Insee Analyses GuyaneLa consommation des ménages porte la croissance Comptes économiques 2019 de la Guyane

Matthieu Cornut (Insee)

La croissance économique de la Guyane s’établit à + 4,1 % en 2019 après + 2,8 % en 2018 et dépasse la dynamique nationale (+ 1,5 %). Bénéficiant d’un contexte démographique plus vigoureux, la Guyane affiche une progression supérieure à la Guadeloupe (+ 0,6 %) et à la Martinique (+ 1,4 %).

La consommation des ménages et des administrations continue de progresser  : ils apportent respectivement 2,8 et 2,5 points de croissance. L’investissement privé, en hausse d’un tiers, atteint son plus haut niveau depuis 2014. Il prend le relais de l’investissement public, qui s’effondre

L’activité spatiale, en baisse, freine la croissance mais a peu d’influence à court terme sur les autres secteurs de l’économie.

Les exportations (hors spatial) reculent après le rattrapage observé en 2018 tandis que les importations s’érodent

Insee Analyses Guyane
No 47
Paru le :Paru le29/10/2020
Matthieu Cornut (Insee)
Insee Analyses Guyane No 47- Octobre 2020

Le produit intérieur brut de la Guyane progresse de 4,1 % en 2019 pour s’établir à 4,4 milliards d’euros. Le PIB par habitant atteint ainsi 15 163 euros, en hausse de 1,4 %. Il s’élève à 25 092 euros en Guadeloupe et 25 145 euros en Martinique dans un contexte de baisse démographique, contre 36 193 euros pour la France entière.

Figure 1La croissance accélère en 2019Les principaux agrégats et leur évolution (en millions d’euros courants et en %)

La croissance accélère en 2019
Millions d’euros courants Évolution en %
2019 Volume Prix Valeur Contribution
Produit intérieur brut 4 354 4,1 0,5 4,6 4,1
Consommation des ménages 2 670 4,6 0,9 5,6 2,8
Consommation des administrations publiques 2 101 5,3 0,6 5,9 2,5
Investissement 1 066 2,9 1,5 4,5 0,7
Imports de biens et services 2 890 -0,5 1,1 0,7 0,3
Exports de biens et services 1 284 -16,9 -0,2 -17,0 -6,3
Variation de stocks 133 /// /// /// 4,0
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

La consommation des ménages continue d’augmenter

Avec une croissance démographique dynamique (+ 2,6 %) et une inflation modérée (+ 0,9 %), la consommation des ménages est en hausse de 4,6 %. En contribuant à la croissance à hauteur de 2,8 points, elle en est, comme les années précédentes, le principal moteur.

Les revenus des ménages sont en hausse, qu’il s’agisse des salaires (+ 4,6 %) ou des revenus d’exploitation (+ 4,0 %) mais le taux d’épargne se rétracte de 0,8 point pour s’établir à 19,2 %. Dans le même temps, l’encours des crédits à la consommation progresse de 12,3 %.

La consommation de la majorité des produits suit logiquement la croissance démographique, mais quelques secteurs se démarquent. Le volume des ventes aux particuliers de biens manufacturés est en hausse (+ 7,7 %) et répond à la demande croissante d’équipements de la part des ménages guyanais. La consommation de carburants (+ 10,1 % en volume) suit également l’augmentation du parc automobile.

Le secteur de l’hébergement et de la restauration affiche une belle dynamique, avec une production en hausse de 5,8 % par rapport à 2018.

Les dépenses publiques, en hausse de 5,3 % en volume, participent à la croissance à hauteur de 2,5 points.

Figure 2La croissance guyanaise reste supérieure à la dynamique nationaleTaux de croissance du PIB en volume (en %)

La croissance guyanaise reste supérieure à la dynamique nationale
Guyane France entière
2013 2,2 0,6
2014 2,1 1,0
2015 0,8 1,1
2016 3,0 1,1
2017 -3,5 2,3
2018 2,8 1,8
2019 4,1 1,5
  • Note : Les estimations antérieures à 2019 sont révisées, voir encadré méthodologique en fin de document.
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 2La croissance guyanaise reste supérieure à la dynamique nationaleTaux de croissance du PIB en volume (en %)

  • Note : Les estimations antérieures à 2019 sont révisées, voir encadré méthodologique en fin de document.
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 3La consommation finale continue d’augmenterÉvolution de la consommation des ménages et des administrations publiques en volume (en %)

La consommation finale continue d’augmenter
Consommation des ménages Consommation publique
2015 -1,9 0,7
2016 1,4 3,7
2017 2,5 -2,0
2018 5,6 3,8
2019 4,6 5,3
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 3La consommation finale continue d’augmenterÉvolution de la consommation des ménages et des administrations publiques en volume (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Le secteur privé soutient l’investissement

La augmente plus modérément qu’en 2018 (+ 2,9 % contre + 3,8 %) et apporte 0,7 point de croissance du PIB. L’investissement privé, en hausse d’un tiers, atteint son plus haut niveau depuis 2014. Il prend le relais de l’investissement public, qui s’effondre de moitié à cause du retard dans le démarrage de grands chantiers.

Pour la deuxième année consécutive, les investissements du Centre National d'Études Spatiales baissent de 40 millions d’euros. Ils conservent un niveau qui reste supérieur à celui de 2016. Les hôpitaux de Kourou et de Saint-Laurent ont investi massivement en 2018 en faisant l’acquisition de deux machines IRM. Les travaux du pôle chirurgie du centre hospitalier de Cayenne, promesse du plan d’urgence pour la Guyane, se sont poursuivis. La conséquence de cet effort consenti en 2018 est que l’investissement des hôpitaux recule en 2019, sans que les investissements de l’État et des collectivités, pourtant en hausse, ne parviennent à compenser la différence.

L’investissement privé est mieux orienté, comme en témoignent l’encours des crédits à l’investissement des entreprises (+ 3,5 %) et l’encours des crédits immobiliers accordés aux ménages (+ 7,2 %).

Figure 4L’investissement profite du dynamisme du secteur privéMontant des investissement publics et privés (en millions d’euros courants)

L’investissement profite du dynamisme du secteur privé
Public Privé
2013 355,6 746,4
2014 279,1 812,9
2015 283,0 711,0
2016 249,1 731,1
2017 292,4 676,1
2018 405,7 614,1
2019 232,3 833,5
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 4L’investissement profite du dynamisme du secteur privéMontant des investissement publics et privés (en millions d’euros courants)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

L’activité spatiale ralentit

En procédant à neuf lancements au lieu des onze prévus, le spatial connaît en 2019 une baisse de production qui impacte toute la branche transport et entreposage. Les exportations de services de transport, principal débouché de la filière, chutent de 19,4 % et limitent la croissance de 5,7 points. L’augmentation de la production stockée et des stocks de produits manufacturés non utilisés tempère de 4 points cette baisse des exportations.

Outre cette limitation mathématique de la croissance, l’impact sur l’économie à court terme est limité. La préparation des deux lancements reportés a généré une activité habituelle et la masse salariale de la branche a même légèrement augmenté (+ 1,5 %).

Les exportations retournent à leur niveau de 2016

En excluant les dépenses des non-résidents de Guyane et les résultats du centre spatial, les exportations chutent en volume de 11,7 %, après une bonne année 2018 , conséquence du rattrapage d’activité qui avait suivi les mouvements sociaux de 2017. Elles retrouvent ainsi un niveau conforme à la moyenne des dix dernières années.

Les expéditions de biens manufacturés baissent de 8,8 % et retrouvent leur niveau de 2016, tout comme les exportations d’or. Les industries agro-alimentaires, en particulier la production de poissons surgelés, voient leurs exportations fondre.

Les dépenses des touristes, comptabilisées dans les exportations, augmentent de 3,5 % et apportent 0,1 point de croissance, hors effets induits. Elles représentent 2,2 % du PIB de la Guyane. Le nombre de visiteurs du Centre Spatial Guyanais (+ 27,9 %), du musée de l’espace (+ 1,9 %) et des îles du Salut (+ 2,7 %) est en hausse. En revanche, les invitations aux lancements reculent (– 31,5 %) en partie en raison de la baisse du nombre de lancements.

Figure 5Les exportations sont dépendantes du spatialMontant des exportations (en millions d’euros courants)

Les exportations sont dépendantes du spatial
Autres exportations Dépenses des touristes Transport et entreposage
2013 398,0 74,3 1086,2
2014 297,2 74,3 1075,8
2015 238,4 79,8 1144,8
2016 239,7 79,6 1136,6
2017 182,7 81,7 1142,1
2018 244,5 88,1 1214,9
2019 212,8 91,9 979,2
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 5Les exportations sont dépendantes du spatialMontant des exportations (en millions d’euros courants)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Les importations suivent la demande d’investissement

Les importations, qui baissent en volume de 0,5 %, participent à la croissance à hauteur de 0,3 point. Les activités spécialisées, scientifiques et techniques, principalement utilisées par le secteur du transport sont les principales responsables de cette baisse et chutent de 19,8 % dans le sillage de la baisse d’activité du centre spatial.

Les autres secteurs sont plutôt orientés à la hausse. Les importations de carburants augmentent de 10,5 % en réponse à la demande intérieure. Les acheminements de biens manufacturés sont en trompe-l’œil : si la hausse est limitée à 0,5 %, c’est que 2019 fait suite à une année 2018 marquée par l’importation de deux machines IRM et d’un remorqueur. Les importations de biens d’investissement, tels que les cellules photovoltaïques utilisées dans la construction de la centrale solaire de Savane des Pères ou encore les chaudières industrielles, sont en hausse.

La hausse concerne également les voitures, ainsi que les denrées alimentaires (+ 3,4 %), qui progressent légèrement plus vite que la croissance démographique.

Encadré - En 2020, la crise sanitaire stoppe la croissance

En 2020, la pandémie de Covid-19 met un coup d'arrêt brutal à l'économie mondiale. La France est confinée du 17 mars au 11 mai et le gouvernement instaure l'état d'urgence sanitaire le 24 mars. L'économie du pays tout entier, et donc de la Guyane, tourne au ralenti.

Avec un recul de l'activité de l'ordre de 20 %, on estime que la période du confinement national coûte à la Guyane 4 points de croissance annuelle. L'impact réel de la crise dépendra cependant de la reprise d'activité qui suivra la crise, tout en sachant que les mesures spécifiques liées au contexte sanitaire local particulier ont probablement amplifié la baisse de croissance mesurée initialement.

La consommation des ménages est l'agrégat économique le plus impacté du fait de la fermeture des commerces non essentiels, alors que la baisse des revenus est contenue par le dispositif exceptionnel de chômage partiel.

Au premier trimestre 2020, l’indicateur du climat des affaires (ICA) chute de 30 points et s’établit à 64,2, son plus bas niveau depuis sa création en 2001 pour rebondir à 77,1 points fin juin.

Pour comprendre

Les comptes économiques rapides : une estimation précoce de la croissance

Produits par l’Insee, en partenariat avec l’AFD et l’Iedom dans le cadre du projet Cerom, les comptes rapides 2019 de la Guyane reposent sur une modélisation macroéconomique alimentée par les premières données disponibles de l’année écoulée. Il ne s’agit pas des comptes définitifs : les estimations pourront faire l’objet d’une révision à chaque campagne jusqu’à ce que la totalité des données de l’année soient connues.

Les données de 2015 à 2018 présentées dans cette publication ont été révisées cette année.

Les comptes économiques sont en base 2014

Depuis 2017, les comptes économiques sont réalisés en base 2014. Les changements de base sont opérés régulièrement afin de tenir compte de l'évolution du fonctionnement de l'économie. Le dernier changement intègre les modifications conceptuelles et méthodologiques introduites par la mise à jour du Système Européen des Comptes paru en 2010 (SEC 2010). En particulier, le champ des dépenses comptabilisées en investissements est élargi pour inclure les dépenses en recherche et développement, ainsi que les systèmes d'armes. Le trafic de stupéfiants et la production de la banque centrale sont également pris en compte. Toutes les recommandations du SEC 2010 n'ont néanmoins pas été transcrites dans les comptes des Antilles et de la Guyane, soit qu'ils relèvent de la prérogative nationale, soit qu'ils ne sont pas jugés pertinents au niveau régional.

Les changements introduits par une base sont tels que deux comptes de bases différentes ne sont pas comparables en niveaux. Pour assurer la comparabilité des séries de comptes du passé avec la série de comptes élaborée dans la base actuelle, il est nécessaire de recalculer entièrement les premiers selon les concepts et méthodes retenus dans la base actuelle. Il n'est donc pas pertinent de comparer les chiffres publiés aujourd'hui en base 2014 avec les chiffres publiés précédemment en base 2005 ou 1995. Afin d'effectuer des comparaisons spatiales ou temporelle, il faut disposer de l'ensemble des données rétropolées en base 2014.

Des comptes rapides issus d’une modélisation de l’économie guyanaise

Le modèle utilisé pour construire les comptes rapides est un modèle macro-économique, de type keynésien, dit « quasi-comptable ». Il permet de projeter les comptes économiques d’une année donnée à partir d’hypothèses d’évolutions de l’offre et de la demande de biens et services. Aux Antilles-Guyane, ce modèle est construit avec 22 branches et 22 produits. Le modèle est basé sur le TES (Tableau des Entrées-Sorties) de la Comptabilité Nationale. En effet, ces relations comptables permettent d’assurer la cohérence du modèle en décrivant les équilibres nécessaires entre les ressources et les emplois pour chaque opération. La projection du compte se fait selon la méthode de Leontief, fondée sur les interactions entre branches, et celle de Keynes, fondée sur l’interaction revenu-consommation.

Définitions

La formation brute de capital fixe (FBCF) est constituée par les acquisitions moins les cessions d'actifs fixes réalisées par les producteurs résidents. Les actifs fixes sont les actifs corporels ou incorporels issus de processus de production et utilisés de façon répétée ou continue dans d'autres processus de production pendant au moins un an

Le Produit intérieur brut (PIB) mesure la richesse produite sur un territoire donnée, grâce à la somme des valeurs ajoutées des biens et services produits sur le territoire. Il est publié en volume et en valeur.

L’évolution en volume ou en « euros constants » permet de mesurer l’évolution du PIB d’une année sur l’autre, indépendamment de l’évolution des prix. Elle décrit l’évolution des quantités produites et fournit la croissance de l’économie.

L’évolution du prix du PIB mesure l’évolution de tous les prix présents dans l’économie : prix à la consommation des ménages (IPC), prix à la consommation des administrations, prix de l’investissement et prix du commerce extérieur.

L’évolution globale (volume et prix) fournit l’évolution du PIB en valeur.