Insee Flash GuadeloupeL’aire d’attraction des Abymes concentre 80 % des habitants et des emplois

Xavier Reif (Insee)

L’aire d’attraction d’une ville définit l’étendue de son influence sur les communes environnantes.

En 2017, l’aire d’attraction des Abymes est la plus importante de Guadeloupe. Elle concentre 81 % de la population devant Basse-Terre (13 %) et Bouillante (2 %). L’influence du pôle des Abymes, Baie-Mahault et Pointe-à-Pitre s’étend sur la moitié des communes de l’archipel. De nombreux déplacements entre le domicile et le lieu de travail convergent vers ce pôle.

Insee Flash Guadeloupe
No 147
Paru le :Paru le24/02/2021
Xavier Reif (Insee)
Insee Flash Guadeloupe No 147- Février 2021

La Guadeloupe compte trois Aires d’Attraction des Villes (AAV) : l’aire d’attraction des Abymes, la plus importante, l’aire de Basse-Terre et l’aire de Bouillante. Dans la lignée des anciennes aires urbaines, ce nouveau zonage associe deux entités : des pôles, espaces denses en population et en emplois, et leur couronne, zone d’influence déterminée par les déplacements domicile-travail (Pour comprendre). La couronne est ainsi composée des communes dont plus de 15 % des actifs travaillent dans un pôle. Le pôle et sa couronne forment l'aire d’attraction de la ville. Ces trois aires recouvrent 96 % de la population. Toutes les communes de Grande-Terre et Basse-Terre dépendent d’une aire. La population vivant dans les couronnes (66 %) est deux fois plus élevée que dans les pôles (30 %). En comparaison, la population vivant dans des pôles est nettement plus faible qu’en Martinique (41 %) et qu’au niveau national (51 %). Enfin, seulement 4 % de la population vit dans une commune hors influence d’un pôle, soit environ 15 000 personnes. Il s’agit des habitants des îles de Marie-Galante, Des Saintes et de La Désirade.

Trois aires d’attraction dont une prépondérante, celle des Abymes

L’aire des Abymes couvre 18 communes et s’étend sur les trois quarts du territoire de Guadeloupe (figure 1). Elle est de loin la plus peuplée (317 000 habitants, soit 81 % de la population de Guadeloupe). Son pôle est constitué de trois communes : Les Abymes (53 000 habitants), Baie-Mahault (31 000 habitants) et Pointe-à-Pitre (16 000 habitants). Ainsi, sa couronne regroupe 15 communes qui totalisent 217 000 habitants : l’ensemble des communes de Grande-Terre et sept communes de Basse-Terre.

L’ aire de Basse-Terre comprend sept communes, de Vieux-Habitants à Trois-Rivières, qui couvrent 11 % du territoire. Elle compte 51 000 habitants, soit 13 % de la population de la Guadeloupe, centrée sur la commune-pôle, Basse-Terre. Enfin, l’ aire de Bouillante ne comporte qu’une seule commune, Bouillante (7 000 habitants et 3 % du territoire).

Cette forte disparité démographique est accentuée par la baisse démographique qui affecte toutes les aires, mais elle est plus forte dans les aires les plus petites : avec respectivement une baisse de − 0,6 %, - 0,8 % et − 1,3 %, chaque année entre 2012 et 2017, dans l’aire des Abymes, de Basse-Terre et de Bouillante. Par ailleurs, la population des communes n’appartenant pas à une aire diminue de - 1,2 %.

55 % des emplois localisés dans les pôles

Les pôles concentrent plus d’emplois que d’habitants : 55 % des 127 000 emplois pour seulement 30 % de la population totale. À l’inverse, les couronnes regroupent 42 % des emplois et 66 % de la population. Enfin, les communes n’appartenant pas à une aire rassemblent seulement 3 % des emplois. Les pôles attirent les actifs habitant les communes-couronnes. Les pôles offrent ainsi au total 184 emplois pour 100 actifs occupés résidant dans ces pôles. À l'inverse, les couronnes, à vocation davantage résidentielle, n’offrent que 63 emplois pour 100 actifs occupés.

En France métropolitaine, les cadres et professions intellectuellement supérieures résident plus souvent dans les pôles, à proximité de leurs emplois. À l’inverse, les ouvriers habitent davantage en périphérie. Ce phénomène ne s’observe pas en Guadeloupe, ni dans l’aire des Abymes, ni celle de Basse-Terre. Par exemple, 5 % des personnes de 15 ans ou plus sont cadres dans les communes-pôles de l’aire des Abymes, comme dans sa couronne (figure 2). De même, 10 % des résidents de 15 ans ou plus sont ouvriers dans le pôle de l’aire des Abymes et 11 % dans la couronne. La répartition de la population par catégorie socio-professionnelle est donc très proche au sein de l’aire des Abymes et dans une moindre mesure, au sein de l’aire de Basse-Terre.

Les déplacements entre le domicile et le lieu de travail fortement orientés vers Jarry

La concentration des activités économiques au centre de l’île, conjuguée à la présence d’importantes infrastructures routières, favorise la convergence des déplacements dont plus de 90 % sont réalisés en voiture. En 2016, 36 % des actifs occupés sortent de leur communauté d’agglomération (CA) de résidence pour travailler dans une autre CA. Ces flux sont en constante progression depuis 10 ans.

En particulier, 31 000 salariés se rendent vers les communes-pôles de l’aire des Abymes où se trouve la zone industrielle de Jarry. Située sur la ville de Baie-Mahault, la zone industrielle de Jarry est la 3ᵉ plus grande de France. Elle s’étend sur environ 300 hectares et accueille de nombreuses entreprises industrielles et commerciales, notamment le Port autonome de Pointe-à-Pitre, le complexe World Trade Center (centre logistique de la CCI de Pointe-à-Pitre), les terminaux pétroliers de la SARA, et deux centrales électriques thermiques.

Parmi ces 31 000 salariés, 12 500 habitent une commune du nord de la Basse-Terre (comme Petit-Bourg, Sainte-Rose, Lamentin), plus de 9 000 le sud de la Grande-Terre (comme Le Gosier, Sainte-Anne, Saint-François) et près de 6 500 le nord de la Grande-Terre (Le Moule, Morne-à-l'Eau, Anse-Bertrand). Enfin, 3 000 salariés viennent du Grand-Sud-Caraïbe (Capesterre-Belle-Eau, Saint-Claude, Bouillante).

Le type d’habitat se différencie au sein des aires

En Guadeloupe, 70 % des ménages habitent dans des maisons individuelles. Dans l’aire des Abymes et de Basse-Terre, cette part atteint 80 % dans les communes-couronnes alors qu’elle n’est que de 50 % dans les pôles. Ainsi, la périurbanisation s’explique par la quête d’un foncier plus abordable et d’une amélioration des conditions de vie des ménages et se traduit par un éloignement progressif des populations de leur lieu de travail.

Dans les couronnes, les ménages sont plus souvent propriétaires de leur logement. La part des propriétaires s’élève à 41 % dans les communes-pôle de l’aire des Abymes contre 65 % dans la couronne. Le phénomène est identique dans l’aire de Basse-Terre avec respectivement 38 % de propriétaires dans le pôle et 64 % en couronne.

De plus, les ménages bénéficient de logements plus grands dans les communes-couronnes. En effet, deux tiers des ménages vivent dans un logement de plus de 60 mètres carrés dans les communes-pôle des Abymes, contre 78 % dans la couronne. De même, dans l’aire de Basse-Terre, avec 63 % de logements de plus de 60 mètres carrés dans le pôle contre 74 % en couronne.

Par ailleurs, 71 % des adultes ayant au moins un enfant vivent en couronne, alors qu’ils ne sont plus que 25 % dans les pôles.

Figure 1L’Aire d’attraction des Abymes s’étend sur 18 communesAires d'attraction des villes de Guadeloupe

  • Source : Insee, recensement de la population 2017.

Figure 2Les cadres et les ouvriers résident autant dans les pôles que dans les couronnesPart de la population de 15 ans ou plus selon les aires par catégorie socioprofessionnelle (en %)

Les cadres et les ouvriers résident autant dans les pôles que dans les couronnes - Lecture : Dans les communes-pôles de l’aire des Abymes, 5 % des 15 ans ou plus sont cadres ou exercent une profession intellectuelle supérieure.
Pôle de l’aire des Abymes Couronne de l’aire des Abymes Pôle de l’aire de Basse-Terre Couronne de l’aire de Basse-Terre Commune-pôle : Bouillante
Agriculteurs exploitants 0 1 0 1 0
Artisans, Comm., Chefs entr. 5 6 3 4 4
Cadres, Prof. intel. Sup. 5 5 2 5 3
Prof. Intermédiaires 13 12 9 13 10
Employés 21 18 21 19 17
Ouvriers 10 11 11 9 13
Retraités 20 23 25 25 28
Autres 27 25 29 24 25
Population de 15 ans ou plus 100 100 100 100 100
  • Lecture : Dans les communes-pôles de l’aire des Abymes, 5 % des 15 ans ou plus sont cadres ou exercent une profession intellectuelle supérieure.
  • Source : Insee, recensement de la population 2017.

Pour comprendre

Le zonage en aires d’attraction des villes (ZAAV) 2020 se substitue au zonage en aires urbaines (ZAU). L’aire d’attraction d’une ville définit l’étendue de son influence sur les communes environnantes, mesurée par les déplacements domicile-travail. Une aire est composée d’un pôle, défini à partir de critères de population et d’emploi, et d’une couronne constituée des communes dont au moins 15 % des actifs travaillent dans le pôle. Au sein du pôle, la commune la plus peuplée est appelée la commune-centre.

Cette approche fonctionnelle de la ville permet d’étudier les disparités territoriales selon deux dimensions : la taille de l’aire et la distinction entre centre et périphérie. Les aires d’attraction des villes sont des entités économiques cohérentes : une politique publique ciblée sur un pôle pourra avoir des conséquences sur l’ensemble de son aire d’attraction.

La définition des aires d’attraction des villes est cohérente avec les concepts européens et internationaux. Ainsi, la majorité des plus grandes aires coïncident avec les « cities » et « aires urbaines fonctionnelles » utilisées par Eurostat et l’OCDE pour analyser les structures urbaines. Le zonage en aires d’attraction des villes facilite ainsi les comparaisons internationales et permet de visualiser l’influence en France des villes étrangères.

Pour en savoir plus

Pégaz-Blanc O., De Bellefon M.-P., Audenaert D., « Aires d'attraction des villes : plus de 15-29 ans et de cadres dans les pôles et dans les grandes aires », Insee Première n° 1827, novembre 2020

De Bellefon M-P., Eusebio P., Forest J., Pégaz-Blanc O., Warnod R., « En France, neuf personnes sur dix vivent dans l’aire d’attraction d’une ville », Insee Focus n° 211, octobre 2020

Creignou A., « Un marché du travail tourné vers les services de proximité et les administrations » Insee Flash Guadeloupe, n° 138, septembre 2020