En Île-de-France, la pauvreté s’est intensifiée dans les territoires déjà les plus exposés
En 2014, près d’un Francilien sur six est pauvre. Ce constat masque d’importantes disparités au sein de la région. Au nord-est de Paris et dans la plupart des quartiers prioritaires de la politique de la ville, plus d’un habitant sur quatre est pauvre tandis qu’à l’ouest de la capitale, la pauvreté concerne moins d’une personne sur vingt. Depuis 2008, la pauvreté a augmenté dans la région, mais davantage dans les communes où elle était déjà fortement présente, accentuant encore les inégalités. La pauvreté s’est intensifiée dans les communes où le chômage, le nombre de locataires ou le nombre d’immigrés ont le plus progressé.
- 15,6 % de pauvres en Île-de-France
- Des territoires inégaux face à la pauvreté en Île-de-France
- La pauvreté gagne du terrain dans la région
- La pauvreté s’est davantage accentuée dans les communes où elle était déjà élevée
- Le chômage et les difficultés sociales sont des facteurs d’accroissement de la pauvreté
- Les données provenant des sources Caf
15,6 % de pauvres en Île-de-France
En Île-de-France, 15,6 % de la population vit sous le seuil de pauvreté en 2014, soit un point de plus qu’en France métropolitaine. Ces personnes pauvres ont un niveau de vie inférieur à 1 008 € par mois. Le taux de pauvreté masque d’importantes disparités au sein de la région : il varie du simple au triple selon les départements. Localiser finement la pauvreté et mesurer son évolution ces dernières années est un enjeu majeur pour mieux cibler les mesures en faveur de la lutte contre la pauvreté.
Des territoires inégaux face à la pauvreté en Île-de-France
La pauvreté n’est pas répartie de manière homogène au sein de l’Île-de-France. Elle est prégnante au nord de Paris, particulièrement dans la partie ouest de la Seine-Saint-Denis, dans certaines zones à l’ouest du Val-de-Marne ainsi que dans quelques territoires de grande couronne, comme à Évry dans l’Essonne ou encore Pontoise dans le Val-d’Oise (figure 1). Dans certains quartiers, notamment ceux de la politique de la ville (QPV), le taux de pauvreté atteint jusqu’à 60 %. Les habitants de ces quartiers vivent fréquemment dans des logements sociaux et sont plus souvent en situation de grande précarité.
En Seine-Saint-Denis, près de trois habitants sur dix sont pauvres. Ce département est celui où le taux de pauvreté est le plus élevé de la région, mais également de France métropolitaine. La population est fortement touchée par le chômage et les actifs sont majoritairement ouvriers ou employés, catégories les plus vulnérables face à la pauvreté.
Dans le Val-de-Marne, le taux de pauvreté atteint 16,2 %, un niveau proche du niveau régional, mais dépasse 25 % dans certains territoires, notamment dans certains quartiers situés sur l’axe Ivry-sur-Seine – Villeneuve-Saint-Georges.
Les populations vivant dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines sont moins exposées à la pauvreté. Les taux de pauvreté y sont respectivement de 12,2 % et 9,5 %. Le contexte économique et social y est plus favorable : les taux de chômage sont les plus faibles de la région et les populations sont plutôt aisées dans leur ensemble. Les cadres représentent 37 % de la population active dans les Hauts-de-Seine et 30 % dans les Yvelines, contre 13 % en Seine-Saint-Denis. Cependant, certains territoires des Yvelines, notamment des quartiers prioritaires de Mantes-la-Jolie, n’échappent pas à la pauvreté.
À Paris, le taux de pauvreté est de 16,1 %, mais varie de 8,3 % dans le 7e arrondissement à 24,4 % dans le 19e arrondissement. Dans la capitale, la pauvreté est particulièrement intense. Le niveau de vie médian des personnes pauvres est de 747 € par mois, soit 261 € de moins que le seuil de pauvreté.
graphiqueFigure 1 – Des taux de pauvreté très inégaux au sein de la petite couronne
La pauvreté gagne du terrain dans la région
Entre 2008 et 2014, la hausse des salaires s’est ralentie, limitant la progression du niveau de vie. En 2014, les salaires ont augmenté de 0,3 % sur l’année en euros constants en France ; cette progression était deux fois supérieure en 2008 (+ 0,7 % en euros constants). Sur la même période, le chômage s’est fortement accru, fragilisant le niveau de vie d’une plus grande partie de la population. En 2014, le taux de chômage atteint 9 % dans la région, soit 2,6 points de plus qu’en 2008.
En Île-de-France, la pauvreté a augmenté de 3,5 points entre 2008 et 2014, soit trois fois plus qu’au niveau métropolitain. Elle s’est accentuée dans tous les départements et plus particulièrement en Seine-Saint-Denis (+ 7,1 points), qui était déjà le plus touché en 2008. La hausse a été plus modérée à Paris, dans les Yvelines et dans les Hauts-de-Seine (à peine plus de 2 points), ces deux derniers départements étant déjà les mieux lotis de la région en 2008 (figure 2). Ces évolutions n’ont fait qu’accroître les inégalités au sein du territoire francilien.
La pauvreté s’est davantage accentuée dans les communes où elle était déjà élevée
L'évolution de la pauvreté en Île-de-France peut également être analysée au niveau communal à partir des données sur les allocataires des Caisses d'allocations familiales (Caf) ayant des « bas revenus », le seuil de bas revenus étant très proche du seuil de pauvreté (Les données provenant des sources Caf).
Entre 2008 et 2014, la part des Franciliens percevant des bas revenus s’est accrue dans onze communes franciliennes sur douze. Elle n’a diminué que dans certaines communes peu peuplées de grande couronne et dans le 18e arrondissement de Paris (figure 3).
Comme au niveau départemental, la pauvreté a progressé plus fortement dans les communes où elle était déjà élevée. Les inégalités se sont particulièrement accentuées dans la métropole du Grand Paris (MGP) (figure 4). La pauvreté est encore plus prégnante dans l'ensemble des communes de Seine-Saint-Denis et dans une majorité de communes du Val-de-Marne. En revanche, elle n’a augmenté que faiblement dans les communes, plus aisées, de la moitié ouest de la MGP, ainsi que dans certains territoires un peu moins favorisés comme les arrondissements de l’est parisien et le nord des Hauts-de-Seine. En grande couronne, la pauvreté a surtout augmenté dans les communes comportant des QPV ou encore dans certaines communes situées aux franges de la région.
tableauFigure 2 – La pauvreté a fortement augmenté en Seine-Saint-DenisTaux de pauvreté 2014 par département (en %) et évolution depuis 2008 (en points)
Départements | Taux de pauvreté 2014 (en %) | Évolution du taux 2008-2014 (en points) |
---|---|---|
Paris | 16,1 | 2,2 |
Seine-et-Marne | 11,5 | 2,4 |
Yvelines | 9,5 | 2,2 |
Essonne | 12,5 | 3,4 |
Hauts-de-Seine | 12,2 | 2,1 |
Seine-Saint-Denis | 28,6 | 7,1 |
Val-de-Marne | 16,2 | 3,9 |
Val-d’Oise | 16,6 | 4,4 |
Île-de-France | 15,6 | 3,5 |
- Sources : Insee, revenus disponibles localisés (RDL) 2008 et FiLoSoFi 2014.
graphiqueFigure 2 – La pauvreté a fortement augmenté en Seine-Saint-DenisTaux de pauvreté 2014 par département (en %) et évolution depuis 2008 (en points)
graphiqueFigure 3 – La pauvreté s'accentue dans les communes où elle était déjà élevée
graphiqueFigure 4 – Un quart des communes à pauvreté élevée et en forte évolution se situe en Seine-Saint-Denis
Le chômage et les difficultés sociales sont des facteurs d’accroissement de la pauvreté
La pauvreté peut s’expliquer par de nombreux facteurs, notamment le contexte économique du territoire et la structure de la population. Certaines populations sont plus fréquemment touchées par la pauvreté que d’autres car elles s’insèrent plus difficilement sur le marché du travail ou en sont parfois exclues : les chômeurs, les jeunes de moins de 30 ans, les moins diplômés ou encore les immigrés qui, pour une partie, ne maîtrisent pas la langue française. Les locataires et les familles monoparentales constituent également des populations potentiellement fragiles, du fait de leurs plus faibles ressources.
Entre 2008 et 2014, la pauvreté s’est fortement accrue dans les communes où ces catégories de populations ont le plus fortement augmenté (figure 5).
Dans les communes abritant ces populations les plus vulnérables, le parc social est particulièrement développé. Or, d’après l’enquête nationale Logement, les revenus des locataires de ce parc ont constamment diminué entre 2006 et 2013 en France métropolitaine, entraînant une hausse de la part des ménages pauvres, en lien avec le renouvellement du parc. En effet, les sorties du parc social sont surtout le fait de ménages plus aisés, pouvant par exemple accéder à la propriété. Ces derniers sont alors le plus souvent remplacés par des ménages aux revenus plus faibles, ce qui contribue à renforcer la pauvreté. Les ménages quittant le parc social ont tendance à s’installer dans les zones géographiques où la pauvreté est moindre. Les communes moins touchées par la pauvreté accueillent, quant à elles, des habitants plutôt aisés, comme des cadres ou des propriétaires de leur logement. La cherté des loyers ou du foncier dans certains de ces quartiers constitue un frein à l’installation des personnes pauvres.
tableauFigure 5 – La part de personnes pauvres a le plus augmenté dans les communes où le chômage a fortement progresséPersonnes percevant des bas revenus et caractéristiques sociales de la population, selon la pauvreté en 2014 et l’évolution de la pauvreté depuis 2008
Groupe 1 | Groupe 2 | Groupe 3 | Groupe 4 | Ensemble* | |
---|---|---|---|---|---|
« Pauvreté élevée et forte évolution de la pauvreté » | « Pauvreté élevée et évolution plus faible de la pauvreté » | « Pauvreté moins élevée mais forte évolution de la pauvreté » | « Pauvreté moins élevée et évolution plus faible de la pauvreté » | ||
Part > 14,3 % | Part > 14,3 % | Part < 14,3 % | Part < 14,3 % | ||
Évolution > 2,3 pts | Évolution < 2,3 pts | Évolution > 2,3 pts | Évolution < 2,3 pts | ||
Part 2014 (en %) | |||||
Personnes percevant des bas revenus | 24,7 | 20,1 | 11,2 | 8,2 | 16,3 |
Évolution 2008 - 2014 (en points de %) | |||||
Personnes percevant des bas revenus | 4,2 | 1,3 | 3,0 | 1,3 | 2,7 |
Chômeurs | 2,5 | 1,5 | 1,9 | 1,2 | 1,8 |
Personnes seules | 0,5 | -0,2 | 0,7 | 0,1 | 0,2 |
Familles avec 3 enfants ou plus | 0,9 | 0,0 | 0,2 | -0,2 | 0,3 |
Locataires du privé | 0,9 | -2,0 | -0,1 | -1,3 | -0,6 |
Propriétaires | -0,9 | 0,7 | -0,6 | 0,4 | -0,1 |
Allocataires du revenu de solidarité active (RSA) | 2,6 | 1,3 | 1,3 | 0,6 | 1,5 |
Immigrés | 2,3 | 0,4 | 1,5 | 0,9 | 1,4 |
- * Ensemble des communes des 4 groupes. Les communes dont les données sur les bas revenus ne sont pas disponibles ne sont pas prises en compte.
- Lecture : le groupe 1 rassemble des communes dont la part des personnes à bas revenus est supérieure à 14,3 % en 2014 et dont la part a augmenté de plus de 2,3 points depuis 2008. Dans ce groupe, la part des chômeurs a augmenté de 2,5 points entre 2008 et 2014 (contre 1,8 point dans l’ensemble des communes).
- Sources : Caf 2008 et 2014 ; Insee, recensements de la population 2008 et 2014.
Les données provenant des sources Caf
Avec des informations concernant plus de deux millions d’allocataires franciliens, équivalent à une population couverte par les prestations des Caisses d’allocations familiales (Caf) de près de 6 millions de personnes, les données issues des fichiers de la branche Famille sont une source d’information privilégiée pour appréhender les conditions de vie de la moitié des Franciliens, notamment en matière de pauvreté et de précarité. Les populations en situation précaire sont très présentes dans les fichiers des Caf. Elles sont notamment identifiées par leur niveau de revenu inférieur à un seuil de bas revenus, proche du seuil de pauvreté.
La population de référence des Caf diffère de celle utilisée par l’Insee pour mesurer la pauvreté puisqu’elle exclut de son champ les agriculteurs, les allocataires ou les conjoints d’allocataires âgés de 65 ans ou plus, les étudiants percevant uniquement l’allocation logement et les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés en maisons d’accueil spécialisées. Les modalités de calcul du seuil de bas revenus des Caf diffèrent de celles du seuil de pauvreté, en revanche les seuils sont très proches : respectivement 1 028 € et 1 008 € par mois et par UC.
Pour comprendre
Le taux de pauvreté au sens des bas revenus, c’est-à-dire la part de la population percevant des bas revenus, varie de 1,3 % à 46,3 % selon les communes. L’évolution 2008-2014 varie de - 3,6 points à + 8,8 points. Pour définir les territoires selon leur taux de pauvreté 2014 et l’évolution 2008-2014, deux seuils ont été utilisés :
- la médiane des taux de pauvreté (au sens des bas revenus), pondérée par la population des communes en 2014 : 14,3 % ;
- la médiane de l’évolution des taux de pauvreté 2008-2014 pondérée par la population des communes : 2,3 points.
Quatre groupes de communes ont ainsi pu être définis :
- le 1er groupe comprend les communes dont le taux de pauvreté est « élevé » en 2014 et dont le taux a fortement augmenté depuis 2008 ;
- le 2e groupe comprend les communes dont le taux de pauvreté est « élevé » en 2014 et dont le taux a faiblement augmenté depuis 2008 ;
- le 3e groupe comprend les communes dont le taux de pauvreté est « faible » en 2014 et dont le taux a fortement augmenté depuis 2008 ;
- le 4e groupe comprend les communes dont le taux de pauvreté est « faible » en 2014 et dont le taux a faiblement augmenté depuis 2008.
Définitions
Revenu disponible : il comprend les revenus d’activité (nets des cotisations sociales), les revenus du patrimoine, les transferts en provenance d’autres ménages et les prestations sociales (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage), nets des impôts directs.
Niveau de vie : il est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Les unités de consommation sont généralement calculées selon l’échelle d’équivalence dite de l’OCDE modifiée qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.
Taux de pauvreté : il correspond à la proportion d’individus (ou de ménages) dont le niveau de vie est inférieur pour une année donnée à un seuil, dénommé seuil de pauvreté. En 2014, ce seuil correspond à 1 008 €par mois. Il est estimé à partir de la source FiLoSoFi (Fichier localisé social et fiscal) de l’Insee et est fixé à 60 % du niveau de vie médian.
Intensité de la pauvreté : c’est un indicateur qui permet d’apprécier à quel point le niveau de vie de la population pauvre est éloigné du seuil de pauvreté (écart relatif entre le niveau de vie médian de la population pauvre et le seuil de pauvreté). Plus cet indicateur est élevé et plus la pauvreté est dite intense, au sens où le niveau de vie des plus pauvres est très inférieur au seuil de pauvreté.
Allocataire à bas revenus : un foyer allocataire Caf est dit à « bas revenus » lorsque son revenu par UC est inférieur à 60 % du revenu médian par UC, soit 1 028 € par mois et par UC fin 2014. Il est calculé sur une population Caf de référence excluant agriculteurs, allocataires ou conjoints d’allocataires âgés de 65 ans ou plus, étudiants percevant uniquement l’allocation logement, bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés en maison d’accueil spécialisée.
Pour en savoir plus
Bayardin V., Chemineau C., Glachant E., Guérin D., Herviant J., Jabot D., Martinez C., « Un ménage francilien sur quatre concerné par une forme de pauvreté », Insee Analyses Île-de-France n° 73, novembre 2017.
Bidoux P-E., Couleaud N., « Les quartiers de la politique de la ville en Île-de-France : la pauvreté comme dénominateur commun, mais des profils socio-démographiques différents », Insee Analyses Île-de- France n° 57, mars 2017.
« Les conditions de logement en France », Insee Références, Édition 2017, février 2017.