Insee
Insee Flash Corse · Mars 2023 · n° 76
Insee Flash CorseHorizon 2050 : la Corse trois fois plus exposée aux nuits tropicales

Thomas Dubuis, Xavier Pétillon (Insee)

Au cours des trente prochaines années, les deux tiers du territoire corse seraient exposés à plus de trente nuits tropicales en été. La multiplication des anomalies de chaleur diurne ou nocturne d’ici 2050 apparaît moins marquée sur l’île qu’au niveau national grâce à l’effet modérateur du littoral mais aussi du fait de températures de saison déjà plus élevées avant les années 2000. Plus exposés et essentiellement ruraux, les pourtours montagneux abritent davantage de personnes âgées. Or, comme les jeunes enfants, les seniors sont les plus vulnérables aux fortes chaleurs à répétition.

Insee Flash Corse
No 76
Paru le :Paru le31/03/2023

Des nuits tropicales plus fréquentes en Corse

Le changement climatique est un phénomène mondial. En Corse, entre 2021 et 2050, ce phénomène se traduirait par la multiplication du nombre de nuits tropicales, c’est-à-dire des nuits au cours desquelles la température ne descend pas sous la barre des 20°C.

À l’horizon 2050, les deux tiers du territoire insulaire seraient exposés à plus de trente nuits tropicales en moyenne en été, soit une part trois fois plus importante que celle observée sur la période de référence (de 1976 à 2005) (figure 1). En France métropolitaine, un quinzième du territoire serait concerné par une telle exposition aux nuits tropicales. La fréquence des nuits tropicales serait plus importante sur le pourtour méditerranéen déjà soumis aux températures moyennes nocturnes les plus élevées du territoire métropolitain.

Figure 1Nombre moyen de nuits tropicales chaque été pour les périodes 1976-2005 et 2021-2050

  • Note : les données de ces cartes ne sont pas disponibles.
  • Champ : Corse.
  • Source : Météo-France, Drias 2020.

Parmi les habitants de l’île, neuf résidents sur dix connaîtraient à l’avenir plus de trente nuits tropicales. Or, la baisse de température pendant la nuit permet aux organismes de mieux supporter les fortes chaleurs le jour, notamment pour les personnes âgées. La prise en compte des températures nocturnes serait donc un facteur important à prendre en compte dans l’optique de prévention de santé publique.

Une moindre élévation des températures dans un climat méditerranéen déjà chaud

Dans les projections climatiques, l’écart moyen de température entre des journées ou des nuits d’été est mesuré par rapport à une période de référence qui s’étend de 1976 à 2005. Il faut alors garder à l'esprit que, la Corse bénéficiant d’un climat méditerranéen, les températures normales de référence relevées sur cette période sont déjà plus élevées que dans le reste de la France métropolitaine [Fontès-Rousseau C., Lardellier R. (Insee), Soubeyroux J.-M.(Météo-France), 2022 ; pour en savoir plus (1)].

De plus, en Corse, la majorité de la population se concentre sur les littoraux mieux ventilés, tandis qu’en France métropolitaine, elle se positionne aussi à l’intérieur des terres où l’on compterait davantage de journées et de nuits anormalement chaudes. L’amplitude du réchauffement climatique ainsi que la part de la population qui subirait des changements importants apparaissent donc moins conséquents en Corse que dans l’hexagone au regard de ces mesures (figure 2).

Figure 2Fréquence des journées et nuits anormalement chaudes pour la période 2021-2050

  • Note : les données de ces cartes ne sont pas disponibles.
  • Lecture : au cours des trois prochaines décennies, il y aurait en moyenne chaque été à Ajaccio, au maximum 15 journées et 7 nuits anormalement chaudes.
  • Champ : Corse et France métropolitaine.
  • Source : Météo-France, Drias 2020.

Des hausses de températures moins importantes sur le littoral

À l’horizon 2050, la Corse bénéficierait d’un effet modérateur du bord de mer sur la hausse des températures, or les habitants de l’île sont majoritairement installés dans ces zones littorales tempérées. D’ici à 2050, un habitant corse sur dix devrait ainsi supporter au moins seize en été contre huit habitants sur dix au niveau national (figure 3). À ces chaleurs diurnes, s’ajouteraient des . Sur l’île, à l’horizon 2050, deux habitants sur dix seraient concernés par au moins huit nuits anormalement chaudes contre six habitants sur dix dans l’hexagone.

Figure 3Répartition de la population selon la fréquence des anomalies de chaleur estivales entre 2021 et 2050

(en %)
Répartition de la population selon la fréquence des anomalies de chaleur estivales entre 2021 et 2050 ((en %)) - Lecture : à l’horizon 2050, 78 % de la population en Corse vivrait dans une zone enregistrant moins de 16 journées et moins de 8 nuits anormalement chaudes contre 21 % en France métropolitaine.
Anomalies de chaleur estivales pour la période 2021-2050 Moins de 16 jours et moins de 8 nuits Moins de 16 jours et de 8 à 11 nuits De 16 à 20 jours et moins de 8 nuits De 16 à 20 jours et de 8 à 11 nuits De 16 à 20 jours et au moins 12 nuits Plus de 20 jours et moins de 8 nuits Plus de 20 jours et de 8 à 11 nuits Plus de 20 jours et au moins 12 nuits
France Métropolitaine 20,9 0,2 17,6 44,5 2,4 0,5 7,6 6,3
Corse 77,8 9,4 2,8 4,9 1,0 0,4 0,4 3,3
  • Lecture : à l’horizon 2050, 78 % de la population en Corse vivrait dans une zone enregistrant moins de 16 journées et moins de 8 nuits anormalement chaudes contre 21 % en France métropolitaine.
  • Champ : France métropolitaine.
  • Sources : Météo-France, Drias 2020 ; Insee, Fidéli 2019.

Figure 3Répartition de la population selon la fréquence des anomalies de chaleur estivales entre 2021 et 2050

  • Lecture : à l’horizon 2050, 78 % de la population en Corse vivrait dans une zone enregistrant moins de 16 journées et moins de 8 nuits anormalement chaudes contre 21 % en France métropolitaine.
  • Champ : France métropolitaine.
  • Sources : Météo-France, Drias 2020 ; Insee, Fidéli 2019.

En revanche, comme au niveau national, les espaces intérieurs de basse montagne (moins de 1 000 mètres d’altitude) seraient davantage soumis à des températures anormalement élevées. Les pourtours des massifs montagneux d’Évisa à Zonza seraient les plus exposés mais la population serait aussi soumise à plus de seize journées anormalement chaudes dans les villages de Castagniccia et du centre Corse.

En outre, l’effet des îlots de chaleur urbains sur les territoires artificialisés et peuplés, comme Ajaccio ou Bastia, pourrait aggraver celui les fortes chaleurs de façon notable en Corse. Cet effet localisé, n’est pas pris en compte dans les modélisations climatiques.

Les populations âgées et les enfants plus vulnérables aux fortes chaleurs

Des températures anormalement élevées, diurnes ou nocturnes, ne constituent pas, isolées, un phénomène à risque mais leur enchaînement augmente les risques sanitaires pour les personnes les plus vulnérables. Sur l’île, les zones les plus soumises aux anomalies de chaleur sont aussi celles où les personnes âgées sont davantage présentes au sein de la population. Elles seraient donc à ce titre encore davantage exposées aux anomalies de chaleur.

Les jeunes enfants, moins autonomes pour s’hydrater, constituent un autre public vulnérable. Pour les enfants de moins de 6 ans qui résident dans des territoires exposés aux journées anormalement chaudes, ces fortes chaleurs pourraient aussi se produire en période scolaire, posant la question de l’adaptation thermique des bâtiments scolaires et pré-scolaires.

Par ailleurs, l’inadéquation thermique des bâtiments touche principalement les catégories les plus pauvres de la population. Celles-ci ne disposent pas des moyens nécessaires à l’adaptation de leurs logements au changement climatique (isolation, climatisation), logements dont elles sont rarement propriétaires. En Corse, la pauvreté est plus élevée qu'en moyenne métropolitaine et elle touche davantage les retraités de l'île.

Encadré - Des enjeux pour le tourisme, le bâtiment et l’agriculture

D’une part, la multiplication des journées estivales anormalement chaudes pourrait affecter la fréquentation et l’activité touristique de l’île. Les dispositifs de prévention s’adressent aux populations résidentes mais aussi à celles de passage sur le territoire, moins habituées aux températures élevées du bassin méditerranéen en période touristique. Calibrer les dispositifs de prévention pourrait être un enjeu important : la population présente en Corse double au cœur de saison et, en 2021, cinq millions de passagers ont transité sur l’île entre mars et octobre.

D’autre part, les professionnels travaillant en extérieur à la journée sont les plus exposés aux hausses de chaleur. Principalement travailleurs du bâtiment et saisonniers de l’hébergement et de la restauration, ils représentent une part d’emplois deux fois plus importante sur l’île qu’en France métropolitaine.

Enfin, les territoires les plus exposés aux hausses de températures correspondent aussi aux zones agricoles de l’île. Les risques phytosanitaires pourraient augmenter pour l’agriculture locale qui se heurte déjà à des périodes de sécheresse plus longues [Philippe Paillet (Draaf/Srise Corse), 2022, pour en savoir plus (2)].

Publication rédigée par :Thomas Dubuis, Xavier Pétillon (Insee)

Sources

Les données climatiques utilisées dans cette étude reposent sur le jeu de données 2020 du programme Drias mis à disposition par Météo-France. Elles compilent douze simulations climatiques représentatives des futures conditions climatiques possibles de la France et sont disponibles sur des mailles de 8 km x 8 km (mailles Safran). Deux périodes d’analyse sont retenues : une période passée (1976-2005) reposant sur des paramètres constatés, et une période de futur proche (2021-2050) reposant sur ces simulations climatiques. Les méthodes de régionalisation des résultats sont une source supplémentaire d’incertitude, en plus des modèles climatiques. À ce titre, les dénombrements réalisés dans cette étude doivent être interprétés avec prudence.

Dans cette étude, les indicateurs retenus sont :

  • Le nombre de nuits tropicales : il met en avant la multiplication des températures nocturnes très élevées (supérieures à 20 °C).
  • Le nombre de journées et de nuits anormalement chaudes pour juin, juillet et août. Cette anomalie est relative aux températures que connaissent déjà les habitants. En Corse, les normales de saison sont déjà élevées, l’impact climatique semble donc moins alarmant sur cet indicateur. Ce choix permet néanmoins de comparer les effets du réchauffement climatique pour les habitants de chacune des régions métropolitaines, quelles que soient les températures auxquelles ils sont habitués.

Les données de population utilisées proviennent du Fichier démographique sur les logements et les individus (Fidéli 2019).

Définitions

Une journée est qualifiée d’« anormalement chaude » quand la température maximale est supérieure d’au moins 5 C° à la température maximale de référence.

Une nuit est qualifiée d’« anormalement chaude » quand la température minimale estimée est supérieure d’au moins 5 C° à la température minimale de référence.

Pour en savoir plus

(1) Fontès-Rousseau C., Lardellier R. (Insee), Soubeyroux J.-M.(Météo-France)« Un habitant sur sept vit dans un territoire exposé à plus de 20 journées anormalement chaudes par été dans les décennies à venir  », Insee Première no 1918, août 2022.

(2) Philippe Paillet (Draaf/Srise Corse), « L’agriculture corse fait front dans un contexte climatique préoccupant », Bilan économique Corse 2021, juin 2022.