au cours desquelles la température maximale dépasse 35 °C, seront également beaucoup plus nombreuses notamment dans les départements de Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence (figure 5). Si les populations du littoral seront les plus concernées par les nuits tropicales, les populations résidant à l’intérieur des terres seront les plus exposées aux journées de forte chaleur. En Vaucluse par exemple, 39 % des habitants connaîtraient plus de 10 jours de forte chaleur par an entre 2021 et 2050.

Figure 5Répartition de la population selon la fréquence annuelle des journées à forte chaleur entre 2021 et 2050 par département de Provence-Alpes-Côte d’Azur et en France métropolitaine

(en %)
Répartition de la population selon la fréquence annuelle des journées à forte chaleur entre 2021 et 2050 par département de Provence-Alpes-Côte d’Azur et en France métropolitaine ((en %)) - Lecture : Entre 2021 et 2050, 39 % de la population de Vaucluse serait exposée à plus de 10 journées de forte chaleur par été.
Zone Moins de 2 jours De 2 à moins de 5 jours De 5 à moins de 10 jours 10 jours ou plus
Vaucluse 1 1 59 39
Alpes-de-Haute-Provence 22 14 44 20
Var 9 49 27 15
Bouches-du-Rhône 14 44 41 1
Alpes-Maritimes 70 30 0 0
Hautes-Alpes 90 9 1 0
Provence-Alpes-Côte d’Azur 26 35 30 9
France métropolitaine 58 36 6 0
  • Lecture : Entre 2021 et 2050, 39 % de la population de Vaucluse serait exposée à plus de 10 journées de forte chaleur par été.
  • Sources : Insee, Fidéli 2021 ; Météo-France, Drias 2020, scénario RCP 8.5.

Figure 5Répartition de la population selon la fréquence annuelle des journées à forte chaleur entre 2021 et 2050 par département de Provence-Alpes-Côte d’Azur et en France métropolitaine

  • Lecture : Entre 2021 et 2050, 39 % de la population de Vaucluse serait exposée à plus de 10 journées de forte chaleur par été.
  • Sources : Insee, Fidéli 2021 ; Météo-France, Drias 2020, scénario RCP 8.5.

Au-delà des résidents, les journées de forte chaleur affectent également les professionnels travaillant en extérieur, notamment ceux exerçant dans la construction et l’agriculture. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, ces deux secteurs emploient près d’un actif sur dix.

La multiplication des journées de forte chaleur et des nuits tropicales l’été affecterait également certaines activités économiques comme le tourisme. Les pratiques et cultures agricoles pourraient être amenées à évoluer profondément.

Des anomalies de chaleur de plus en plus fréquentes également en hiver

En hiver, au cours des prochaines décennies, la température minimale journalière moyenne augmenterait dans la région, passant de −0,4 °C en moyenne entre 1976 et 2005 à +0,9 °C entre 2021 et 2050. Aussi, le nombre de hivernaux diminuerait, passant de 46 jours à 37 jours en moyenne. En parallèle, le nombre de doublerait, et passerait à 14 jours contre 7 en moyenne entre 1976 et 2005.

La hausse des températures moyennes en hiver et la baisse consécutive du nombre de jours de gel pourraient avoir un effet sur les activités de montagne, y compris sur la production de neige de culture.

Encadré 1 - Le plan national de gestion des vagues de chaleur

Dans un contexte d’augmentation des températures, la France doit se préparer à faire face à des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et intenses. Le plan national de gestion des vagues de chaleur adopté en 2023 complète le dispositif canicule géré depuis 2004 par le ministère de la Santé, en l’élargissant aux effets non directement sanitaires : transports, énergie, agriculture, éducation, sports, etc. Il se décline en 27 actions détaillées et organisées autour de quatre axes : limiter les effets sur la vie quotidienne des Français, assurer la continuité des services publics essentiels, assurer la continuité de la vie économique, protéger les milieux et ressources naturels. Parmi les mesures adoptées, on trouve par exemple la démarche « plus fraîche ma ville ». Il s’agit d’un outil d’aide à la décision qui accompagne les collectivités locales dans le choix de solutions de rafraîchissement urbain pérennes et durables. Dans la région, plusieurs projets sont déjà mis en œuvre : la commune de Cuers teste des revêtements de sols alternatifs pour faire baisser la température au sol en été ; le Parc Bougainville est le premier élément d’un projet de renaturation d’un site industriel dégradé à Marseille. Plusieurs communes se sont lancées dans la rénovation et la désimperméabilisation des cours d’école.

Encadré 2 - Partenariat

Cette étude fait l’objet d’un partenariat avec la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et avec la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Publication rédigée par :Raphaël Marais, Olivier Sanzeri (Insee)
Publication rédigée par :Raphaël Marais, Olivier Sanzeri (Insee)

Sources

Les données climatiques utilisées dans cette étude sont issues du programme Drias 2020, mis à disposition par Météo-France. Cette approche compile douze simulations climatiques à l’échelle européenne réalisées par différents centres de recherches et sélectionnées pour leur représentativité des futurs climatiques possibles de la France. Cette analyse, s’appuyant sur plusieurs modèles de prévision, permet de limiter les incertitudes liées aux modélisations. Dans cette étude, le scénario de fortes émissions RCP8.5 a été retenu. Quel que soit le scénario climatique considéré, les tendances pour les trente prochaines années sont quasi équivalentes.

Les résultats de ces simulations climatiques sont disponibles sur des mailles de 8 km x 8 km (mailles Safran). Les méthodes de régionalisation des résultats permettant cette fine résolution géographique sont une source supplémentaire d’incertitude, en plus des scénarios et modèles climatiques et de la variabilité naturelle du climat. Pour ces raisons, les résultats présentés dans cette étude doivent être interprétés avec prudence.

Les données de population utilisées dans cette étude proviennent du Fichier démographique sur les logements et les individus (Fidéli 2021). Ce fichier est constitué à partir de bases de données administratives fiscales (taxe d’habitation, propriétés bâties, imposition des personnes, propriétaires) et de données complémentaires (coordonnées géographiques des parcelles cadastrales des logements). Il n’inclut pas les personnes résidant au sein de communautés (établissements d’hébergement pour personnes âgées, foyers d’accueil, résidences universitaires, etc.). La répartition de la population 2021 est appliquée sur les deux périodes d’analyse (1976-2005 et 2021-2050). Les éventuelles migrations de population ne sont donc pas prises en compte.

Définitions

La température moyenne est égale à la moyenne des températures journalières sur la période étudiée.

La température moyenne estivale supportée par les habitants est approchée par la température moyenne journalière pondérée. Elle est calculée en pondérant la température moyenne journalière par la population géolocalisée à son lieu de résidence.

Une nuit tropicale est une nuit au cours de laquelle la température ne descend pas en dessous de 20 °C.

Une journée d’été est une journée au cours de laquelle la température maximale dépasse 25 °C .

Un jour de gel est une journée où la température minimale est inférieure à 0 °C.

Une journée d’hiver anormalement chaude est une journée pour laquelle la température maximale est supérieure d’au moins 5 °C à la température maximale de référence (température maximale généralement constatée sur la période 1976-2005) calculée au niveau local.

Pour en savoir plus

(1) « Tableau de bord du développement durable en Provence-Alpes-Côte d’Azur », Chiffres détaillés, 2024.

(2) Dubuis T., Pétillon X., « Horizon 2050 : la Corse trois fois plus exposée aux nuits tropicales », Insee Flash Corse no 76, mars 2023.

(3) Fontès-Rousseau C., Lardellier R., Soubeyroux J.-M., « Un habitant sur sept vit dans un territoire exposé à plus de 20 journées anormalement chaudes par été dans les décennies à venir », Insee Première no 1918, août 2022.

(4) Lardellier R., Gautier C., Guyon C., « Un habitant sur deux potentiellement exposé à de fortes chaleurs à répétition dans les prochaines années », Insee Analyses Occitanie no 92, février 2020.

(5) Météo-France, « Ouvrir dans un nouvel ongletDRIAS les futurs du climat, projections climatiques pour l'adaptation de nos sociétés », Service climatique, ministère de la Transition écologique.

(6) Météo-France, « Ouvrir dans un nouvel ongletBilan climatique de l'année 2023 », Point presse, novembre 2023.

(7) France stratégie, « Ouvrir dans un nouvel ongletLe travail à l’épreuve du changement climatique », note d’analyse no 133, juin 2023.