Point de conjoncture du 7 février 2023

 

Malgré une consommation en baisse dans les principales économies de la zone euro, l’activité économique y a été globalement stable au quatrième trimestre 2022, les effets de la crise énergétique apparaissant à ce stade moins marqués que ce que l’on pouvait craindre.

En France, les enquêtes auprès des entreprises suggèrent une situation conjoncturelle tout à la fois hésitante et relativement résistante, même si la confiance des ménages reste quant à elle dégradée. La croissance resterait ainsi légèrement positive (+0,2 % prévu au premier puis au deuxième trimestre 2023), portant l’acquis à mi-année à environ +0,6 % pour 2023.

Le glissement annuel des prix à la consommation est relativement stable depuis l’été, autour de 6 %, mais la contribution de l’alimentation devance désormais celle de l’énergie. Cette dernière resterait toutefois importante en février, avec la revalorisation du tarif réglementé de l’électricité, puis elle refluerait nettement par « effet de base ». En juin 2023, l’inflation d’ensemble se situerait ainsi autour de 5 % sur un an, mais l’inflation sous-jacente (d’où sont retirés les prix les plus volatils) se maintiendrait un peu au-dessus de 5,5 %.

Point de conjoncture
Paru le :Paru le07/02/2023
 
Point de conjoncture- Février 2023

Fin 2022, l’activité économique en France a continué de ralentir, mais sans reculer

L’activité économique française a ralenti au quatrième trimestre 2022 (+0,1 % après +0,2 % au troisième). Le « coup de froid » anticipé dans un contexte de choc sur les coûts du gaz et de l’électricité pour les entreprises s’est ainsi traduit par un ralentissement et non un recul, malgré une consommation en net retrait. En particulier, la production industrielle a mieux résisté que prévu en fin d’année.

Cette relative résistance pouvait se lire dans les indicateurs de climat des affaires issus des différentes enquêtes de conjoncture, mais les signaux envoyés par les données à plus haute fréquence (par exemple la consommation d’électricité des grandes entreprises industrielles) semblaient plus négatifs. La différence s’explique sans doute tout à la fois par des efforts de sobriété et par le caractère pas forcément linéaire, au niveau agrégé, de la relation entre la consommation d’électricité et la production.

Au total, le PIB annuel a augmenté de 2,6 % entre 2021 et 2022, un chiffre qui résulte surtout du rebond de l’activité à la mi-2021, en sortie de crise sanitaire. Au trimestre le trimestre, le PIB a progressé à petite vitesse en 2022 (à +0,15 % en moyenne par trimestre), dans un contexte international marqué par une accumulation de chocs (gestion complexe de la pandémie de Covid-19 en Chine, guerre en Ukraine) et par le niveau très élevé de l’inflation.

Une situation conjoncturelle hésitante

Depuis la mi-2022, les indicateurs synthétiques issus des enquêtes de conjoncture sont relativement stables, avec une forte dichotomie entre entreprises et ménages (figure 1). Du côté des entreprises, le climat des affaires se maintient légèrement au-dessus de sa moyenne de longue période, et le climat de l’emploi encore plus sensiblement au-dessus. Du côté des ménages, la confiance dans la situation économique reste dégradée, en lien notamment avec le niveau d’inflation. Les indicateurs macroéconomiques apparaissent eux aussi quasi stables, qu’il s’agisse du rythme trimestriel de croissance ou du glissement annuel des prix à la consommation (qui oscille autour de 6 % depuis l’été).

Figure1Indicateurs de climat des affaires, de climat de l’emploi et de confiance des ménages en France(normalisé de moyenne 100 - sur l’ensemble de la série, plus longue que ce qui figure sur ce graphique - et d’écart-type 10)

  • Dernier point : janvier 2023.
  • Source : enquêtes de conjoncture, Insee.

Calculé à partir des enquêtes auprès des entreprises, l’indicateur de retournement conjoncturel, qui retrace chaque mois la différence entre la probabilité que la conjoncture soit favorable et la probabilité qu’elle soit défavorable, n’envoie plus de signal franc depuis le début de la guerre en Ukraine (figure 2).

Figure2Indicateur de retournement conjoncturel en France

  • Dernier point : janvier 2023.
  • Lecture : proche de +1 (resp. -1) : climat conjoncturel favorable (défavorable).
  • Entre +0,3 et -0,3 : zone d’incertitude conjoncturelle.
  • Source : Insee.

De fait, le contexte international reste lui-même incertain. D’un côté, la levée des restrictions sanitaires en Chine, la relative bonne tenue de l’économie américaine jusqu’à présent et le caractère moins aigu que prévu de la crise énergétique européenne peuvent apparaître comme des facteurs d’optimisme, dont témoignent d’ailleurs les enquêtes. De l’autre, l’inflation, même si elle reflue dans certains pays, pèse sur le pouvoir d’achat et donc la consommation, tandis que le resserrement monétaire reste de mise des deux côtés de l’Atlantique.

Un peu moins de difficultés d’approvisionnement, un peu plus d’inquiétudes sur la demande, et des prix qui restent sous pression

À côté du caractère relativement stable du climat des affaires, les enquêtes de conjoncture montrent une détente progressive de certaines contraintes d’offre depuis quelques mois (figure 3). En janvier 2023, dans l’industrie manufacturière, 30 % des entreprises se déclarent confrontées à des difficultés d’approvisionnement, une proportion en baisse sensible par rapport à juillet 2022 (45 %), mais tout de même nettement plus élevée qu’en moyenne sur longue période (10 %).

Figure3Difficultés d’offre et de demande dans l’industrie française(en % d’entreprises)

  • Dernier point : janvier 2023.
  • Note : les résultats sont pondérés par les chiffres d’affaires.
  • Source : enquête trimestrielle de conjoncture dans l’industrie, Insee.

Dans le même temps, les inquiétudes sur la demande remontent quelque peu : en janvier 2023, 29 % des entreprises industrielles déclarent ainsi y être confrontées (parfois conjointement avec des difficultés d’offre), contre 22 % en juillet. Le même mouvement s’observe dans les services.

La détente sur les difficultés d’approvisionnement se reflète en partie sur les anticipations d’évolutions de prix de vente déclarées par les entreprises : dans l’industrie, le solde d’opinion correspondant reste très élevé mais se tasse depuis quelques mois. À l’inverse, il progresse notablement dans les services en janvier (figure 4).

Figure4Soldes d’opinion sur l’évolution probable des prix de vente(soldes d’opinion, en points, CVS)

  • Dernier point : janvier 2023.
  • Source : enquête de conjoncture, Insee.

Inflation : descendre du plateau ?

Au cours de l’année 2022, l’inflation s’est élargie à un grand nombre de biens et de services. La conjonction de tensions sur les conditions de production s’est en effet peu à peu transmise aux prix à la consommation. En particulier, si le glissement annuel de l’indice global des prix se situe sur un plateau autour de 6 % depuis la mi-2022, l’alimentation (+13 % sur un an en janvier 2023) y a pris une part de plus en plus importante.

Sous l’hypothèse d’un baril de Brent à 80 €, l’inflation resterait autour de 6 % en février (figure 5), avec la hausse de 15 % du tarif réglementé de l’électricité. Puis, au cours des prochains mois, et sauf nouvelle surprise, deux effets pourraient se juxtaposer : d’un côté, la poursuite de la propagation des chocs passés, et de l’autre, des facteurs de modération comme la normalisation progressive depuis quelques mois des approvisionnements mondiaux.

Figure5Inflation d’ensemble passée et prévue

(glissement annuel en % de l’indice des prix à la consommation)
Inflation d’ensemble passée et prévue ((glissement annuel en % de l’indice des prix à la consommation)) - Lecture : en janvier 2023, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 6,0 % sur un an, selon l’estimation provisoire. Il augmenterait également de 6,0 % sur un an en février.
Regroupements IPC*
(pondérations 2023)
janvier-23 févr.-23 mars-23 avr.-23 mai-23 juin-23
ga cga ga cga ga cga ga cga ga cga ga cga
Alimentation (16,2 %) 13,2 (e) 2,2 (e) 13,7 2,2 13,4 2,2 12,6 2,0 13,4 2,2 13,3 2,1
Tabac (1,9 %) 0,2 (e) 0,0 (e) 0,4 0,0 5,5 0,1 5,7 0,1 6,0 0,1 6,2 0,1
Produits manufacturés (23,1 %) 4,6 (e) 1,1 (e) 4,2 1,0 4,5 1,1 4,5 1,1 4,5 1,1 4,7 1,1
Énergie (9,2 %) 16,3 (e) 1,5 (e) 17,9 1,6 7,3 0,7 9,9 0,9 7,6 0,7 2,4 0,2
Services (49,6 %) 2,6 (e) 1,2 (e) 2,4 1,1 2,4 1,2 2,5 1,2 2,7 1,3 3,0 1,5
Ensemble (100 %) 6,0 (e) 6,0 (e) 6,0 6,0 5,2 5,2 5,4 5,4 5,4 5,4 5,0 5,0
Ensemble sous-jacent** 5,7 5,7 5,7 5,7 5,6 5,6 5,6 5,6 5,5 5,5 5,7 5,7
  • Prévision sauf (e) : estimation provisoire.
  • ga : glissement annuel ; cga : contribution au glissement annuel.
  • * Indice des prix à la consommation (IPC).
  • ** Indice hors tarifs publics et produits à prix volatils, corrigé des mesures fiscales.
  • Lecture : en janvier 2023, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 6,0 % sur un an, selon l’estimation provisoire. Il augmenterait également de 6,0 % sur un an en février.
  • Source : Insee.

À l’horizon de la mi-2023, le glissement annuel des prix baisserait ainsi surtout par « effet de base », s’agissant notamment des produits pétroliers. Il atteindrait +5 % en juin, mais l’alimentation demeurerait la première contribution à l’inflation (figure 6), avec un glissement annuel qui resterait autour de 13 %. L’inflation sous-jacente se maintiendrait un peu au-dessus de 5,5 % sur un an et passerait donc au-dessus de l’inflation d’ensemble.

Figure6Inflation d’ensemble et contributions par poste(glissement annuel en % de l’indice des prix à la consommation)

  • Note : pour janvier 2023, l’inflation d’ensemble constitue une estimation provisoire, l’inflation sous-jacente une prévision.
  • Lecture : en janvier 2023, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 6,0 % sur un an, selon l’estimation provisoire. L’alimentation contribuait pour 2,2 points à cette hausse. L’inflation sous-jacente s’élèverait à 5,7 % sur un an en janvier 2023.
  • Source : Insee.

Production industrielle : effets de rattrapage dans certaines branches, impact de la crise énergétique dans d’autres

Les différentes branches industrielles ont connu fin 2022 des mouvements contrastés (figure 7). La production a baissé dans les branches les plus énergivores, comme par exemple la chimie (-8 % sur un an au quatrième trimestre), même si ce recul a été relativement contenu. À l’inverse, d’autres branches ont bénéficié d’effets de rattrapage liés à l’amélioration des conditions d’approvisionnement et de la demande, par exemple la fabrication de matériels de transport (+10 % sur un an). Enfin, la cokéfaction-raffinage a pâti des grèves d’octobre, même si le rebond a été net dès novembre. Par ailleurs, la production d’électricité a commencé de se redresser en fin d’année, en lien avec la remise en service progressive de réacteurs nucléaires.

Figure7Indice de production industrielle de certaines branches(base 100 en 2019)

  • Dernier point : décembre 2022.
  • Source : Insee.

Au premier trimestre 2023, la production industrielle pourrait légèrement progresser, bénéficiant tout à la fois du rebond dans la cokéfaction-raffinage, du reflux des difficultés d’approvisionnement et de la poursuite de la reprise de la production d’électricité.

L’activité dans les services marchands conserverait quant à elle un rythme modéré. Certains services, en particulier les transports, pourraient néanmoins être affectés par les grèves en cours. Cet impact dépendrait notamment de la durée et de l’étendue du mouvement social. À ce stade, aucun effet n’est incorporé dans cette prévision. Du reste, les épisodes passés montrent que si cet impact peut être important au niveau sectoriel (qu’il s’agisse des secteurs directement concernés par les grèves ou de ceux qui en dépendent en partie), il est en général assez limité au niveau macroéconomique, d’autant que l’on observe ensuite des effets de rattrapage. Au quatrième trimestre 1995, tout comme au dernier trimestre 2019, l’impact des grèves avait ainsi été évalué à environ 0,2 point de PIB trimestriel. Le développement, depuis, du télétravail est peut-être de nature à amoindrir cet impact.

Sans doute peu d’impulsion à attendre à court terme du côté de la demande intérieure

La consommation des ménages s’est nettement repliée au dernier trimestre 2022 (figure 8). En particulier, la consommation d’énergie a fortement reculé, en lien avec un automne très doux mais aussi sans doute du fait des efforts de sobriété énergétique. La consommation alimentaire a également reculé, pour le quatrième trimestre consécutif, dans un contexte d’inflation élevée.

Figure8Consommation des ménages(variations trimestrielles en % et contributions en points)

  • Note : la correction territoriale désigne les achats faits par les résidents français à l’étranger (comptabilisés également en importations) nets achats des non-résidents réalisés en France (comptabilisés en exportations). Les autres contributions de la consommation des ménages (alimentation, énergie…) portent exclusivement sur la consommation effectuée sur le territoire.
  • Source : Insee.

Début 2023, la consommation des ménages rebondirait modestement au regard de son repli du trimestre précédent. Ce rebond serait porté par la consommation d’énergie, sous l’hypothèse de conditions météorologiques plus proches de la normale cet hiver que cet automne. Il pourrait toutefois être atténué par des comportements de modération, notamment du fait du relèvement des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité.

Hors énergie, la consommation des ménages pourrait évoluer, comme aux trimestres précédents, de façon contrastée selon les postes. Les achats de biens alimentaires pourraient notamment rester pénalisés par une inflation toujours élevée. Un rebond de la consommation alimentaire ne peut cependant être exclu, avec la possibilité que les ménages se restreignent alors plutôt sur d’autres biens ou services. La reprise se poursuivrait en revanche pour les achats de véhicules, qui restent très en deçà de leur niveau d’avant la crise sanitaire malgré leur rebond au second semestre 2022.

Fin 2022, l’investissement a quant à lui continué de progresser en France mais en ralentissant, envoyant un signal en demi-teinte. Par ailleurs, les exportations ont fléchi, du fait des produits manufacturés, mais le solde d’opinion sur les carnets de commandes étrangers reste autour de sa moyenne de longue période.

Au total, la croissance du PIB français resterait légèrement positive au premier semestre 2023 (+0,2 % prévu au premier trimestre comme au deuxième). L’acquis de croissance pour 2023 s’élèverait alors à +0,6 % à mi-année (figure 9). Plusieurs aléas sont susceptibles d’affecter ce scénario, à la hausse comme à la baisse. Si les facteurs d’optimisme récents se confirment, les prévisions pour la France et ses partenaires pourraient continuer d’être relevées. À l’inverse, on ne peut pas exclure que les effets des chocs de coûts se manifestent plus vigoureusement en ce début d’année, que de nouveaux chocs surviennent ou que le resserrement monétaire qui se poursuit finisse par peser plus sensiblement sur l’activité. D’autant que les signaux conjoncturels actuels, globalement meilleurs qu’attendu, sont peut-être de nature à repousser la fin de cet ajustement monétaire.

Figure9Activité économique (PIB) passée et prévue

(variations trimestrielles et annuelles en %)
Activité économique (PIB) passée et prévue ((variations trimestrielles et annuelles en %))
2021 2022 2023 2021 2022 Acquis 2023
T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2
Produit intérieur brut (PIB) 0,1 1,1 3,3 0,6 -0,2 0,5 0,2 0,1 0,2 (p) 0,2 (p) 6,8 2,6 0,6 (p)
  • (p) : prévision.
  • Lecture : au quatrième trimestre 2022, le PIB a progressé de 0,1 %. Il augmenterait de 0,2 % au premier trimestre 2023.
  • Source : Insee.