Insee Analyses Corse · Mai 2023 · n° 49

Zone d’emploi de Bastia : un territoire structuré également par ses pôles secondaires

En Haute-Corse, l’activité économique se structure principalement à Bastia et dans sa périphérie. En 2019, avec 123 000 habitants et 47 600 emplois, la zone d’emploi (ZE) de Bastia est la plus peuplée de Corse et la seconde zone pourvoyeuse d’emplois après celle d’Ajaccio (49 500 emplois). Hétérogènes par leur taille, leur activité économique et leurs équipements accessibles, les 112 communes qui composent la zone d’emploi de Bastia sont interconnectées notamment via les déplacements domicile-travail et les transports scolaires. Les mobilités des actifs et des élèves dans cette zone se déploient principalement du Cap Corse au nord jusqu’à la Costa Verde au sud.

Pour comprendre les dynamiques qui structurent l’espace et les déplacements, quatre catégories de communes sont identifiées sur la base de leurs caractéristiques socio-économiques (pour comprendre) : la « ville centre », les « pôles secondaires », les « communes résidentielles » et enfin les « communes rurales éloignées » (figure 1).

Par sa population, son poids économique et la concentration des services et équipements, la ville de Bastia polarise une part importante de l’activité de la zone d’emploi (encadré). La moitié des emplois de la ZE y sont localisés (figure 2). L’administration publique, principal employeur, représente 51 % de l’emploi salarié, et 36 établissements administratifs parmi les 50 plus grands y sont implantés. De fait, Bastia concentre 69 % des emplois publics de sa zone d’emploi.

À l’inverse, la construction et l’hôtellerie-restauration occupent une place secondaire et regroupent chacun 4 % des emplois salariés. Pourtant ces deux secteurs sont des piliers de l’emploi dans les autres communes de la zone. L’économie de la ville est majoritairement présentielle (84 %).

Bastia abrite quatre habitants sur dix de la zone d’emploi, soit 48 300 résidents. Entre 2013 et 2019, la croissance démographique de la ville est dynamique, avec +2,3 % en moyenne par an contre +1,4 % dans l’ensemble de la ZE. L’habitat bastiais est de loin le plus dense de ce territoire, il concentre 2 500 habitants au km². En effet, contrairement au reste de la zone, le logement collectif et la location prédominent.

Chaque jour, 55 % des navetteurs de ce territoire se rendent à Bastia ou en sortent, traduisant l’influence de la ville centre sur les communes voisines. En 2019, 14 100 personnes se déplacent quotidiennement à Bastia pour travailler (9 800) ou étudier (4 300). Ces navetteurs proviennent principalement des communes proches, du Sud pour Biguglia (13 %), Furiani, Borgo (11 % chacune) et Luciana (6 %), et dans une moindre mesure de communes du Nord : Ville-di-Pietrabugno (8 %) et San-Martino-di-Lota (6 %), auxquels s’ajoutent 11 % d’entre eux en provenance d’une commune extérieure à la zone d’emploi. À l’inverse, 5 150 bastiais quittent quotidiennement la ville pour travailler (4 300) ou pour étudier (850) hors de la commune. En outre, 60 % des jeunes scolarisés résidant dans la zone y suivent leur scolarité, leurs études ou une formation.

Le niveau de vie médian des habitants de la ville (19 460 €) est supérieur à celui des résidents des communes les plus rurales mais plus faible que celui des habitants des pôles secondaires et des communes résidentielles, en lien avec la répartition des métiers dans ces catégories de communes. Ainsi sur Bastia, les cadres et professions intermédiaires représentent 35 % des résidents contre 28 % dans les communes rurales.

La ville concentre de nombreux équipements et services. Le taux d’équipements rapporté à la population est maximal à Bastia pour la gamme supérieure (pour comprendre) qui regroupe les équipements les plus spécialisés (cinéma, médecin spécialiste, lycée, hypermarché, etc.). Ce taux d’équipements est similaire à celui des pôles secondaires pour la gamme intermédiaire (librairie-papeterie, psychologue, collège, supermarché, etc.) et il est inférieur pour la gamme des équipements de proximité (boulangerie, soins infirmiers, école élémentaire, épicerie, etc.).

Douze communes de la zone d’emploi de Bastia fonctionnent comme des pôles structurant le territoire : Biguglia, Borgo, Cervione, Furiani, Lucciana, Penta-di-Casinca, Saint-Florent, San-Martino-di-Lota, Santa-Lucia-di-Moriani, San-Nicolao, Vescovato et Ville-di-Pietrabugno.

Ces communes sont des pôles de services qui offrent une gamme complète d’équipements de proximité. En effet, la moitié d’entre elles compte au moins 25 des 28 équipements de proximité, notamment des services de santé et du bâtiment. Elles abritent également la moitié des équipements de la gamme intermédiaire, auxquels s’ajoutent quelques-uns des équipements de la gamme supérieure (locations auto, diététiciens, parfumeries/cosmétiques, ophtalmologues…).

En outre, ces pôles secondaires sont pourvoyeurs d’emplois : ils rassemblent 19 200 emplois, soit 41 % de ceux présents sur la zone. Ils abritent la majorité des établissements privés d’au moins dix salariés. Le tissu économique des pôles secondaires se caractérise notamment par l’importance du secteur du commerce, illustrée par la présence d’hypermarchés et de grandes zones commerciales, et une part plus réduite de l’emploi public. Par ailleurs, l’économie productive y représente 30 % de l’emploi alors qu’elle est marginale dans les autres communes.

Forts de leur dynamisme économique, ces pôles secondaires attirent des volumes conséquents de navetteurs venant pour le travail ou les études, ce qui les distingue nettement des communes résidentielles (figure 3). C’est en particulier le cas pour Furiani (3 500 navetteurs/jour), Borgo (3 350), Biguglia (2 850), Lucciana (2 400) et dans une moindre mesure Penta-di-Casinca (1 250).

Ces pôles secondaires rassemblent 48 800 habitants, soit 38 % des résidents de la zone d’emploi. Moins densément peuplés que Bastia (240 habitants au km² contre 2 500), ils proposent un habitat mixte entre les logements collectifs urbains et l’habitat diffus des autres communes rurales. Un logement sur deux est une maison individuelle et six personnes sur dix sont propriétaires de leur résidence principale. Compte tenu des catégories de ménages qui y résident, le niveau de vie médian y est plus élevé que dans les autres communes du territoire (21 200 € contre 20 380 dans la zone d'emploi et 20 950 en Corse). En effet, les populations aisées de la zone d’emploi habitent principalement dans ces pôles secondaires où la part des cadres et professions intermédiaires atteint 37 %. Globalement, la population est aussi plus souvent en activité. Avec un âge moyen de 42 ans, elle est également plus jeune que dans le reste de la zone d’emploi de Bastia. Elle se compose donc principalement de ménages en activité avec des enfants scolarisés. Les établissements scolaires présents dans ces douze communes accueillent 7 400 élèves, dont 13 % en provenance des communes résidentielles et 19 % en provenance d’un autre pôle secondaire.

Dans la zone d’emploi de Bastia, 38 communes sont identifiées comme résidentielles, notamment Sorbo-Ocagnano, Murato, Pruno, Rutali et Prunelli-di-Casacconi. En 2020, 20 900 habitants y résident, parmi eux 8 200 sont des actifs en emploi. Sur ce territoire, 3 400 emplois sont pourvus, la majorité des actifs (58 %) et des élèves (57 %) se déplacent donc quotidiennement pour travailler ou étudier hors de leur commune de résidence, notamment à Bastia ou dans un pôle secondaire de la zone d’emploi. L’importance de ces navettes quotidiennes entérine le caractère résidentiel de ces communes (figure 4).

De plus, avec un âge moyen de 46 ans, les habitants de ce groupe sont plus âgés que ceux des pôles. Toutefois, ils demeurent plus jeunes que ceux des communes rurales éloignées. Un quart de la population est en retraite, d’ailleurs les habitants résident dans le même logement depuis 20 ans en moyenne. Avec 39 habitants au km², la densité de population y est nettement plus faible que dans les deux groupes de communes précédents. Ainsi, sept logements sur dix sont des maisons individuelles et sept habitants sur dix sont propriétaires de leur logement. En effet, avec 20 750 €, le niveau de vie médian est supérieur à celui de l’ensemble de la ZE. Ces caractéristiques rapprochent ces communes des pôles secondaires.

D’ailleurs, les temps de trajets pour se rendre à Bastia sont inférieurs à ceux des communes rurales éloignées. La proximité de la ville-centre ou d’un pôle secondaire multiplie les possibilités professionnelles et scolaires et facilite l’accès aux services et équipements urbains. En outre, dans la moitié de ces communes, la population bénéficie sur place d’au moins 10 des 28 services et équipements de proximité. En revanche, les habitants doivent le plus souvent rejoindre un pôle lorsqu’ils souhaitent accéder aux équipements des gammes intermédiaire ou supérieure.

Enfin, au sein de ce territoire, l’économie concerne essentiellement la sphère présentielle, celle-ci représente trois emplois sur quatre pourvus dans ces communes. Le secteur de la construction y est plus présent. Il concentre 20 % de l’emploi salarié contre 14 % dans les pôles secondaires et 3 % à Bastia. L’économie locale repose également sur les secteurs de l’administration (21 %) et de l’hébergement-restauration (16 %).

Dans la zone d’emploi de Bastia, 61 communes « rurales éloignées des pôles » rassemblent 5 500 habitants. Elles sont peu denses (10 habitants au km²) et de petite taille. La plus grande San-Pietro-di-Tenda compte 346 habitants et les plus petites, Piedipartino et Tarano, en recensent une vingtaine.

Les retraités représentent 42 % de la population, l’âge moyen atteint ainsi 55 ans dans ce territoire, le plus âgé de la ZE. La stabilité démographique est une caractéristique forte du groupe. Elle se traduit par une croissance de population nulle entre 2013 et 2018 et des habitants qui résident là depuis plus longtemps, 30 ans en moyenne. Néanmoins, la moitié des logements sont des résidences secondaires.

Au total, 1 700 emplois sont localisés dans ces communes rurales éloignées, soit 3 % des emplois de la zone. L’activité concerne plus qu’ailleurs le secteur agricole et l’emploi non-salarié y est plus fréquent que dans les autres communes. Le tissu économique se compose ainsi d’un nombre d’établissements restreint (370, notamment maçons et restaurants) et de petite taille. Ces caractéristiques économiques et démographiques se traduisent par le niveau de vie médian le plus faible de la zone d’emploi (18 300 €). Néanmoins, ces revenus ne prennent pas en compte certains aspects tels que l’auto-production (jardins, chasse…) et les échanges en nature qui en découlent, traditionnellement importants dans les villages ruraux de Corse.

De surcroît, l’offre locale en services est limitée pour la population résidente : selon la taille des villages, un à quatre services ou équipements de la gamme de proximité sont implantés. Les plus répandus sont les maçons, les restaurants et dans une moindre mesure les électriciens et les infirmiers. L’éloignement des pôles et des grands axes de circulation entraîne donc de longs trajets pour accéder à la plupart des autres services ou équipements de la zone d’emploi. Un village sur deux se situe à plus d’une heure de route de Bastia. Les habitants mettent donc deux fois plus de temps pour aller travailler ou pour accéder aux services de la vie courante qu’en moyenne dans la ZE.