Insee Analyses Normandie ·
Juin 2022 · n° 103
Sept territoires rassemblant plus de 400 000 habitants composent les franges interrégionales
de la Normandie
À cheval sur la limite régionale de la Normandie, les franges interrégionales rassemblent des communes qui entretiennent des liens de part et d’autre de cette limite et peuvent être découpés en sept secteurs géographiques distincts (hors frange francilienne). Bien qu’à dominante rurale dans leur ensemble, ces territoires sont pour certains structurés par des villes de taille significative. Par définition ouverts sur l’extérieur, la plupart des secteurs de frange bénéficient quand même d’une certaine autonomie économique. Certains présentent un fonctionnement relativement intégré, avec des relations importantes entre les versants normands et extra-normands, d’autres sont sujets à des influences plus diffuses et plus lointaines. De même, ces territoires ne répondent pas aux mêmes dynamiques, en matière de tendances démographiques et économiques ou de conditions de vie des habitants.
À l’occasion de l’élaboration du SRADDET (Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires), des enjeux spécifiques aux territoires de frange ont été identifiés. La Région a souhaité s’associer à l’Insee pour rassembler des éléments statistiques permettant d’objectiver la délimitation de ces franges ainsi que leur fonctionnement socio-démographique. Une première publication publiée en mars 2022 proposait un découpage statistique de ces franges, avec une vision globale de leurs caractéristiques. La présente étude propose une vision plus détaillée du fonctionnement socio-démographique des franges « interrégionales », parallèlement à la publication simultanée d’un volet spécifique consacré à la frange « francilienne ».
Sur le pourtour de la région, un nombre important de communes normandes entretiennent des liens, souvent étroits, avec des espaces situés de l’autre côté de la limite régionale. Réciproquement, la Normandie exerce une certaine influence sur les territoires qui la jouxtent. Sur la base de ces interactions ont été définis huit territoires de « frange » (figure 1 ; pour en savoir plus). La frange dite « francilienne » faisant l’objet d’une publication spécifique, la présente publication propose une analyse du fonctionnement des autres franges, qualifiées ici « d’interrégionales ».
graphiqueFigure 1 – Sept secteurs géographiques constituent les franges interrégionales de la Normandie

- Les données sont dans le fichier en téléchargement.
- Sources : Insee, recensement de la population 2018 – exploitation principale, base permanente des équipements 2020, distancier Metric-OSRM
Pris dans leur globalité, ces sept secteurs de franges interrégionales rassemblent 555 communes et environ 430 000 habitants, répartis de façon quasi-équilibrée de part et d’autre de la limite régionale (242 000 habitants du côté normand, soit 57 %). Les interactions entre chaque côté de la limite régionale sont elles aussi d’intensité comparable : 25 % des actifs résidant côté normand ont leur emploi hors-région, tandis que 20 % de ceux qui habitent dans les parties « extra-normandes » des franges travaillent dans une commune de Normandie.
Des territoires plutôt ruraux, mais relativement autonomes pour la plupart
Les sept secteurs de frange identifiés présentent toutefois des différences marquées selon certains critères. Ils se distinguent d’abord par leur taille démographique. Les deux secteurs les plus peuplés abritent de l’ordre de 100 000 habitants (Bresle – Somme, Alençon – Sarthe) alors que la population du plus petit secteur ne s’élève qu’à 16 500 (Sud-Ouest Orne – Mayenne). Dans tous les secteurs de frange la majorité de la population réside dans des communes peu denses (au moins 60 %), voire pour certains d’entre eux l’intégralité (Sud Manche – Bretagne, Sud-Ouest Orne – Mayenne). Malgré cette dominante plutôt rurale dans l’ensemble, on retrouve dans les franges des agglomérations de taille relativement importante, au premier rang desquelles l’unité urbaine d’Alençon avec ses 41 000 habitants, mais aussi des pôles moins peuplés, mais structurants localement (Eu – Le Tréport – Mers-les-Bains, Nonancourt, La Ferté-Bernard, Nogent-le-Rotrou, …). Dans quatre secteurs, la population est répartie à parts à peu près égales de chaque côté de la limite régionale, les trois autres s’étendent nettement plus du côté normand (Bray – Oise, Sud Eure – Eure-et-Loir et Sud-Ouest Orne – Mayenne). Les tendances démographiques sont elles aussi diverses entre les secteurs de frange : trois sont plutôt en croissance de population sur longue période, un plutôt en stagnation et enfin trois en baisse de population très sensible (cf. infra).
Bien que significativement ouverts sur l’extérieur, la plupart des secteurs de frange bénéficient d’une certaine autonomie économique. Cinq secteurs sur les sept étudiés présentent un rapport entre les emplois et les actifs occupés résidents supérieur à 90 % ; seuls Bray – Oise (81 %) et surtout Sud Eure – Eure-et-Loir (63 %) apparaissent moins « autonomes » de ce point de vue. Les secteurs de frange se différencient également en termes « d’intégration », mesurée par l’intensité des flux domicile-travail entre chaque versant du secteur, normand et extra-normand. Dans cette approche, les territoires de Bresle – Somme, Alençon – Sarthe et Perche – Sarthe – Eure-et-Loir peuvent être considérés comme des franges intégrées, qui « font territoire ». Bray-Oise et Sud Eure – Eure-et-Loir sont ceux qui présentent le moins d’interactions internes franchissant la limite régionale. Sud Manche – Bretagne et Sud-Ouest Orne – Mayenne correspondent à une situation intermédiaire.
Trois territoires de frange plus « intégrés »
Les secteurs de Bresle – Somme, Alençon – Sarthe et Perche – Sarthe – Eure-et-Loir apparaissent comme les plus « intégrés ». Dans les deux premiers, environ les trois quarts des actifs qui « passent la limite régionale » travaillent dans le versant immédiat, c’est environ deux actifs sur trois dans le troisième cité.
Le secteur Bresle – Somme (figure 2) connaît une tendance démographique défavorable dans l’ensemble. Sa population (92 000 habitants en 2018) est en recul sensible depuis plusieurs décennies, du fait d’un déficit migratoire important (notamment de jeunes), se traduisant par un vieillissement démographique rapide. L’économie locale conserve une densité d’emplois relativement élevée, avec une dimension industrielle qui reste importante malgré un net recul de l’emploi depuis une quarantaine d’années. Le taux de chômage est élevé dans ce territoire, avec des difficultés particulières pour les jeunes et pour les femmes sur le marché du travail. Le niveau de vie de la population est relativement faible et les indicateurs sociaux témoignent de difficultés notables (taux de pauvreté élevé, importance des minima sociaux). Les équipements ou services de gamme supérieure sont peu présents (notamment dans le secteur de la santé : spécialistes ou équipements spécialisés) mais l’accès aux services courants ne présente pas de difficultés particulières pour les habitants.
tableauFigure 2 – Flux d’actifs en emploi sur les différents secteurs de frange
Secteur | Versant | Type d’actifs | Volume d’actifs |
---|---|---|---|
Bresle-Somme | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 434 |
Bresle-Somme | Hors Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 3 322 |
Bresle-Somme | Hors Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 9 909 |
Bresle-Somme | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 4 169 |
Bresle-Somme | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 1 508 |
Bresle-Somme | Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 3 004 |
Bresle-Somme | Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 9 826 |
Bresle-Somme | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 2 425 |
Bray-Oise | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 399 |
Bray-Oise | Hors Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 490 |
Bray-Oise | Hors Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 1 170 |
Bray-Oise | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 2 603 |
Bray-Oise | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 1 590 |
Bray-Oise | Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 338 |
Bray-Oise | Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 5 202 |
Bray-Oise | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 1 921 |
Frange francilienne | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 211 |
Frange francilienne | Hors Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 1 630 |
Frange francilienne | Hors Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 2 704 |
Frange francilienne | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 9 219 |
Frange francilienne | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 26 807 |
Frange francilienne | Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 1 796 |
Frange francilienne | Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 64 094 |
Frange francilienne | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 10 944 |
Sud Eure - Eure-et-Loir | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 376 |
Sud Eure - Eure-et-Loir | Hors Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 846 |
Sud Eure - Eure-et-Loir | Hors Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 1 819 |
Sud Eure - Eure-et-Loir | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 3 560 |
Sud Eure - Eure-et-Loir | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 4 208 |
Sud Eure - Eure-et-Loir | Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 596 |
Sud Eure - Eure-et-Loir | Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 7 713 |
Sud Eure - Eure-et-Loir | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 5 248 |
Perche - Sarthe - Eure-et-Loir | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 134 |
Perche - Sarthe - Eure-et-Loir | Hors Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 1 173 |
Perche - Sarthe - Eure-et-Loir | Hors Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 8 635 |
Perche - Sarthe - Eure-et-Loir | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 3 279 |
Perche - Sarthe - Eure-et-Loir | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 2 039 |
Perche - Sarthe - Eure-et-Loir | Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 2 492 |
Perche - Sarthe - Eure-et-Loir | Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 5 757 |
Perche - Sarthe - Eure-et-Loir | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 1 367 |
Alençon - Sarthe | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 1 221 |
Alençon - Sarthe | Hors Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 5 655 |
Alençon - Sarthe | Hors Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 8 315 |
Alençon - Sarthe | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 3 947 |
Alençon - Sarthe | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 1 320 |
Alençon - Sarthe | Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 1 367 |
Alençon - Sarthe | Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 15 219 |
Alençon - Sarthe | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 2 900 |
Sud-Ouest Orne - Mayenne | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 111 |
Sud-Ouest Orne - Mayenne | Hors Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 199 |
Sud-Ouest Orne - Mayenne | Hors Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 781 |
Sud-Ouest Orne - Mayenne | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 554 |
Sud-Ouest Orne - Mayenne | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 451 |
Sud-Ouest Orne - Mayenne | Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 66 |
Sud-Ouest Orne - Mayenne | Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 2 709 |
Sud-Ouest Orne - Mayenne | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 1 328 |
Sud Manche - Bretagne | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 358 |
Sud Manche - Bretagne | Hors Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 862 |
Sud Manche - Bretagne | Hors Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 3 501 |
Sud Manche - Bretagne | Hors Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 3 662 |
Sud Manche - Bretagne | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant de l’autre côté de la limite régionale normande mais au-delà de l’autre versant de la frange | 1 164 |
Sud Manche - Bretagne | Normandie | Actifs résidant dans l'un des versants mais travaillant dans l'autre | 652 |
Sud Manche - Bretagne | Normandie | Actifs stables au sein de chaque versant du territoire | 6 945 |
Sud Manche - Bretagne | Normandie | Actifs résidant au sein de l’un des versants et travaillant en dehors de ce secteur de frange sans pour autant traverser la limite régionale normande | 3 244 |
- Sources : Insee, recensement de la population 2018 – exploitation principale
graphiqueFigure 2 – Flux d’actifs en emploi sur les différents secteurs de frange

- Sources : Insee, recensement de la population 2018 – exploitation principale
Le secteur d’Alençon – Sarthe (figure 2) présente lui aussi de fortes interactions internes, mais beaucoup plus « asymétriques », en raison de la présence de la ville d’Alençon qui jouxte la limite régionale côté normand. En effet, près de 30 % des actifs résidant dans le versant sarthois travaillent du côté normand, la proportion inverse n’étant que de 7 %, malgré des flux significatifs vers la ville du Mans. Le nombre d’habitants de ce territoire (105 000 habitants en 2018, dont 57 000 côté normand) est à peu près stable depuis une trentaine d’années, mais on observe une certaine poussée démographique du côté sarthois depuis les années 2000. En raison de la présence d’Alençon, la population est un peu plus jeune que dans les autres secteurs de frange, et composée d’un peu plus de cadres et d’étudiants. Elle bénéficie aussi d’une bonne implantation des services aux habitants, notamment de gamme supérieure (grâce aux pôles d’Alençon mais aussi de Mamers). L’emploi est relativement stable depuis les années 90, avec une forte composante tertiaire.
Le secteur Perche – Sarthe – Eure-et-Loir (figure 2) se caractérise aussi par un fonctionnement « intégré » et « asymétrique », mais avec dans son cas une partie normande plus dépendante de la face externe. En effet, 20 % des actifs du côté normand travaillent dans la partie extrarégionale de la frange, surtout à Nogent-le-Rotrou et à La-Ferté-Bernard, la proportion étant deux fois inférieure pour les flux inverses. Les deux versants de ce territoire se distinguent également par leurs tendances démographiques : la population de la partie normande est plus âgée et en faible croissance, elle est plus dynamique et plus jeune dans les parties eurélienne et sarthoise, notamment grâce à un excédent migratoire vis-à-vis de la région parisienne. Le niveau de vie dans ce territoire est relativement élevé dans l’ensemble, et l’offre d’équipements et de services y est diversifiée, particulièrement du côté “extra-normand” avec les pôles de Nogent-le-Rotrou et de La-Ferté-Bernard. L’activité touristique est peu importante, mais on recense beaucoup de résidences secondaires du côté normand (20 % du parc de logements). Le territoire a bénéficié d’une forte croissance de l’emploi jusqu’au début des années 2010 et d’une bonne résistance de l’industrie, encore très présente (31 % des emplois). L’économie locale est forte de 27 000 emplois pour 25 000 actifs occupés résidents : seulement un actif sur quatre travaille en dehors de la zone, le taux de chômage est très modéré.
Deux secteurs de frange moins « intégrés » et plus résidentiels
À l’inverse des territoires précédemment cités, deux secteurs de frange présentent un fonctionnement très peu intégré, Bray – Oise et Sud Eure – Eure-et-Loir (figure 2). Dans les deux cas, les actifs qui passent la limite régionale pour aller travailler ont assez rarement leur emploi dans l’autre versant de la frange, mais le plus souvent dans des pôles d’emploi plus éloignés.
Un tiers de la population du secteur Bray – Oise (soit 12 000 sur 36 000 habitants) est situé dans le département de l’Oise, avec une influence un peu significative de la partie normande, notamment du pôle de Gournay-en-Bray. À l’inverse, les actifs du côté normand sont surtout attirés par le pôle de Beauvais, situé « hors frange ». Le pôle de Formerie, dans l’Oise, a toutefois une petite influence sur le nord de la frange côté normand. Globalement, la population de ce territoire est en augmentation sensible depuis les années 80, notamment grâce à un excédent migratoire de familles avec enfants. Avec seulement 11 000 emplois pour près de 14 000 actifs résidents, et la moitié de ces derniers qui travaillent en dehors de la zone, cette frange apparaît comme de plus en plus « résidentielle ». L’emploi est relativement stable depuis plusieurs décennies (avec une assez bonne résistance de l’industrie locale, spécialisée dans les filières automobile et agroalimentaire). Seulement trois communes sont considérées comme pôles de services intermédiaires (Gournay-en-Bray, Forges-les-Eaux, Formerie), et le territoire bénéficie de peu d’équipements supérieurs, en particulier dans le domaine de la santé.
Le secteur Sud Eure – Eure-et-Loir se caractérise lui aussi par des flux internes peu nombreux. Le pôle de Verneuil d’Avre et d’Iton exerce une influence modérée sur la partie eurélienne du territoire, tandis que le côté normand est surtout attiré par l’agglomération de Dreux, située au-delà de la frange. Dans son ensemble, le territoire ressent aussi l’influence francilienne. Il se caractérise par une forte croissance démographique sur longue période, mais en voie de stagnation ces dernières années (61 000 habitants en 2018, dont 44 500 côté normand). Cette expansion a été portée par un excédent migratoire pour les familles avec enfants, originaires notamment du secteur de Dreux ou des Yvelines. Le territoire est relativement jeune et le niveau de vie de la population plutôt élevé. La densité d’équipements et de services est un peu faible sur place (notamment dans le domaine de la santé), mais les pôles d’équipements supérieurs d’Évreux et de Dreux sont proches. Ce territoire présente lui aussi une identité de plus en plus « résidentielle » : seulement 15 000 emplois pour près de 24 000 actifs résidents, la moitié de ces derniers travaillant en dehors de la zone (pôles de Dreux, d’Évreux, ou même de région parisienne).
Deux secteurs très ruraux, où les liens interrégionaux sont moins structurants
Deux derniers secteurs de frange, Sud Manche – Bretagne et Sud-Ouest Orne – Mayenne (figure 2), les plus à l’ouest de la région, correspondent à une situation intermédiaire entre les deux types précités. Ils présentent tous les deux une faible part d’actifs travaillant en dehors de leur région de résidence (moins de 15 %), mais ces flux interrégionaux se réalisent en proportion significative entre les deux versants de la frange (un tiers pour le premier territoire cité, la moitié pour le second), signe d’une certaine cohérence interne.
Le secteur Sud Manche – Bretagne a connu un fort recul démographique et économique jusqu’au début des années 2000, mais la population et l’emploi se sont stabilisés depuis une vingtaine d’années (53 000 habitants en 2018, dont un peu plus de 30 000 en Normandie). Un certain regain d’attractivité résidentielle s’est opéré, plutôt pour des populations relativement âgées. La population comporte une part importante d’agriculteurs, d’indépendants et de retraités. Cette frange bénéficie d’une assez forte densité d’emploi pour un territoire plutôt rural (18 500 emplois pour 20 500 actifs résidents), avec les deux-tiers des emplois se situant côté normand, notamment dans les pôles de Pontorson, Saint-James et Saint-Hilaire-du-Harcouët. Le taux de chômage y est très modéré. Avec la présence du Mont-Saint-Michel, les capacités d’accueil touristiques sont importantes (40 hôtels, 16 campings, un millier d’emplois liés au tourisme), mais les résidences secondaires peu nombreuses.
Sud-Ouest Orne – Mayenne, enfin, est de loin le moins peuplé des secteurs de frange (16 500 habitants, dont les trois quarts en Normandie) et le plus rural (aucune commune de plus de 3 000 habitants). Ses tendances démographiques sont similaires à celles du territoire voisin, Sud Manche – Bretagne : recul démographique enrayé depuis une vingtaine d’années et population âgée (plus de 40 % de retraités dans la population adulte). Les services de gamme supérieure sont très peu présents, mais les services courants sont à l’échelle de la population, notamment dans les pôles locaux de Bagnoles-de-l’Orne et de Lassay-les-Chateaux. Le territoire bénéficie d’un peu plus d’emplois (6 500) que d’actifs résidents (6 000), avec une part un peu élevée d’emplois agricoles mais aussi dans l’industrie, agroalimentaire notamment. L’activité touristique procure une proportion élevée des emplois locaux (un sur dix) et les résidences secondaires sont nombreuses (26 % du parc de logements).
Définitions
Usuellement, un navetteur est un actif en emploi travaillant dans une autre commune que dans celle où il réside. Dans cette étude, les navetteurs interrégionaux sont spécifiquement les actifs résidant en Normandie et occupant un emploi dans une autre région, ainsi que les actifs travaillant en Normandie et résidant dans une région limitrophe.
Pour en savoir plus
Brendler J., Follin J., Louza T., « La frange francilienne de la Normandie : un espace ouvert et riche en emplois, mais un dynamisme fortement ralenti », Insee Analyses Normandie n°102, juin 2022
Brendler J., Follin J., Louza T., « Sur le pourtour de la Normandie, des territoires de frange ouverts aux influences extrarégionales », Insee Analyses Normandie n°101, mars 2022
Maillard M., Sueur C., « Un regard sur la qualité de vie dans les territoires normands », Insee Analyses Normandie n°34, juin 2017