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Insee Analyses Grand Est · Septembre 2023 · n° 166
Insee Analyses Grand EstParmi les personnes qui quittent les quartiers prioritaires du Grand Nancy, une sur cinq devient propriétaire

Vincent Monchâtre, Virginie Pic (Insee)

La Métropole du Grand Nancy compte huit quartiers de la politique de la ville (QPV), dans lesquels la population a un niveau de vie nettement inférieur à celui du reste de la Métropole. De nouveaux habitants y emménagent, d’autres en sortent, mais demeurent le plus souvent dans l’agglomération.

Les personnes qui s’installent dans ces quartiers prioritaires ont un taux de pauvreté plus faible que celles qui y résident déjà. Elles vivent moins souvent dans une famille nombreuse et aussi fréquemment que les sortants.

Ces derniers présentent une situation moins fragile que les habitants qui restent : leur niveau de vie est plus élevé. Un cinquième des sortants devient propriétaire de son logement en quittant les QPV.

Insee Analyses Grand Est
No 166
Paru le :Paru le28/09/2023

Un habitant de la Métropole du Grand Nancy sur huit vit en QPV

La Métropole du Grand Nancy compte près de 257 000 habitants. Elle comporte huit (QPV) dont la population varie de 1 000 à 16 000 habitants pour un total d’environ 34 000 habitants, soit 13,2 % des habitants de la Métropole. Les quartiers prioritaires du Grand Nancy regroupent environ 17 500 logements, dont trois sur quatre sont des .

Comme dans l’ensemble des QPV de la région, les habitants des quartiers prioritaires de la métropole nancéienne présentent davantage de signes de fragilité que les populations alentour. Le taux de pauvreté est près de 3,5 fois plus élevé dans les QPV que dans l’environnement urbain (Grand Nancy hors QPV) : 46,6 % contre 13,6 %, en lien avec le fait que le fait partie des critères de définition des quartiers prioritaires. Ce dernier est d’environ 13 500 € par an dans les QPV du Grand Nancy, en-dessous de 43 % du niveau dans le reste de la Métropole (figure 1).

Les familles nombreuses ou monoparentales sont surreprésentées dans les QPV : elles rassemblent respectivement 27 % et 20 % des personnes en quartier prioritaire, contre 11 % et 12 % dans l’environnement urbain. Les QPV comptent en moyenne plus de mineurs que dans le reste de l’agglomération : plus d’un habitant sur quatre, contre un sur six dans l’environnement urbain.

Figure 1Niveau de vie annuel moyen dans le Grand Nancy

Les habitants mobiles des QPV restent majoritairement dans la Métropole

La moitié des personnes occupant un nouveau logement en QPV en 2020 habitait hors des quartiers prioritaires. Seuls 24 % des personnes qui ont emménagé dans les QPV habitaient hors de la Métropole du Grand Nancy en 2019 (figure 2).

Parmi les personnes des quartiers prioritaires qui ont changé de logement entre 2019 et 2020 (mobiles), deux tiers quittent les QPV, alors que près d’un quart reste dans le même quartier. Dans l’ensemble, les habitants des QPV déménagent moins loin : la moitié des mobiles s’éloigne de moins de 3,5 km (moins de 5,3 km pour le reste du Grand Nancy). Plus des deux tiers des mobiles restent dans la Métropole, principalement dans les communes de Nancy et Vandœuvre-lès-Nancy.

Figure 2Répartition des origines et destinations des personnes ayant déménagé depuis ou vers un QPV du Grand Nancy

Répartition des origines et destinations des personnes ayant déménagé depuis ou vers un QPV du Grand Nancy
Type de mouvement Destination Déménageant Emménageant
Internes Même QPV 22,9 35,0
Inter QPV Autre QPV du Grand Nancy 7,7 11,8
QPV hors métropole 3,2 4,0
Sortants Reste de la métropole 37,4 ///
Autres cas 28,7 ///
Entrants Reste de la métropole /// 29,2
Autres cas /// 20,0
  • /// : absence de donnée due à la nature des choses
  • Note : parmi les habitants qui ont emménagé dans un QPV du Grand Nancy entre 2019 et 2020, 35 % habitaient déjà dans le même quartier prioritaire.
  • Source : Fidéli 2020.

Figure 2Répartition des origines et destinations des personnes ayant déménagé depuis ou vers un QPV du Grand Nancy

  • Note : parmi les habitants qui ont emménagé dans un QPV du Grand Nancy entre 2019 et 2020, 35 % habitaient déjà dans le même quartier prioritaire.
  • Source : Fidéli 2020.

Les entrants des QPV du Grand Nancy sont moins souvent pauvres que les stables

Dans l’ensemble, la population qui s’installe en QPV a un taux de pauvreté plus faible que celle qui y réside : en 2020, 44,5 % des en quartier prioritaire du Grand Nancy vivent sous le seuil de pauvreté, soit 4,4 points de moins que les personnes qui y habitent déjà () (figure 3). Si trois entrants sur cinq vivent dans un logement social en arrivant en QPV, cette part est plus forte chez les stables (quatre sur cinq).

Les personnes en famille nombreuse représentent environ un cinquième des entrants et des , alors qu’elles constituent plus du quart des stables. La faible mobilité des familles nombreuses peut s’expliquer par la difficulté à trouver à un prix abordable des logements adaptés à un grand nombre de personnes.

Figure 3Caractéristiques des populations des QPV du Grand Nancy

Caractéristiques des populations des QPV du Grand Nancy
Caracteristique Stables Entrants Sortants
Part de la population en famille nombreuse (en %) 27,6 19,5 21,4
Part de la population en famille monoparentale (en %) 20,0 20,6 19,0
Taux de pauvreté (en %) 48,9 44,5 33,4
Part de la population en logement social (en %) 79,0 59,4 36,6
Part de la population locataire (en %) 87,3 89,1 74,5
Âge moyen 38,0 28,8 28,9
  • Note : 79 % des stables des QPV du Grand Nancy vivent en logement social en 2020 alors que cela ne concerne que 37 % des sortants.
  • Source : Fidéli 2020.

Figure 3Caractéristiques des populations des QPV du Grand Nancy

  • Note : 79 % des stables des QPV du Grand Nancy vivent en logement social en 2020 alors que cela ne concerne que 37 % des sortants.
  • Source : Fidéli 2020.

Les sortants vivent une situation intermédiaire entre les habitants des QPV et ceux du reste de l’agglomération

Un tiers des sortants des QPV du Grand Nancy vit sous le seuil de pauvreté, contre près de la moitié des stables (un sur sept dans l’environnement urbain). Les sortants ont en moyenne un niveau de vie de 16 200 €, soit environ 2 700 € de plus que les stables. Une fois sortis des quartiers prioritaires, ils résident beaucoup moins souvent dans le parc social que ceux qui restent. Les logements sociaux sont proportionnellement moins présents dans l’ensemble du parc hors QPV : l’environnement urbain regroupe 88 % des logements de la Métropole, mais seulement 60 % du parc social. Les habitants du reste de la Métropole vivent encore moins souvent dans un logement social que les sortants (respectivement 15 % et 37 %).

La sortie d’un QPV donne l’occasion de changer de statut d’occupation : plus d’une personne sur cinq qui quitte un QPV devient propriétaire de son logement. Plus d’un sortant sur trois quitte le parc social, principalement pour être locataire du parc privé. La quasi-totalité des sortants vivant encore en logement social étaient déjà dans un logement de ce type en QPV.

La population qui quitte les quartiers prioritaires du Grand Nancy est plus fréquemment propriétaire : un sortant sur quatre est propriétaire de son logement, alors qu’ils sont un sur huit parmi les stables (figure 4). C’est beaucoup moins que dans l’environnement urbain où la moitié de la population est propriétaire.

Figure 4Évolution du statut d’occupation des sortants des QPV du Grand Nancy

(en %)
Évolution du statut d’occupation des sortants des QPV du Grand Nancy ((en %))
Statut d’occupation en 2019 Statut d’occupation en 2020 Part
Locataire parc privé Locataire parc privé 10,9
Locataire parc privé Locataire parc social 2,7
Locataire parc privé Propriétaire 10,2
Locataire parc social Locataire parc privé 23,9
Locataire parc social Locataire parc social 33,4
Locataire parc social Propriétaire 11,4
Propriétaire Locataire parc privé 3,1
Propriétaire Locataire parc social 0,5
Propriétaire Propriétaire 3,9
  • Note : 25,5 % des sortants des QPV de la Métropole du Grand Nancy sont propriétaires en 2020, 3,9 % l’étaient déjà en 2019.
  • Source : Fidéli 2020.

Figure 4Évolution du statut d’occupation des sortants des QPV du Grand Nancy

(en %)
  • Note : 25,5 % des sortants des QPV de la Métropole du Grand Nancy sont propriétaires en 2020, 3,9 % l’étaient déjà en 2019.
  • Source : Fidéli 2020.

Encadré 1 - Les quartiers prioritaires en dehors du Grand Nancy

Le territoire Sud-Lorraine regroupe le département des Vosges ainsi que la moitié Sud des départements de la Meurthe-et-Moselle et de la Meuse. Il comporte 13 quartiers de la politique de la ville (QPV) situés hors de la Métropole nancéienne, qui regroupent 23 000 habitants. Ces quartiers sont en moyenne 2,5 fois plus petits que ceux du Grand Nancy, et leur population diminue fortement : -6,2 % entre 2013 et 2018, contre -0,4 % dans la Métropole.

L’âge moyen dans les QPV de ce territoire est plus élevé de 3 ans que dans les quartiers prioritaires du Grand Nancy. Les familles nombreuses sont moins fréquentes : elles rassemblent 24 % de la population, soit environ 3 points de moins que dans les QPV du Grand Nancy.

Les mobiles des quartiers prioritaires situés hors de la Métropole présentent plus de signes de fragilité : plus de familles monoparentales (9 points de plus chez les entrants), un taux de pauvreté plus élevé (5 points de plus pour les entrants, 3 points de plus pour les sortants). Dans ces QPV, les personnes en famille nombreuse sont plus présentes parmi les sortants que parmi les entrants (20 %, environ 2 points de plus).

Les sortants des quartiers prioritaires du territoire Sud-Lorraine se dirigent moins vers les logements sociaux que ceux des QPV de la Métropole.

Encadré 2 - Le mot du partenaire

L’un des enjeux majeurs de la politique de la ville est d’accroître la mixité sociale des quartiers prioritaires afin d’en réduire la ségrégation spatiale et sociale. L’analyse des mobilités résidentielles permet d’appréhender l’impact des politiques menées sur l’évolution du profil de ces quartiers.

Depuis 2004, le Grand Nancy mène l’un des plus ambitieux projets de rénovation urbaine. Cette démarche se poursuit avec le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU, 2014-2029).

Action Logement, engagé depuis plus de 20 ans dans la politique nationale de renouvellement urbain, souhaite renforcer son expertise afin de contribuer à la mixité sociale des quartiers en renouvellement urbain et d’accompagner l’accueil des salariés d’entreprises dans ces quartiers. Le caractère emblématique du projet NPNRU du Grand Nancy et les conditions favorables du partenariat local ont incité la direction d’Action Logement Grand Est à y déployer des réflexions.

En même temps, la Métropole du Grand Nancy engage des réflexions visant à alimenter le prochain Contrat de Ville 2024-2030.

SCALEN, l’agence de développement des territoires Nancy Sud Lorraine, accompagne la Métropole du Grand Nancy et la direction d’Action Logement Grand Est dans les différentes réflexions engagées, et dont la finalité commune est de favoriser la mixité sociale au sein des QPV. La réalisation de cette étude sur la mobilité résidentielle des QPV en collaboration avec l’Insee s’inscrit dans un ensemble de réflexions menées par SCALEN.

Pour la Métropole du Grand Nancy, elle apporte un éclairage sur les mouvements de populations dans les QPV et leurs destinations lorsqu’elles quittent ces quartiers. Pour Action Logement, elle contribue à identifier les profils de salariés à cibler dans le cadre de ses programmes en accession à la propriété ou des réservations locatives.

Funmi AMINU – Directeur du pôle Observation et Dynamiques Territoriales SCALEN

Pierre-Emmanuel CHOLLET – Chargé d’études Habitat SCALEN

Publication rédigée par :Vincent Monchâtre, Virginie Pic (Insee)

Pour comprendre

Cette étude se base sur les données Fidéli : il s’agit d’une source administrative géolocalisée regroupant notamment des données de la taxe d’habitation, des propriétés bâties, des impôts et des déclarations de revenus. Ces données sont enrichies avec la source Filosofi (Fichier localisé social et fiscal) sur la pauvreté et le niveau de vie des ménages.

Le fichier contient les informations pour deux années consécutives (ici, Fidéli 2020, qui donne des informations pour 2019 et 2020). Les mobilités résidentielles sont identifiées à partir des informations sur le logement des individus : un individu est mobile s’il change de logement entre les deux années.

Le champ de l’étude est limité aux individus présents dans Fidéli, et dont on connaît le logement les deux années. Les personnes mobiles venant de l’étranger (ou partant vers l’étranger) ne peuvent donc pas être étudiées. Les volumes de mobilités résidentielles étant donc sous-estimés, l’analyse présentée ici se limite aux caractéristiques des personnes mobiles plutôt qu’à leurs effectifs. De plus, la source utilisée ne donne pas d’informations sur le caractère durable, ou non, du changement de résidence des individus.

L’unité d’observation dans cette étude est l’individu et non le ménage. Ainsi, on ne dénombre pas les déménagements de familles, mais d’individus, soit des volumes qui sont d’autant plus grands que la démographie est marquée par des familles nombreuses. Par exemple, quand une famille de six personnes déménage, elle contribue pour six, autant que les déménagements de trois couples sans enfant.

Définitions

Les quartiers prioritaires ou quartiers de la politique de la ville (QPV) sont des territoires d’intervention du ministère de la Ville, définis par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014. Ils ont été identifiés selon un critère unique, celui du revenu par habitant. Les périmètres des QPV sont fixés par le décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014.

Les logements sociaux identifiés dans la base Fidéli correspondent aux logements dont le propriétaire est un office HLM ou une société d’économie mixte (SEM) dont l’objet est le logement social, sans distinction entre logements conventionnés et non conventionnés.

Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Les unités de consommation sont généralement calculées selon l’échelle d’équivalence dite de l’OCDE modifiée qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.

Les entrants sont les personnes qui habitent dans un QPV en 2020 et n’habitaient pas en QPV l’année précédente. Les sortants sont les personnes qui habitaient en QPV en 2019 et n’habitent pas dans un QPV en 2020. Les stables sont les personnes habitant le même QPV les deux années.

Figure 5Entrants, sortants… – Quatre types de mobilité

Entrants, sortants… – Quatre types de mobilité
Origine Destination Double-sens Libellé
QPV examiné Hors QPV non sortants
Hors QPV QPV examiné non entrants
QPV examiné QPV examiné non mobilité interne
QPV examiné Autre QPV oui mobilité inter QPV
  • Source : Insee.

Figure 5Entrants, sortants… – Quatre types de mobilité

  • Source : Insee.

Pour en savoir plus

(1) « Ouvrir dans un nouvel ongletMobilité résidentielle des habitants des quartiers prioritaires », Rapport 2017 de l’Observatoire national de la politique de la ville, mai 2018.

(2) Monchâtre V., Pic V., « Dans le Grand Est, la population qui quitte les quartiers prioritaires a une situation moins précaire que celle qui y réside », Insee Analyses Grand Est no 156, avril 2023.

(3) Monchâtre V., « Près d’un logement sur dix suroccupé dans les quartiers de la politique de la ville », Insee Flash Grand Est no 46, février 2021.

(4) Tillate A., « 116 quartiers de la politique de la ville en ACAL », Insee Analyses Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine no 8, mai 2016.