Insee Analyses Occitanie · Décembre 2023 · n° 143

L’Ariège : des dynamiques façonnées par la proximité de Toulouse et les mutations industrielles

L’Ariège compte 154 600 habitants au 1^er janvier 2023. C’est le 6^e département le moins peuplé de France après la Lozère, la Creuse, le Territoire de Belfort, les Hautes-Alpes et le Cantal. La densité de population y est faible : 32 habitants au km². Six habitants sur dix résident dans une commune rurale, un peu moins que dans le Gers, le Lot ou l’Aveyron. Le tissu urbain est composé de 19 communes dont les quatre principales villes : Pamiers la plus peuplée dans le nord, Foix la préfecture, Saint-Girons à l’ouest et Lavelanet à l’est (figure 1).

Le département de l’Ariège est très peu artificialisé et une part importante du territoire bénéficie de mesures de préservation. Le parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises couvre la moitié du département. L’agriculture occupe 39 % du territoire, soit 13 points de moins qu’en moyenne en France métropolitaine, mais la forêt est bien plus présente : 45 % des surfaces contre 31 %. De plus, 12 % des sols sont constitués de landes ou autres surfaces naturelles, principalement dans les montagnes au sud du département.

La population de l’Ariège a été divisée par deux entre 1850 et 1962. Elle s’est ensuite stabilisée avant un rebond au début des années 2000 qui s’atténue sur les années récentes (figure 2). Entre 2014 et 2020, la population continue de progresser dans les plaines du nord du département et le long de la RN 20, territoires qui profitent de la proximité avec le pôle économique toulousain et du dynamisme de l’agglomération de Pamiers. Alors qu’il perdait des habitants jusqu’en 2000, le bassin de vie de Saint-Girons à l’ouest est également en légère progression. La population est stable dans celui de Foix qui gagnait des habitants jusqu’en 2010. Elle recule légèrement dans le territoire est (pour comprendre) et dans celui du sud qui est déjà très peu peuplé. Si les tendances démographiques récentes se poursuivaient, la population de l’Ariège serait quasiment stable jusqu’en 2070 (156 000 habitants).

Entre 2014 et 2020, le solde naturel (naissances moins décès) s’équilibre presque dans le nord de l’Ariège, mais est déficitaire dans le reste du territoire. Les migrations sont partout excédentaires mais cette attractivité ne suffit pas toujours à compenser le déficit naturel.

L’Ariège est un département âgé, au 17^e rang des départements français les plus âgés en 2020 : 26 % de seniors (personnes âgées de 65 ans ou plus). La zone nord est la moins âgée avec 22 % de seniors contre 25 % dans le bassin de vie de Foix et autour de 30 % dans le reste du département. Pour 100 jeunes de moins de 20 ans, l’Ariège compte 130 personnes de 65 ans ou plus contre 84 en moyenne en France. Le vieillissement devrait s’accentuer fortement jusqu’en 2040, avec l’arrivée aux âges avancés des générations nombreuses du baby-boom et des effectifs de jeunes en baisse. En 2040, l’indice de vieillissement atteindrait 213 seniors pour 100 jeunes. Le nombre de personnes âgées de 85 ans ou plus, les plus confrontées à la perte d’autonomie, augmenterait de plus de 60 % à l’horizon 2040 pour atteindre 12 500 personnes. La prise en charge des personnes âgées à domicile ou en établissement nécessitera donc des moyens supplémentaires.

Les dynamiques migratoires accentuent le vieillissement. En effet, le département perd des jeunes de 18 à 24 ans par le jeu des migrations aux âges des études supérieures ou du premier emploi. À l’inverse, les arrivées sont plus nombreuses que les départs pour toutes les autres tranches d’âge et particulièrement pour les 55-64 ans qui contribuent à la moitié de l’excédent migratoire de l’Ariège.

La facilité d’accès au sud de la Haute-Garonne et au pôle toulousain permet à de nombreux actifs résidant en Ariège de travailler hors du département (13 % des actifs en emploi soit 7 400 personnes). La majorité d’entre eux navettent vers la Haute-Garonne. Mais la porosité des limites départementales se vérifie également dans l’autre sens puisque 5 300 emplois en Ariège sont occupés par des actifs résidant hors du département dont la plupart habitent en Haute-Garonne. De plus, la taille croissante du pôle toulousain contribue au développement du nord de l’Ariège. En effet, les navettes augmentent dans les deux sens et l’Ariège offre toujours 96 emplois pour 100 actifs occupés y résidant, un taux stable entre 2008 et 2019. Au sein du département, l’emploi a fortement progressé dans le nord, encore plus que le nombre d’actifs qui y résident : +49 % entre 1999 et 2019 contre +40 % (figure 3). À l’inverse, il s’est fortement réduit dans l’est (-23 % contre -5 %).

Les navettes domicile-travail sont de plus en plus longues. Deux actifs sur trois ne travaillent pas dans leur commune de résidence et la moitié d’entre eux habitent à plus de 16 km de leur emploi. En particulier, parmi les actifs travaillant hors de l’Ariège, la moitié parcourt plus de 61 km. La voiture est de plus en plus utilisée pour les déplacements domicile-travail : juste avant la crise sanitaire, 89 % de ces déplacements se font en voiture contre 86 % en 2009. Quatre ménages sur dix possèdent au moins deux voitures. Le parc de voitures est l’un des moins bien classés de France métropolitaine selon le classement Crit’air. Plus de la moitié des véhicules appartiennent aux catégories les plus polluantes (Crit’air 3, 4, 5 et non classés). Les déplacements en mobilités douces ou en transports en commun ont légèrement reculé entre 2009 et 2020. Cependant, le développement de pistes cyclables et de voies vertes, avec 165 km d’aménagements cyclables sécurisés en service dans le département en juillet 2022, traduit la volonté de favoriser l’utilisation du vélo pour un usage quotidien ou de loisir.

L’industrie regroupait 30 % des emplois en 1975. Elle n’en représente plus que 14 % en 2019. Cette désindustrialisation n’est pas spécifique au département et le poids de l’industrie en Ariège reste supérieur aux moyennes régionale (10 % des emplois) et nationale (12 %). Le paysage industriel ariégeois est en profonde mutation : le secteur aérospatial se développe alors que des activités historiques ont décliné comme celles du textile ou du peigne en corne dans le pays d’Olmes. Ainsi, l’emploi dans l’industrie chute de 67 % dans l’est du département entre 1999 et 2019, mais progresse de 50 % dans le nord (figure 4).

La métallurgie concentre aujourd’hui un emploi industriel sur cinq. L’établissement Aubert et Duval à Pamiers, premier employeur privé du département, en est la figure de proue. La proximité du pôle toulousain a favorisé l’implantation de fabricants et de sous-traitants de la filière aéronautique et spatiale, tels Recaero (pièces de rechange d’avion) et Mapaero (peintures d’avion) autour de Pamiers, Gardner Aérospace (chaudronnerie et assemblages complexes) et Taramm (fonderie de précision) à Mazères. Le secteur de la chimie est également bien implanté, avec en particulier les sociétés Etienne Lacroix spécialisée en pyrotechnie à Mazères et Alliance Maestria en fabrication de peinture à Pamiers. L’industrie minière reste importante avec la mine de Luzenac, plus grande mine de talc en activité au monde. L’industrie du bois est toujours présente avec la papeterie de Saint-Girons et l’établissement Les Menuiseries Ariégeoises entre Foix et Tarascon-sur-Ariège. L’agroalimentaire, 2^e secteur industriel du département, est composé de nombreux petits établissements.

L’agriculture représente 4,5 % des emplois en 2020, le double du poids du secteur au niveau national. L’emploi agricole a fortement chuté depuis 1975 mais depuis 2009, il se maintient en Ariège alors qu’il continue de reculer dans la plupart des départements français. Le nombre d’exploitations agricoles diminue toujours mais elles s’agrandissent. Leur superficie moyenne augmente de 20 % entre 2010 et 2020. Les productions agricoles sont majoritairement liées à l’élevage essentiellement bovin et ovin. L’agriculture bio et la vente en circuit court sont bien développées : 29 % des surfaces sont en bio ou en conversion en 2022 contre 11 % au niveau national ; 39 % des exploitations agricoles écoulent au moins une partie de leur production en circuit court (+7 points entre 2010 et 2020). Près d’un quart des exploitations transforment une part de leurs produits à la ferme.

L’agriculture et l’industrie sont bien présentes en Ariège mais comme ailleurs le tertiaire domine. Dans le bassin de vie de Foix en particulier, 80 % des emplois relèvent de la sphère présentielle, contre 73 % dans le département et 65 % en France. La vocation administrative de Foix est prononcée : 39 % des emplois de ce bassin de vie relèvent du domaine public, soit près de deux fois plus que dans le nord du département où la sphère productive est plus développée.

Les ménages ariégeois ont un niveau de vie modeste. En 2020, six ménages sur dix ne sont pas imposés sur le revenu, ce qui place l’Ariège au 3^e rang des départements les moins imposés de France métropolitaine après la Creuse et l’Aude. Seulement un sur dix dispose d’un niveau de vie supérieur à 2 800 € mensuel. L’Ariège est le 12^e département de France métropolitaine où le taux de pauvreté est le plus élevé. Il atteint 17,9 % en 2020 contre 14,4 % au niveau national. Selon tous ces indicateurs, les zones est et ouest sont les plus défavorisées (figure 5). Dans ces territoires âgés, les retraites pèsent presque autant que les salaires dans les revenus disponibles des ménages, ce qui explique en partie le faible niveau de ces derniers. Mais même s’ils ont un niveau de vie modeste, les ménages âgés sont moins souvent confrontés à la pauvreté que les jeunes. Dans les zones est et ouest, environ 30 % des ménages dont le référent fiscal a entre 30 et 39 ans sont en situation de pauvreté. C’est le cas de moins de 15 % des ménages dont le référent fiscal a 75 ans ou plus. La situation sociale est moins préoccupante dans le reste du département plus proche de la moyenne régionale. Cette situation est cependant moins favorable qu’en moyenne France métropolitaine, même dans le nord du département.

L’Ariège est le 10^e département de France métropolitaine où le taux de chômage est le plus élevé en 2022. Par ailleurs, 9,5 % de la population est couverte par le RSA socle non majoré en 2019, soit 3 points de plus que la moyenne nationale. Le chômage et le recours aux minima sociaux sont particulièrement fréquents dans les zones est et ouest de l’Ariège. Dans l’est, 23 % des enfants et des jeunes vivent dans une famille dont les parents n’ont pas d’emploi et 36 % des 18-24 ans ne sont ni en étude ni en emploi (contre 28 % en Ariège et 21 % en France métropolitaine).

Rapporté au nombre d’habitants, le niveau d’équipements en commerces et en services nécessaires pour répondre aux besoins de la vie courante est bon en Ariège. Néanmoins, en raison de la topographie du département et de la dispersion de la population, certains habitants peuvent en être relativement éloignés, en particulier dans l’ouest et le sud. Le département est moins bien doté en équipements des gammes intermédiaires ou supérieures. Les deux seuls pôles de services de la gamme supérieure sont Pamiers et Foix. À l’ouest, Saint-Girons est la seule agglomération de taille conséquente qui assure l’accès aux services essentiels aux habitants d’un large périmètre.

Avec 163 médecins généralistes pour 100 000 habitants contre 147 en moyenne en France métropolitaine en 2023, l’Ariège semble globalement bien dotée. Mais l’accessibilité au généraliste est inégale selon les territoires. Elle est meilleure dans le nord avec un accès à quatre consultations en moyenne par an et par habitant contre trois dans l’est, l’ouest et le sud, où les besoins sont pourtant supérieurs en raison de l’âge plus avancé de la population. Le renouvellement des médecins constitue un enjeu pour ces territoires. Le nombre de généralistes a diminué de 14 % en dix ans dans le département. Comme au niveau national, 45 % d’entre eux ont 55 ans ou plus. La densité de médecins spécialistes est très faible : 99 pour 100 000 habitants contre 192 en moyenne en France. Le nombre de spécialistes a reculé de 17 % en dix ans ; ils sont par ailleurs particulièrement âgés : 62 % ont 55 ans ou plus. Un Ariégeois sur dix réside à plus de 30 minutes des services d’urgences médicales.