Insee Conjoncture MayotteL’impact économique immédiat de la crise sanitaire liée au Covid-19 à Mayotte

Ourida Cherchem, Florian Rageot (Insee)

Depuis le déclenchement de la crise sanitaire liée au Covid-19, l’Insee propose toutes les deux semaines un point de conjoncture au niveau national, dans lequel une estimation de la baisse d’activité est produite. Le point de conjoncture national qui est diffusé ce jour fournit une nouvelle estimation de la baisse d’activité, mais aussi pour la première fois une analyse des disparités régionales ou départementales en la matière. Le présent communiqué présente et détaille les résultats obtenus sur Mayotte en matière d’évaluation de l’impact économique immédiat de la crise sanitaire.

Cette première mesure des effets directs de la période de confinement sur le produit intérieur brut fait état de l’ampleur du choc économique de cette crise sanitaire. Elle n’est toutefois qu’une première étape dans l’évaluation globale de la crise, puisque la reprise dépendra largement des ajustements des agents économiques et des contraintes extérieures, et par suite du temps qu’il faudra pour que les secteurs retrouvent le même taux d’activité qu’avant la crise sanitaire. Ce processus sera vraisemblablement progressif et différent selon les secteurs d’activité, il sera plus ou moins rapide à Mayotte qu’en métropole. Il fera l’objet d’une ou plusieurs évaluations ultérieures, en collaboration avec d’autres acteurs du champ de l’analyse économique.

Insee Conjoncture Mayotte
Paru le :Paru le02/06/2020
Ourida Cherchem, Florian Rageot (Insee)
Insee Conjoncture Mayotte- Juin 2020

L’activité économique mahoraise aurait diminué de 18 % à la suite des mesures de confinement prises pour lutter contre la pandémie mondiale du Covid-19. Bien que cette baisse soit deux fois moins forte qu’au niveau national, Mayotte n’a pas été épargnée. En effet, le secteur marchand a été touché dans la même ampleur qu’en métropole. C’est le poids important du secteur non marchand à Mayotte qui a permis d’amortir l’impact sur le PIB.

Une baisse de 18 % de l’activité économique à Mayotte

Ces mesures prises pour endiguer la crise sanitaire ont des conséquences lourdes sur l’activité économique : de nombreuses entreprises doivent réduire ou cesser leur activité. Dans ce contexte, nous évaluons à 18 % la perte d’activité immédiate à Mayotte liée à cette crise sanitaire.

Cette chute est brutale, (figure 1) mais néanmoins deux fois moins forte qu’au niveau national (33 %) et largement inférieure à ce qu’elle n’est dans les autres DOM (environ 28 % à La Réunion, aux Antilles et en Guyane).

Cette baisse d’activité plus faible pour Mayotte s’explique pour l’essentiel par une structure sectorielle de l’économie très différente de celle de la métropole et même des autres DOM. Peu touchés par la crise, les services non marchands pèsent plus lourd (deux fois plus) dans le PIB Mahorais.

A contrario, des secteurs très impactés par la crise comme l’industrie et l’hébergement-restauration sont très peu présents sur l’île. Sur le secteur marchand, l’impact estimé de cette crise sanitaire est équivalent au niveau constaté en métropole (- 35 % à Mayotte contre - 39 % pour le reste de la France).

Figure 1Une baisse plus atténuée que dans les autres DOM Baisse de l’activité dans les Dom et en France

en %
Une baisse plus atténuée que dans les autres DOM (en %)
Baisse d'activité
Mayotte -18,4
Réunion -27,3
Guyane -27,5
Martinique -28,3
Guadeloupe -28,3
France entière -33,2
  • Source : Insee, comptes nationaux et régionaux ; calculs Insee

Figure 1Une baisse plus atténuée que dans les autres DOM Baisse de l’activité dans les Dom et en France

  • Source : Insee, comptes nationaux et régionaux ; calculs Insee

Un secteur marchand très affecté, mais des effets contrastés selon les activités

La grande majorité des entreprises du secteur marchand est concernée par le fort ralentissement voire l’arrêt de la production. Les branches marchandes seraient ainsi touchées d’une ampleur comparable aux autres régions françaises, avec une perte d’activité de 35 % (figure 2). Les conséquences du confinement sont néanmoins très variables selon les branches d’activité : certaines branches sont très fortement ralenties (construction, commerce, hôtellerie-restauration, transport, etc.), tandis que d’autres le sont beaucoup moins (télécommunications, activités financières, industries agroalimentaires, etc.).

Figure 2Construction et commerce contribuent le plus à la baisse d'activitéContributions sectorielles à la baisse d’activité à Mayotte et en France

en points
Construction et commerce contribuent le plus à la baisse d'activité (en points)
Mayotte France
Construction -4,3 -4,2
Commerce -4,3 -4,9
Transport et entreposage -2,5 -2,7
Industrie* -2,0 -5,1
Services aux entreprises -1,6 -6,0
Services non marchands -1,4 -3,3
Autres secteurs -2,3 -6,8
  • * Hors agroalimentaire
  • Source : Comptes économiques de Mayotte

Figure 2Construction et commerce contribuent le plus à la baisse d'activitéContributions sectorielles à la baisse d’activité à Mayotte et en France

  • * Hors agroalimentaire
  • Source : Comptes économiques de Mayotte

Affecté par l’arrêt quasi-complet des chantiers, le secteur de la construction mahorais aurait une activité réduite de 90 % et contribuerait pour un quart à la baisse d’activité totale de 18 %. Compte tenu qu’il pèse encore plus dans le PIB mahorais, la contribution du commerce à la baisse d’activité serait d’un quart également, même si la baisse d’activité y est moins forte que dans la construction (54 %). Ce chiffre masque de fortes disparités entre des commerces non alimentaires et automobile à l’arrêt ou presque et des commerces alimentaires qui poursuivent pour la plupart leur activité pour subvenir aux besoins de la population.

La baisse d’activité dépasse aussi les 50 % dans d’autres branches des services marchands : transport, hébergement-restauration, activités récréatives et culturelles, services à la personne, associations, activités scientifiques et techniques… Leur poids dans l’économie mahoraise est néanmoins très faible, d’où une contribution à la baisse d’activité moindre que celle de la construction et du commerce.

Figure 3Tous les secteurs sont touchés par une perte d’activitéEstimation de la baisse d’activité liée aux mesures d’endiguement à Mayotte

Tous les secteurs sont touchés par une perte d’activité
Part dans le PIB Hypothèse de perte d'activité par rapport à la normale Contribution à la baisse d'activité
en % en points de PIB
Agriculture & Industrie agro-alimentaire 5 18 1
Industrie* 5 37 2
Construction 5 90 4
Commerce 8 54 4
Transport et entreposage 4 59 2
Hébergement et restauration 1 90 1
Services aux entreprises 3 51 2
Autres services marchands 17 4 1
Services non marchands 52 3 1
Total 100 18 18
  • *Hors agroalimentaire
  • Source : Comptes économiques de Mayotte

Des dispositifs d’aide largement utilisés : 10 000 salariés au chômage partiel

L’État a mis en place diverses mesures d’accompagnement et de soutien aux entreprises pour faire face à cette crise, telles que l’activité partielle (appelée aussi « chômage partiel »), les prêts garantis par l’État, un fonds de solidarité pour les petites entreprises, etc. Les employeurs ont largement mobilisé le dispositif de chômage partiel pour réduire leurs effectifs : 9 900 salariés appartenant à 1 100 entreprises sont concernés à Mayotte au 28 avril. Le dispositif de chômage partiel vise à limiter au maximum les licenciements.

Toutefois, le confinement se traduit également par un fort ralentissement des embauches ou des renouvellements de contrat. Les entreprises informelles représentent les deux tiers des entreprises à Mayotte et ne sont de fait pas incluses dans ces dispositifs d’aides. Les personnes occupant un emploi informel sont donc victimes pour beaucoup d’une chute de leurs revenus. Ainsi, un dispositif d’aide alimentaire supplémentaire, a été mis en place à Mayotte par le Gouvernement, le Département et d’autres acteurs économiques locaux : 4 000 colis alimentaires ont été distribués dans la commune de Chirongui le 3 avril et 2 millions d’euros de bons alimentaires devraient être attribués entre avril et mai.

Un secteur public qui amortit la baisse d’activité

Les services principalement non-marchands (administrations publiques, enseignement, santé humaine, action sociale publics ou privés) jouent un rôle d’amortisseur des crises économiques dans les départements d’outre-mer. Avec un poids de 52 % dans l’économie mahoraise contre 22 % au niveau national, ces secteurs principalement non marchands ne perdraient que 3 % de leur activité par rapport à la normale, contre 35 % dans les secteurs marchands. La prise en compte des services non marchands en comptabilité nationale retient le plus souvent l’hypothèse d’une valorisation par leurs coûts de production, principalement salariaux, ce qui les rend très inertes par nature. Le recul de l’activité y est donc moins marqué, par convention.

Pour comprendre

Les résultats présentés ici proviennent d’une approche « production » de l’économie mahoraise : le produit intérieur brut (PIB) est estimé à partir de la somme des valeurs ajoutées des branches qui le composent, augmenté des impôts moins les subventions sur les produits.

L’évaluation des évolutions d’activité liées au confinement est réalisée sur 68 branches. Elle s’appuie sur les évolutions sectorielles évaluées au niveau national par l’Insee, qui ont été confrontées aux caractéristiques départementales (structure de l’économie, décisions des pouvoirs publics propres aux territoires, informations locales) de manière à affiner certaines évaluations. Ces taux d’activité ainsi déterminés sont ensuite agrégés au niveau supérieur en utilisant le poids de la valeur ajoutée de chaque branche dans le PIB mahorais, permettant d’aboutir aux 9 taux d’activité sectoriels publiés.