Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes ·
Octobre 2022 · n° 110
Un accès au marché du travail encore plus difficile pour les femmes en QPV Politique de la ville en Auvergne-Rhône-Alpes
Par rapport aux hommes, l’accès au marché du travail est encore plus difficile pour les femmes vivant en quartiers prioritaires de la politique de la ville que pour celles résidant dans des établissements publics de coopération intercommunale incluant au moins un QPV. Leur niveau de formation n’explique pas cette différence. Les familles monoparentales, particulièrement pauvres et plus fréquentes en QPV, ont très majoritairement une femme à leur tête. Les femmes seules, plus nombreuses et âgées que les hommes seuls, sont davantage touchées par la pauvreté en QPV.
En 2018, en Auvergne-Rhône-Alpes, 403 540 personnes vivent dans l’un des 140 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), définis depuis 2014 selon un critère unique de revenu. L’intervention des pouvoirs publics dans ces QPV s’inscrit dans le cadre partenarial des contrats de ville visant aux développements économique, urbain et social. Ils sont signés à l’échelle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), environnement proche dans lesquels les QPV sont localisés. Dans la région, 45 EPCI sont concernés et qualifiés par la suite d’EPCI englobants . Dans les quatre métropoles régionales, une personne sur dix vit en QPV. C’est deux fois plus que dans les 41 autres EPCI englobants.
Au-delà du constat des inégalités touchant les habitants des QPV, cette étude analyse si les différences femmes/hommes y sont plus ou moins marquées que dans leurs EPCI englobants. Elle vise à renforcer la prise en compte de l’égalité femmes/hommes dans l’ensemble des actions financées, l’égalité femmes/hommes faisant en effet partie des priorités transversales obligatoires de la politique de la ville (Encadré partenaires).
Un accès au marché du travail encore plus difficile…
Les habitants des QPV sont en général plus éloignés du marché du travail (moins souvent en activité, davantage au chômage ou en emploi à durée limitée…). Comme dans les EPCI englobants, les femmes sont moins actives et en emploi que les hommes. Ces différences sont toutefois nettement plus marquées en QPV (figure 1). Seules 56 % des femmes y sont actives, soit 16 points de moins que les hommes (contre – 6 points dans l’environnement proche). De même, en QPV, le taux d’emploi des femmes est inférieur de 14 points à celui des hommes, contre 7 points au sein des EPCI englobants. Au-delà du respect du principe d’égalité, favoriser l’accès des femmes au marché du travail dans les QPV constitue un levier majeur pour réduire la précarité. Femmes et hommes sont en revanche égaux face aux emplois à durée limitée en QPV ou dans les EPCI englobants (respectivement 25 % et 14 %).
tableauFigure 1 – Indicateurs relatifs au marché du travail et à la formation des personnes vivant en QPV
Femmes | Hommes | |
---|---|---|
Taux d’emploi | 38,3 | 51,8 |
Taux d’activité | 56,2 | 71,8 |
Part en emploi à durée limitée | 25,9 | 25,2 |
Part des jeunes nonscolarisés et sans emploi | 27,8 | 27,1 |
Taux de scolarisation des 15-24 ans | 60,3 | 56,7 |
Part des sans diplôme | 49,0 | 43,8 |
Part des titulaires d’un CAP-BEP | 21,2 | 27,3 |
Part des titulaires du baccalauréat | 15,2 | 14,7 |
Part des titulaires d’un diplômede l’enseignement supérieur | 14,6 | 14,3 |
- Lecture : en 2018, le taux d’emploi au sein des QPV est de 38 % pour les femmes, soit 13 points de moins que celui des hommes (égal à 52 %).
- Source : Insee, Recensement de la population 2018.
graphiqueFigure 1 – Indicateurs relatifs au marché du travail et à la formation des personnes vivant en QPV

- Lecture : en 2018, le taux d’emploi au sein des QPV est de 38 % pour les femmes, soit 13 points de moins que celui des hommes (égal à 52 %).
- Source : Insee, Recensement de la population 2018.
La part des jeunes non scolarisés et sans emploi diffère peu selon le sexe. Dans les QPV situés en dehors des métropoles, la situation est toutefois plus dégradée pour les jeunes filles (31 % contre 28 % pour les jeunes hommes), alors qu’il n’y a pas d’inégalités au sein des EPCI englobants. Des difficultés de mobilité (moindre détention du permis de conduire en QPV et transports en commun moins développés que dans les métropoles) associées à des impératifs éventuels de garde d’enfants peuvent expliquer un tel résultat.
… que la formation n’explique pas
Même si le niveau de formation de la population est plus faible en QPV que dans les EPCI englobants, les différences femmes/hommes sont similaires. Soit elles sont faibles (comme pour les diplômés du supérieur), soit les différences sont de même ampleur dans les deux types de territoires. En QPV comme dans les EPCI englobants, les femmes sont ainsi moins souvent titulaires d’un CAP-BEP, optant davantage pour les voies générale ou technologique en fin de collège, les garçons se tournant plus vers la voie professionnelle. Dans les QPV des métropoles de Saint-Étienne et de Lyon, les filles représentent un peu moins de la moitié des candidats au brevet dans les établissements publics, mais respectivement 55 % et 58 % dans ceux privés sous contrat, et jusqu’à 68 % s’ils sont situés dans les ensembles d’habitat social éloignés du centre. Hors des métropoles lyonnaise et stéphanoise, les candidats au brevet sont en revanche aussi souvent des filles que des garçons, dans le public comme dans le privé.
Une forte majorité de familles materno-parentales...
Plus fréquentes au sein des QPV (figure 2), les familles monoparentales y comptent également davantage d’enfants : deux sur dix ont trois enfants ou plus, soit deux fois plus que dans les EPCI englobants. Parmi les familles monoparentales, celles dont le parent est une femme (appelées ici familles materno-parentales) sont nettement majoritaires, surtout en QPV (83 % contre 75 % au sein des EPCI englobants). La prédominance de ces familles est encore accentuée en cas de familles nombreuses.
tableauFigure 2 – Indicateurs relatifs au niveau de vie, en QPV et au sein des EPCI englobants
Part dans le total des ménages (en %) | Taux de pauvreté (en %) | Niveau de vie médian annuel (en euros) | Part dans le revenu disponible (*) (en %)… | ||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
des revenus d’activité | des pensions, rentes et retraites | des prestations sociales | |||||||||||
QPV | EPCI englobants | QPV | EPCI englobants | QPV | EPCI englobants | QPV | EPCI englobants | QPV | EPCI englobants | QPV | EPCI englobants | ||
Personnes seules | Femmes | 21,0 | 21,0 | 29,7 | 16,1 | 15 500 | 20 100 | 33,0 | 44,3 | 53,2 | 53,1 | 16,4 | 5,1 |
Hommes | 17,1 | 16,2 | 31,6 | 18,0 | 15 700 | 20 300 | 61,9 | 74,1 | 26,1 | 27,9 | 18,6 | 6,0 | |
Familles monoparentales | Femmes | 13,6 | 8,1 | 54,1 | 30,4 | 12 600 | 16 500 | 50,8 | 73,0 | 11,8 | 14,6 | 42,1 | 19,3 |
Hommes | 2,7 | 2,7 | 48,8 | 21,1 | 13 300 | 19 600 | 77,5 | 94,8 | 11,1 | 9,2 | 19,3 | 5,6 | |
Couples sans enfant | 14,6 | 23,3 | 27,7 | 5,6 | 17 200 | 26 100 | 44,4 | 51,3 | 51,7 | 52,6 | 9,6 | 1,5 | |
Couples avec enfants | 25,6 | 25,6 | 49,4 | 13,6 | 13 200 | 22 800 | 72,0 | 98,6 | 7,2 | 4,9 | 27,4 | 6,5 | |
Autres types de ménages | 5,4 | 3,1 | 39,7 | 16,8 | 14 600 | 21 600 | 63,4 | 72,2 | 20,0 | 24,4 | 22,3 | 7,9 | |
Total | 100 | 100 | 43,7 | 14,4 | 13 900 | 22 300 | 57,7 | 74,3 | 24,5 | 27,2 | 23,3 | 5,8 |
- (*) Ne sont pas représentées la part des « revenus du patrimoine et autres revenus » ainsi que celle de « l’ensemble des impôts », ce dernier élément venant en déduction (– 8,8 % pour l’ensemble des QPV, – 17,2 % pour les 45 EPCI englobants).
- Lecture : au sein des QPV d’Auvergne-Rhône-Alpes, 13,6 % des ménages sont des familles materno-parentales dont les membres sont 54,1 % à vivre sous le seuil de pauvreté. La moitié d’entre eux ont moins de 12 600 euros par an pour vivre. Leur revenu disponible se compose à 50,8 % de revenus d’activité, à 42,1 % de prestations sociales et à 11,8 % de pensions, rentes et retraites.
- Sources: Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier Localisé Social et Fiscal (Filosofi) 2019
Que le QPV soit situé dans une métropole ou non, la part des familles materno-parentales est similaire. En revanche, cette part est différente à l’échelle des EPCI englobants (77 % dans les métropoles contre 73 % dans les autres EPCI englobants). Ce moindre poids des familles materno-parentales hors des métropoles contribue à creuser l'écart avec celles qui vivent dans les QPV de ces EPCI.
… particulièrement pauvres
Dans les QPV ou les EPCI englobants, les familles monoparentales sont les plus confrontées à la pauvreté, surtout lorsque le parent est une femme. Si ces familles sont plus pauvres en QPV, l’écart femmes/hommes y est toutefois moins marqué. Les mères vivent ainsi 1,1 fois plus souvent sous le seuil de pauvreté (établi à 1 097 euros par mois pour une personne seule soit un revenu disponible de 1 426 euros pour un parent vivant avec un enfant de moins de 14 ans) que les pères (54 % contre 49 % pour les hommes) contre 1,4 fois dans l’ensemble des EPCI englobants. De même, en QPV, le niveau de vie annuel médian des mères d’une famille monoparentale (12 600 euros) est inférieur de 6 % à celui des pères, alors que l’écart est de 19 % au sein des EPCI englobants (16 500 euros contre 19 600 euros). Moins souvent actives et ayant en général un salaire plus faible que les hommes, les mères de familles monoparentales dépendent davantage des prestations sociales que les pères dont les ressources proviennent majoritairement de revenus d’activité.
Dans les QPV, autant de femmes seules de plus de 60 ans, mais plus souvent pauvres
Les femmes vivant seules sont autant représentées en QPV que dans les EPCI englobants (21 % des ménages) et plus nombreuses que les hommes seuls (17 %). Elles sont également plus âgées, six sur dix ayant 60 ans ou plus (contre moins d’un tiers des hommes seuls). À l’inverse, la part des hommes seuls de 30-50 ans est plus du double de celle des femmes seules de cette même tranche d’âge. La forte présence de femmes seules âgées est encore accentuée dans les QPV. En effet, les femmes seules de 60-74 ans sont 1,6 fois plus présentes que les hommes seuls du même âge (contre 1,4 fois dans les EPCI englobants), tandis que celles de 75 ans ou plus sont 3,1 fois plus présentes (2,8 fois dans les EPCI englobants).
Du fait de leur âge en moyenne plus élevé, plus de la moitié des ressources des femmes seules provient donc de pensions, retraites et rentes, un poids deux fois plus élevé que pour l'ensemble des hommes seuls, en QPV comme dans les EPCI englobants.
Les femmes seules âgées dépendent davantage de pensions souvent faibles. Leur surreprésentation par rapport aux hommes seuls âgés, plus forte au sein des QPV, est plus marquée chez les personnes pauvres. Parmi les femmes seules vivant sous le seuil de pauvreté en QPV, 38 % sont ainsi âgées de 60-74 ans, presque 2 fois plus que pour les hommes pauvres de la même tranche d’âge vivant seuls en QPV (contre 1,5 fois plus dans les EPCI englobants). Et 20 % sont âgées de 75 ans et plus, quatre fois plus que les hommes dans la même situation. Cet écart important entre femmes et hommes est toutefois de même ampleur dans l’ensemble des EPCI englobants et en QPV.
Encadré - Partenaires
Depuis 2019, l’égalité femmes/hommes est inscrite dans les programmations budgétaires des contrats de ville dont l’objectif est d’analyser la manière dont les crédits sont alloués au regard de cet enjeu et de contribuer à réduire les inégalités. Les services de l’État en région (DRDFE et DREETS) et en départements (DDETS) s’appuieront sur cette étude pour soutenir les acteurs locaux dans la prise en compte de l’égalité, qui peut se faire de manière transversale en répondant équitablement aux besoins des femmes et des hommes et de manière spécifique à travers des actions ciblées en faveur des femmes.
Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité et Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités
Sources
Les sources utilisées sont les données du Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2019, du Recensement de la population de 2018 et de la Depp (ministère de l’Éducation nationale) sur l’année scolaire 2019-2020. Les différences femmes/hommes dans les 140 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) d’Auvergne-Rhône-Alpes sont comparées à celles de leur environnement proche que sont les EPCI englobants.
Pour en savoir plus
« Politique de la ville en Auvergne-Rhône-Alpes - 403 540 personnes vivent en QPV en 2018, un peu moins qu’en 2013 », Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes n° 101, mars 2022.
« Politique de la ville : une insertion dans leur unité urbaine plus difficile pour les quartiers HLM de banlieues éloignées », Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes n° 99, mai 2020.
« Les inégalités de niveau de vie entre les femmes et les hommes amplifiées par la monoparentalité », Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes n° 55, mars 2019.