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Insee Analyses Réunion · Juin 2023 · n° 82
Insee Analyses RéunionÀ La Réunion, malgré des diplômes de plus en plus élevés, les jeunes accèdent toujours tardivement à leur autonomie

Manuela Ah-Woane, (Insee)

La jeunesse réunionnaise est de plus en plus diplômée. Néanmoins, en 2019, seuls quatre jeunes sur dix sont autonomes à 29 ans, c’est-à-dire travaillent et habitent leur propre logement, contre sept sur dix dans l’Hexagone.

Depuis une décennie, l’accès à l’autonomie des jeunes a peu évolué sur l’île. Les diplômés du supérieur sont les plus indépendants en enchaînant études, emploi et logement. Pour les autres, à La Réunion encore plus qu’ailleurs, le parcours vers l’autonomie est très différent selon que l’on soit une femme ou un homme. Les jeunes hommes vivent plus longtemps avec leurs parents, et s’installent dans leur propre logement une fois qu’ils travaillent. Les jeunes femmes prennent d’abord un logement et deviennent majoritairement mères avant de trouver un emploi. Cependant, même sans enfant, les femmes accèdent moins à l’emploi que les hommes.

Insee Analyses Réunion
No 82
Paru le :Paru le01/06/2023
L'accès à l'autonomie des jeunes à La Réunion
Publication rédigée par :Manuela Ah-Woane, (Insee)

Une jeunesse de plus en plus diplômée

La Réunion fait partie des régions françaises les plus jeunes. En 2019, 155 000 jeunes de 16 à 29 ans y vivent, soit 18 % de la population de l’île. Un quart d’entre eux ne sont ni en formation ni en emploi, ce qui compromet leur insertion sociale et professionnelle [Jonzo, Seguin, 2022 ; pour en savoir plus (2)]. Améliorer leur niveau de formation, leur permettre d’être autonomes en accédant à un emploi et à un représentent des enjeux essentiels pour la société réunionnaise.

Le diplôme est la première clé pour trouver un emploi et construire son autonomie. Les sorties du système scolaire sans diplôme se réduisent : parmi les jeunes ayant fini leurs études, 25 % n’ont pas de diplôme en 2019 contre 36 % en 2011. Les jeunes hommes sont plus fréquemment dans ce cas que les jeunes femmes (28 % contre 22 %) (figure 1). En France métropolitaine, la part de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme est bien moindre qu’à La Réunion (16 %). Depuis 2020, l’instruction obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans est suivie d’une obligation de formation jusqu’à 18 ans. À La Réunion, en 2019, 2 500 jeunes de 14 à 17 ans ont quitté le système scolaire et ne possèdent aucun diplôme. Ils étaient 3 000 en 2011.

La jeunesse réunionnaise est donc de plus en plus diplômée [Letailleur, 2020 ; pour en savoir plus (4)] . En particulier, en 2019, 21 % des jeunes de moins de 30 ans terminent leurs études avec un diplôme du supérieur contre 17 % en 2011. Les jeunes femmes se lancent plus souvent que les jeunes hommes dans ces études longues et l’écart s’accroît de génération en génération : respectivement +5 points et +3 points en une décennie. Les jeunes sont d’autant plus diplômés que leurs parents sont d’une catégorie socioprofessionnelle élevée. Les jeunes qui vivent avec un parent cadre ou exerçant une profession intermédiaire (enseignantes, infirmières, chefs de chantier, etc.) terminent deux fois plus souvent leurs études avec un diplôme du supérieur que les autres. À l’inverse, ils sortent rarement du système scolaire sans diplôme : c’est le cas de 18 % d’entre eux, contre 40 % des jeunes qui vivent avec des parents sans emploi.

Figure 1Évolution du niveau de diplôme des jeunes

en %
Évolution du niveau de diplôme des jeunes (en %)
Année Sans diplôme CAP, BEP Baccalauréat Diplôme > au bac
2011 36 25 23 17
2019 25 25 30 21
  • Champ : jeunes de 16 à 29 ans non inscrits dans un établissement d’enseignement
  • Source : Insee, Recensements de la population 2011 et 2019 - exploitations principales.

Figure 1Évolution du niveau de diplôme des jeunes

  • Champ : jeunes de 16 à 29 ans non inscrits dans un établissement d’enseignement
  • Source : Insee, Recensements de la population 2011 et 2019 - exploitations principales.

Plus le diplôme est élevé, plus l’autonomie est rapide

En 2019, à La Réunion, 43 % des jeunes sont dits « autonomes » à 29 ans : ils ont un emploi et un logement indépendant. Cette part est nettement plus faible que dans l’Hexagone (69 %). Plus les jeunes sont diplômés, plus ils sont autonomes rapidement. Ainsi, à La Réunion, dès 22 ans, deux jeunes diplômés du supérieur sur dix sont autonomes, et cette part augmente rapidement ensuite pour atteindre près de sept sur dix à 29 ans. Pour les autres diplômés, l’accès à l’autonomie est moins rapide et moins forte à 29 ans : elle concerne seulement quatre bacheliers sur dix, trois titulaires sur dix d’un CAP-BEP et deux jeunes sur dix parmi ceux terminant leurs études sans diplôme (figure 2).

Le diplôme accélère l’insertion professionnelle mais intervient peu sur l’accès au logement. Plus les jeunes sont diplômés, plus ils sont en emploi [Thibault,2018 ; pour en savoir plus (6)]. En revanche, quel que soit leur diplôme, huit jeunes de 29 ans sur dix ont quitté leurs parents et ont leur propre logement.

Figure 2aPart de jeunes autonomes par âge et diplôme

(en %)
Part de jeunes autonomes par âge et diplôme ((en %))
Âge Diplôme
Sans diplôme CAP, BEP Bac professionnel Bac général ou technologique Diplôme supérieur au bac Ensemble
18 2 5 2 1 0 2
19 5 5 4 2 7 4
20 7 9 9 4 9 7
21 8 9 13 9 9 9
22 9 12 12 12 19 13
23 8 14 19 17 26 17
24 10 18 23 22 38 23
25 14 23 30 28 46 29
26 15 26 34 34 50 33
27 13 29 39 36 56 36
28 15 31 36 42 62 40
29 19 31 44 44 65 43
  • Source : Insee, Recensement de la population 2019 – exploitations principale et complémentaire.

Figure 2aPart de jeunes autonomes par âge et diplôme

  • Source : Insee, Recensement de la population 2019 – exploitations principale et complémentaire.

Quatre jeunes sur dix autonomes à 29 ans, comme il y a dix ans

Depuis une décennie, l’accès à l’autonomie des jeunes est stable [Fabre, 2015 ; pour en savoir plus (7)]. À chaque âge, la part de jeunes autonomes est identique entre 2011 et 2019 (figure 3).

Pourtant, avec l’accroissement du niveau de diplôme, les jeunes devraient être autonomes plus tôt qu’il y a dix ans. Mais à diplôme égal, les jeunes acquièrent leur autonomie plus tard. À 29 ans, 65 % des diplômés du supérieur cumulent un emploi et un logement indépendant, soit 5 points de moins qu’en 2011. Au même âge, 38 % des diplômés d’un CAP-BEP ou d’un baccalauréat sont autonomes, soit 3 points de moins. Quant aux non-diplômés, en 2019 comme en 2011, seuls 20 % accèdent à l’autonomie à 29 ans.

L’insertion professionnelle plus rapide permise par l’élévation du niveau de diplôme est en effet atténuée par la concurrence accrue entre diplômés sur le marché du travail. À diplôme égal, les jeunes mettent ainsi plus de temps à trouver un emploi qu’en 2011. À 29 ans, 77 % des jeunes diplômés du supérieur travaillent en 2019, soit 4 points de moins qu’en 2011. Par ailleurs, les jeunes emménagent plus tardivement que par le passé dans leur propre logement. À 23 ans, 42 % des jeunes disposent de leur propre logement, soit 5 points de moins qu’en 2011. Les tensions sur le marché locatif, combinées à l’allongement de la scolarité, incitent les étudiants et étudiantes à rester encore davantage chez leurs parents. Quant aux jeunes travailleurs et travailleuses, l’augmentation du prix des loyers et la pénurie de logements sociaux peuvent expliquer leur difficulté accrue à accéder à un logement sur l’île [Sui-Seng, 2022 ; pour en savoir plus (3)]. Autour de 20 ans par exemple, les jeunes sans diplôme sont plus rares que par le passé, et les titulaires d’un CAP-BEP ou d’un baccalauréat plus nombreux. Ces diplômes leur permettent de trouver un emploi plus facilement : à 20 ans, 24 % des jeunes travaillent en 2019, soit 5 points de plus qu’en 2011. En revanche, à ces âges, l’emploi est trop précaire ou pas assez rémunéré pour leur permettre de quitter le logement familial : seuls 7 % des jeunes de 20 ans disposent à la fois d’un emploi et d’un logement indépendant et sont donc autonomes. À 23 ans, 17 % sont autonomes, contre 20 % en 2011.

Figure 3Part de jeunes autonomes, en emploi et ayant un logement indépendant, par âge, en 2011 et 2019

(en %)
Part de jeunes autonomes, en emploi et ayant un logement indépendant, par âge, en 2011 et 2019 ((en %))
Âge 2019 2011
autonomie emploi logement indépendant autonomie emploi logement indépendant
18 2 10 17 2 7 15
19 4 16 22 3 14 20
20 7 24 25 6 19 25
21 9 30 31 9 27 31
22 13 35 36 13 32 38
23 17 39 42 20 39 47
24 23 44 50 24 42 52
25 29 49 57 28 46 58
26 33 50 62 34 49 65
27 36 51 66 36 51 68
28 40 53 71 40 52 73
29 43 54 76 43 54 76
  • Source : Insee, Recensements de la population 2011 et 2019 - exploitation complémentaire.

Figure 3Part de jeunes autonomes, en emploi et ayant un logement indépendant, par âge, en 2011 et 2019

  • Source : Insee, Recensements de la population 2011 et 2019 - exploitation complémentaire.

Les diplômés du supérieur enchaînent études, emploi et logement

Les diplômés du supérieur restent ceux qui sont le plus souvent autonomes avant 30 ans. Après avoir terminé leurs études, majoritairement à 22 ans, ils trouvent rapidement un emploi : la moitié d’entre eux travaillent dès 23 ans, femmes comme hommes, et la moitié ont un logement à partir de 24 ans. L’enchaînement études, emploi, logement est particulièrement rapide pour les jeunes femmes : plus de la moitié sont autonomes à 26 ans contre 28 ans pour les jeunes hommes (figure 4).

Cet enchaînement est encore plus fréquent parmi les jeunes diplômés du supérieur nés sur l’île et résidant dans l’Hexagone : la majorité d’entre eux sont autonomes dès 24 ans. En effet, avec l’éloignement de leur île natale, ces jeunes accèdent tôt à un logement indépendant : à 20 ans, la majorité d’entre eux disposent de leur propre logement alors qu’ils sont encore souvent en cours d’études. Ils terminent leurs études et trouvent un emploi aux mêmes âges que les jeunes diplômés du supérieur vivant sur l’île.

Qu’ils vivent sur l’île ou qu’ils l’aient quittée, les diplômés du supérieur se mettent en majorité en couple autour de 27 ans pour les femmes et de 29 ans pour les hommes, après avoir trouvé un emploi et s’être installés dans un logement indépendant. Ils deviennent parents plus tard que les jeunes moins diplômés : avant 30 ans, plus de la moitié n’ont pas encore d’enfant.

Figure 4Âge auquel plus de la moitié des jeunes franchissent une étape de l’accès à l’autonomie

Âge auquel plus de la moitié des jeunes franchissent une étape de l’accès à l’autonomie - Lecture : à 22 ans, plus de la moitié des jeunes femmes diplômées du supérieur ont terminé leurs études. À partir de 23 ans, plus de la moitié d’entre elles ont un emploi. À partir de 24 ans, plus de la moitié vivent dans leur propre logement. À 26 ans, plus de la moitié sont autonomes. Enfin, à 27 ans, plus de la moitié d’entre elles sont en couple. C'est après 29 ans que plus de la moitié des femmes diplômées du supérieur ont leur premier enfant.
16 ans 17 ans 18 ans 19 ans 20 ans 21 ans 22 ans 23 ans 24 ans 25 ans 26 ans 27 ans 28 ans 29 ans
Femmes ENSEMBLE Élève Fin des études Son logement Parent En couple
Sans diplôme Élève Fin des études Son logement Parent
CAP, BEP Élève Fin des études Son logement Parent
Bac professionnel Élève Fin des études Son logement Parent En couple
Bac général ou technologique Élève Fin des études Son logement Parent En emploi En couple
Diplôme supérieur au bac Élève Fin des études En emploi Son logement Autonomie En couple
Hommes ENSEMBLE Élève Fin des études En emploi Son logement
Sans diplôme Élève Fin des études Son logement
CAP, BEP Élève Fin des études En emploi Son logement
Bac professionnel Élève Fin des études En emploi Son logement En couple
Autonomie
Bac général ou technologique Élève Fin des études En emploi Son logement
Diplôme supérieur au bac Élève Fin des études En emploi Son logement Autonomie En couple
  • Note : est autonome un jeune qui travaille et a un logement indépendant.
  • Lecture : à 22 ans, plus de la moitié des jeunes femmes diplômées du supérieur ont terminé leurs études. À partir de 23 ans, plus de la moitié d’entre elles ont un emploi. À partir de 24 ans, plus de la moitié vivent dans leur propre logement. À 26 ans, plus de la moitié sont autonomes. Enfin, à 27 ans, plus de la moitié d’entre elles sont en couple. C'est après 29 ans que plus de la moitié des femmes diplômées du supérieur ont leur premier enfant.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2019 - exploitations principale et complémentaire.

Figure 4Âge auquel plus de la moitié des jeunes franchissent une étape de l’accès à l’autonomie

  • Note : est autonome un jeune qui travaille et a un logement indépendant.
  • Lecture : à 22 ans, plus de la moitié des jeunes femmes diplômées du supérieur ont terminé leurs études. À partir de 23 ans, plus de la moitié d’entre elles ont un emploi. À partir de 24 ans, plus de la moitié vivent dans leur propre logement. À 26 ans, plus de la moitié sont autonomes. Enfin, à 27 ans, plus de la moitié d’entre elles sont en couple. C'est après 29 ans que plus de la moitié des femmes diplômées du supérieur ont leur premier enfant.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2019 - exploitations principale et complémentaire.

Les jeunes hommes trouvent un emploi avant de prendre un logement

Comme en 2011, les jeunes femmes et les jeunes hommes n’accèdent pas à l’autonomie de la même manière. À La Réunion comme ailleurs, les jeunes hommes trouvent généralement un emploi avant de quitter le foyer parental. Mais les jeunes Réunionnais, tout comme leurs homologues Antillais, mettent bien plus de temps à trouver un emploi leur permettant d’accéder à un logement indépendant. La majorité des Réunionnais sont en emploi à partir de 25 ans, contre 23 ans pour les jeunes hommes résidant dans les Hauts-de-France, région de l’Hexagone la plus proche de La Réunion en termes de prégnance de la pauvreté et de jeunesse de la population. La moitié accèdent à un logement indépendant deux ans plus tard.

Moins les jeunes sont diplômés, plus ils mettent du temps à trouver un emploi, et donc un logement : à 24 ans, plus de la moitié des hommes titulaires d’un baccalauréat travaillent, contre 26 ans pour les titulaires d’un CAP-BEP. Quant aux non- diplômés, même à 29 ans, ils ne sont que 38 % à travailler.

Si un emploi est nécessaire, il n’est pas suffisant pour obtenir son premier logement indépendant. Pour les jeunes hommes, la stabilité de l’emploi est le critère le plus déterminant pour accéder à un logement.

Ceux qui ont les emplois les plus précaires sont contraints de rester chez leurs parents. Or, CDD et contrats aidés sont plus répandus à La Réunion qu’ailleurs. Jusqu’à 23 ans, la majorité des hommes en emploi ont un contrat à durée limitée.

Les jeunes femmes prennent d’abord un logement

Les jeunes femmes ont leur propre logement bien plus tôt : à 23 ans, la moitié d’entre elles ont quitté le domicile familial, contre 27 ans pour les jeunes hommes. Pour les femmes comme pour les hommes, s’installer en famille avec des enfants déclenche souvent le départ du domicile parental. Mais les jeunes femmes sont mères bien plus tôt : la moitié des femmes sont mères à 26 ans, alors que seuls 19 % des hommes sont pères à cet âge-là. De plus, elles sont nombreuses à élever leur(s) enfant(s) seules : entre 16 et 29 ans, 15 % des jeunes femmes sont mères d’une famille monoparentale, contre 1 % des jeunes hommes. Cette monoparentalité est plus fréquente qu’en 2011 où elle concernait 13 % des jeunes femmes. La famille monoparentale maternelle reste néanmoins moins répandue à La Réunion qu’aux Antilles [Dehon et al., 2022 ; pour en savoir plus (1)]. Parallèlement, les femmes se mettent moins souvent en couple ou de façon plus tardive : 24 % d’entre elles vivent en couple en 2019 contre 28 % en 2011. Elles sont généralement en couple avec un conjoint plus âgé. Ainsi aux mêmes âges, les jeunes hommes se déclarent moins souvent en couple (17 %).

Parmi les non-diplômées, la maternité est particulièrement précoce : les jeunes femmes sans diplôme sont majoritairement mères à partir de 22 ans alors que celles titulaires d’un CAP-BEP le sont à 24 ans, et celles titulaires d’un bac à 26 ans, des âges qui étaient identiques en 2011. Néanmoins, dans tous les cas, la maternité arrive bien après la sortie du système scolaire. Lorsqu’elles ne font pas d’études supérieures, la majorité des filles quittent le système scolaire entre 17 et 19 ans. Elles accèdent majoritairement à leur propre logement 4 à 5 ans plus tard et deviennent mères peu après (1 à 3 années plus tard). Aux Antilles, mais aussi dans les Hauts-de-France, la majorité des jeunes femmes trouvent aussi un logement avant de trouver un emploi. En revanche, elles travaillent plus souvent que les Réunionnaises avant d’avoir un enfant et deviennent logiquement mères plus tard.

Les maternités à un jeune âge constituent un obstacle de taille pour rechercher un emploi. Entre 24 et 29 ans, seules 36 % des mères travaillent. Celles élevant seules leur(s) enfant(s) sont les plus éloignées du marché de l’emploi : elles ne sont que 28 % à travailler (figure 5). Leur moindre disponibilité liée à la garde de leur(s) enfant(s) représente un frein important à l’employabilité, en plus d’un niveau de diplôme souvent faible. En 2020, tout mode de garde confondu, La Réunion offre 37 places pour 100 enfants de moins de 3 ans, bien loin de l’offre dans l’Hexagone (60 places pour 100 enfants).

Les mères en couple de 24 à 29 ans sont plus souvent en emploi (43 %), mais moins que les pères (60 %). En effet, la répartition genrée de l’emploi au sein du couple est déjà forte dans ces classes d’âge. Deux tiers des femmes en couple vivent avec un partenaire qui travaille. Seule la moitié des hommes en couple ont une conjointe en emploi.

Avant 29 ans, elles sont cependant peu nombreuses à se déclarer femmes au foyer, même lorsqu’elles sont en couple avec un conjoint en emploi ou qu’elles sont mères. Elles se déclarent plutôt au . Comme ailleurs, les Réunionnaises consacrent néanmoins plus de temps aux tâches domestiques (ménage, cuisine, linge, courses, s’occuper des enfants ou des adultes, etc.). Ainsi, bien qu’elles soient moins souvent en emploi, les femmes n’ont pas pour autant plus de temps libre : 5h40 par jour, soit 3/4 d’heure de moins que les hommes en 2010 [Grangé, 2021 ; pour en savoir plus (5)].

Non seulement les jeunes femmes ont moins souvent un emploi que les hommes, mais elles sont plus souvent à temps partiel : 28 % des jeunes femmes qui travaillent, contre 23 % des jeunes hommes. La présence d’un ou plusieurs enfants accroît cet écart : 30 % des mères qui travaillent sont à temps partiel, soit deux fois plus que les pères (16 %). Le temps partiel est encore plus fréquent pour les mères élevant seules leur(s) enfant(s) (34 %).

Figure 5Part des jeunes de 24 à 29 ans en emploi, par diplôme, selon le sexe et la parentalité

en %
Part des jeunes de 24 à 29 ans en emploi, par diplôme, selon le sexe et la parentalité (en %) - Lecture : en 2019, 22 % des femmes sans enfant n’ont pas de diplôme.
Diplôme Femmes Hommes
Femmes sans enfant Mères en couple avec enfant(s) Mères d'une famille monoparentale Hommes sans enfant Pères (en couple ou famille monoparentale)
Sans diplôme 22 17 11 31 40
CAP, BEP 41 32 22 49 55
Bac professionnel 48 43 33 62 71
Bac général ou technologique 53 50 37 53 69
Diplôme supérieur au bac 75 68 61 71 81
Ensemble 59 43 28 53 60
  • Lecture : en 2019, 22 % des femmes sans enfant n’ont pas de diplôme.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2019 - exploitation complémentaire.

Figure 5Part des jeunes de 24 à 29 ans en emploi, par diplôme, selon le sexe et la parentalité

  • Lecture : en 2019, 22 % des femmes sans enfant n’ont pas de diplôme.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2019 - exploitation complémentaire.

Même sans enfant, les femmes accèdent moins à l’emploi que les hommes

Une parentalité plus précoce augmente les difficultés d’insertion des jeunes Réunionnaises sur le marché du travail. Mais même sans enfant, ces difficultés subsistent. Lorsqu’elles arrêtent leurs études avec un bac professionnel, un CAP-BEP ou sans avoir obtenu de diplôme, elles travaillent bien moins souvent que les hommes, même sans avoir d’enfant. L’écart est le plus important pour les titulaires d’un bac professionnel : parmi les 24 à 29 ans,48 % des femmes sans enfant travaillent, contre 62 % des hommes sans enfant. Les bacs professionnels, les CAP-BEP restent en effet très genrés selon leur domaine de formation. De manière générale, les formations suivies par les femmes sont moins diversifiées. Cette concentration des secteurs de formation se retrouve dans les emplois exercés par les femmes. La moitié des jeunes travailleuses se répartissent entre 9 familles professionnelles : la plus répandue, vendeuse, regroupe une jeune en emploi sur dix. Les jeunes travailleurs ont des métiers plus variés : la moitié d’entre eux se répartissent entre 15 familles professionnelles.

Le moindre accès des femmes à l’emploi est aussi lié au fait qu’elles vivent plus souvent en couple, notamment avec des hommes plus âgés qui occupent déjà un emploi.

L’écart s’estompe en revanche lorsque les femmes sont diplômées d’un bac général ou technologique, ou de l’enseignement supérieur, des diplômes qu’elles atteignent plus souvent que les hommes.

Encadré 1 - Partenariat

Cette étude a été réalisée dans le cadre d’un partenariat entre l’Insee et la Région Réunion.

Encadré 2 – Le mot du partenaire

L’avenir de notre territoire et sa richesse sont étroitement liés à sa jeunesse. Près d’un Réunionnais sur cinq est âgé de 16 à 29 ans. C’est le temps précieux où les jeunes dessinent leur avenir, s’orientent, se forment pour découvrir le monde professionnel et s’y insérer. Le diplôme est la première clé pour trouver un emploi et construire son autonomie. Notre jeunesse avance : elle est de mieux en mieux formée et employée aujourd’hui, mais des progrès sont encore nécessaires. Élèves, parents, école, pouvoirs publics, structures associatives sont les acteurs déterminants de ce projet majeur pour notre territoire et son développement. Les sorties de l’école sans diplôme sont notamment encore trop importantes à La Réunion ; elles hypothèquent le cheminement de ces jeunes vers leur autonomie, fondée sur l’emploi et le logement. L’obligation de formation jusqu’à l’âge de la majorité est un levier certain de l’action collective pour ouvrir en faveur des jeunes de réelles perspectives de redynamisation, de réorientation et d’engagement dans un parcours sécurisé de formation, de qualification et d’insertion professionnelle.

Aujourd’hui, rappelons que 41 000 jeunes de 15 à 29 ans, soit un sur quatre, ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET), soit deux fois plus qu’au niveau national. C’est tant un drame individuel, familial, sociétal, qu’un défi pour notre avenir commun ; nous sommes ainsi tous voués à conjuguer nos compétences et volontarismes pour continuer à l’affronter et le faire reculer plus rapidement.

Au travers de cette étude menée en partenariat avec l’Insee, la Région entend avoir une image plus juste et actualisée des parcours des jeunes afin de décliner au mieux les actions d’accompagnement de cette jeunesse.

Huguette Bello, Présidente du Conseil régional de La Réunion

Publication rédigée par :Manuela Ah-Woane, (Insee)
Publication rédigée par :Manuela Ah-Woane, (Insee)

Définitions

Un logement indépendant est un logement dans lequel le jeune ne vit pas avec un parent ou un ascendant. Il peut y vivre seul, en colocation, avec son conjoint et/ou un/des enfant(s).

Les personnes dites au chômage au sens du recensement de la population sont les personnes qui se sont déclarées au chômage sauf si elles ont déclaré explicitement ne pas rechercher de travail et celles qui ne se sont déclarées spontanément ni en emploi, ni au chômage, mais qui ont néanmoins déclaré rechercher un emploi.

Pour en savoir plus

(1) Dehon M., Fabre E., Breton D., Marie C.-V., Floury E., Crouzet M., « Enquête Migrations, Famille et Vieillissement 2020 - 2021 – Panorama des évolutions de la société réunionnaise de 2010 à 2020 », Insee Analyses Réunion n° 79, décembre 2022.

(2) Jonzo A., Seguin S., « À La Réunion, un quart des jeunes ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation en 2021 », Insee Analyses Réunion n° 72, août 2022.

(3) Sui-Seng S., « À La Réunion, les jeunes hommes peinent à quitter le foyer parental » , Insee Flash Réunion n° 221, février 2022.

(4) Letailleur N., « Au fil des générations, des natifs de La Réunion de plus en plus diplômés », Insee Flash Réunion n° 202, mai 2021.

(5) Grangé C., « Encore loin d’une égalité entre les femmes et les hommes », Insee Flash Réunion n° 197, mars 2021.

(6) Thibault P., « L’entrée dans la vie professionnelle – Le diplôme, accélérateur de l’insertion professionnelle », Insee Analyses Réunion n° 36, décembre 2018.

(7) Fabre E., « Les jeunes Réunionnais peinent à acquérir leur autonomie », Insee Analyses Réunion n° 9, mai 2015.