Insee Flash Auvergne-Rhône-AlpesLes inégalités de niveau de vie entre les femmes et les hommes amplifiées par la monoparentalité

Alexandre Tillatte, Aline Ferrante, Insee

En Auvergne-Rhône-Alpes, 12,8 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les familles monoparentales sont les plus exposées, notamment lorsque le parent est une femme. Ces mères occupent moins souvent un emploi et sont davantage bénéficiaires des prestations sociales. Les femmes ont en général un salaire inférieur à celui des hommes. Cette situation pèse sur leurs revenus au moment de la retraite. Les femmes perçoivent en moyenne une pension de retraite bien inférieure à celle des hommes.

Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes
No 55
Paru le :Paru le07/03/2019
Alexandre Tillatte, Aline Ferrante, Insee
Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes No 55- Mars 2019

En 2015, 12,8 % de la population d’Auvergne-Rhône-Alpes (soit près de 984 000 personnes) vit sous , fixé à 60 % du niveau de vie médian de France métropolitaine (1 028 euros par mois). Toutefois, la pauvreté est bien moins prégnante dans la région qu’en France métropolitaine (14,9 %), quel que soit le type de ménage (figure 1). Les situations de pauvreté sont en partie liées au parcours de vie et à la composition familiale. En effet, pour les personnes en couple, les revenus sont supposés mis en commun et chacun a le même niveau de vie. Les familles monoparentales sont particulièrement exposées, avec un taux de pauvreté atteignant 28 %. Les mères isolées sont d’autant plus concernées qu’elles constituent trois quarts des familles monoparentales en Auvergne-Rhône-Alpes.

Figure 1Les mères de familles monoparentales sont les plus touchées par la pauvretéIndicateurs de niveau de vie et de pauvreté selon le type de ménage

Les mères de familles monoparentales sont les plus touchées par la pauvreté
Type de ménage Auvergne-Rhône-Alpes France métropolitaine
Répartition des ménages (en %) Niveau de vie médian par mois (en euros) Taux de pauvreté (en %) Répartition des ménages (en %) Niveau de vie médian par mois (en euros) Taux de pauvreté (en %)
Femme seule avec enfant(s) 7,6 1 300 29,9 8,4 1 250 34,0
Homme seul avec enfant(s) 2,5 1 520 21,3 2,5 1 440 25,2
Femme seule 19,1 1 570 13,7 19,3 1 550 15,6
Homme seul 14,6 1 610 16,6 14,2 1 570 18,8
Couple avec enfant(s) 28,4 1 790 12,0 27,3 1 740 14,0
Couple sans enfant 24,6 2 050 5,2 24,1 2 000 6,1
Autre type de ménage 3,3 1 750 14,7 4,2 1 560 22,0
Ensemble 100,0 1 760 12,8 100,0 1 710 14,9
  • Champ : ménages fiscaux – hors communautés et sans abris.
  • Source : Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2015

Les mères de famille monoparentale sont les plus exposées à la pauvreté

Parmi les différents types de ménage, les familles monoparentales où le parent est une femme ont le niveau de vie médian le plus faible. La moitié d’entre elles disposent ainsi de moins de 1 300 euros par mois en Auvergne-Rhône-Alpes en 2015. De plus, 29,9 % des membres de familles monoparentales avec une mère à leur tête vivent sous le seuil de pauvreté, représentant ainsi près d’une personne pauvre sur cinq dans la région. Les mères seules avec enfant(s) sont aussi 1,4 fois plus souvent pauvres que les hommes seuls avec enfant(s). Les raisons des écarts entre ces familles sont multiples. Cela s’explique en partie par un nombre d’enfants plus élevé en moyenne pour les mères isolées que les pères isolés. De plus, 62 % de ces femmes sont en emploi, contre 72 % des pères isolés. Par ailleurs, parmi l’ensemble des mères de famille, les femmes vivant dans une famille monoparentale sont plus souvent en situation d’inactivité ou de chômage (38 % contre 26 % des mères en couple).

En conséquence, les familles monoparentales avec une mère à leur tête sont celles qui bénéficient le plus des politiques redistributives. Sept sur dix sont bénéficiaires de prestations sociales (figure 2), sous la forme d’allocations familiales, logement et/ou de minima sociaux, contre quatre ménages sur dix en moyenne dans la région. La moitié des mères isolées perçoivent moins de 390 euros alors que la moitié de l’ensemble des bénéficiaires touchent moins de 240 euros.

Figure 2Les mères de famille monoparentale davantage bénéficiaires des prestations sociales et des pensions alimentairesProportion de ménages qui bénéficient de prestations sociales et/ou de pensions alimentaires selon le type de ménage (en %)

Les mères de famille monoparentale davantage bénéficiaires des prestations sociales et des pensions alimentaires - Lecture : En Auvergne-Rhône-Alpes, 70 % des ménages constitués d’une femme seule avec enfant(s) bénéficient de prestations sociales, et 26 % perçoivent une pension alimentaire
Type de ménage Proportion de ménages bénéficiaires de prestations sociales Proportion de ménages bénéficiaires de pensions alimentaires Montant mensuel médian des prestations sociales perçues Montant mensuel médian des pensions alimentaires perçues
Ensemble des ménages 37,8 4,7 239,4 283,6
Couple sans enfant 10,2 0,8 201,8 305,0
Couple avec enfant(s) 67,6 5,0 nd 283,9
Homme seul avec enfant(s) 35,0 4,6 220,5 252,0
Femme seule avec enfant(s) 70,0 26,1 393,9 250,0
  • Lecture : En Auvergne-Rhône-Alpes, 70 % des ménages constitués d’une femme seule avec enfant(s) bénéficient de prestations sociales, et 26 % perçoivent une pension alimentaire
  • Source : Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2015

Figure 2Les mères de famille monoparentale davantage bénéficiaires des prestations sociales et des pensions alimentairesProportion de ménages qui bénéficient de prestations sociales et/ou de pensions alimentaires selon le type de ménage (en %)

  • Lecture : En Auvergne-Rhône-Alpes, 70 % des ménages constitués d’une femme seule avec enfant(s) bénéficient de prestations sociales, et 26 % perçoivent une pension alimentaire
  • Source : Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2015

De plus, les mères de famille monoparentale sont proportionnellement plus nombreuses à percevoir une pension alimentaire (26 % d’entre elles contre 5 % en moyenne pour l’ensemble des ménages). Parmi les concernées, la moitié perçoit un montant inférieur à 250 euros. Cette pension est source de fragilité potentielle, avec le risque d’impayés qui peut fortement grever le budget de ces familles.

Par ailleurs, le niveau de vie médian des mères de famille monoparentale reste inférieur à celui des femmes seules, déjà légèrement en deçà du niveau de vie médian des hommes seuls.

Les femmes ont un salaire inférieur à celui des hommes

Les femmes salariées de la région Auvergne-Rhône-Alpes, dont font partie les mères de famille monoparentale qui travaillent, perçoivent en moyenne en 2015 un salaire net de 1 500 euros par mois, inférieur de 27 % à celui des hommes. Cet écart, parmi les plus importants de France métropolitaine, est en partie lié au moindre temps de travail des femmes (figure 3), notamment dans la région où le temps partiel est davantage utilisé par ces dernières qu’au niveau national. Près d’un tiers des salariées occupe un emploi à temps partiel, contre un homme salarié sur douze. La réduction du temps de travail des femmes apparaît encore comme la solution pour élever les enfants, la carrière professionnelle des hommes restant privilégiée au sein des couples.

En enlevant l’effet dû au temps de travail, c’est-à-dire en analysant les salaires en équivalent temps-plein (ETP), l’écart de revenu salarial se réduit mais subsiste à 21 %. Le salaire net moyen des femmes dans la région est ainsi de 1 890 euros par mois en ETP (1 820 euros en France de province). Les femmes sont davantage concentrées dans des secteurs professionnels moins rémunérateurs et des métiers moins qualifiés (activités de services comme l’aide à domicile, le gardiennage ou l’entretien). Ainsi, 43 % des salariées sont employées, contre 12 % des hommes, qui sont eux plus souvent cadres (20 %) que les femmes (14 %). Elles sont également moins présentes au sein des grandes entreprises, alors que ces dernières offrent souvent des salaires plus élevés. Par ailleurs, les femmes sont plus fréquemment en CDD que les hommes. Les interruptions de carrière des femmes, liées notamment à la maternité, sont également un frein à leur évolution professionnelle ou à l’accès aux postes les plus élevés. Au-delà de ces facteurs, l’écart de salaire femme / homme reste en partie inexpliqué.

Figure 3Les femmes cumulent pauvreté, dépendance aux prestations et précarité sur le marché du travailComparaison de la situation générale des femmes et des hommes sur six indicateurs relatifs au niveau de vie, à l’emploi et aux retraites

Les femmes cumulent pauvreté, dépendance aux prestations et précarité sur le marché du travail - Lecture : les valeurs des indicateurs pour les femmes sont représentées relativement aux valeurs des indicateurs pour les hommes. Ainsi, le taux de pauvreté des mères de famille monoparentale est 1,4 fois plus important que celui des pères de famille monoparentale.
Taux de pauvreté des familles monoparentales Poids des prestations sociales dans le revenu disponible des familles monoparentales Part du temps partiel Revenu salarial en ETP Montant total des pensions de retraite Part des bénéficiaires du minimum retraite garanti
Hommes (référentiel) 1,0 1,0 1,0 1,0 1,0 1,0
Femmes 1,4 3,4 5,6 0,8 0,7 4,4
  • Lecture : les valeurs des indicateurs pour les femmes sont représentées relativement aux valeurs des indicateurs pour les hommes. Ainsi, le taux de pauvreté des mères de famille monoparentale est 1,4 fois plus important que celui des pères de famille monoparentale.
  • Sources : Insee, Recensement de la population 2015 - Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2015 - EIR 2012

Figure 3Les femmes cumulent pauvreté, dépendance aux prestations et précarité sur le marché du travailComparaison de la situation générale des femmes et des hommes sur six indicateurs relatifs au niveau de vie, à l’emploi et aux retraites

  • Lecture : les valeurs des indicateurs pour les femmes sont représentées relativement aux valeurs des indicateurs pour les hommes. Ainsi, le taux de pauvreté des mères de famille monoparentale est 1,4 fois plus important que celui des pères de famille monoparentale.
  • Sources : Insee, Recensement de la population 2015 - Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2015 - EIR 2012

Des pensions de retraite inférieures pour les femmes

La situation des femmes sur le marché du travail pèse sur leurs revenus au moment de la retraite. En Auvergne-Rhône-Alpes comme en France, les retraitées perçoivent en moyenne 990 euros de droit direct brut acquis au titre de leur carrière, soit 44 % de moins que les hommes retraités. Avec une moyenne de 25 trimestres validés en moins par les femmes (temps partiel, interruption de carrière, etc.) que par les hommes en fin de carrière, les femmes subissent plus souvent une décote au moment de partir à la retraite. Plus de 7 % d’entre elles sont concernées, contre moins de 3 % des hommes. Ces droits directs ne représentent que trois quarts des pensions perçues par les femmes contre 95 % de celles des hommes.

À ces droits s’ajoutent éventuellement les pensions de réversion, les avantages accessoires (majoration de pensions pour famille nombreuse, parent ou enfant à charge) et le minimum vieillesse. Les pensions de réversion constituent en moyenne près de 20 % de la pension de retraite totale des femmes contre 1 % de celle des hommes. Par ailleurs, près de la moitié des retraitées sont bénéficiaires du minimum vieillesse, contre 10 % des retraités. Le montant total des pensions de retraite des femmes s’établit ainsi en moyenne à 1 280 euros bruts, soit un écart persistant de 31 % avec celui perçu par les hommes.

Sources

Les données du Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2015 proviennent du rapprochement des données fiscales et celles des prestations sociales. Les revenus d’activité, de remplacement (allocations chômage, retraites…), les revenus du patrimoine et les prestations sociales perçus par le ménage constituent son revenu disponible après déduction des impôts directs et des prélèvements sociaux (CSG, CRDS).

Définitions

Le taux de pauvreté mesure la proportion de personnes dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian national. Les données sur les retraites proviennent de l’échantillon inter-régimes de retraités (EIR) de 2012.

Le niveau de vie du ménage correspond au revenu disponible divisé par le nombre d’unité de consommation (UC) du ménage (il vaut 1 pour la première personne adulte du ménage, 0,5 pour le second adulte et/ou les enfants de plus de 14 ans, 0,3 pour les moins de 14 ans).

Pour en savoir plus

« Les inégalités hommes-femmes se creusent tout au long du parcours professionnel », Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes n° 54, mars 2018

« Les transferts sociaux réduisent davantage les inégalités de revenu dans les pôles urbains », Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes n° 47, novembre 2017

« Femmes et hommes – L’égalité en question », Insee Références Édition 2017, mars 2017