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Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes · Avril 2021 · n° 89
Insee Flash Auvergne-Rhône-AlpesLa pauvreté dans les métropoles augmente entre 2013 et 2018

Jean Geymond, Aline Labosse (Insee)

En 2018, un habitant sur huit en Auvergne-Rhône-Alpes est touché par la pauvreté, une proportion ayant peu évolué depuis 2013, mais que la crise sanitaire actuelle pourrait augmenter. La région a toujours le 3e plus faible taux de pauvreté derrière les Pays de la Loire et la Bretagne, favorisé par un niveau de vie élevé et une croissance économique forte. Ce constat d’ensemble recouvre toutefois des réalités et des trajectoires très hétérogènes selon les territoires. Le Cantal est, par exemple, le 2e département français qui connaît la plus forte baisse du taux de pauvreté, mais Saint-Étienne est l’une des métropoles où la pauvreté augmente le plus fortement.

Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes
No 89
Paru le :Paru le07/04/2021

Entre 2013 et 2018, le des habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes a augmenté de 8,4 %, atteignant 22 480 euros par an, un montant supérieur de 7,7 % au niveau métropolitain (pour un écart correspondant à + 750 euros). Cette croissance concerne l’ensemble des départements de la région, de + 6,8 % pour le Puy-de-Dôme à + 10,7 % pour la Haute-Savoie. Toutefois, l’évolution de la pauvreté connaît des trajectoires plus variées et parfois contraires selon les territoires.

Une pauvreté plus faible en Auvergne-Rhône-Alpes

La pauvreté à l’échelle régionale suit sensiblement l’évolution nationale. Après une hausse entre 2013 et 2015, le taux de pauvreté a amorcé une baisse les deux années suivantes, puis s’est accentué de nouveau en 2018. Dans la région, ce sont ainsi 12,7 % des personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté (sources), malgré un contexte économique plutôt favorable. La crise provoquée par la pandémie de la COVID-19 pourrait toutefois fortement dégrader ce taux de pauvreté. Il revient ainsi à un niveau proche de celui de 2013, en gardant constamment un écart d’environ – 2 points par rapport au national (14,6 % en 2018). La pauvreté touche ainsi près d’un million d’habitants dans la région ; quatre sur dix résident au sein de ses métropoles.

Les évolutions départementales sont très contrastées. La pauvreté en Haute-Savoie, déjà faible, s’est amenuisée. Dans l’Ain et en Savoie, la pauvreté reste contenue. En revanche, la Loire, le Rhône, le Puy-de-Dôme, et dans une moindre mesure l’Isère, connaissent une hausse de leur taux de pauvreté, entraînée par celle de leur métropole. Enfin, dans les territoires ruraux, la pauvreté diminue peu (Drôme, Ardèche), modérément (Haute-Loire) ou beaucoup (Cantal). En revanche, l’Allier enregistre une légère hausse, affichant dès lors le taux de pauvreté le plus élevé des départements de la région.

Forte augmentation de la pauvreté dans les métropoles

Entre 2013 et 2018, les métropoles de la région, à l’instar des autres métropoles françaises, ont vu leur pauvreté augmenter plus fortement, de 1 point pour les métropoles de Lyon et de Grenoble et 2 points pour celles de Clermont-Ferrand et Saint-Étienne. Cette dernière compte 19 % de personnes pauvres (figure 1). Cette augmentation affecte toutes les tranches d’âge, mais deux catégories sont particulièrement touchées : les moins de 30 ans et les 50–59 ans. Situées aux extrémités d’entrée et de sortie du marché du travail, elles sont plus vulnérables. Si tous les types de ménage sont concernés par cette hausse, les foyers d’une seule personne – homme comme femme – sont davantage touchés. Dans les métropoles, ils correspondent plus qu’ailleurs à une population d’étudiants ou de jeunes travailleurs aux situations précaires. La part des élèves et étudiants parmi la population en âge de travailler croît plus vite dans les métropoles, et la proportion des 15–29 ans y est nettement plus élevée que dans le reste du territoire. La hausse de la pauvreté des familles monoparentales, plus représentées dans les grands pôles urbains, est en revanche freinée par des dispositifs d’allocations sociales et familiales ciblées.

Figure 1Taux de pauvreté en 2013 et 2018 dans les métropoles d’Auvergne-Rhône-Alpes et le reste de leur département

Taux de pauvreté en 2013 et 2018 dans les métropoles d’Auvergne-Rhône-Alpes et le reste de leur département
Taux de pauvreté (en %)
Département – Métropole Département hors métropole Métropole
2013 2018 2013 2018
Isère – Grenoble 10 10 13 14
Loire – Saint-Étienne 11 11 17 19
Puy-de-Dôme – Clermont-Ferrand 12 11 14 16
Rhône – Lyon 9 9 15 16
  • Lecture : le taux de pauvreté en 2018 dans la métropole de Lyon est de 16 %, contre 9 % dans le reste du département du Rhône.
  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2013 et 2018

Les territoires hors métropole connaissent des évolutions nettement plus favorables. Ils accueillent en effet des populations plus âgées que celle des métropoles, souvent moins exposées à la pauvreté. Dans le Rhône hors Métropole, la pauvreté stagne ainsi entre 2013 et 2018, à près de 9 %, soit 7 points de moins que dans la Métropole de Lyon. La situation est la même dans la Loire, en Isère et dans le Puy-de-Dôme, où la pauvreté dans le reste du département est largement inférieure à celle de leur métropole (8 points d’écart dans la Loire, respectivement 4 et 5 points dans les deux autres).

Genevois français : une pauvreté toujours plus basse

La pauvreté en Haute-Savoie baisse entre 2013 et 2018, passant sous la barre des 9 % (figure 2), et restant, année après année, le plus faible taux départemental de France. Cette évolution tient au niveau de vie très élevé de la population (1er département hors Île-de-France), de surcroît en forte hausse (2plus forte croissance sur la période). Les nombreux travailleurs frontaliers bénéficient du marché de l’emploi suisse offrant des revenus en moyenne plus élevés. Même les populations plus fragiles sont moins touchées par la précarité. Les familles monoparentales, nombreuses en Haute-Savoie, ont ainsi le plus faible taux de pauvreté à l’échelle nationale (19 % en 2018, 11 points de moins qu’en France métropolitaine), de même que les moins de 30 ans (12 % contre 22 %).

Figure 2Nombre de pauvres et taux de pauvreté par département en 2018 et évolution de ce taux entre 2013 et 2018

Nombre de pauvres et taux de pauvreté par département en 2018 et évolution de ce taux entre 2013 et 2018
Département Nombre de pauvres Taux de pauvreté (en %) Évolution de ce taux depuis 2013 et 2018
01 63 890 10,3 − 0,3 pt
03 50 460 15,5 + 0,5 pt
07 45 070 14,4 − 0,5 pt
15 17 860 13,0 − 1,8 pt
26 73 500 14,8 − 0,4 pt
38 138 180 11,3 + 0,2 pt
42 110 100 15,0 + 0,8 pt
43 26 780 12,1 − 0,8 pt
63 81 820 13,2 + 0,6 pt
69 249 450 14,2 + 0,7 pt
73 41 870 10,0 − 0,2 pt
74 70 000 8,9 − 0,4 pt
  • Lecture : en 2018, 249 500 habitants du Rhône sont considérés comme pauvres, soit 14,2 % de la population. Ce taux de pauvreté a augmenté de 0,7 point par rapport à 2013.
  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2013 et 2018

Figure 2Nombre de pauvres et taux de pauvreté par département en 2018 et évolution de ce taux entre 2013 et 2018

  • Lecture : en 2018, 249 500 habitants du Rhône sont considérés comme pauvres, soit 14,2 % de la population. Ce taux de pauvreté a augmenté de 0,7 point par rapport à 2013.
  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2013 et 2018

Limitrophes de ce département, l’Ain et la Savoie tirent également parti de cette situation. Entre 2013 et 2018, leur taux de pauvreté évolue peu, restant inférieur à 11 %, grâce notamment à un faible chômage. Dans l’Ain, le nord-est du département, et tout particulièrement le Pays de Gex, bénéficie des mêmes avantages apportés par le travail frontalier, et le quart sud-ouest profite des importantes opportunités d’emploi qu’offrent le Rhône et la Métropole de Lyon. La Savoie bénéficie d’une importante activité touristique dans les massifs montagneux, ainsi que de la proximité d’aires à la forte dynamique d’emploi : Annecy (Haute-Savoie), proche d’Aix-les-Bains, et Grenoble (Isère), à proximité de Chambéry.

Baisse de la pauvreté dans le Cantal et en Haute-Loire

Le Cantal et la Haute-Loire sont les départements ayant connu la plus importante baisse de leur taux de pauvreté dans la région sur la période 2013-2018, respectivement − 1,8 point et − 0,8 point. Cela résulte principalement de la baisse du nombre de personnes en âge de travailler, parmi lesquelles se trouvent les populations les plus touchées par la pauvreté. Cette chute est donc davantage la conséquence d’un vieillissement de la population que d’une réelle dynamique économique, tendance confirmée par la part élevée et grandissante des pensions et retraites dans le revenu des habitants.

L’Allier, la Drôme et l’Ardèche sont les départements où la pauvreté est la plus prégnante, mais elle évolue peu entre 2013 et 2018. Le taux de pauvreté est en hausse de 0,5 point dans l’Allier, le maintenant en haut du classement régional (15,5 %). À l’inverse, il diminue respectivement de 0,5 et 0,4 point en Ardèche et dans la Drôme. Leur situation reste cependant fragile, du fait de l’importance du chômage des jeunes, avec des taux de pauvreté restant respectivement les 4e et 3e plus élevés de la région.

Publication rédigée par :Jean Geymond, Aline Labosse (Insee)

Sources

Les données du Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) sont issues du rapprochement des données fiscales (déclaration de revenus, taxe d’habitation et fichier d’imposition) et des données sur les prestations sociales (Cnaf, Cnav, CCMSA). Le champ est celui des ménages fiscaux vivant en logement ordinaire dont le revenu disponible est positif ou nul.

Définitions

Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Le niveau de vie médian est la valeur qui sépare la population en deux : la moitié de la population a un niveau de vie inférieur, et l’autre moitié à un niveau de vie supérieur.

Le revenu disponible comprend les revenus d’activité (salaires, revenus d’activités non salariées), les revenus de remplacement (retraites et pensions, indemnités de chômage, indemnités de maladie), les revenus du patrimoine et les prestations sociales reçues (prestations familiales, minima sociaux et prestations logement), dont sont déduits les impôts directs.

Le taux de pauvreté correspond à la proportion d’individus pauvres, c’est-à-dire dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 60 % du niveau de vie médian (soit 1 087 euros par mois pour une personne seule en 2018 en France métropolitaine).

Pour en savoir plus

« Les retraités ont des niveaux de vie plus élevés malgré des situations de pauvreté dans le rural », Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes n° 106, octobre 2020

« Les habitants les plus aisés vivent à proximité de la Suisse et en périphérie des métropoles », Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes n° 81, octobre 2020

« Les transferts sociaux réduisent davantage les inégalités de revenu dans les pôles urbains », Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes n° 47, novembre 2017