Insee Flash Grand Est · Mars 2024 · n° 85

La pointe de Givet, dans les Ardennes, fortement marquée par la présence de la centrale de Chooz

Située en bordure de la Meuse, au nord du département des Ardennes, la commune de Chooz abrite l’une des trois centrales nucléaires du Grand Est en activité. De 1967 à 1991, elle accueille un premier réacteur. La centrale actuelle compte deux réacteurs mis en service en 1996.

L’emploi et la population liés à la présence de la centrale nucléaire de Chooz représentent respectivement 1 780 salariés et 4 790 personnes en 2018-2019 (figure 1), dans la région Grand Est ou les départements proches (Aisne et Nord). L’établissement industriel emploie 810 salariés, une main-d’œuvre qualifiée, masculine et plutôt jeune. La plupart de ces emplois directs relèvent des professions intermédiaires ou sont des emplois de cadres et professions intellectuelles supérieures, avec respectivement 52 et 33 % de l’effectif. En termes de pouvoir d’achat et donc de retombées économiques locales potentielles, un salaire de la centrale correspond en moyenne à 1,8 salaire de la région. La moitié des salariés ont moins de 37 ans et 82 % sont des hommes.

L’activité de la centrale génère en outre 490 emplois indirects chez ses fournisseurs, sous-traitants ou prestataires. Les activités de soutien aux entreprises en constituent un tiers : nettoyage industriel, sécurité, ménage. Près de trois emplois sur dix relèvent de l’industrie (28 %) : principalement l’installation et la réparation de structures métalliques, de machines et d’équipements, la distribution de vapeur et d’air conditionné, et le traitement des déchets dangereux. La construction en rassemble 20 %, des travaux d’isolation ou d’installation électrique à la construction de bâtiments ou de routes, et les activités d’ingénierie et d’études techniques 13 %.

Enfin, 480 emplois induits par les dépenses de consommation des ménages des salariés directs et indirects renforcent l’effet économique de la présence de la centrale. Des activités liées à la satisfaction des besoins quotidiens bénéficient de cet emploi induit : commerce, construction, services publics de santé, d’enseignement… Un tiers des emplois induits sont localisés dans le pôle de Givet.

Dans l’ensemble des dix communes les plus proches du site, la part de la population liée à la centrale est élevée : 21 % des habitants, soit 3 000 personnes (figure 2). Le territoire d’inscription de la centrale, où son influence économique est particulièrement marquée, couvre 21 communes de la pointe de Givet. Près de 28 000 personnes résident dans ce territoire enclavé, la plupart dans des communes rurales ou de petites villes situées le long du fleuve et du principal axe routier reliant Givet au nord à Revin au sud. Malgré la proximité de la Belgique, les flux transfrontaliers liés à l’activité de la centrale sont réduits. Une quinzaine de salariés de la centrale résident dans le pays voisin, et les commandes passées à des fournisseurs belges représentent une part infime du total.

Dans un territoire ayant connu un fort développement industriel le long de la Meuse, l’industrie conserve une place importante, notamment en raison de l’activité de production d’électricité de la centrale nucléaire. La part de l’emploi industriel y est ainsi supérieure à celle observée dans le département des Ardennes. La désindustrialisation du territoire d’inscription est pourtant très prononcée : depuis 1975, l’emploi industriel recule de 71 % et l’emploi total de 35 %, pour une baisse de respectivement 61 % et 20 % dans le département. Au cours de la période récente, de 2008 à 2019, 1 300 emplois industriels disparaissent, principalement dans les secteurs de la métallurgie et de la fabrication d’équipements électriques, dont le poids reste relativement important dans le territoire. Ces pertes nettes d’emploi sont dues à la réduction ou à l’arrêt de l’activité dans des établissements de petites et moyennes entreprises locales, mais surtout de grands groupes internationaux (Electrolux, KME).

Le repli de l’emploi dans le territoire d’inscription est accompagné d’une diminution de la population. Contrairement à toutes les intercommunalités qui accueillent des centrales nucléaires dans les années 1970 et 1980, la population du territoire d'inscription ne croît pas au moment de la construction et de la mise en service de Chooz A en 1967 et pas davantage lors de celle de Chooz B en 1996. Malgré l’apport de main-d’œuvre, les départs du territoire excèdent toujours les arrivées, comme c’est le cas depuis le début des années 1960. Le solde naturel (naissances – décès) diminue progressivement depuis 1975, pour devenir négatif au cours de la période récente, et la population du territoire vieillit nettement. En 50 ans, la part des jeunes de 18 ans ou moins passe de 41 % à 22 %, tandis que la part des seniors de 65 ans ou plus passe de 9 % à 23 %. Le marché du travail reste déséquilibré : parmi les habitants du territoire d’inscription, un actif occupé sur trois quitte cette zone pour aller travailler. Plus de la moitié des navetteurs sortants vont vers l’aire d’attraction de Charleville-Mézières, et un quart vers la Belgique.