Insee Analyses Réunion · Février 2024 · n° 86

Des territoires contrastés en termes d’emploi, de pauvreté et d’habitat Portraits des Hauts de La Réunion

Depuis 2007, « les Hauts » correspondent à l’aire d’adhésion maximale du Parc National (encadré 1). Ils comprennent l’ensemble des reliefs montagneux mais aussi certaines zones littorales. Ils intègrent ainsi une partie de la côte Sud et les corridors des grandes ravines sur l’ensemble de l’île en s’affranchissant des limites communales (figure 1). Les Hauts couvrent ainsi 77 % de la superficie de l’île.

En 2020, 21 % des habitants de l’île, soit 180 000 personnes, vivent dans les Hauts. Parmi eux, 47 % résident dans la microrégion Sud, alors que seuls 11 % habitent dans le Nord. Dans l’Ouest, vivent 27 % des habitants des Hauts et dans l’Est, 15 %. Les communes du Tampon et de Saint-Paul hébergent à elles deux 34 % des habitants des Hauts. Celles de Cilaos, Salazie, La-Plaine-des-Palmistes, Sainte-Rose, Saint-Philippe et l’Entre-Deux, entièrement situées dans les Hauts, accueillent 21 % des habitants des Hauts.

Entre 2010 et 2020, la population augmente légèrement plus dans les Hauts de La Réunion (+7 %) que sur le reste du territoire (+6 %), dénommé dans le reste de l’étude « les Bas ». C’est en particulier le cas dans le Sud, où la population des Hauts progresse plus fortement encore (+9 % contre +7 %). Dans l’Ouest, la population des Hauts augmente également nettement (+5 %), alors qu’elle stagne dans les Bas. Au contraire, la population des Hauts croît bien moins que celle des Bas à l’Est (+4 % contre +8 %) et au Nord (+3 % contre +9 %).

La population des Hauts est comparable à celle des Bas en termes d’âge : 30 % des habitants des Hauts ont moins de 20 ans et 12 % ont 65 ans ou plus. Les couples avec enfant(s) sont plus fréquents dans les Hauts : ils constituent 49 % des familles y résidant, soit une part plus élevée que dans les Bas (41 %). C’est l’inverse pour les familles monoparentales, bien moins nombreuses dans les Hauts (25 % des familles contre 33 %). Les femmes seules résident également moins fréquemment dans les Hauts : elles représentent 11 % des ménages des Hauts contre 16 % dans les Bas.

L’habitat individuel domine largement dans les Hauts : 93 % des ménages vivent dans une maison, une part très supérieure à celle dans les Bas (60 %). Les ménages sont aussi bien plus souvent propriétaires de leur logement (69 % contre 46 % dans les Bas). L’équipement automobile est légèrement supérieur dans les Hauts de La Réunion. La part des ménages sans voiture y est plus faible (25 % contre 27 % dans les Bas) et la part des ménages avec deux voitures plus élevée (27 % contre 24 %).

En 2020, 40 % de la population des Hauts vit en dessous du seuil de pauvreté monétaire. C’est davantage que dans les Bas (35 %) [Fabre et Robin, 2023 ; pour en savoir plus (2)].

Les difficultés d’accès à l’emploi et la moindre qualification de la population contribuent notamment à expliquer cette plus grande pauvreté. Ainsi, en 2020, les habitants des Hauts en âge de travailler sont un peu moins en emploi que ceux des Bas (46 % des personnes de 15 à 64 ans contre 48 %) (figure 2). Toutefois, la part des personnes en emploi augmente un peu plus dans les Hauts depuis 2010 (+5 points contre +3 points). La population des Hauts est aussi moins diplômée : 43 % des personnes ayant terminé leurs études initiales n’ont pas de diplôme, alors que c’est seulement le cas de 35 % des habitants des Bas. Les diplômés du supérieur sont aussi plus rares (14 % contre 23 %). En conséquence, les résidents des Hauts occupent des emplois moins qualifiés. Les ouvriers y sont plus nombreux (28 % contre 20 % dans les Bas) et les cadres deux fois moins fréquents (5 % contre 10 %). De plus, l’agriculture reste plus présente dans les Hauts (encadré 2).

Les ménages pauvres des Hauts sont en majorité propriétaires de leur logement : c’est le cas de 57 % d’entre eux, contre seulement 31 % des ménages pauvres des Bas. Par ailleurs, l’accès au logement social est très limité dans les Hauts. Ainsi, seuls 6 % des ménages pauvres des Hauts de La Réunion vivent dans le parc locatif social, contre 38 % des ménages pauvres résidant dans les Bas. Dans les Hauts comme dans les Bas, les propriétaires pauvres sont dans une situation plus favorable que les autres ménages pauvres. En particulier, les locataires pauvres du privé sont dans la situation la moins favorable [Coder et Fabre, 2017 ; pour en savoir plus (6)]. Ainsi, en 2013, ces derniers disposaient de moins de ressources financières que les autres ménages pauvres, une fois les dépenses liées au logement effectuées et les aides reçues. Au contraire, les propriétaires pauvres disposaient de plus de ressources financières et surtout vivaient dans des logements moins souvent surpeuplés. Toutefois, la situation des propriétaires pauvres réunionnais est moins favorable que celle des propriétaires pauvres vivant dans l’Hexagone. À La Réunion, ils disposent de ressources plus faibles et il s’agit le plus souvent de familles avec enfant(s). Ils sont ainsi nombreux à ne pas avoir les moyens financiers d’entretenir leur logement [Coder et Fabre, 2017 ; pour en savoir plus (6)].

Les Hauts de La Réunion ne constituent pas un territoire homogène. D’un Haut à l’autre, la situation des habitants en termes de pauvreté, d’insertion professionnelle ou de mode de vie diffère fortement. Par exemple, le taux d’emploi varie de 31 % dans le quartier de Ravine Daniel à Saint-Paul à 60 % dans les Hauts du quartier de Bois de Nèfles à Saint-Denis. Il en va de même pour la part des ménages vivant en appartement, qui va de moins de 1 % dans les quartiers de Peter Both et Palmiste Rouge à Cilaos à 20 % au Guillaume à Saint-Paul. Pour rendre compte de cette diversité, les Hauts sont classés selon trois groupes présentant des caractéristiques communes au regard de la pauvreté monétaire, de l’emploi, de l’habitat et de la structure familiale (pour comprendre).

Un premier groupe de territoires est composé de la grande majorité des Hauts du Nord, d’une large partie des Hauts autour de Saint-Pierre, de La Plaine-des-Palmistes ainsi que de quelques zones des Hauts de l’Ouest. Y vivent 76 000 personnes, soit 42 % de la population des Hauts (figure 3).

Dans ces territoires, la pauvreté monétaire est comparable à celle des Bas. Ainsi, 34 % des habitants sont pauvres contre 40 % dans l’ensemble des Hauts. Les habitants sont un peu mieux insérés dans l’emploi : 52 % des 15-64 ans disposent d’un emploi. La population y est plus qualifiée : les cadres forment une part plus importante de la population active (7 % contre 5 % dans l’ensemble des Hauts), au contraire des ouvriers (24 % contre 28 %). Être diplômé du supérieur est également plus courant : c’est le cas de 19 % des personnes de 15 ans ou plus ayant terminé leurs études initiales. Les ménages résidant dans ces territoires disposent plus souvent d’une voiture (80 % d’entre eux, contre seulement 75 % dans l’ensemble des Hauts). En posséder deux est également plus fréquent (33 % contre 27 %). Comme ailleurs dans les Hauts, plus de neuf ménages sur dix vivent dans une maison, et sept sur dix sont propriétaires de leur logement.

De 2010 à 2020, la population de ces territoires augmente fortement (+10 %). Le taux d’emploi s’améliore aussi un peu plus que sur l’ensemble des Hauts (+6 points contre +5 points).

Un deuxième groupe de territoires des Hauts est formé de zones principalement situées à l’Ouest et au Sud, et souvent proches de la frontière entre Hauts et Bas. Ces territoires sont situés à proximité des grands axes routiers. Ils regroupent 49 000 personnes, soit 27 % de la population des Hauts.

Ces territoires des Hauts sont en mutation. Entre 2010 et 2020, la population y augmente fortement (+9 %) et l’habitat se transforme. En effet, les logements collectifs se développent nettement sur la période : la part des appartements double pour atteindre 11 %, soit deux fois plus que dans l’ensemble des Hauts. Dans le même temps, la part de ménages propriétaires se réduit sensiblement, passant de 71 % à 64 %. Les ménages vivant dans un logement social sont ainsi plus nombreux que dans les autres groupes de Hauts (9 % contre 5 %), de même que les familles monoparentales (29 % des familles contre 25 %).

La population est aussi moins bien insérée dans l’emploi : seules 42 % des personnes en âge de travailler disposent d’un emploi. Et la pauvreté y est plus fréquente : elle concerne 44 % des habitants.

Le troisième groupe des Hauts est formé des cirques qui entourent le sommet du Piton des Neiges, d’une partie des Hauts de l’Ouest ainsi que de zones du Sud Sauvage. Il regroupe donc des territoires qui ont en commun un certain enclavement ou éloignement géographique vis-à-vis des grandes polarités urbaines et économiques du territoire. Ce groupe rassemble 54 000 personnes, soit 30 % de la population des Hauts.

Les habitants de ces territoires ont un niveau de qualification particulièrement faible : 50 % des personnes des 15 ans ou plus ont terminé leurs études initiales sans diplôme. Cette part diminue fortement entre 2010 et 2020, mais un peu moins que dans l’ensemble des Hauts (-13 points contre -15 points).

Par ailleurs, comme dans le groupe des Hauts « en mutation », la pauvreté touche une part importante de la population (45 %). L’accès à l’emploi y est également faible, avec seulement 41 % des 15-64 ans en emploi.

La part de ménages propriétaires est particulièrement élevée (74 %), même si celle-ci diminue légèrement entre 2010 et 2020. Les logements sociaux sont rares dans ces territoires (seulement 2 % des résidences principales).

Pour les habitants de ces « Hauts isolés », en particulier ceux des communes de Cilaos, Salazie, Sainte-Rose et Saint-Philippe, les temps d’accès aux équipements et services sont bien supérieurs au reste de l’île, notamment pour la formation, l’emploi et l’insertion qui sont concentrés dans les zones urbaines littorales [Grangé et Merceron, 2020 ; pour en savoir plus (4)]. Cet éloignement géographique est renforcé par le moindre taux d’équipement automobile : 31 % des ménages n’ont pas de voiture, contre 25 % dans l’ensemble des Hauts.

Contrairement au reste des Hauts, dont la population évolue de manière très dynamique entre 2010 et 2020, le nombre d’habitants de ces territoires stagne sur la période.

Une typologie des Iris a été élaborée dans le but d’identifier des profils de territoires homogènes au sein des Hauts. Les facteurs ayant permis de construire ces profils sont : le taux de pauvreté, le taux d’emploi, la part des ménages seuls, la part des ménages de 5 personnes ou plus, la part de ménages avec enfants, la part de personnes de 65 ans ou plus, la part de logements récents, la part de ménages propriétaires de leur résidence principale et la part de ménages sans voiture. Une analyse en composantes principales (ACP) a été réalisée à partir de ces indicateurs pour les Iris des Hauts de plus de 50 habitants dans les deux sources (FiLoSoFi et recensement de la population – 99 % de la population des Hauts). Une classification ascendante hiérarchique, réalisée à partir des résultats de l’ACP, conduit à distinguer trois profils de territoires homogènes sur ces indicateurs. D’autres variables, illustratives, n’intervenant pas dans la constitution des groupes mais sélectionnées car différenciant significativement ces trois profils, ont été mobilisées pour les caractériser (figure 5). C’est notamment le cas des parts de ménages vivant en appartement, de familles monoparentales, de personnes sans diplôme, de cadres, d’ouvriers et d’agriculteurs dans la population active ou dans la population en emploi.

Les données issues de FilosoFi et Fidéli sont géolocalisées et permettent de définir exactement, pour chaque Iris, les logements situés dans les Hauts de La Réunion. Dans le recensement de la population, l’ensemble des îlots appartenant au moins en partie aux Hauts de La Réunion sont inclus dans l’analyse. Pour se rapporter à la population des Hauts, le poids des individus d’un îlot traversant la frontière des Hauts (10 % des individus des Hauts sont dans ce cas) a été pondéré par la part des personnes effectivement dans les Hauts dans cet îlot (part obtenue dans FilosoFi).