Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Novembre 2023 · n° 171

Département du Cantal : des dynamiques récentes, malgré la faible densité et l’enclavement du territoire

Situé à l’extrémité sud-ouest de la région Auvergne-Rhône-Alpes, le Cantal représente 1,8 % de la population régionale et 8,1 % de sa superficie.

Façonné par le plus grand volcan d’Europe qui lui a donné son nom, le Cantal élève, sur ses vastes versants pâturés, 465 milliers de bovins, soit trois par habitant. La totalité de ses communes est classée en zone de montagne (seul le département des Alpes-de-Haute-Provence est également dans ce cas). Il abrite deux parcs naturels régionaux : celui des Volcans d’Auvergne, à cheval sur le Cantal et le Puy-de-Dôme, et celui de l’Aubrac, au sud, qu’il partage avec la Lozère et l’Aveyron. Son accessibilité est un enjeu. Une seule autoroute, l’A75, effleure sa bordure la plus à l’est sans desservir Aurillac. Un « aéroport de désenclavement » relie Aurillac à Paris. Cinquième département de France le moins peuplé, avec une densité moyenne de 25 habitants au km², soit quatre fois moins que la France de province, il compte aussi parmi les cinq les moins denses. L’habitat y est très dispersé.

Afin de comparer le Cantal à un ensemble de départements ayant des contraintes proches, le référentiel constitué est composé des départements ruraux de montagne suivants : Aveyron, Lozère, Haute-Loire, Alpes-de-Haute-Provence et Ariège.

Le Cantal poursuit son lent déclin démographique amorcé lors de l’exode rural. Depuis 1886, le département a perdu environ 40 % de sa population, pour atteindre 143 600 habitants au 1^er janvier 2023.

Entre 2014 et 2020, la population a baissé en moyenne de 0,3 % chaque année. Cette évolution est semblable à celle observée durant les cinquante dernières années, outre le fort repli entre 1990 et 1999. Par comparaison, la population se maintient dans le référentiel, voire s’accroît légèrement. Cependant, autour de l’an 2000, un tournant d’attractivité s’est produit : les arrivées dans le département sont devenues plus nombreuses que les départs. Cet excédent migratoire progresse par rapport aux deux décennies précédentes (atteignant +0,4 % par an de 2014 à 2020), mais ne compense pas le déficit naturel provenant d’un nombre de décès toujours plus important que celui des naissances (-0,7 % par an). Pour autant, il permet de limiter la déprise démographique qui aurait été plus importante sans ces nouveaux arrivants. Au final, le vieillissement de la population s’est accéléré depuis le début des années quatre-vingt-dix. Le rapport intergénérationnel s’est inversé sur cette période, les personnes de plus de 65 ans (près d'un Cantalien sur trois), devenant alors plus nombreuses que celles de moins de 20 ans.

Dans l’hypothèse d’une poursuite des tendances démographiques récentes, la baisse de la population se prolongerait à un rythme de -0,2 % par an, avec un déficit naturel toujours négatif, et un solde migratoire en progression. Le Cantal passerait sous la barre des 140 000 habitants dès 2035, et en compterait 130 000 en 2070. Il serait l’un des trois départements de la région qui perdrait des habitants, avec l’Allier et la Haute-Loire.

En 2035, les personnes âgées de 65 ans et plus seraient deux fois plus nombreuses que les jeunes de moins de 20 ans contre une fois et demie en 2020. Ainsi, l’âge moyen de la population du département passerait de 46,9 ans aujourd’hui à 52,3 ans.

Du fait de son relief, la population du Cantal est inégalement répartie. Sept Cantaliens sur dix habitent dans la moitié sud du département (CA du Bassin d’Aurillac, CC de Cère et Goul en Carladès, de la Châtaigneraie Cantalienne, Saint-Flour Communauté) (figure 1), dont la moitié est concentrée dans le Bassin d’Aurillac. Inversement, dans la partie la plus montagneuse du nord, les communautés de communes du Pays de Salers et de Hautes Terres qui couvrent le quart du département, n’en hébergent qu’un sur sept.

Entre 2014 et 2020, la population baisse dans tous les territoires des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), sauf le Bassin d’Aurillac dont le nombre d’habitants est stable. Au sein de ce bassin, la commune d’Aurillac, la plus peuplée du département avec 25 700 habitants, continue toutefois de perdre des habitants, -0,3 % par an, malgré un solde migratoire positif. Parmi les communes de plus de 1 000 habitants, celles périphériques comme Arpajon-sur-Cère, Ytrac et Naucelles sont dynamiques ; dans cette dernière, l’augmentation de population est de +1,4 % en moyenne annuelle, la plus importante du département. La population de Saint-Flour, seconde commune la plus peuplée, baisse plus fortement que celle d’Aurillac (-0,5 % en moyenne annuelle), en raison du solde migratoire fortement négatif des jeunes partant pour leurs études. La population de Mauriac recule fortement, de -0,9 % en moyenne par an, Murat connaît le plus net repli avec -1,6 % par an. Quel que soit l’EPCI, la diminution du nombre d’habitants est plus importante dans le nord du département, où la population est plus âgée, ce qui accentue inexorablement le déséquilibre de peuplement entre le nord et le sud.

Comme dans les autres départements ruraux, les jeunes Cantaliens ont tendance à quitter le territoire pour poursuivre leurs études, et les retraités, à venir y vivre. Cependant, depuis le milieu des années 2010, ces flux ne sont plus les principales composantes des migrations résidentielles. D’une part, les jeunes ont une propension à rester plus facilement dans le département pour leurs études : leur déficit migratoire a diminué de moitié entre 2014 et 2020. D'autre part, le territoire devient maintenant plus attractif pour les actifs que pour les retraités (figure 2). Les actifs partent moins et s’installent davantage si bien que, sur l’année 2020, 810 personnes supplémentaires sont venues s’installer, soit le double de celui des retraités, alors qu'ils n'étaient que 180 en 2014. Ces arrivants proviennent des départements limitrophes et sont peu souvent natifs du Cantal (un cinquième). À l’opposé, les flux de retraités restent stables, comme dans le référentiel. Il s’agit de moins en moins de retours au pays (un sur quatre en 2020 contre un sur trois en 2014) et de plus en plus de natifs de la région parisienne et du Puy-de-Dôme.

Les migrations d’actifs sont plus importantes que dans le territoire de comparaison : pour 100 actifs restés dans le département, le Cantal en a accueilli 1,3 en 2020, contre 0,8 dans le référentiel. Toutes les professions sont concernées, même les cadres dont le solde migratoire était encore négatif en 2014. Le plus gros contingent est composé d’employés, profession surreprésentée dans le Cantal, suivi par les professions intermédiaires.

Un début de pénurie de main d’oeuvre attire les actifs depuis l’extérieur du département, en raison d’une population active qui ne cesse de baisser alors que l’emploi varie peu. En 2020, les jeunes (15-24 ans) sont aussi plus souvent en activité (46 % contre 42 % pour la région), et le temps complet plus fréquent (86 % contre 82 %). Ce contexte crée les conditions d’un faible taux de chômage au sens du BIT : en 2022, il est de 4,1 %, soit le plus bas de France. Par ailleurs, Aurillac, principal pôle d’emploi, étant relativement enclavé, peu de ses travailleurs résident dans les départements limitrophes. Seulement 5 % des emplois sont occupés par des actifs résidant hors du territoire.

Les nouveaux habitants semblent pourvoir les postes libérés par les départs à la retraite. Les recrutements d’aide-soignants et d’infirmiers (plus de 150 emplois), puis de vendeurs (une centaine), proviennent d'avantage d'autres départements en 2020. Dans l’agriculture, le renouvellement de la main d’œuvre va se poser avec plus d’acuité dans les prochaines années, deux agriculteurs sur cinq ayant 55 ans et plus en 2020.

Dès 2040, la population en âge de travailler (de 15 à 64 ans) devrait devenir minoritaire. D’ici là, le nombre de personnes âgées de 75 ans et plus augmenterait de 10 000, et représenterait 22 % de la population contre 14 % aujourd’hui. Le quart de ces personnes bénéficie de l’aide personnalisée d’autonomie en 2020. L’enjeu pour le département sera de pouvoir répondre aux besoins d'une population vieillissante croissante, notamment en matière de santé et d’hébergement.

Le Cantal propose une large gamme de soins de proximité. Les médecins généralistes y sont plus nombreux qu’ailleurs : on en compte 161 pour 100 000 habitants en 2022, soit plus que dans la région (154). Les pharmacies aussi sont plus fréquentes (129 pour 100 000 habitants contre 116 dans la région). Par contre, la situation est moins favorable pour les infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes et, dans une moindre mesure, pour les chirurgiens dentistes, en sous-effectif par rapport au référentiel et à la région. Malgré une meilleure répartition des maisons de santé pluridisciplinaires sur le territoire, les services de santé restent, globalement, moins accessibles que dans le référentiel et la région. En 2021, 7 % des Cantaliens y accèdent en plus de 20 minutes en voiture contre respectivement 5 % et 1 %. Le nombre de médecins spécialistes rapporté à la population, dans le Cantal comme dans les zones du référentiel, est deux fois moins élevé que dans la région. En revanche, l’accessibilité aux services d’urgence, si elle est loin d’être équivalente à celle de la région, est meilleure que dans le référentiel : 19 % de la population contre 24 % dans le référentiel en sont éloignés de plus de 30 minutes en voiture (6 % pour la moyenne régionale). Les établissements de santé sont à la fois davantage présents que dans la zone de référence et plus accessibles. Pour les établissements de long séjour, il faut plus d’une demi-heure de route pour seulement un Cantalien sur dix, contre un habitant sur quatre du référentiel.

En 2020, le niveau de vie des Cantaliens est inférieur à celui des habitants de la région mais proche de celui de la zone de comparaison. Il s’établit à 21 140 euros, soit près de 2 000 euros de moins que pour les habitants d'Auvergne-Rhône-Alpes (23 110 euros). Plusieurs éléments expliquent cette différence. La part des pensions de retraite et rentes dans la composition des revenus est importante, 36 % contre 27 % pour la région, doublée d’une part plus conséquente de retraites de l’agriculture, souvent plus modestes. De plus, la part de l’emploi non salarié est conséquente, en lien avec l’agriculture. Inversement, les cadres ne représentent que 7,7 % de la population active, contre 16,3 % dans la région. Pour autant, les disparités de revenu sont parmi les plus faibles de France : le rapport entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres est de 2,8 contre 3,3 dans la région.

La pauvreté a toutefois nettement reculé. En 2013, le Cantal était classé parmi les départements ayant le plus de personnes sous le seuil de pauvreté, avec un taux de 14,8 %. En 2020, le taux de pauvreté des Cantaliens est descendu à 13,2 %, inférieur de 1,2 point à la moyenne nationale, mais légèrement supérieur à celui de la région (12,7 %). La pauvreté touche davantage les personnes âgées de 75 ans et plus (14,2 % contre 8,8 % dans la région), la part d’anciens agriculteurs y étant plus élevée. Mais le taux de pauvreté n’est pas homogène au sein du département ; il est le plus faible pour le bassin d’Aurillac (10,8 %) et le plus fort pour le Pays de Salers (17,4 %).

La précarité reste un peu moins présente dans le Cantal que dans la région. En 2020, 4,3 % de la population bénéficie du RSA (revenu de solidarité active) contre 4,8 % dans la région. Il y a aussi moins de bénéficiaires de la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire devenue depuis le 1^er novembre 2019 la complémentaire santé solidaire), 5,0 % contre 6,4 %.

En 2020, le nombre d’emplois s’élève à 58 000, comme en 1975. S’il n’a pas progressé, contrairement à la région et à la France métropolitaine, c’est en raison du poids de son agriculture et de la déprise démographique (figure 3). Comme ailleurs, le Cantal a profité de l’essor du secteur tertiaire, mais à plus petite échelle. Celui-ci représente désormais 71 % des emplois contre 44 % en 1975. En l’absence de ville de taille suffisante, le département n’a pas bénéficié du développement de services métropolitains. La sphère présentielle (liée à la satisfaction des besoins de la population locale), laquelle constitue une grande partie des emplois du tertiaire, a été moins stimulée compte tenu du déclin démographique. À cela s’ajoute un secteur agricole en baisse, comme partout, mais dont le poids a bien davantage affecté l’emploi total. En 1975, il totalisait encore le tiers des emplois, soit beaucoup plus que dans le référentiel et la région (respectivement le quart et le dixième). Fin 2020, la part de ce secteur est tombée à 10 %, soit une perte de 14 000 emplois. Il rejoint ainsi le niveau de l’industrie, moins présente historiquement dans le département, mais qui est restée stable malgré une désindustrialisation tendantielle dans le pays. De 2009 à 2020, la croissance du marché du luxe a amorti les pertes d’emploi dans l’industrie du bois et de la fabrication de meubles, ainsi que dans la fabrication d'aliments, grâce à la participation de plusieurs entreprises sous-traitantes de grandes marques (Vulcacuir en maroquinerie et Qualipac dans le domaine du packaging des cosmétiques et des parfums). Quant au secteur de la construction, il subit les mêmes aléas conjoncturels qu’ailleurs ; il n’a cependant pas retrouvé son niveau d’avant la crise de 2009, contrairement à la région.

Au total, sur la période 2009-2020, les activités ayant créé le plus d’emplois sont l’hébergement médicosocial et social, avec un gain de 800 emplois, et l’industrie du cuir (plus de 200 supplémentaires), suivi par le commerce de détail (+200).

Comme dans les autres départements ruraux, l’administration est un employeur important : un salarié sur quatre travaille dans le secteur public, bien plus que dans la région (un sur cinq). Les plus gros employeurs sont les centres hospitaliers (9 % des salariés en 2020), celui d’Aurillac étant le premier employeur du Cantal.

Dans le secteur marchand, le département se distingue, par rapport à la région et au référentiel, par la place de son agriculture et de l’industrie alimentaire. Le Cantal est le premier département de France pour la part des emplois dans le secteur agricole.

En 2020, le département compte 4 675 exploitations, essentiellement dans l’élevage bovin et la production laitière. Cette spécialisation profite aux industries alimentaires, lesquelles représentent 4 % des emplois en 2020 contre 3 % dans le référentiel et 2 % pour la région.

Le département se distingue également par quelques activités spécifiques portées par des entreprises « phares ». Les cinq les plus spécifiques au Cantal sont (figure 4) : les « autres industries manufacturières » avec la fabrication de meubles des Menuiseries du centre (enseigne Lapeyre) et Lafa collectivités, la construction, avec les ponts et structures métalliques de l’entreprise Matière, le transport avec le groupe Lheritier et fils, les activités financières grâce à l’implantation de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Centre France, et le commerce de gros avec le groupe Tote Isotoner (commerce habillement et chaussures).

Le Cantal présente des atouts issus de son patrimoine naturel et des faiblesses propres aux départements ruraux. La majorité de son territoire est couverte par des zones de protection qui associent préservation du patrimoine naturel et développement local. Les deux parcs naturels régionaux couvrent 42 % de sa superficie. La moitié ouest fait partie d’une des dix réserves de biosphère de France labellisées par l’Unesco, le « Bassin de la Dordogne ». Ces espaces protègent la biodiversité et constituent des puits de carbone, éléments importants face à un secteur agricole fortement émissif en gaz à effet de serre (GES), notamment l’élevage bovin. Les émissions de GES dues aux déplacements domicile-travail sont en revanche plus faibles par rapport au référentiel et à la région, près de la moitié des Cantaliens travaillant dans leur commune de résidence.

Par ailleurs, l’ancienneté de l’habitat, auquel s’ajoute un climat rude, sont un frein à la sobriété carbone. De plus, les logements sont souvent grands et énergivores. Près du quart des résidences principales ont été construites avant 1919 et huit sur dix sont sous-occupées. Le premier défi sera sans doute de réduire le poids du chauffage au fioul, qui équipe encore le quart des résidences principales, contre le cinquième dans le référentiel.