Insee Flash Pays de la Loire ·
Décembre 2023 · n° 143En 8 ans, les difficultés de recrutement doublent dans les Pays de la Loire Économies ligériennes et transitions
Les Pays de la Loire connaissent des difficultés croissantes de recrutement dans toutes les familles de métiers. Ces tensions sur le marché du travail peuvent être d’origine structurelle ou conjoncturelle. L’intensité des embauches est le principal facteur de tension dans la région. Les difficultés de recrutement augmentent dans la plupart des métiers. Elles apparaissent dans des métiers aux conditions de travail difficiles, comme ceux de la santé. D’autres s’accentuent, en lien notamment avec la croissance démographique, par exemple dans les services aux particuliers. Enfin, les difficultés progressent peu dans des métiers soumis à une forte saisonnalité ainsi que dans des fonctions d’encadrement.
Cette étude fait partie d'une série de publications sur Économies ligériennes et transitions.
- Des tensions sur le marché du travail, structurelles et conjoncturelles
- Des difficultés de recrutement de plus en plus fortes
- Des tensions nouvelles dans des métiers aux conditions de travail difficiles et précaires
- Des tensions accentuées par les besoins liés à la croissance démographique
- Les tensions évoluent peu, notamment dans les métiers à saisonnalité et l’encadrement
Des tensions sur le marché du travail, structurelles et conjoncturelles
Mesurer les difficultés de recrutement permet de poser la question des tensions qui s’exercent sur le marché du travail et des leviers à mettre en place. Les salaires et les conditions de travail rendent certaines filières peu attractives. Une offre de formation insuffisante ou une orientation inadaptée peuvent aussi expliquer les difficultés à trouver les salariés qualifiés.
De plus, les tensions évoluent avec les transformations structurelles de l’appareil productif, notamment la dynamique de la transition écologique. Les secteurs des énergies renouvelables, de l’énergie et du bâtiment, en particulier dans le domaine de l’isolation thermique, nécessitent des compétences spécialisées.
Les tensions sur le marché du travail peuvent aussi avoir une origine conjoncturelle, telle qu’une crise ou une embellie économique. L’épisode de la crise sanitaire peut générer des effets à long terme, comme des pénuries dans les secteurs du soin ou une accélération du recours au numérique, augmentant ainsi les besoins dans ces métiers.
Des difficultés de recrutement de plus en plus fortes
Dans les Pays de la Loire, les recrutements sont marqués par des difficultés croissantes. Ainsi, en 2023, parmi les 205 000 projets de recrutement anticipés (sources), 69 % sont considérés comme difficiles par les employeurs de la région, contre 37 % huit ans plus tôt (figure 1).
Les difficultés de recrutement augmentent pour toutes les familles de métiers. Entre 2015 et 2023, les fonctions sociales et médico-sociales connaissent la hausse la plus forte (+43 points). Les tensions s’accentuent davantage qu’au niveau national, sauf pour deux familles de métiers : les ouvriers de la construction et du bâtiment et les autres métiers.
L’intensité d’embauche constitue le facteur de tension le plus important dans la région. Elle est considérée « très tendue » pour plus de la moitié des métiers. Plus les employeurs recrutent, plus ils ont à chercher des candidats et à réitérer le processus.
La hausse de l’emploi salarié dans les Pays de la Loire (+200 000 emplois entre fin 2014 et début 2023) et la baisse importante du chômage dans la région (5,6 % au 2e trimestre 2023 contre 9,0 % au 4e trimestre 2014) expliquent en partie les facteurs d’intensité d’embauches et le manque de main-d’œuvre.
tableauFigure 1 – Part de projets de recrutement jugés difficiles, par famille de métiers en 2015 et 2023
Famille de métiers | 2015 | 2023 |
---|---|---|
Autres techniciens et employés | 57,4 | 81,7 |
Ouvriers de la construction et du bâtiment | 51,4 | 81,3 |
Fonctions sociales et médico-sociales | 32,5 | 75,1 |
Ouvriers des secteurs de l'industrie | 47,4 | 75,0 |
Fonctions liées à la vente, au tourisme et aux services | 38,9 | 70,8 |
Autres métiers | 31,8 | 62,6 |
Fonctions administratives | 26,9 | 57,2 |
Fonctions d'encadrement | 35,9 | 51,1 |
Ensemble | 37,2 | 68,6 |
- Note : Les « autres métiers » comprennent notamment les conducteurs de véhicules (transport en commun sur route, véhicules légers, etc.), les ouvriers de la manutention, les salariés agricoles (éleveurs, maraîchers, jardiniers, viticulteurs, etc.).
- Champ : Hors administrations de l’État et certaines entreprises publiques (Banque de France, etc.) dans les Pays de la Loire.
- Source : Pôle emploi, enquêtes Besoins en main-d’œuvre (BMO) 2015 et 2023.
graphiqueFigure 1 – Part de projets de recrutement jugés difficiles, par famille de métiers en 2015 et 2023
Des tensions nouvelles dans des métiers aux conditions de travail difficiles et précaires
Certains métiers, peu concernés par des difficultés de recrutement en 2015, sont en forte tension en 2023. Les tensions se sont accrues très fortement après 2019 pour les métiers particulièrement exposés pendant la crise sanitaire. Les conditions de travail y sont en général difficiles et les emplois souvent précaires (temps partiel ou contrats courts). Ainsi, les infirmiers (+69 points entre 2015 et 2023), dont la région manque de personnel formé, et les agents de services hospitaliers (+58 points en huit ans), aux conditions de travail souvent contraignantes, sont concernés (figure 2). Les métiers de la distribution, avec des besoins en main-d’œuvre peu qualifiée et des contrats souvent précaires, sont aussi affectés. Les employés de libre-service et les caissiers sont devenus très difficiles à recruter, alors que ce n’était pas le cas avant la crise sanitaire (respectivement +62 points et +59 points entre 2015 et 2023). De même, les ouvriers non qualifiés de l’emballage et les manutentionnaires font partie des recrutements jugés difficiles. Or, la demande de salariés de la logistique est forte, pour répondre au développement du commerce en ligne et des plateformes logistiques. Ainsi, 5 300 projets de recrutement sont prévus pour les ouvriers non qualifiés de l'emballage et manutentionnaires en 2023.
tableauFigure 2 – Part des projets de recrutement jugés difficiles et augmentation entre 2015 et 2023 pour les dix métiers avec la plus forte hausse
Métiers | Augmentation entre 2015 et 2023 (en points) | Part de projets de recrutement jugés difficiles (en %) | |
---|---|---|---|
2015 | 2023 | ||
Infirmiers | 68,7 | 13,8 | 82,5 |
Employés de libre service | 62,2 | 8,1 | 70,3 |
Caissiers | 58,5 | 7,0 | 65,5 |
Agents de services hospitaliers | 57,8 | 11,4 | 69,2 |
Formateurs | 53,1 | 29,4 | 82,5 |
Ouvriers non qualifiés de l'emballage et manutentionnaires | 52,9 | 10,7 | 63,6 |
Autres ouvriers non qualifiés de type industriel | 49,4 | 28,0 | 77,4 |
Électriciens du bâtiment | 47,9 | 39,0 | 86,9 |
Ouvriers non qualifiés du textile et du cuir | 47,4 | 22,7 | 70,1 |
Assistantes maternelles | 45,0 | 31,5 | 76,5 |
- Champ : Hors administrations de l’État et certaines entreprises publiques (Banque de France, etc.). Métiers avec au moins 1 000 projets de recrutement en 2023 dans les Pays de la Loire.
- Source : Pôle emploi, enquêtes BMO 2015 et 2023.
graphiqueFigure 2 – Part des projets de recrutement jugés difficiles et augmentation entre 2015 et 2023 pour les dix métiers avec la plus forte hausse
Des tensions accentuées par les besoins liés à la croissance démographique
En lien avec la forte dynamique démographique de la région, les difficultés de recrutement s’accentuent pour des métiers aux conditions de travail contraignantes. Ainsi, les conducteurs de transport en commun sur route sont des métiers dont les difficultés de recrutement augmentent de 43 points entre 2015 et 2023 (soit 96 % de projets de recrutement jugés difficiles en 2023). La situation des conducteurs routiers est similaire, mais avec une hausse des difficultés de recrutement concentrée sur la période 2015 à 2019. Les conditions difficiles de travail de ces métiers (horaires, déplacements longs, etc.) peuvent amplifier les tensions.
De la même manière, dans les services aux particuliers, les aides à domicile et les aides ménagères relèvent d’un marché de l’emploi en tensions croissantes depuis 2015 (+28 points). De plus, les projets de recrutement dans ces métiers sont parmi les plus élevés dans la région (5 900 en 2023) pour répondre à l’accroissement et au vieillissement de la population.
Dans certains métiers du bâtiment, les difficultés déjà importantes en 2015 se sont principalement accrues jusqu’en 2019. Les électriciens du bâtiment (+48 points), les plombiers (+35 points) et les maçons (+30 points) font face à des besoins importants, en raison d’un manque de personnel formé et d’une vive demande dans la construction et le bâtiment. La situation s’est également aggravée pour des métiers moins qualifiés comme les ouvriers non qualifiés du gros œuvre du bâtiment (+42 points).
Les tensions évoluent peu, notamment dans les métiers à saisonnalité et l’encadrement
Pour certains métiers, les difficultés de recrutement sont déjà élevées en 2015 et augmentent peu jusqu’en 2023. Les métiers à forte saisonnalité, proposant des conditions de travail astreignantes et des contrats non durables sont particulièrement concernés. Les salariés agricoles, notamment les maraîchers, horticulteurs salariés (90 % de projets saisonniers) et les éleveurs salariés (60 %) apparaissent avec des tensions de recrutement qui évoluent peu ou baissent légèrement sur la période (respectivement +5 points et -1 point). La restauration est aussi concernée avec les cuisiniers (+9 points, soit 78 % en 2023 contre 69 % de projets jugés difficiles en 2015), ainsi que les serveurs de cafés restaurants et les aides et apprentis de cuisine. La baisse des projets saisonniers (-19 points pour ces métiers de la restauration et -5 points pour les métiers agricoles) au profit d’emplois plus durables peut expliquer la plus faible progression des tensions.
Dans les fonctions d’encadrement (ingénieurs et cadres d’étude, recherche et développement en informatique, etc.), très présentes dans les grandes agglomérations, les difficultés de recrutement, élevées en 2015, progressent peu : la part de projets de recrutement jugés difficiles passe de 67 % à 73 % en 8 ans. Depuis 2019, cette part est même en baisse (-4 points).
Enfin, des professions semblent structurellement peu en tension, notamment dans le spectacle vivant qui dispose d’une main-d’œuvre disponible malgré la non-durabilité de l’emploi (contrats courts ou temps partiel) : artistes (musique, danse, spectacles) et professionnels des spectacles.
Sources
Chaque année, l’enquête Besoins en main-d’œuvre (BMO) de Pôle emploi adresse un questionnaire à 2,4 millions d’établissements pour connaître leurs besoins en recrutement par secteur d’activité et par bassin d’emploi. Les employeurs sont interrogés sur leurs intentions d’embauche et leurs difficultés de recrutement anticipées, pour l’ensemble des projets (pérennes et saisonniers) de l’année suivante.
Les indicateurs complémentaires calculés par Pôle emploi et la Dares sont au nombre de six : intensité d’embauches, conditions de travail contraignantes, non-durabilité de l’emploi, main-d’œuvre disponible, lien entre la spécialité de formation et le métier, inadéquation géographique.
Définitions
Les familles de métiers agrègent en huit groupes la nomenclature des 225 familles professionnelles (Fap), nommées métiers dans l’étude. La Fap a été élaborée par la direction de l’Animation, de la Recherche, des études et des Statistiques (Dares) du ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, à partir du répertoire opérationnel des métiers et emplois (Rome) de Pôle emploi et de la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) de l'Insee. Une Fap regroupe des professions qui font appel à des compétences communes.
Pour en savoir plus
(1) Coirier G., « Ouvrir dans un nouvel ongletBesoins en main-d’œuvre 2023 », Études et Recherches, Pôle emploi Pays de la Loire, avril 2023.
(2) Cousin C. et al., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes métiers en 2030 dans les Pays de la Loire », France Stratégie, Dares, janvier 2023.
(3) Delhomme I., Pétillon X., « Premier confinement et égalité femmes-hommes : les femmes en première ligne », Insee Flash Pays de la Loire no119, mars 2022.