Insee Analyses Ile-de-France ·
Décembre 2021 · n° 145
1,8 million de Franciliens exposés à la pauvreté et 470 000 dans son halo Approche du « halo » de la pauvreté en Île-de-France
En 2018, en Île-de-France, 1,8 million de personnes sont en situation de pauvreté monétaire au regard du seuil national, soit 15,6 % de la population. Compte tenu du coût de la vie plus élevé en Île-de-France, s’y rajoutent environ 470 000 personnes dont le niveau de vie est inférieur à ce que serait ce seuil s’il était calculé au niveau régional. Le halo de la pauvreté ainsi défini concerne 3,9 % de la population de la région. La population dans le halo et celle exposée à la pauvreté vivent globalement dans les mêmes territoires et présentent un profil similaire : beaucoup de jeunes, de familles monoparentales et de locataires du parc social.
En revanche, le revenu des personnes dans le halo de la pauvreté provient plus souvent d’une activité professionnelle et moins souvent des prestations sociales. Toutefois, sans ces dernières, 70 % des personnes dans le halo basculeraient dans la pauvreté.
- 1,8 million de personnes sous le seuil de pauvreté monétaire
- La pauvreté monétaire et son halo toucheraient près de 20 % des Franciliens
- Les personnes en situation de pauvreté et dans le halo habitent dans les mêmes territoires...
- ... et vivent aussi fréquemment dans une famille monoparentale
- La moitié des Franciliens du halo de la pauvreté habitent dans le parc social
- Trois quarts des individus dans le halo ont comme ressource principale un salaire
- 70 % des individus dans le halo basculeraient en dessous du seuil de pauvreté sans les prestations sociales
- Un sentiment de dégradation de la situation financière lors de la crise sanitaire
- Encadré 1 - Stratégie territorialisée de prévention et de lutte contre la pauvreté en Île-de-France
- Encadré 2 - Des profils différents entre l’Île-de-France et la province
1,8 million de personnes sous le seuil de pauvreté monétaire
Caractériser les populations pauvres et/ou en précarité permet de cibler les actions de prévention et de lutte contre la pauvreté (encadré 1). En 2018, en Île-de-France, plus de 1,8 million de personnes vivent sous le seuil national de pauvreté monétaire, c’est-à-dire disposent d’un niveau de vie inférieur à 1 086 € par mois. La pauvreté ainsi définie concerne 15,6 % de la population, plaçant la région en cinquième position de l’ensemble des régions de France métropolitaine. Ce niveau est proche de celui observé lorsqu’on définit la pauvreté à l’aune des conditions de vie (15,9 % en 2014 d’après la dernière enquête Statistiques sur les ressources et conditions de vie).
La pauvreté monétaire et son halo toucheraient près de 20 % des Franciliens
Les personnes en situation de pauvreté monétaire font face à diverses difficultés telles que des privations alimentaires et matérielles, le mal-logement ou encore l’exclusion sociale. Ces difficultés sont amplifiées lorsque le coût de la vie est élevé ; c’est le cas dans la région parisienne où, selon l’enquête sur les comparaisons spatiales de prix de 2015, il est supérieur de 9 % en moyenne par rapport aux autres régions de métropole (hors Corse). Dans ce contexte, les contraintes monétaires pèsent plus fortement sur les personnes les plus démunies. En particulier, des populations dont le niveau de vie est à peine supérieur au seuil national de pauvreté peuvent se trouver en situation de précarité.
Pour caractériser ces personnes et déterminer ainsi les contours d’un halo de la pauvreté, une approche consiste à calculer un seuil de pauvreté par rapport au niveau de vie médian de l’Île-de-France plutôt qu’au niveau de vie médian national, le premier étant supérieur au second. De cette manière, le nombre de Franciliens supplémentaires pouvant être considérés comme pauvres au regard du coût de la vie dans la région est estimé à 470 000 : leur niveau de vie est compris entre 1 086 euros et 1 193 euros mensuels.
Avec cette approche régionalisée, l’Île-de-France pourrait être la région où la part des personnes considérées comme pauvres est la plus élevée de France métropolitaine, atteignant 19,5 % de la population : 15,6 % sous le seuil national de pauvreté et 3,9 % dans le halo ainsi défini. Ce résultat est cohérent avec le classement de l’Île-de-France en matière d’inégalités, la région étant la plus inégalitaire de France métropolitaine.
Les personnes en situation de pauvreté et dans le halo habitent dans les mêmes territoires...
La pauvreté monétaire n’est pas répartie de manière homogène au sein des territoires de l’Île-de-France et son taux varie du simple au triple selon les départements : 28 % en Seine-Saint-Denis contre 10 % dans les Yvelines (figure 1). La pauvreté est prégnante au nord de la région, particulièrement en Seine-Saint-Denis et dans le nord des Hauts-de-Seine, et atteint son plus haut niveau dans l’établissement public territorial (EPT) Plaine Commune (37 %) (figure 2). Elle est aussi plus présente dans certaines zones du Val-de-Marne ainsi que dans quelques territoires de grande couronne, notamment dans l’Essonne ou encore dans la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise dans le Val-d’Oise.
Les personnes appartenant au halo de la pauvreté vivent globalement dans les mêmes zones géographiques mais leur présence est plus diffuse sur le territoire ; elle est notamment un peu plus visible dans les territoires situés aux franges de la région. Leur poids dans la population départementale varie du simple (3,0 % dans les Yvelines) au double (6,2 % en Seine-Saint-Denis). Le halo de la pauvreté monétaire atteint à nouveau son plus haut niveau dans l’EPT Plaine Commune (7,6 %).
Le niveau de pauvreté est particulièrement élevé dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), lesquels regroupent les habitants le plus souvent en situation de grande précarité : 38 % des personnes y vivent sous le seuil de pauvreté, auxquelles s’ajoutent 9 % de personnes dans le halo de la pauvreté. Ces proportions sont trois fois plus élevées que hors QPV (respectivement 12 % et 3 %).
tableauFigure 1 – Proportion de personnes en situation de pauvreté en Île-de-France par département en 2018
Sous le seuil de pauvreté (1) | Dans le halo de la pauvreté (2) | En situation de pauvreté (1+2) | |
---|---|---|---|
Paris | 15,2 | 3,2 | 18,4 |
Hauts-de-Seine | 11,9 | 3,1 | 15,0 |
Seine-Saint-Denis | 28,4 | 6,2 | 34,6 |
Val-de-Marne | 16,6 | 4,2 | 20,8 |
Petite couronne | 19,1 | 4,5 | 23,6 |
Seine-et-Marne | 11,8 | 3,6 | 15,4 |
Yvelines | 9,7 | 3,0 | 12,7 |
Essonne | 13,1 | 3,7 | 16,8 |
Val-d'Oise | 17,2 | 4,5 | 21,7 |
Grande couronne | 12,8 | 3,7 | 16,5 |
Île-de-France | 15,6 | 3,9 | 19,5 |
- Lecture : en Seine-Saint-Denis, 28,4 % de la population vit sous le seuil national de pauvreté et 6,2 % dans le halo de la pauvreté, soit un total de 34,6 % vivant dans une situation de pauvreté.
- Source : Insee, Filosofi 2018.
tableauFigure 2a – Proportion de personnes en situation de pauvreté par EPCI et EPT franciliens en 2018
Codes EPCI | Libellé EPCI et EPT | Selon le seuil national |
---|---|---|
200017846 | CA Étampois Sud-Essonne | 12,7 |
200023125 | CC Les Portes Briardes entre Villes et Forêts | 8,4 |
200023240 | CC Pays de Nemours | 13,9 |
200023919 | CC Gâtinais Val de Loing | 12,9 |
200033090 | CC Plaines et Monts de France | 4,6 |
200033173 | CC de la Haute Vallée de Chevreuse | 3,5 |
200034130 | CC Gally Mauldre | 3,9 |
200035970 | CC Vexin Centre | 5,1 |
200037133 | CC du Provinois | 14,8 |
200040251 | CC Bassée-Montois | 8,4 |
200055655 | CA Roissy Pays de France | 22,9 |
200056232 | CA Communauté Paris-Saclay | 10,4 |
200056380 | CA Plaine Vallée | 12,2 |
200057859 | CA Coeur d'Essonne Agglomération | 12,4 |
200057958 | CA Paris - Vallée de la Marne | 14,1 |
200058477 | CA Val d'Yerres Val de Seine | 12,7 |
200058485 | CA Val Parisis | 12,1 |
200058519 | CA Saint-Germain Boucles de Seine | 9,1 |
200058782 | CA de Saint-Quentin-en-Yvelines | 11,5 |
200059228 | CA Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart | 18,9 |
200059889 | CU Grand Paris Seine et Oise | 14,9 |
200070779 | CC Brie des Rivières et Châteaux | 5,1 |
200071074 | CC Les Portes de l'Ile de France | 9,1 |
200072130 | CA du Pays de Meaux | 15,0 |
200072346 | CA du Pays de Fontainebleau | 8,6 |
200072544 | CC des Deux Morin | 11,3 |
200072874 | CC Val Briard | 5,7 |
200073013 | CC Carnelle Pays-De-France | 5,7 |
200073344 | CA Rambouillet Territoires | 5,0 |
200090504 | CA Coulommiers Pays de Brie | 9,9 |
247700032 | CC Moret Seine et Loing | 8,1 |
247700057 | CA Melun Val de Seine | 16,8 |
247700065 | CC du Pays de l'Ourcq | 11,9 |
247700107 | CC Pays de Montereau | 21,0 |
247700339 | CA Val d'Europe Agglomération | 7,4 |
247700594 | CA Marne et Gondoire | 9,5 |
247700644 | CC l'Orée de la Brie | 7,9 |
247700701 | CC Brie Nangissienne | 10,9 |
247800550 | CC du Pays Houdanais (partie francilienne) | 4,7 |
247800584 | CA Versailles Grand Parc | 6,5 |
247800618 | CC Cœur d'Yvelines | 3,7 |
249100074 | CC du Pays de Limours | 3,8 |
249100157 | CC des Deux Vallées | 5,6 |
249100546 | CC du Val d'Essonne | 5,8 |
249100553 | CC Entre Juine et Renarde | 4,6 |
249100595 | CC Le Dourdannais en Hurepoix | 8,3 |
249500109 | CA de Cergy-Pontoise | 16,3 |
249500430 | CC Sausseron Impressionnistes | 5,1 |
249500455 | CC de la Vallée de l'Oise et des Trois Forêts | 7,1 |
249500489 | CC du Haut Val d'Oise | 15,0 |
249500513 | CC du Vexin-Val de Seine | 8,1 |
217500016 | T1- Ville de Paris | 15,2 |
200057966 | T2- Vallée Sud Grand Paris | 10,7 |
200057974 | T3- Grand Paris Seine Ouest | 8,5 |
200057982 | T4- Paris Ouest La Défense | 10,4 |
200057990 | T5- Boucle Nord de Seine | 20,9 |
200057867 | T6- Plaine Commune | 36,9 |
200058097 | T7- Paris Terres d’Envol | 28,0 |
200057875 | T8- Est Ensemble | 28,4 |
200058790 | T9- Grand Paris Grand Est | 19,9 |
200057941 | T10- Paris Est Marne & Bois | 11,9 |
200058006 | T11- Grand Paris Sud Est Avenir | 16,1 |
200058014 | T12- Grand-Orly Seine Bièvre | 20,0 |
- Lecture : 15,2 % des Parisiens vivent sous le seuil de pauvreté.
- Source : Insee, Filosofi 2018.
graphiqueFigure 2a – Proportion de personnes en situation de pauvreté par EPCI et EPT franciliens en 2018

- Lecture : 15,2 % des Parisiens vivent sous le seuil de pauvreté.
- Source : Insee, Filosofi 2018.
... et vivent aussi fréquemment dans une famille monoparentale
Quelle que soit l’approche retenue pour mesurer la pauvreté monétaire (inclusion ou non du halo), les personnes concernées vivent principalement dans un ménage composé d’un couple avec enfant(s) (figure 3). Cette configuration familiale est la plus fréquente et concerne 41 % des Franciliens les plus pauvres du point de vue monétaire. Cependant, comme en province, les familles monoparentales sont fortement représentées (encadré 2). En Île-de-France, 20 % des personnes considérées comme pauvres (halo compris) vivent dans une famille monoparentale, contre 12 % pour l’ensemble des habitants d’Île-de-France. Les ménages complexes sont aussi plus représentés dans les populations considérées comme pauvres en Île-de-France : il s’agit le plus souvent de personnes vivant en colocation ou bien de ménages au sein desquels cohabitent plusieurs générations (le fait de se regrouper peut permettre de rationaliser des moyens financiers limités).
Compte tenu de la structure des ménages, propre à chaque département francilien, la part de personnes seules vivant sous le seuil de pauvreté ou appartenant au halo est plus importante à Paris que dans les autres départements (26 % contre 14 % pour l’ensemble des Franciliens). Les couples pauvres avec enfants sont davantage représentés en petite et grande couronnes (44 % contre 29 % pour les Parisiens).
Le taux de pauvreté et la proportion de personnes appartenant au halo dépendent de la composition familiale du ménage et notamment de l’âge des personnes (figure 4). La pauvreté concernant davantage les familles avec enfant(s) (familles monoparentales ou couples), c’est parmi les moins de 20 ans que la pauvreté est la plus élevée avec 22 % de personnes en situation de pauvreté et 5 % dans le halo. Ces taux sont également élevés parmi les quadragénaires (respectivement 15 % et 4 %), âges où, en moyenne, les enfants sont encore à charge. Après 50 ans, la pauvreté est moins présente, ces âges étant concernés par des revenus de deuxième partie de carrière souvent plus élevés mais surtout par le départ des enfants du foyer.
Malgré la diminution des revenus qui l’accompagne, le passage à la retraite n’entraîne pas de basculement dans la pauvreté : le taux de pauvreté continue en effet de baisser avec l’âge. Mais ce n’est pas le cas de la proportion de personnes appartenant au halo ; cette proportion reste constante (3 %) à partir de 60 ans, signe qu’une partie non négligeable de retraités se trouvent dans une situation de précarité monétaire élevée même avec un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté national.
tableauFigure 3 – Caractéristiques des personnes en situation de pauvreté en Île-de-France et en province en 2018
Île-de-France | Province | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Sous le seuil de pauvreté (1) | Dans le halo de la pauvreté (2) | Hors pauvreté et halo (3) | Ensemble de la population (1+2+3) | Sous le seuil de pauvreté (4) | Hors pauvreté (5) | Ensemble de la population (4+5) | |
Type de ménage | |||||||
Personne seule | 13,5 | 13,5 | 15,0 | 14,7 | 20,9 | 14,7 | 15,6 |
Couple sans enfant | 6,5 | 7,1 | 18,0 | 15,8 | 9,4 | 25,0 | 22,7 |
Couple avec enfant(s) | 41,3 | 42,3 | 46,5 | 45,5 | 38,9 | 45,2 | 44,4 |
Famille monoparentale | 19,8 | 19,3 | 10,4 | 12,2 | 24,6 | 9,3 | 11,5 |
Ménage complexe | 18,9 | 17,8 | 10,1 | 11,8 | 6,2 | 5,8 | 5,8 |
Total | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 |
Statut d’occupation du logement | |||||||
Propriétaire | 17,8 | 21,3 | 57,8 | 50,1 | 29,4 | 70,7 | 64,8 |
Locataire social | 49,1 | 52,5 | 20,0 | 25,9 | 37,6 | 9,9 | 13,9 |
Locataire privé | 33,1 | 26,2 | 22,2 | 24,0 | 33,0 | 19,4 | 21,3 |
Total | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 |
Origine principale du revenu | |||||||
Salaires et traitements | 59,2 | 73,0 | 76,5 | 73,8 | 45,9 | 65,3 | 62,7 |
Indemnités de chômage | 11,2 | 6,4 | 1,4 | 3,1 | 11,9 | 1,4 | 2,9 |
Revenus des activités non salariées | 3,2 | 1,7 | 2,6 | 2,6 | 5,0 | 3,8 | 3,9 |
Pensions, retraites et rentes | 14,6 | 16,4 | 17,8 | 17,2 | 22,9 | 27,4 | 26,7 |
Autres revenus | 2,1 | 0,8 | 1,6 | 1,6 | 2,6 | 1,8 | 1,9 |
Revenus déclarés nuls | 9,7 | 1,7 | 0,1 | 1,7 | 11,7 | 0,3 | 1,9 |
Total | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 |
Part des prestations sociales sur le niveau de vie | 36,5 | 24,2 | 2,9 | 5,0 | 38,9 | 4,3 | 6,3 |
- Lecture : en Île-de-France, 19,3 % des personnes dans le halo de la pauvreté vivent dans une famille monoparentale.
- Source : Insee, Filosofi 2018.
tableauFigure 4 – Proportion de personnes en situation de pauvreté par âge en Île-de-France en 2018
Tranches d’âge | Sous le seuil de pauvreté | Dans le halo de la pauvreté |
---|---|---|
70 ans ou plus | 7,7 | 3,0 |
De 60 à 69 ans | 11,0 | 3,0 |
De 50 à 59 ans | 13,1 | 3,2 |
De 40 à 49 ans | 14,9 | 3,8 |
De 30 à 39 ans | 13,7 | 3,5 |
De 20 à 29 ans | 15,9 | 3,7 |
Moins de 20 ans | 22,0 | 5,4 |
- Lecture : 14,9 % des personnes âgées de 40 à 49 ans sont sous le seuil de pauvreté et 3,8 % sont dans le halo.
- Source : Insee, Fidéli 2019.
graphiqueFigure 4 – Proportion de personnes en situation de pauvreté par âge en Île-de-France en 2018

- Lecture : 14,9 % des personnes âgées de 40 à 49 ans sont sous le seuil de pauvreté et 3,8 % sont dans le halo.
- Source : Insee, Fidéli 2019.
La moitié des Franciliens du halo de la pauvreté habitent dans le parc social
Le parc social, du fait de sa mission d’accueillir les habitants les plus modestes, loge la part la plus importante de personnes en situation de pauvreté mais aussi des personnes relevant du halo de la pauvreté. En effet, une sur deux vit dans un logement du parc social. Cette part est deux fois plus élevée que la part d’habitants logeant dans le parc social en Île-de-France. En revanche, les personnes appartenant au halo sont un peu plus souvent propriétaires : 21 % contre 18 % pour les individus sous le seuil de pauvreté. Ces derniers sont davantage locataires dans le parc privé (33 % contre 26 % pour ceux dans le halo).
Trois quarts des individus dans le halo ont comme ressource principale un salaire
Les personnes vivant sous le seuil national de pauvreté ont des revenus dont l’origine principale diffère de celles dont le niveau de vie les situe dans le halo de la pauvreté. Ainsi, 59 % des individus sous le seuil national de pauvreté vivent dans un ménage percevant principalement un revenu dont l’origine est salariale. Parmi les personnes du halo, cette proportion est plus élevée (73 %) et proche de celle des personnes n’étant pas exposées à la pauvreté (77 %). Par rapport aux personnes appartenant au halo, celles vivant sous le seuil de pauvreté sont, en proportion, plus nombreuses à vivre dans un ménage percevant principalement une indemnité chômage (11 % contre 6 %), voire à déclarer des revenus nuls (10 % contre 2 %). Dans une certaine mesure, c’est par la combinaison des revenus salariés et des prestations sociales que les individus dans le halo peuvent bénéficier d’un niveau de vie légèrement supérieur au seuil de pauvreté.
70 % des individus dans le halo basculeraient en dessous du seuil de pauvreté sans les prestations sociales
Les prestations sociales sont l’une des composantes de la redistribution monétaire, dont l’objectif est de réduire les écarts de niveau de vie entre les ménages et de limiter ainsi les inégalités. En Île-de-France, 80 % des personnes exposées à la pauvreté ou au halo bénéficient d’au moins une prestation sociale, perçue directement ou indirectement. Cette part descend à près de 50 % pour le reste de la population. En effet, un grand nombre de prestations sociales est soumis à conditions de ressources. Le poids des prestations sociales dans le niveau de vie est plus important pour les personnes sous le seuil de pauvreté que pour celles qui relèvent du halo. En moyenne, rapportées aux unités de consommation, les prestations sociales représentent 37 % du niveau de vie de la population en situation de pauvreté, contre 24 % pour les personnes du halo de la pauvreté. Cette différence s’explique par le niveau de vie moyen des deux populations : celle en situation de pauvreté a un niveau de vie moyen mensuel de 790 euros, contre 1 140 euros pour celle du halo de la pauvreté ; les montants des prestations sociales perçues sont quant à eux quasi équivalents (respectivement 290 euros et 275 euros mensuels par unité de consommation).
En l’absence de prestations sociales, la pauvreté monétaire serait accentuée et son taux passerait de 15,6 % à 22 % et une partie des personnes dans le halo (70 %) basculeraient de ce fait sous le seuil national de pauvreté.
L’effet redistributif des prestations sociales agit sur tous les territoires. Sans elles, la pauvreté, halo compris, toucherait 17 % des Yvelinois, contre 13 % actuellement ; en Seine-Saint-Denis, 43 % des habitants seraient concernés (contre 35 %).
Un sentiment de dégradation de la situation financière lors de la crise sanitaire
En Île-de-France, en 2020, un quart des individus exposés à la pauvreté estiment que leur situation financière est difficile et 7 % qu’ils ne peuvent pas s’en sortir sans s’endetter. Ces parts sont respectivement de 23 % et 4 % pour les personnes appartenant au halo de la pauvreté. Ainsi, la situation de ces dernières apparaît légèrement moins difficile. Néanmoins 41 % considèrent tout de même que leur situation financière est « juste et qu’il faut faire attention ».
Les populations pauvres ou en précarité financière sont les plus exposées en cas de crise, comme ce fut le cas lors du premier confinement avec l’épidémie de la Covid-19. En Île-de-France, 40 % des personnes appartenant au halo de la pauvreté ont indiqué un ressenti de la dégradation de leur situation financière lors du premier confinement ; ce ressenti est équivalent à celui des personnes vivant sous le seuil de pauvreté ; il est deux fois plus élevé que pour les personnes en dehors de la pauvreté et du halo (22 %).
Encadré 1 - Stratégie territorialisée de prévention et de lutte contre la pauvreté en Île-de-France
Lancée en 2018, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a pour ambition d’agir contre les inégalités de destin et de permettre une égalité des chances. En décembre 2020, elle est déclinée sur le territoire francilien. Cette adaptation à la région est d’autant plus importante que la crise actuelle accroît le risque de basculement vers la pauvreté des Franciliens les plus fragiles.
Ainsi, la stratégie territorialisée se structure en quatre axes : réduire la pauvreté des enfants et des jeunes, assurer des conditions de vie dignes à tous les Franciliens, mieux accompagner les personnes les plus éloignées de l’emploi vers le marché du travail et garantir l’accès des Franciliens à leurs droits sociaux.
Encadré 2 - Des profils différents entre l’Île-de-France et la province
En province, les profils des ménages en situation de pauvreté sont très différents de ceux de la région Île-de-France. La province se distingue par une part plus importante de familles monoparentales (25 % contre 20 % en Île-de-France) et de personnes seules (21 % contre 14 %). En outre, en province, la proportion de ménages dont le revenu principal provient d’une pension de retraite ou rente est plus importante (23 % contre 15 % des Franciliens en situation de pauvreté et 16 % des individus appartenant au halo de la pauvreté).
Le coût moins élevé de l’immobilier en province peut expliquer la part élevée de propriétaires au sein de la population en situation de pauvreté (30 %) en comparaison de l’Île-de-France (18 %), où le parc social prend une part nettement plus importante.
Sources
L’étude porte principalement sur les données du fichier localisé social et fiscal 2018 (Filosofi). Cette source est un rapprochement des données fiscales exhaustives en provenance de la Direction générale des Finances publiques (déclaration de revenus des personnes physiques, taxe d’habitation et fichier d’imposition des personnes physiques) et des données sur les prestations sociales émanant des organismes gestionnaires de ces prestations (Cnaf, Cnav, MSA). Ce rapprochement permet de reconstituer un revenu déclaré et un revenu disponible avec les prestations réellement perçues. L’étude n’inclut donc pas les personnes vivant en collectivité (centres d’hébergement…).
Les données issues du fichier démographique sur les logements et les individus (Fidéli) ont été utilisées pour l’analyse des âges et celles de l’enquête « épidémiologie et conditions de vie » (EpiCov) pour étudier l’effet du confinement.
Définitions
Un individu (ou un ménage) est considéré comme pauvre lorsqu’il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. En France et en Europe, le seuil est le plus souvent fixé à 60 % du niveau de vie médian. En 2018, le seuil de pauvreté est de 1 086 euros par mois pour une personne seule.
Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage (c’est-à-dire après impôts et prestations sociales) divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Les unités de consommation sont généralement calculées selon l’échelle d’équivalence dite de l’OCDE modifiée qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.
Les personnes dans le halo de la pauvreté sont au-dessus du seuil de pauvreté national mais sous le seuil de 60 % du niveau de vie médian régional, soit 1 193 euros par mois pour une personne seule en 2018. Cette approche du « halo » de la pauvreté ne revêt pas de caractère officiel et s’applique uniquement dans le cadre de cette étude. En effet, d’autres approches sont possibles, comme par exemple fixer un seuil à 70 % du revenu médian national.
Les ménages complexes sont des ménages au sein desquels cohabitent plusieurs générations, ainsi que les personnes vivant en colocation.
Les prestations sociales comprennent les prestations familiales, les minima sociaux et les aides au logement.
Pour en savoir plus
Tavernier J.-L., « Le taux de pauvreté serait stable en 2020 : ce que dit cette première estimation et ce qu’elle ne dit pas », Le blog de l’Insee, novembre 2021.
Bayardin V., Bertaux F., Herviant J., « En 2017, l’Île-de-France reste la région où les écarts de niveaux de vie sont les plus importants, notamment à Paris », Insee Analyses Île-de-France n° 135, mai 2021.
Bayardin V., Chemineau D., Glachant E., Guérin D., Herviant J., Jabot D., Martinez C., « En Île-de-France, la pauvreté s’est intensifiée dans les territoires déjà les plus exposés », Insee Analyses Île-de-France n° 76, décembre 2017.
Bayardin V., Chemineau D., Glachant E., Guérin D., Herviant J., Jabot D., Martinez C., « Un ménage francilien sur quatre concerné par une forme de pauvreté », Insee Analyses Île-de-France n° 73, novembre 2017.
Clé E., Jaluzot L., Malaval F., Rateau G., Sauvadet L., « En 2015, les prix en région parisienne dépassent de 9 % ceux de la province », Insee Première n° 1590, avril 2016.