Insee Analyses Grand Est ·
Avril 2023 · n° 156Dans le Grand Est, la population qui quitte les quartiers prioritaires a une situation
moins précaire que celle qui y réside
La population qui vit en quartier prioritaire dans le Grand Est est, en moyenne, plus jeune et plus souvent pauvre que celle des environnements urbains. Les habitants qui quittent ces quartiers ont une situation moins fragile que ceux qui restent y vivre : ils sont moins souvent pauvres et la part de personnes en familles nombreuses ou monoparentales est moins élevée que celle des quartiers prioritaires.
À l’inverse, les personnes qui s’installent dans les quartiers prioritaires sont un peu plus souvent pauvres que les résidents. Une sur quatre vit en famille monoparentale contre une sur cinq parmi les personnes qui y résident déjà.
- Une population plus jeune et plus pauvre
- Les sortants sont en situation moins fragile que les stables
- La sortie de QPV s’accompagne souvent d’une sortie du parc locatif social
- La population qui emménage dans un QPV est en situation légèrement plus précaire que celle qui y réside déjà
- Les mobilités se font souvent dans l’environnement proche
- Encadré - Trois catégories de quartiers prioritaires
Une population plus jeune et plus pauvre
Les 116 quartiers de la politique de la ville (QPV) du Grand Est regroupent 385 000 habitants, soit près de 7 % de la population régionale et un habitant sur sept des unités urbaines concernées. Ces quartiers sont localisés principalement dans les grandes unités urbaines à l’est de la région (Nancy, Metz, Mulhouse, Strasbourg). Les QPV abritent des populations dont la situation économique est précaire, leurs contours étant définis en fonction des niveaux de revenus. En 2020, le niveau de vie médian des habitants des QPV est de 13 500 €, soit près de 40 % de moins que celui des habitants des environnements urbains. Leur taux de pauvreté est plus de trois fois plus élevé que dans le reste des unités urbaines (48,0 % contre 14,8 %). La population y est en moyenne plus jeune, et les familles nombreuses et monoparentales y sont plus fréquentes. Près de 30 % des habitants des QPV vivent en famille nombreuse, contre 12,9 % dans les environnements urbains. Pour les familles monoparentales, les proportions sont respectivement de 20,2 % et de 12,0 %.
Plus d’un sixième de la population des QPV du Grand Est vit dans un quartier ancien central (encadré), plus d’un cinquième dans un petit quartier en déprise démographique et trois cinquièmes dans un grand quartier excentré.
Entre 2019 et 2020, le taux de mobilité dans les QPV du Grand Est est légèrement inférieur à celui des environnements urbains (18,3 % contre 20,0 %). Du fait des mobilités résidentielles, une partie des habitants quitte les QPV, alors que d’autres s’y installent. Ces sortants et ces entrants ont des profils différents des habitants qui y restent (les habitants stables , figure 1).
tableauFigure 1 – Caractéristiques des populations mobiles et stables des QPV1 dans le Grand Est en 2020
Ensemble | Stables | Entrants | Sortants |
---|---|---|---|
Part de la population en famille nombreuse (en %) | 30,9 | 20,8 | 24,3 |
Part de la population en famille monoparentale (en %) | 19,9 | 24,9 | 18,8 |
Taux de pauvreté (en %) | 47,8 | 48,1 | 36,3 |
Âge moyen | 37,9 | 29,7 | 29,6 |
Part de la population en logement social (en %) | 77,9 | 65,9 | 38,3 |
Part de la population propriétaire (en %) | 11,9 | 9,2 | 22,3 |
- 1Quartiers de la politique de la ville
- Lecture : en 2020, 30,9 % des personnes qui restent dans leur quartier de la politique de la ville (stables) vivent en famille nombreuse. Cette proportion est de 20,8 % pour les entrants et de 24,3 % pour les sortants.
- Source : Insee, Fidéli 2020.
graphiqueFigure 1 – Caractéristiques des populations mobiles et stables des QPV1 dans le Grand Est en 2020
Les sortants sont en situation moins fragile que les stables
Indépendamment de la catégorie de quartier qu’ils quittent, les sortants ont des caractéristiques similaires. Leur situation financière est meilleure que celle des habitants stables des QPV (figure 2), et leur taux de pauvreté est plus faible : en 2020, 36,3 % des sortants vit sous le seuil de pauvreté, soit 11,5 points de moins que la moyenne des stables. Les sortants des quartiers anciens centraux sont moins souvent touchés par la pauvreté (33,4 %), mais l’écart avec la population stable de leurs quartiers est également moins marqué : 9,3 points de différence.
La diminution du taux de pauvreté chez les sortants est la conséquence d’une augmentation de leur niveau de vie : en 2020, le niveau de vie médian des sortants a augmenté de 5,1 % par rapport à l’année précédente, soit environ 750 € supplémentaires. Sur la même période, le niveau de vie des stables n’augmente que de 2,7 %. Par rapport aux habitants des environnements urbains, le niveau de vie des sortants des QPV est inférieur de 30,0 % et celui des stables de 39,1 %.
Les personnes en famille nombreuse quittent moins les QPV : elles représentent 24,3 % des sortants contre 30,9 % des stables. Cet écart est plus prononcé pour les personnes quittant un grand quartier excentré : plus du tiers des habitants stables de ces quartiers fait partie d’une famille nombreuse contre un peu plus d’un quart des sortants.
Un écart entre sortants et stables existe également dans le cas des familles monoparentales, mais il est beaucoup moins marqué : 18,8 % des sortants font partie d’une famille monoparentale contre 19,9 % des habitants stables des QPV.
tableauFigure 2 – Comparaison entre les habitants stables des QPV1, les sortants, et les habitants de l’environnement urbain dans le Grand Est en 2020
Ensemble | Stables | Sortants | Environnement urbain |
---|---|---|---|
Niveau de vie médian (en €) | 13 520 | 15 493 | 22 200 |
Taux de pauvreté (en %) | 47,8 | 36,3 | 14,8 |
Part de la population en famille nombreuse (en %) | 30,9 | 24,3 | 12,9 |
Part de la population en famille monoparentale (en %) | 19,9 | 18,8 | 12,0 |
Âge moyen | 37,9 | 29,6 | 43,0 |
Part de la population locataire (en %) | 88,1 | 77,7 | 45,3 |
- 1Quartiers de la politique de la ville
- Source : Insee, Fidéli 2020.
La sortie de QPV s’accompagne souvent d’une sortie du parc locatif social
Lorsqu’ils quittent les QPV, les sortants quittent souvent le parc locatif social : ils ne sont plus que 38,3 % à vivre dans un logement social après leur déménagement, contre 69,9 % l’année précédente. Ce phénomène s’explique en partie par la prépondérance des logements sociaux parmi les logements des QPV, et par la concentration du parc locatif social dans les quartiers prioritaires : 39,1 % des logements sociaux des unités urbaines contenant au moins un QPV se trouvent au sein d’un de ces quartiers.
Les personnes quittant les QPV sont également plus souvent propriétaires de leur logement que celles y demeurant : 22,3 % contre 11,9 %. Parmi les sortants qui sont propriétaires de leur logement en 2020, plus de quatre sur cinq ont accédé à la propriété au moment de leur déménagement (figure 3). Le niveau de vie médian des sortants qui accèdent à la propriété s’établit à 19 600 €, un montant très proche de celui des habitants des environnements urbains, et supérieur de 36,7 % à celui des sortants locataires en 2020.
tableauFigure 3 – Évolution de statut d’occupation des entrants et des sortants des QPV1 dans le Grand Est en 2020
Statut | Statut d’occupation du logement en 2020 | Entrants | Sortants |
---|---|---|---|
Locataire | Locataire | 73,4 | 73,4 |
Locataire | Propriétaire | 6,5 | 18,2 |
Propriétaire | Locataire | 16,4 | 4,3 |
Propriétaire | Propriétaire | 3,6 | 4,0 |
- 1Quartiers de la politique de la ville
- Lecture : 18,2 % des sortants sont propriétaires de leur logement en 2020 alors qu’ils étaient locataires en 2019.
- Source : Insee, Fidéli 2020.
graphiqueFigure 3 – Évolution de statut d’occupation des entrants et des sortants des QPV1 dans le Grand Est en 2020
La population qui emménage dans un QPV est en situation légèrement plus précaire que celle qui y réside déjà
Le taux de pauvreté de la population qui s’installe en QPV est proche de celui de la population qui y réside : en 2020, 48,1 % des entrants en QPV vit sous le seuil de pauvreté, soit 0,3 point de plus que les stables. Les entrants des quartiers anciens centraux sont moins touchés par la pauvreté (respectivement 40,9 % et - 1,8 point), à l’inverse des grands quartiers excentrés (52,4 % et + 2,6 points). L’entrée en QPV coïncide souvent avec une baisse de revenus : en moyenne, le niveau de vie de ces personnes est inférieur de 5,0 % à celui de l’année précédente, soit environ 700 € de moins.
Parmi les entrants en QPV, 20,8 % vivent en famille nombreuse contre 30,9 % parmi les stables. L’écart est plus marqué parmi les entrants dans les quartiers anciens centraux qui ne sont que 14,0 % à vivre au sein d’une famille nombreuse, soit un écart de 9,9 points par rapport aux stables de ces quartiers. Le niveau de vie des entrants vivant sous le seuil de pauvreté et plus bas que celui des habitants pauvres de l’environnement urbain : respectivement 10 000 € et 10 500 €.
Les personnes emménageant en QPV vivent plus fréquemment dans une famille monoparentale : c’est le cas d’un entrant sur quatre, contre un stable sur cinq. Chez les entrants vivant en famille monoparentale, le taux de pauvreté s’élève à 63,1 %. Dans l’ensemble, les familles monoparentales sont deux fois plus touchées par la pauvreté dans les QPV que dans les environnements urbains : 61,5 % contre 30,2 %.
Les entrants s’installent majoritairement dans le parc locatif social (65,9 %). Cette part est toutefois inférieure à celle des stables : 77,9 % d’entre eux habite un logement social. Seul un entrant sur onze est propriétaire de son logement, contre un stable sur neuf. Ceux qui emménagent en QPV sont 16,4 % à passer du statut de propriétaire à celui de locataire. Pour ces personnes, le niveau de vie baisse plus fortement encore que pour la moyenne des entrants : il diminue de 22,8 %, soit de 4 600 € par an.
Les mobilités se font souvent dans l’environnement proche
Les habitants des QPV qui changent de logement vont en général moins loin que ceux qui n’y habitent pas : la moitié d’entre eux s’éloigne de moins de 2,2 km contre 4,2 km pour les personnes des environnements urbains. Parmi les sortants, 64,2 % déménagent vers l’environnement urbain du quartier qu’ils quittent ; parmi les entrants, 58,2 % viennent également de l’environnement urbain de leur nouveau quartier.
Un quart des habitants en QPV ayant changé de logement restent dans le même quartier. Un tiers de ces personnes vit en famille nombreuse (moins d’un quart chez les sortants). Les mobiles intra-QPV s’installent plus souvent dans un logement social : 77,6 % contre 65,9 % des entrants. Cet écart est plus prononcé dans les petits quartiers en déprise démographique (respectivement 87,7 % et 69,2 %).
Parmi ceux ayant quitté leur QPV, 15,4 % emménagent dans un autre quartier prioritaire. Ces personnes en mobilité inter-QPV sont en moyenne bien plus souvent pauvres que les stables (65,5 % et 17,7 points de plus) et font également plus souvent partie d’une famille nombreuse et/ou monoparentale (respectivement 35,6 % et 28,3 %, soit respectivement 5 et 8 points de plus que la moyenne des stables).
Encadré - Trois catégories de quartiers prioritaires
Les quartiers de la politique de la ville du Grand Est peuvent être répartis entre trois catégories distinctes, notamment en fonction des caractéristiques de leurs habitants et du parc de logements.
On qualifie de quartiers anciens centraux les QPV situés près des centres urbains dans lesquels les logements sont très souvent anciens (construits avant 1946) et assez souvent vacants. Ces quartiers comptent peu de logements de bailleurs sociaux, et les habitants y sont plus souvent propriétaires de leur logement. La population y est moins souvent pauvre et moins jeune que la moyenne de celle des QPV, et les familles nombreuses ou monoparentales y sont peu présentes. Ils se trouvent principalement dans le nord de la région, surtout dans les Ardennes et sont majoritaires dans les unités urbaines de taille restreinte : près de la moitié de ces quartiers se trouvent dans une unité urbaine de moins de 50 000 habitants (elles regroupent moins d’un tiers des QPV de la région).
Les petits quartiers en déprise démographique sont relativement petits et perdent plus de population que la moyenne des QPV de la région. Les caractéristiques de la population de ces quartiers sont intermédiaires entre celles des quartiers anciens centraux et des grands quartiers excentrés. Ces quartiers sont principalement situés en ex-région Lorraine ou hors des grandes unités urbaines.
Les grands quartiers excentrés comptent plus d’habitants, parmi lesquels une part importante de familles nombreuses et donc beaucoup de mineurs. En conséquence, l’âge moyen y est plus faible. Ces quartiers perdent moins de population que les autres. Les logements y sont rarement vacants, et très rarement anciens. Les habitants de ces quartiers sont en moyenne nettement plus souvent pauvres que ceux de leur environnement urbain. Ces quartiers se trouvent en périphérie des grands pôles de la région (Strasbourg, Reims, Nancy et Metz), bien qu’il y en ait également dans les pôles secondaires (Mulhouse, Colmar, Troyes, Thionville…).
tableauFigure 4 – Caractéristiques selon la catégorie de QPV1 dans le Grand Est en 2020
Immobiles | Quartiers anciens centraux | Petits quartiers en déprise démographique | Grands quartiers excentrés |
---|---|---|---|
Temps d’accès au centre de l’unité urbaine (en minutes) | 3,32 | 5,61 | 7,39 |
Taux de pauvreté (en %) | 42,7 | 44,7 | 49,8 |
Part de la population en famille nombreuse (en %) | 23,9 | 26,9 | 33,8 |
Part de la population en famille monoparentale (en %) | 18,6 | 18,1 | 20,8 |
Part de la population en logement social (en %) | 47,7 | 78,5 | 84,8 |
Part de logements anciens (en %) | 49,8 | 10,1 | 3,7 |
- 1Quartier de la politique de la ville
- Lecture : 49,8 % des logements des quartiers anciens centraux ont été construits avant 1946.
- Source : Insee, Fidéli 2020, Distancier Metric.
graphiqueFigure 4 – Caractéristiques selon la catégorie de QPV1 dans le Grand Est en 2020
Pour comprendre
Cette étude se base sur les données Fidéli : il s’agit d’une source administrative géolocalisée regroupant notamment des données de la taxe d’habitation, des propriétés bâties, des impôts et des déclarations de revenus. Ces données sont enrichies avec la source Filosofi (Fichier localisé social et fiscal) sur la pauvreté et le niveau de vie des ménages.
Le fichier contient les informations pour deux années consécutives (ici, Fidéli 2020, qui donne des informations pour 2019 et 2020). Les mobilités résidentielles sont identifiées à partir des informations sur le logement des individus : un individu est mobile s’il change de logement entre les deux années.
Le champ de l’étude est limité aux individus présents dans Fidéli, et dont on connaît le logement les deux années. Les personnes mobiles venant de l’étranger (ou partant vers l’étranger) ne peuvent donc pas être étudiées. De plus, la source utilisée ne donne pas d’informations sur le caractère durable, ou non, du changement de résidence des individus.
L’unité d’observation dans cette étude est l’individu et non le ménage. Ainsi, on ne dénombre pas les déménagements de familles, mais d’individus, soit des volumes qui sont d’autant plus grands que la démographie est marquée par des familles nombreuses. Par exemple, quand une famille de six personnes déménage, elle contribue pour six, autant que les déménagements de trois couples sans enfant.
Définitions
Les quartiers prioritaires ou quartiers de la politique de la ville (QPV) sont des territoires d'intervention du ministère de la Ville, définis par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014. Ils ont été identifiés selon un critère unique, celui du revenu par habitant. Les périmètres des QPV sont fixés par le décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014.
Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Les unités de consommation sont généralement calculées selon l’échelle d’équivalence dite de l’OCDE modifiée qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.
L’environnement urbain désigne l’unité urbaine hormis le territoire du ou des QPV qu’elle englobe.
Le taux de mobilité d’une zone s’interprète comme une intensité de mobilité, sans présager du sens des entrées et des sorties. Il correspond au nombre de personnes changeant de résidence rapporté à la population moyenne entre les deux années. Quand il vaut 20 %, cela signifie qu’en moyenne un individu sur cinq de cette zone a déménagé ou emménagé.
Les entrants sont les personnes qui habitent dans un QPV en 2020 et n’habitaient pas en QPV l’année précédente. Les sortants sont les personnes qui habitaient en QPV en 2019 et n’habitent pas dans un QPV en 2020. Les stables sont les personnes habitant le même QPV les deux années.
tableauFigure 5 – Quatre types de mobilité
Origine | Destination | Double-sens | Libellé |
---|---|---|---|
QPV examiné | Hors QPV | non | sortants |
Hors QPV | QPV examiné | non | entrants |
QPV examiné | QPV examiné | non | mobilité interne |
QPV examiné | Autre QPV | oui | mobilité inter QPV |
- Source : Insee.
graphiqueFigure 5 – Quatre types de mobilité
Les logements sociaux identifiés dans la base Fidéli correspondent aux logements dont le propriétaire est un office HLM ou une société d’économie mixte (SEM) dont l’objet est le logement social, sans distinction entre logements conventionnés et non conventionnés.
Pour en savoir plus
(1) «Ouvrir dans un nouvel ongletMobilité résidentielle des habitants des quartiers prioritaires», Rapport 2017 de l’Observatoire national de la politique de la ville, mai 2018.
(2) Monchâtre, V., «Près d’un logement sur dix suroccupé dans les quartiers de la politique de la ville», Insee Flash Grand Est no 46, février 2021.
(3) Tillate, A., «116 quartiers de la politique de la ville en ACAL», Insee Analyses Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine no 8, mai 2016.