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Insee Flash Pays de la Loire · Mars 2024 · n° 146
Insee Flash Pays de la LoireLes difficultés de recrutement s’accentuent davantage dans certains territoires Économies ligériennes et transitions

Guillaume Coutard, Cyril Hervy (Insee)

Entre 2015 et 2023, la part des projets de recrutement jugés difficiles augmente davantage dans les Pays de la Loire qu’au niveau national. Les besoins de main-d'œuvre sont de natures variées selon les territoires. Les difficultés de recrutement augmentent le plus à Beaupréau et Blain, bassins d’emploi à dominante rurale. Les recrutements deviennent très difficiles dans certains bassins d’emploi plutôt tournés vers l’industrie, comme celui des Herbiers. La plupart des bassins d’emploi les plus denses suivent la tendance régionale.

Insee Flash Pays de la Loire
No 146
Paru le :Paru le21/03/2024

Cette étude fait partie d'une série de publications sur Économies ligériennes et transitions.

En 8 ans, les difficultés de recrutement progressent davantage dans les Pays de la Loire

Dans les Pays de la Loire, les recrutements sont marqués par des difficultés croissantes. Ainsi, en 2023, parmi les 205 000 projets de recrutement anticipés (sources), 69 % sont considérés comme difficiles par les employeurs de la région, contre 37 % huit ans plus tôt. Ces difficultés de recrutement, souvent structurelles, mais aussi parfois amplifiées par les crises, possèdent une dimension territoriale.

L’intensité d’embauche, un des indicateurs complémentaires pour expliquer les difficultés de recrutement, est le facteur déterminant dans la région. Elle est considérée comme « très tendue » pour 54 % des métiers contre 44 % au niveau national. Elle peut notamment être liée à la spécificité de territoires qui nécessitent des besoins particuliers et importants dans certains métiers (pôle urbain, zone littorale touristique, territoire agricole, etc.).

Autre élément explicatif, l’inadéquation géographique mesure l’écart entre la répartition géographique de la main-d’œuvre et celle des postes proposés. Elle peut être liée à plusieurs facteurs : des difficultés de logement avec, par exemple, un prix de l’immobilier élevé, ou un manque de logements sociaux ; des problématiques de mobilité avec des zones résidentielles éloignées des zones d’activité qui engendrent des temps longs de déplacement ; l’absence de transports en commun qui rend indispensable la possession du permis de conduire et d’un véhicule, etc. L’inadéquation géographique est toutefois moins élevée dans les Pays de la Loire avec 23 % des métiers classés à un niveau « très tendu » contre 33 % en France.

D’autres phénomènes sociodémographiques comme la métropolisation et l’étalement urbain, ou à l’inverse la déprise démographique, peuvent être à l’origine de difficultés de recrutement.

Beaupréau et Blain : les plus fortes hausses des difficultés

Dans les Pays de la Loire, les difficultés de recrutement progressent le plus à Beaupréau et Blain, deux à dominante rurale dont le niveau de tension était faible en 2015 (figure 1). Ensemble, ils représentent 3,3 % des intentions d’embauche de la région en 2023. Les difficultés augmentent en moyenne de 49 points entre 2015 et 2023, essentiellement en raison de tensions concernant les ouvriers de l’industrie et du bâtiment et les salariés de l’agriculture. Le secteur agricole représente 27 % des intentions d’embauche et ses difficultés s’accentuent, en particulier pour les viticulteurs et arboriculteurs dans le bassin de Beaupréau (+57 points). Le taux de chômage, très faible à Beaupréau, renforce aussi le manque de main-d’œuvre.

Figure 1Évolution de la part de projets de recrutement jugés difficiles par bassin d’emploi entre 2015 et 2023

(en points)
Évolution de la part de projets de recrutement jugés difficiles par bassin d’emploi entre 2015 et 2023 ((en points))
Code bassin d’emploi Libellé bassin d’emploi Évolution des difficultés de recrutement
5221 Ancenis 31,4
5218 Angers 34,1
5229 Beaupréau 50,3
5230 Blain 46,8
5217 Challans 17,3
5226 Château-Gontier 16,6
5203 Châteaubriant 42,5
5205 Cholet 36,4
5223 Clisson 30,3
5215 Fontenay-le-Comte 29,0
5222 La Baule 31,9
5210 La Ferté-Bernard 23,2
5212 La Flèche 36,2
5214 La Roche-sur-Yon 36,9
5227 Laval 29,9
5208 Le Mans 24,4
5213 Les Herbiers 42,7
5216 Les Sables-d’Olonne 24,7
5209 Mamers 29,5
5228 Mayenne 7,4
5220 Nantes 32,0
5224 Pornic 21,3
5211 Sablé-sur-Sarthe 29,2
5225 Saint-Nazaire 36,2
5206 Saumur 39,7
5219 Segré 10,7

Figure 1Évolution de la part de projets de recrutement jugés difficiles par bassin d’emploi entre 2015 et 2023

(en points)
  • Source : France Travail, enquêtes besoins en main-d’œuvre (BMO) 2015 et 2023.

Forte augmentation dans des bassins d’emploi à orientation industrielle

Dans huit bassins d’emploi moins peuplés et plutôt industriels, les difficultés de recrutement, déjà plus élevées qu’ailleurs en 2015, éprouvent une forte augmentation : +34 points en moyenne, et des difficultés atteignant 76 % des projets en 2023 (figure 2).

Ces bassins d’emploi, parmi lesquels Ancenis, Cholet, Fontenay-le-Comte ou Les Herbiers, représentent 21 % de l’ensemble des projets de recrutement de la région. Les tensions se renforcent davantage qu’ailleurs dans l’industrie, notamment à Cholet et aux Herbiers. Dans la zone des Herbiers, la progression est très forte pour les ouvriers non qualifiés des industries agroalimentaires. Les conducteurs routiers ainsi que les ouvriers non qualifiés de l’emballage et manutentionnaires sont aussi beaucoup plus difficiles à recruter qu’il y a huit ans. La demande générée par la présence de plateformes logistiques et le taux de chômage très faible amplifient les difficultés de recrutement sur ce territoire.

Figure 2Part de projets de recrutement jugés difficiles par bassin d’emploi en 2015 et 2023

(en %)
Part de projets de recrutement jugés difficiles par bassin d’emploi en 2015 et 2023 ((en %)) - Lecture : Dans le bassin d’emploi d’Ancenis, 50 % des projets sont jugés difficiles en 2015 contre 81 % en 2023.
Libellé bassin d’emploi 2015 2023
Ancenis 49,9 81,3
Angers 31,2 65,3
Beaupréau 14,6 64,9
Blain 20,1 66,9
Challans 46,7 64,0
Château-Gontier 43,2 59,8
Châteaubriant 34,2 76,7
Cholet 40,6 77,0
Clisson 37,5 67,8
Fontenay-le-Comte 45,2 74,2
La Baule 43,6 75,5
La Ferté-Bernard 45,6 68,8
La Flèche 32,3 68,5
La Roche-sur-Yon 34,2 71,1
Laval 43,9 73,8
Le Mans 35,8 60,2
Les Herbiers 31,2 73,9
Les Sables-d’Olonne 41,6 66,3
Mamers 45,3 74,8
Mayenne 58,1 65,5
Nantes 37,2 69,2
Pornic 45,3 66,6
Sablé-sur-Sarthe 34,6 63,8
Saint-Nazaire 35,1 71,3
Saumur 25,7 65,4
Segré 55,0 65,7
  • Note : Les axes se coupent au niveau des moyennes régionales 2015 et 2023, soit 37 % et 69 %.
  • Lecture : Dans le bassin d’emploi d’Ancenis, 50 % des projets sont jugés difficiles en 2015 contre 81 % en 2023.
  • Source : France Travail, enquêtes BMO 2015 et 2023.

Figure 2Part de projets de recrutement jugés difficiles par bassin d’emploi en 2015 et 2023

  • Note : Les axes se coupent au niveau des moyennes régionales 2015 et 2023, soit 37 % et 69 %.
  • Lecture : Dans le bassin d’emploi d’Ancenis, 50 % des projets sont jugés difficiles en 2015 contre 81 % en 2023.
  • Source : France Travail, enquêtes BMO 2015 et 2023.

Des territoires urbains dans la tendance régionale

Dans sept bassins d’emploi composés notamment de grands centres urbains, les difficultés de recrutement suivent la tendance régionale (34 % de projets jugés difficiles en 2015 contre 68 % en 2023). Ces territoires, parmi lesquels figurent Nantes, Angers, Saint-Nazaire ou encore la Roche-sur-Yon, couvrent la moitié des projets de recrutement de la région. Dans ces zones, où les besoins en logement sont importants, les tensions sont en hausse pour les métiers du bâtiment, principalement à Nantes et Saint-Nazaire où les difficultés augmentent respectivement de 44 points et 41 points pour les ouvriers de la construction et du bâtiment.

Elles augmentent également pour les métiers des fonctions sociales et médico-sociales, en particulier à Angers pour les infirmiers et les aides-soignants.

De plus, dans les bassins de Nantes et Angers, les difficultés de recrutement progressent pour les conducteurs et livreurs sur courte distance, en lien avec le fort développement des plateformes de livraison (+52 points à Nantes et +47 points à Angers). Ces territoires recouvrent de grands centres urbains et les tensions sont aussi très élevées pour les conducteurs de transport en commun sur route. À Nantes, les difficultés s’accentuent particulièrement pour les assistantes maternelles et les métiers de l’encadrement (cadres administratifs, des ressources humaines, de l’industrie et du commerce).

La hausse des difficultés est aussi plus marquée qu’ailleurs pour les de l’agriculture, y compris dans les zones les plus densément peuplées comme à Angers. Le bassin d’emploi de Saumur, particulièrement tourné vers l’agriculture avec près de la moitié des intentions d’embauches dans le secteur agricole en 2023, connaît la hausse la plus importante.

Moindre progression des difficultés dans la Sarthe et sur le littoral sud

Dans cinq bassins d’emploi, les difficultés de recrutement, plus sensibles qu’ailleurs en 2015, connaissent une augmentation moins importante (+24 points en moyenne). Les bassins sarthois du Mans, de la Ferté-Bernard et de Sablé-sur-Sarthe, ainsi que Pornic et les Sables-d'Olonne, situés sur le littoral, sont concernés. Dans ces bassins d’emploi, les difficultés diminuent dans l'agriculture, notamment au Mans pour les agriculteurs salariés et à Pornic pour les maraîchers et horticulteurs. Les difficultés restent stables au Mans pour les ouvriers non qualifiés de l’emballage et manutentionnaires qui interviennent dans la logistique.

Néanmoins, dans ces zones, les difficultés de recrutement progressent dans les fonctions sociales et médico-sociales (+37 points en moyenne), notamment les aides-soignants et infirmiers au Mans. Les métiers liés à la vente et au tourisme (+29 points en moyenne) comme les employés de libre service et caissiers sont particulièrement concernés aux Sables-d’Olonne.

Quatre bassins d’emploi à dominante rurale (Segré, Mayenne, Château-Gontier et Challans) contiennent leurs difficultés (+14 points en huit ans) alors qu’elles étaient très élevées en 2015. Dans ces bassins d’emploi, les difficultés diminuent légèrement pour les ouvriers de l’industrie (‑7 points), en particulier à Segré (‑39 points). Elles augmentent peu dans la santé et l’action sociale (+6 points en moyenne). À l'inverse, elles sont en nette hausse dans les métiers du commerce et des services aux particuliers, notamment les aides à domicile et les aides ménagères à Challans, en lien avec les besoins induits par le vieillissement de la population.

Publication rédigée par :Guillaume Coutard, Cyril Hervy (Insee)

Sources

Chaque année, l’enquête Besoins en main-d’œuvre (BMO) de France Travail adresse un questionnaire à 2,4 millions d’établissements pour connaître leurs besoins en recrutement par secteur d’activité et par bassin d’emploi. Les employeurs sont interrogés sur leurs intentions d’embauche et leurs difficultés de recrutement anticipées, sur l’ensemble des projets de l’année suivante. L’enquête ne comprend ni les administrations de l’État, ni certaines entreprises publiques (Banque de France, etc.).

Définitions

Le bassin d’emploi (26 dans les Pays de la Loire) est un découpage géographique correspondant aux zones de compétence d'une ou de plusieurs agences France Travail. Ce zonage est spécifique à France Travail et ne doit pas être confondu avec les zones d’emploi de l’Insee.

Les familles de métiers agrègent en huit groupes la nomenclature des 225 familles professionnelles (Fap), nommées métiers dans l’étude. Une Fap regroupe des professions qui font appel à des compétences communes.

Pour en savoir plus

(1) Coutard G. et Hervy C., « En 8 ans, les difficultés de recrutement doublent dans les Pays de la Loire », Insee Flash Pays de la Loire no 143, décembre 2023.

(2) Coirier G., « Ouvrir dans un nouvel ongletBesoins en main-d’œuvre 2023 », Études et Recherches, France Travail Pays de la Loire, avril 2023.